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Loe raamatut: «Les enfants des bois», lehekülg 8

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CHAPITRE XXII
LES HYÈNES

La fatigue aurait dû procurer aux travailleurs un doux sommeil; mais il ne leur fut pas permis de le goûter. A peine avaient-ils les yeux fermés, que des bruits étranges les arrachèrent à cet état de rêverie qui précède l'assoupissement. Il leur sembla entendre des éclats de rire qu'on aurait pu attribuer à des voix humaines. Ils ressemblaient parfaitement aux ricanements aigus d'un nègre en délire. On aurait dit que les hôtes de quelque Bedlam de nègres avaient brisé les portes de leur prison, et se répandaient dans la campagne. Les sons devenaient de plus en plus perçants; il était évident que ceux par lesquels ils étaient poussés se rapprochaient du camp. C'étaient des cris confus, si variés que le plus habile ventriloque aurait vainement essayé de les reproduire. Les voix hurlaient, grommelaient, soupiraient, grognaient, sifflaient, caquetaient, aboyaient. Tantôt elles lançaient une note brève et aiguë, tantôt elles traînaient longuement un gémissement plaintif. Par intervalles régnait un profond silence; puis le sauvage concert recommençait, et le signal en était donné par ce ricanement humain qui surpassait en horreur tous les autres sons.

Vous supposez que ce chœur épouvantable dut jeter l'alarme dans le camp. Il n'en fut rien. Personne n'eut peur, pas même Gertrude, pas même le petit Jean. S'ils n'avaient pas été familiarisés avec ces étranges clameurs, ils auraient éprouvé l'effet qu'elles devaient naturellement produire; mais Von Bloom et sa famille avaient trop longtemps vécu dans les déserts africains pour ne pas savoir à quoi s'en tenir. Dans les hurlements, dans les jacassements, dans les glapissements, ils avaient reconnu les cris du chacal.

Le rire, c'était celui de l'hyène.

Au lieu d'être effrayés et de sauter à bas de leurs lits, nos aventuriers écoutèrent tranquillement. Von Bloom et les enfants couchaient dans la charrette; Swartboy et Totty étaient étendus sur le sol auprès des feux, dont la lumière les garantissait de l'approche de toutes bêtes fauves.

Cependant, en cette circonstance, les hyènes et les chacals semblaient être aussi nombreux que hardis. Quelques minutes après avoir annoncé leur présence, ils faisaient un tintamarre qui eût été désagréable, quand même on n'aurait pas su à quels animaux l'attribuer.

Enfin, ils se rapprochèrent tellement, qu'il était impossible de regarder de n'importe quel côté sans voir briller à la lueur des feux des yeux rouges ou verdâtres. On pouvait remarquer encore les dents blanches des hyènes, qui ouvraient leurs gueules hideuses pour pousser leur rauque éclat de rire.

Avec un pareil spectacle devant les yeux, avec un pareil vacarme dans les oreilles, il n'était guère facile de dormir, malgré l'excès de la fatigue. Non-seulement on ne pouvait songer au sommeil, mais encore tous, sans en excepter le porte-drapeau, commencèrent à s'inquiéter. Jamais ils n'avaient vu de bandes aussi considérables; il n'y avait pas autour du camp moins d'une cinquantaine de chacals et de deux douzaines d'hyènes tachetées. Von Bloom savait que dans les circonstances ordinaires ces derniers animaux n'étaient pas dangereux. Cependant ils attaquaient parfois l'homme, ce que lui rappelèrent ensemble Swartboy, instruit par l'expérience, et Hans, éclairé par ses lectures.

Les hyènes étaient si voraces qu'il devenait nécessaire de faire contre elles une démonstration. Von Bloom, Hans et Hendrik, armés de leurs fusils, sortirent de la charrette, tandis que Swartboy saisissait son arc et ses flèches. Tous les quatre se tinrent derrière le tronc du figuier-sycomore, du côté opposé à celui où les feux étaient allumés. C'était une position bien choisie; ils s'y trouvaient cachés et pouvaient observer sans être vus tout ce qui se présentait à la lueur des brasiers.

Ils étaient à peine installés quand ils s'aperçurent qu'ils avaient commis une impardonnable négligence. Pour la première fois ils devinèrent que la chair de l'éléphant attirait seule un si grand nombre d'hyènes, et qu'ils avaient eu le tort de la pendre trop bas. En effet, tandis qu'ils surveillaient les festons rougeâtres, une bête au poil hérissé se dressa sur ses pattes de derrière, enleva un morceau choisi et disparut dans les ténèbres. On entendit les pas de ses compagnes qui s'élançaient pour prendre leur part du butin, et bientôt toute la bande aux yeux étincelants et aux dents blanches se tint prête à un assaut général.

Aucun des chasseurs n'avait fait feu; leur poudre et leur plomb étaient trop précieux pour être inutilement gaspillés, et l'agilité que les hyènes mettaient dans leurs mouvements rendait presque impossible de les viser. Animées par leur succès, elles s'avançaient en bon ordre et seraient indubitablement parvenues à emporter presque toute la provision de biltongue; c'est ainsi qu'on désigne la viande d'éléphant conservée par la dessication.

– Nos fusils ne nous servent à rien, dit Von Bloom, mettons-les de côté et occupons-nous de serrer le biltongue; autrement, si nous voulons le défendre, nous sommes dans la nécessité de veiller jusqu'à demain.

– Mais comment, demanda Hendrik, le placer hors de la portée des hyènes?

– Nous pourrions, répondit le fermier, l'empiler dans la charrette; malheureusement notre chambre à coucher se trouverait rétrécie, il vaudrait mieux tâcher d'exhausser nos traverses; mais dans l'obscurité il est difficile de couper d'autres pieux.

– J'ai une proposition à faire, dit Hans: il faut lier ensemble quelques-unes de nos perches, et nous établirons sur les fourches supérieures nos traverses horizontales. La viande ainsi suspendue sera à l'abri des hyènes et des chacals.

Le projet de Hans fut adopté à l'unanimité. En réunissant plusieurs perches, on donna à l'échafaudage une douzaine de pieds de haut; les traverses ayant été posées, Von Bloom les garnit de biltongue en montant sur un des coffres de la charrette.

Lorsque cette opération fut terminée, le trio des chasseurs reprit son poste à l'ombre du nwana, avec l'intention d'épier la conduite des maraudeurs.

Ils n'eurent longtemps à attendre. Au bout de cinq minutes, la bande revint à la charge en hurlant, en ricanant et en glapissant comme par le passé; seulement ces différents cris n'exprimèrent cette fois que le désappointement et la fureur.

Hyènes et chacals virent du premier coup d'œil que les appétissantes guirlandes n'étaient plus à leur portée; toutefois ils ne voulurent pas déserter la place sans s'être assurés bien positivement du fait; les plus gros et les plus courageux des deux espèces se placèrent sous l'échafaudage et s'efforcèrent d'atteindre le biltongue. Après des bonds réitérés mais infructueux, ils se découragèrent et ils allaient s'éloigner tranquillement, à l'exemple du renard de la fable, lorsque Von Bloom, furieux d'être si désagréablement dérangé à cette heure indue, résolut de se venger des persécuteurs. Il donna le signal, et trois coups de fusils partirent à la fois. Cette décharge inattendue dispersa l'ennemi, qui laissa sur le sol trois cadavres. Deux hyènes avaient mordu la poussière, et la flèche empoisonnée de Swartboy avait pénétré dans les flancs d'un chacal.

Les chasseurs chargèrent leurs fusils et reprirent leur poste; mais après une demie-heure d'attente, ils crurent pouvoir se retirer. Une heureuse diversion s'était opérée, les hyènes et les chacals avaient découvert les restes de l'éléphant et s'étaient jetés dessus.

Pendant toute la nuit, on les entendit se quereller, gronder, rire et japper autour de leur proie, qu'ils allaient chercher en plongeant dans les eaux du lac.

Von Bloom et ses enfants ne s'amusèrent pas à écouter ce bruit; dès qu'ils furent certains que les bêtes féroces ne reviendraient plus au camp, ils rentrèrent dans leur lit et goûtèrent le doux sommeil qui suit une journée de travail.

CHAPITRE XXIII
L'OUREBI

Le lendemain matin, les hyènes et les chacals avaient disparu sans laisser la moindre parcelle de la chair de l'éléphant.

L'énorme squelette était entièrement dépouillé, les rudes langues de hyènes en avaient même poli les os. Chose plus étonnante encore, deux chevaux, qui achevaient dans la prairie leur triste existence, avaient été abattus pendant la nuit et disséqués aussi nettement que l'éléphant. C'était une preuve que les animaux voraces abondaient autour du camp, et leur présence était de bon augure, car ils ne se montrent que dans les localités giboyeuses.

En examinant les bords du lac, on constata que des bêtes de diverses espèces y étaient venues boire.

On reconnut le sabot rond et solide du couagga et de son congénère le dauw, puis l'empreinte nettement dessinée de l'antilope gemsbock et la trace plus large de l'élan. Au milieu de toutes les marques éparses sur le rivage, Von Bloom ne manqua pas d'observer celles du lion; on ne l'avait pas entendu rugir; mais il était certain qu'il hantait la contrée, à la piste des couaggas, des gemsbock et des élans, qui sont sa proie favorite.

La famille travailla peu ce jour-là. La préparation du biltongue et la surveillance que les maraudeurs avaient exigée avaient épuisé les forces de Von Bloom et de ses compagnons. Ils étaient disposés à l'oisiveté. Cependant Swartboy nettoya les pieds d'éléphant après les avoir tirés du four, et disposa le biltongue de manière à en accélérer la dessication. Von Bloom emmena loin du camp les trois chevaux qui restaient et qui n'avaient pas deux jours à vivre. Il mit fin à leurs souffrance et fit acte de charité en leur envoyant à chacun une balle à travers le cœur.

De tous les bestiaux du porte-drapeau, il ne restait plus que la vache, de laquelle on appréciait les services, et qui était l'objet de soins particuliers. Sans le lait qu'elle fournissait en abondance, l'alimentation de la famille aurait été d'une nature assez sauvage. Tous les jours on conduisait la précieuse bête dans le meilleur pâturage, et le soir elle rentrait dans un kraal d'épines qu'on avait construit pour elle à peu de distance du nwana. Ces épines, dont les racines étaient placées à l'intérieur, formaient avec leurs cimes touffues des chevaux de frise qu'aucun animal n'était tenté de franchir. Une haie pareille est impénétrable même pour le lion, à moins qu'il n'ait été provoqué et qu'il ne se connaisse plus.

Pour permettre à la vache d'entrer et de sortir, on avait ménagé une ouverture dont la porte était un grand buisson.

Après la vache, le seul animal domestique du camp était le faon de springbok, le favori de Gertrude; mais le jour même, il eut un compagnon non moins gracieux que lui et de proportions encore plus délicates. C'était le faon d'un ourebi, une des antilopes élégantes dont on trouve tant de variétés dans les plaines et dans les bois de l'Afrique méridionale.

Cette jolie bête fut un cadeau de Hendrik, qui apporta en même temps pour dîner de la venaison que tout le monde, à l'exception de Swartboy, préféra au rôti d'éléphant.

Il était sorti vers midi, croyant avoir vu un animal rôder près du camp. Après avoir fait un demi-mille dans les broussailles, sur la lisière de la prairie, il aperçut deux individus d'une espèce qui lui était inconnue, mais qui, à en juger par leur conformation, devaient être des antilopes ou des daims. Comme Hans lui avait dit qu'il n'y avait pas de daims dans le sud de l'Afrique, il en conclut qu'il avait sous les yeux deux antilopes. Une seule portait des cornes; c'étaient par conséquent un mâle et une femelle. Le premier n'avait pas deux pieds de hauteur. Sa robe était d'un fauve pâle; ses yeux étaient surmontés de sourcils blancs; il avait le ventre blanc et de longs poils de la même couleur sous la gorge. Des touffes de poils jaunâtres pendaient au-dessus de ses genoux. Ses cornes n'étaient pas recourbées en forme de lyre comme celle de l'antilope springbok, mais elles s'élevaient presque verticalement à la hauteur de quatre pousses. Elles étaient noires, rondes et légèrement annelées. La femelle, qui n'avait pas de cornes, était beaucoup plus petite que son compagnon.

Après avoir fait toutes ces observations, Hendrik en conclut judicieusement que ces antilopes étaient des ourebis.

Il tâcha de les rapprocher avec assez de précaution pour ne pas donner l'alarme à ces bêtes craintives; mais il ne pouvait sans imprudence dépasser un buisson de jong dora derrière lequel il se tint caché, et qui était encore à deux cents yards des ourebis.

De temps en temps le mâle dressait son cou gracieux, poussait un léger bêlement et jetait autour de lui des regards soupçonneux; Hendrik jugea par ces symptômes qu'il approcherait difficilement des ourebis à portée de sa petite carabine.

Il avait eu soin de se placer sous leur vent; mais, au bout de quelque temps, il aperçut avec douleur qu'elles broutaient au vent, à la manière des springboks et de quelques autres espèces. Par conséquent elles marchaient régulièrement, les naseaux tournés vers le côté d'où soufflait le vent et mettaient à chaque pas un plus grand intervalle entre eux et lui.

Il fallait donc renoncer à la chasse ou faire un long circuit pour barrer le passage aux ourebis. L'exécution de cette dernière manœuvre était lente, pénible et d'un résultat douteux: Hendrik aurait beau multiplier les marches et les contre-marches, glisser de buisson en buisson, se tapir dans les herbes, il était probable que les ourebis le sentiraient avant qu'il fût à bonne portée; car c'est précisément afin de pouvoir être avertis par le flair de la présence d'un ennemi qu'elles broutent toujours contre le vent.

La plaine était vaste; les abris étaient lointains et clairsemés: aussi Hendrik, découragé, abandonna-t-il le projet d'attaquer les ourebis par devant.

Il était sur le point de regagner le camp, lorsqu'il lui vint à l'idée d'employer la ruse. Il savait que, chez plusieurs espèces d'antilopes, la curiosité est plus forte que la crainte. Il avait souvent, par divers stratagèmes, attiré près de lui des springboks. Pourquoi les ourebis n'obéiraient-elles pas aux mêmes impulsions?

– Tentons l'aventure! se dit-il. Au pis aller, j'en serai quitte pour battre en retraite, ce que je serais obligé de faire dès à présent, si je ne courais une dernière chance.

Sans perdre un instant, il chercha dans sa poche un grand mouchoir rouge qui lui avait plus d'une fois servi en pareille occasion. Malheureusement il ne trouva rien.

Il fouilla dans les deux poches de sa veste et de ses larges culottes, puis dans son gilet; mais, hélas! le mouchoir rouge avait été oublié dans la charrette!

Comment le remplacer? En ôtant sa veste et en l'élevant en l'air? Elle n'était pas d'une couleur assez vive.

Fallait-il mettre son chapeau au bout de son fusil? La réussite de cet expédient était plus probable; cependant il avait le désavantage de trop rappeler la forme humaine que redoutaient les animaux en général et les ourebis en particulier.

Enfin Hendrik eut une heureuse idée.

Il avait entendu dire que la curiosité des antilopes était excitée non-seulement par les couleurs voyantes, mais encore par les formes bizarres, par les mouvements singuliers. Il se souvint d'un stratagème que les chasseurs avaient souvent employé avec succès et dont l'exécution était facile.

Il s'agissait de se tenir sur les mains, la tête en bas. C'était un exercice gymnastique que le jeune homme avait maintes fois pratiqué pour son amusement, et dans lequel il avait acquis l'habileté d'un acrobate.

Sans plus tarder, il déposa sa carabine à terre, et, se tenant sur la tête et sur les mains, il se mit à remuer les pieds en l'air, en les frappant l'un contre l'autre et en les croisant de la manière la plus fantastique.

Il avait le visage tourné du côté des ourebis; mais il ne pouvait les voir, car l'herbe avait un pied de haut. Cependant, par intervalles, il laissait retomber ses pieds et regardait entre ses jambes pour juger de l'effet de sa ruse.

Elle réussit. Le mâle, en apercevant l'objet inconnu, fit entendre un sifflement aigu, et partit avec la vitesse d'un oiseau, car l'ourebi est une des plus agiles antilopes d'Afrique. La femelle suivit, mais plus lentement, et se trouva bientôt en arrière.

Le mâle se ravisa tout à coup. Comme s'il eût eu honte de son peu de galanterie, il fit volte-face, et alla au-devant de sa compagne.

Quel pouvait être l'objet inconnu? C'était ce que le mâle semblait se demander. Ce n'était ni un lion, ni un léopard, ni une hyène, ni un chacal, ni un renard, ni un loup, ni un chien sauvage, ni aucun de ses ennemis bien connus. Ce n'était pas non plus un Bosjesman, puisqu'il paraissait avoir deux têtes. Qu'était-ce donc?

L'objet était resté en place, il n'avait pas l'air de vouloir poursuivre une proie; peut-être n'était-il pas dangereux.

Ainsi raisonna le mâle. Sa curiosité dominant sa crainte, il voulut, avant de s'éloigner, voir de plus près la chose mystérieuse qui attirait son attention. Peu importait ce qu'elle pouvait être; à la distance qui l'en séparait, elle était hors d'état de lui nuire; et si elle courait après lui, il comptait la laisser bien loin en arrière, puisque sa vélocité dépassait celle de tous les bipèdes ou quadrupèdes africains.

Il s'approcha donc de plus en plus, en allant en zigzag à travers la plaine, jusqu'à ce qu'il fut arrivé à moins de cent pas de l'étrange objet qui l'avait d'abord effarouché. Sa compagne semblait animée du même sentiment de curiosité, et ses grands yeux étincelaient d'un vif éclat. De temps en temps, l'un et l'autre s'arrêtaient comme pour tenir conseil, et se demander s'ils savaient à quoi s'en tenir sur le caractère de l'animal étranger. Il était évident que leur perplexité se prolongeait, car l'étonnement se peignait dans leurs regards et dans leurs allures.

Enfin l'étrange objet se perdit un moment sous l'herbe, et quand il reparut il avait subi une métamorphose, il en partait des reflets brillants qui fascinèrent tellement l'ourebi mâle, qu'il resta immobile et les yeux fixes.

Fatale fascination! ce fut son dernier regard. Un éclair jaillit; une balle traversa le cœur du pauvre animal, et il ne vit plus les brillants reflets.

La femelle accourut auprès de lui, et sans deviner la cause de sa mort subite, elle vit bien qu'il était mort. Son sang rouge s'échappait de sa blessure; ses yeux étaient vitreux; il était muet et sans mouvement.

Elle se disposait à fuir; mais pouvait-elle se séparer immédiatement de la dépouille inanimée de son compagnon; elle lui devait quelques pleurs; elle avait des devoirs de veuve à remplir; mais elle n'en eut pas le temps. L'amorce pétilla de nouveau; le tube brillant lança son jet de flamme, et la femelle tomba sur le corps du mâle.

Le jeune chasseur se releva, et ne voyant point d'autre gibier dans la plaine, il ne reprit pas le temps de recharger son fusil, comme il en avait l'habitude. Il courut ramasser ses deux victimes, mais qu'elle fut sa surprise de trouver auprès d'elles une troisième antilope encore vivante. C'était un faon qui n'était guère plus gros qu'un lapin, et que l'herbe avait jusqu'alors caché. Il poussait de faibles bêlements en bondissant autour du corps inanimé de sa mère.

Tout chasseur qu'il était, Hendrik ne put se défendre d'une certaine émotion en contemplant ce tableau. Mais il songea que ce n'était pas en pure perte pour satisfaire un caprice qu'il avait tué ces antilopes. Sa conscience ne lui reprochait rien.

Le petit faon était une trouvaille pour Jan, qui avait souvent désiré en posséder un, afin de n'avoir rien à envier à sa sœur; on pouvait nourrir l'orphelin avec le lait de la vache, et Hendrik se promit de le faire élever avec soin. Il s'en empara sans difficulté, car la jeune ourebi refusait de quitter la place où sa mère était tombée.

Hendrik lia ensemble le mâle et la femelle, attacha une forte corde autour des cornes de l'ourebi mâle, et les traîna tous deux derrière lui, la tête la première et dans le sens du poil, ce qui rendait la traction plus facile. Il n'eut pas de peine à les tirer sur la pelouse, tout en portant le faon dans ses bras.

La satisfaction fut générale lorsqu'on vit arriver ce renfort de venaison. Jan fut particulièrement enthousiasmé du jeune faon, et n'envia plus à Gertrude la possession de sa jolie gazelle.