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CHAPITRE DIX-HUIT

Riley essaya de se débarrasser de ce sentiment troublant et elle et Trudy traversèrent le campus. Mais cette sensation d'être observée ne disparaissait pas. Le tueur avait une présence invisible mais palpable. Riley espérait que cette sortie ne tournerait pas au désastre. Après tout, elle et le Dr. Zimmerman étaient tous deux d'accord sur le fait que le tueur était encore quelque pat dans les alentours.

Mais à présent, elle s'interrogeait...

Ça fait déjà six semaines.

Il ne va peut-être plus tuer après tout.

Cela semblait logique. Un tueur attendrait-il si longtemps avant de recommencer ? Elle prit note mentalement d'évoquer cette possibilité avec le Dr. Zimmerman la prochaine fois qu'elle le verrait.

Cependant, même s'il s'avérait vrai qu'il n'y aurait pas d'autres meurtres, Riley était loin d'être satisfaite.

Il fallait que le monstre qui avait tué Rhea soit attrapé et traduit en justice.

Qui allait bien pouvoir y parvenir ? Pour autant qu'elle sache, la police ne travaillait même plus sur l'affaire.

Cela allait-il être de la responsabilité de Riley d'attraper le tueur ? Était-elle la seule à avoir une idée de ce qu'il pensait ?

L'idée était trop bouleversante pour ne serait-ce qu'y penser.

Elle murmura à la présence invisible...

— Je te surveille aussi.

— Hein ? dit Trudy.

L'espace d'un instant, Riley avait oublié que sa colocataire marchait à ses côtés.

Lorsqu'elle regarda dans sa direction, elle réalisa que Trudy marchait avec un nouvel entrain.

— Rien, dit Riley. Je me parlais toute seule.

Trudy rigola, faisant rire Riley également.

— Tu sais, lui dit Trudy, tu as aussi beaucoup souffert dernièrement. Tu as peut-être encore plus besoin que moi de te déchaîner follement pour décompresser.

Riley rigola à nouveau. Cela faisait du bien de rire d'elle-même, de tout.

— Peut-être bien, admit-elle.

Trudy devint plus animée et joyeuse tandis qu'elle traversaient le campus, ricanant, chantant et sautillant. Riley était soulagée de voir que sa colocataire essayait enfin d'entrer dans un état d'esprit de fête.

Alors qu'elles s'approchaient de l'entrée du Centaur's Den, Riley ressentit un nouvel élan de stress la frapper. La dernière fois qu'elle était venue, c'était le lundi suivant le meurtre de Rhea, la soirée durant laquelle elle avait parlé à un Rory Burdon bouleversé, se sentant coupable de ne pas avoir raccompagné Rhea.

Étrange, pensa-t-elle.

Il lui semblait avoir évité cet endroit sans y avoir vraiment réfléchit.

Allait-elle vraiment retourner à l'intérieur ?

Derrière elle, Trudy s'était figée et fixait la porte.

Pas étonnant que ce soit dur pour elle, se dit Riley. Elle était certaine que Trudy n'avait pas remis les pieds ici depuis le meurtre.

Mais il était trop tard pour faire demi-tour.

Riley prit Trudy par la main.

— Allez, dit-elle, qu'est-ce qu'on attends ?

Elle ouvrit la porte et tira Trudy à l'intérieur.

L'odeur de la fumée de cigarette et l'explosion de musique lui arrivèrent en pleine tête. Bricks and Crystal jouaient « Smells Like Teen Spirit » de Nirvana, et une petite foule d'étudiants de la faculté se trémoussait sur le dancefloor.

Riley sentit un sourire se dessiner sur son visage.

Toutes les hésitations qu'elle avait pu avoir à se trouver ici s'étaient envolées. Cela faisait plaisir d'être de retour. Tout semblait à nouveau normal.

Elle cria à Trudy par-dessus la musique.

— Bière ! On doit se chercher de la bière !

Riley traîna Trudy à travers la foule en direction du bar. Tandis que cette dernière commandait un pichet de bière, Riley cherchait une place de libre. De toute évidence, elles étaient arrivées un peu tard pour les festivités, et il ne restait pas beaucoup de place. Finalement, Riley remarqua que la porte menant au patio était ouverte. Il semblait qu'il y avait peut-être encore de la place là-bas.

Une fois la bière servie et payée, Riley saisit le pichet et Trudy deux verres. Puis Riley escorta son amie vers le patio.

Riley sentit son sourire s'élargir. C'était bien plus agréable ici qu'à l'intérieur. Cela sentait toujours la cigarette, mais l'odeur était diluée par l'air frais. L'endroit était joyeusement éclairé par des lanternes suspendues. La musique du groupe était diffusée dehors par des hauts-parleurs, pas aussi fort qu'à l'intérieur, mais assez pour en profiter, et les gens dansaient également dehors.

Riley entendit une vox familière appeler...

— Eh, Riley, Trudy ! Par ici !

Gina et Cassie agitaient les mains frénétiquement, et elles avaient déjà une table.

Riley et Trudy se frayèrent un chemin au milieu des danseurs et virent que leurs amies avaient déjà rajouté deux chaises supplémentaires à leur table.

— Excellente anticipation, dit Riley tandis qu'elle et Trudy s'asseyaient.

Gina et Cassie avait déjà bu la moitié de leur pichet de bière, et à en juger par l'expression loufoque de Cassie, Riley était quasiment sûre que ce n'était pas le premier de la soirée.

— C'est super de vous voir ici ! dit Gina.

— Ça fait longtemps, ajouta Cassie.

— Ouais, j'imagine, dit Riley.

Elle réalisa que Gina et Cassie n'avaient pas cessé de fréquenter le Centaur's Den tout ce temps. Elle se demanda s'il n'y avait peut-être pas une certaine vérité dans ce vieux dicton après tout...

La vie continue.

Il était peut-être temps de reprendre le cours des choses.

Le groupe finit de jouer « Smells Like Teen Spirit » et interpréta l'une de ses chansons originales. Riley les avait déjà entendu la jouer, un air anarchiste avec des paroles nihilistes, exécuté dans un style semi-humoristique, semi-satirique.

Parfaite musique de soirée, pensa Riley.

Avec un air grave, Cassie posa son verre sur la table et le remplit.

— Les filles, je déteste ramener tout le monde sur terre, mais il est temps d'être sérieux. On ne peut pas juste prétendre que tout est normal. C'est une nuit très solennelle.

Riley fut surprise.

Ses amies n'avaient peut-être pas le cœur à la fête tant que ça finalement.

Elles aussi peut-être, se débattaient encore avec leurs peurs et leur chagrin.

— Les gars de Bricks and Crystal disent qu'ils vont arrêter de jouer du grunge ce soir, dit alors Cassie.

— Je ne sais pas... ils bluffent peut-être, répondit Gina.

Cassie secoua la tête et fronça les sourcils.

— Je ne pense pas. Le grunge est vraiment mort, tu sais, ou du moins, il vit ses derniers jours. Et les gars jouent de façon encore plus angoissante ce soir que d'habitude. Je pense qu'ils sont vraiment sérieux. Et vous savez ce que ça signifie...

Cassie rejeta soudainement sa tête en arrière et se mit à rire.

— Nous devons danser comme s'il n'y avait pas de lendemain !

Cassie prit alors Trudy par la main et la traîna sur le dancefloor, laissant Riley et Gina seules à la table. En quelques secondes, Riley vit que Trudy passait un super moment, se trémoussant au son de la musique.

C'est pour ça qu'on est venues, pensa Riley.

Avant qu'elle n'ait pu se décider à les rejoindre, Gina demanda à Riley...

— Comment tu tiens le coup ?

Riley vit une réelle inquiétude dans l'expression de Gina.

— Je ne suis pas sûre ces derniers jours, répondit-elle.

— Moi non plus, dit Gina, se versant un autre verre. Je continue de penser qu'avec assez de bière, de grunge et de danse je vais oublier...

Sa voix se brisa.

Riley revit cette terrible nuit, lorsqu'elle avait trouvé le corps de Rhea dans la chambre, puis s'était retournée pour voir Gina se tenant juste devant la porte, ses yeux exorbités, blafarde et secouée de tremblements.

Il n'était pas surprenant que Gina passait encore un mauvais moment.

Toutes deux regardèrent leurs amies danser pendant un moment.

— Je sais qu'on dirait que Cassie est passée à autre chose, dit alors Gina. Mais ce n'est vraiment pas le cas. Je peux le voir, même si elle n'en parle pas...

Gina décrivit alors de quelle façon elle et Cassie continuaient de sortir le soir, essayant de chasser leurs peurs et leur chagrin en faisant la fête. A vrai dire, cela semblait assez courageux à Riley, plus courageux, peut-être, que d'être obsédée par le meurtre comme elle l'était elle-même. Il était vraiment trop dommage que cela ne semble faire aucune différence, du moins pour Gina.

Celle-ci continua en expliquant à Riley qu'elle s'attendait à voir Rhea tout le temps, de quelle façon ses notes dégringolaient, et du fait qu'elle ne sache pas vraiment si c'était dû aux soirées forcées ou au manque de concentration. Elle ajouta que son conseiller du campus ne semblait pas non plus avoir la réponse. En fait, elle n'avait pas l'impression que son conseiller lui servait à grand chose.

Riley était contente d'être simplement assise et d'écouter Gina parler, et cette dernière semblait de toute évidence contente que quelqu'un l'écoute.

Finalement, Gina sourit d'un air penaud.

— Waouh, écoute-moi parler ! Comme si j'étais la seule personne du campus à passer un moment difficile. Et toi ? Est-ce que tu es allé voir un conseiller ? Qu'est-ce que tu fais pour tenir le coup ?

Riley eut du mal à déglutir.

Elle avait beau se sentir à l'aise à partager ce moment avec Gina, voulait-elle vraiment lui dire tout ce qui lui était arrivé ?

 

Comment réagirait Gina si elle lui parlait de ses lectures obsessionnelles sur des tueurs homicides et sur son étrange sensation de connexion avec le meurtrier de Rhea ?

Au lieu de cela, Riley sourit.

— Allez, dansons.

Gina sourit à son tour, et elles se levèrent toutes les deux pour se joindre à la masse des corps tournoyants. Riley vit Cassie déambuler parmi les autres danseurs, dansant avec tant de forces que ses cheveux volaient dans tous les sens.

Mais où était Trudy ?

Elle se précipita vers Cassie et la saisit par le bras.

— Où est Trudy ? demanda-t-elle.

Cassie s'arrêta de danser et regarda vers la table.

— Je ne sais pas. Je pensais qu'elle était retournée avec vous.

Riley sentit une vague de panique grandir en elle.

Elle se rappela des mots de Trudy avant de quitter leur chambre...

« Promet-moi que tu resteras avec moi. Ne me perds pas de vue.»

Riley fut parcourue d'un frisson.

Elle n'avait pas tenu sa promesse.

Et maintenant, Trudy avait disparu.

CHAPITRE DIX-NEUF

Riley tenta de refouler la vague de panique qui grandissait.

Elle ne voyait aucune trace de Trudy parmi les danseurs dans le patio.

Elle ne serait allée nul part sans me le dire, pensa Riley. Elle ne serait jamais partie sans moi.

Mais où était-elle ?

Tandis que Riley restait là, surveillant la foule, Cassie saisit Gina par la main et elles allèrent rejoindre la foule en train de danser. Elle ne semblaient pas du tout alarmée de l'absence de Trudy. Riley essaya de se convaincre qu'elle ne devrait pas l'être non plus.

Mais elle savait que sa panique ne diminuerait pas tant qu'elle n'aurait pas localisé sa colocataire. Il fallait qu'elle soit sûre que Trudy soit saine et sauve.

Riley se fraya un chemin au milieu des danseurs pour vérifier de plus près. Elle sentit quelqu'un lui prendre la main, lorsqu'elle se retourna, elle vit qu'il s'agissait d'un gars d'un de ses cours.

— Allez viens, dit-il.

Riley retira sa main.

— Désolée, dit-elle, je cherche juste...

Il partit avant même qu'elle n'ait pu finir sa phrase. Tandis qu'elle quittait le dancefloor, elle le vit danser dans un trio avec Cassie et Gina. De toute évidence, ils passaient tous un bon moment. C'était exactement le genre de soirée qu'elle avait promis à Trudy ce soir, alors pourquoi celle-ci aurait-elle disparu sans un mot ?

Sa colocataire ne se trouvant définitivement pas parmi les danseurs ni à aucune autre table, Riley se fraya un chemin jusqu'à l'intérieur du club. Elle trouva que l'endroit était bien plus bondé que dans le patio. Elle ne parvenait pas à voir par-dessus les têtes des gens l'encerclant. La musique était aussi plus forte ici, personne ne put entendre Riley grogner de désespoir.

Si Trudy se trouvait ici, Riley serait-elle capable de la retrouver parmi la foule ?

Tandis qu'elle s'aventurait sur le dancefloor scintillant, Riley se retrouva ballottée par les danseurs s'agitant sur une chanson particulièrement frénétique et angoissante. Elle ne vit Trudy nul part, mais elle ne pouvait pas être absolument certaine qu'elle ne l'avait pas manquée dans cette bousculade.

Elle se dirigea vers le bar, vers lequel les fêtards se poussaient en grouillant pour passer leurs commandes au barman assiégé. Riley comprit qu'il était impossible de leur passer au milieu.

Elle essaya de se raisonner...

Si Trudy est dans le coin pour se commander un verre, elle se pointera bien assez vite.

Mais elle ne parvenait pas à se persuader de se détendre et de patienter jusqu'à ce que Trudy ne réapparaisse.

Elle se dirigea vers les toilettes pour femmes, également bondées d'étudiantes attendant de pouvoir utiliser les cabines occupées.

Pleinement consciente qu'elle se rendait ridicule, elle cria...

— Trudy ! Trudy ! Tu es là ?

Les autres jeunes femmes la regardèrent comme si elle était devenue folle.

J'ai peut-être bien perdu la tête, se dit-elle.

— Est-ce que quelqu'un connaît Trudy Lanier ? cria-t-elle encore. Est-ce que quelqu'un l'a vue ? Est-ce que quelqu'un sait où elle est ?

Il y eut beaucoup de têtes secouées, de bouches bées et quelques non.

Le seul endroit où pouvait encore se trouver Trudy était à l'étage inférieur. Riley se précipita dans cette direction et cavala dans les escaliers, dévalant les marches deux par deux. Lorsqu'elle arriva en bas, elle s'arrêta brusquement, pas certaine d'être soulagée ou énervée par ce qu'elle vit.

Sa colocataire était parfaitement en sécurité et parfaitement joyeuse.

Trudy était assise dans un box, le même que celui qu'avait occupé Riley la nuit du meurtre de Rhea. Et assit en face d'elle, se trouvait Harry Rampling, le quaterback star de l'université de Lanton.

Le stress quitta le corps de Riley.

Tandis qu'elle se calmait et avançait vers la table, elle pouvait voir Harry parler interminablement pendant que Trudy se contentait de le regarder avec des yeux de biche, le menton posé dans ses mains.

Riley dut secouer Trudy par l'épaule pour attirer son attention. Harry s'arrêta de parler, et Trudy releva les yeux vers elle avec une apparente surprise.

— Salut Riley. Où étais-tu passée ?

Riley eut un léger grognement.

— Je pourrais te poser la même question.

Trudy haussa les épaules et sourit.

— J'étais juste ici. Eh, tu connais Harry Rampling ? Harry, voici ma colocataire, Riley Sweeney.

Harry ne semblait pas ravi de voir Riley.

— Je ne pense pas qu'on se soient rencontrés, mentit-il.

— Oh, je pense peut-être que oui, répondit Riley dédaigneusement.

Trudy se déplaça nerveusement. Riley était quasiment certaine de comprendre le langage corporel de sa colocataire. Trudy lui disait silencieusement mais catégoriquement qu'elle n'était pas invitée à s'asseoir avec elle et son nouveau rencart.

Harry haussa les épaules et reprit son récit, apparemment là où il l'avait laissé, régalant Trudy avec une histoire d'une partie de football particulièrement impressionnante. De toute évidence, Trudy était complètement sous son charme.

Elle en bave presque, pensa Riley avec dégoût.

Riley interrompit à nouveau Harry pour parler à Trudy.

— Je pense qu'il est peut-être temps qu'on retourne au dortoir.

Trudy lui lança un regard d'irritation enfantine, telle une petite fille à qui on vient de dire que l'heure d'aller dormir est passée depuis longtemps.

— Oh allez Riley. La nuit ne fait que commencer. Ne gâche pas la fête.

Riley se rappela qu'elle avait pratiquement dû arracher Trudy de leur chambre pour venir ici. Il semblait à présent qu'il faudrait encore plus d'efforts pour l'en faire sortir. Cela en valait-il au moins la peine ?

— Je vais rester encore un moment, dit Trudy. Tu peux rentrer au dortoir si tu veux. Mais fais attention, ne rentre pas seule. Je suis sûre que tu peux convaincre Cassie ou Gina de t'accompagner.

Puis elle ajouta avec un clin d’œil...

— Ça ira pour moi. Ne t'inquiète pas.

Trudy fixa à nouveau Harry, et celui-ci recommença à parler.

Riley secoua la tête et remonta les escaliers.

Bon, au moins je n'ai plus à m'inquiéter pour Trudy maintenant, pensa-t-elle avec un mélange d'irritation et de soulagement.

Harry avait beau la répugner, Riley était certaine qu'il n'était pas le tueur. Elle était également certaine que son amie était à l'abri de tous tueurs tant qu'elle restait avec un grand sportif comme Harry. Et il semblait certain qu'elle allait rester avec lui.

Peut-être même pour la nuit, pensa Riley, grimaçant à l'idée.

Riley retrouva son chemin jusqu'au patio. Cassie dansait toujours avec un abandon joyeux et Gina semblait s'être attachée au gars qui était avec elles. Riley se sentit légèrement abandonnée, un sentiment enfantin, réalisa-t-elle. C'était vraiment bien que toutes ses amies passent un si bon moment.

Elle retrouva la table où elles s'étaient installées. Par miracle, personne n'avait vidé le pichet et les verres de bière, et personne n'avait pris leurs places. Riley s'assit donc seule et se versa un verre.

Elle but une grande rasade, ferma les yeux et respira l'air a demi frais de l'extérieur, se sentant beaucoup mieux.

Elle resta là un moment, tapant du pied sur le rythme du tourment insolent de la chanson jouée par Bricks and Crystal.

Ses yeux étaient encore fermés lorsqu'elle entendit une voix masculine familière derrière sa table.

— Hum salut. Mon nom est Ryan Paige. Qui pouvez-vous bien être ?

Riley ouvrit les yeux brusquement. Il se tenait là, tenant une bière presque vide et affichant un air assez timide et hésitant.

Elle sourit largement.

— Je pense que nous nous sommes rencontrés, dit-elle.

Ryan haussa les épaules.

— Ouais, dit-il, mais je t'ai vu assise toute seule ici, et j'ai pensé qu'on pourrait peut-être reprendre depuis le début. J'ai bien peur de ne pas avoir très bien géré les choses la dernière fois qu'on s'est vus.

— Oh, je ne sais pas ce qui te fait penser ça, dit Riley.

Bien sûr, elle savait exactement pourquoi il pensait cela. Ryan avait un peu flippé devant sa capacité à « lire » en lui. Mais elle ne pouvait pas entièrement le blâmer. Elle n'aurait sans doute pas dû forcer autant.

Reprendre depuis le début était peut-être une bonne idée, se dit-elle.

— En tout cas, mon nom est Riley Sweeney, au cas où tu aurais oublié.

Il fit un sourire malicieux.

— Je suis ravi de refaire ta connaissance, Riley Seeney.

— Tu veux t'asseoir ? demanda-t-elle.

— Avec plaisir.

Il s'assit à la table en face d'elle et remplit son verre au pichet.

Au même moment, la chanson se finit et ils entendirent le chanteur de Bricks and Crystal crier à travers les haut-parleurs extérieurs...

— Ok, gang. Les rumeurs sont vraies. Bricks and Crystal c'est fini. Mort. Décédé.

La foule les huait à présent, mais pas sérieusement du tout. Tout le monde savait la même chose que Riley, qu'ils montaient juste un genre de canular.

— Le grunge est mort, hurla le chanteur par-dessus les huées, et nous venons juste de faire la chanson qui l'a tué !

Il y eut plus de huées. Ryan rigola et Riley l'imita.

Le chanteur continuait de crier...

— Non, non, il ne sert à rien de supplier, de plaider et de se prosterner. S'il vous plaît, vous ne faites que vous faire honte. Vous ne pouvez pas nous arrêter. Nous procédons à quelques changements, y compris notre nom. Nous ne sommes plus Bricks and Crystal...

Le guitariste fit éclater un accord puissant et inquiétant tandis que le chanteur hurlait...

— Maintenant nous sommes les Hog Wild, les anarchistes lanceurs de bombes de la country et de l'ouest !

Le groupe se lança immédiatement dans la chanson « Ring of Fire » de Johnny Cash, ayant l'air toujours autant grunge et inquiétant que d'habitude, et pas le moins du monde country. La foule devint folle, criant et applaudissant et certains des danseurs du patio commencèrent à se foncer dedans façon « mosh ».

Riley et Ryan rigolaient à présent tous les deux beaucoup.

— Plus les choses changent... lui dit Ryan.

Riley finit sa pensée...

— ... plus les choses restent les mêmes !

Riley et Ryan trinquèrent.

— Le grunge est mort ! dit-elle.

— Longue vie au grunge ! ajouta Ryan.

Leurs rires moururent et ils restèrent simplement assis à profiter de la chanson pendant un moment.

— Tu as peut-être remarqué que j'ai fait quelques changements moi-même, dit enfin Ryan. Un commentaire ?

Riley secoua la tête avec un sourire.

— Oh non. N'empruntons pas cette voie là à nouveau.

— Allez, je peux l'encaisser cette fois. Vraiment.

Sentant plus qu'un peu d'appréhension, Riley le détailla.

— Hmmm, dit-elle, plus de veste, plus de chemise hors de prix, et tes cheveux ne sont plus si impeccablement coiffés. A la place, un jean et un t-shirt en coton ordinaire, un look plus décontracté, mais toujours bien habillé, pas du tout négligé.

 

Et bel homme aussi, se dit-elle.

Ryan hocha la tête.

— Qu'est-ce que ça te dit de moi ? demanda-t-il.

Les changements en disaient beaucoup à Riley, mais elle ne voulait pas le dire.

— Pourquoi tu ne me le dirais pas ? dit-elle.

Ryan prit une grande en lente inspiration.

—J'ai beaucoup pensé à certaines choses que tu m'as dites la dernière fois. Surtout, comment tu l'as dit ?, comment je me suis imaginé que la meilleure façon d'avoir du succès, c'est d'agir comme si c'était le cas.

— Je ne disais pas cela dans le mauvais sens, dit Riley. C'est en fait plutôt une bonne chose.

Ryan inclina la tête modestement.

— Ouais, mais je n'avais pas réalisé à quel point ça se voyait. Je me suis dit qu'il était temps d'être moins... transparent, j'imagine.

Puis il rigola.

— Comme devenir peut-être un peu plus un homme de mystère, ajouta-t-il.

Riley rigola à son tour.

— Eh bien, tu continues en tout cas de m'intriguer.

Puis elle prit une expression de fausse inquiétude.

— J'espère que tu n'as pas vendu cette belle voiture qu'est la tienne, lui dit-elle.

— Oh non, je suis toujours le genre de gars à Ford Mustang, dit Ryan en rigolant un peu plus.

Riley devait se l'avouer, Ryan appuyait vraiment sur tous ses interrupteurs, et d'une façon vraiment agréable. Il était vraiment flatteur de savoir qu'il effectuait des changements personnels pour elle.

Riley se rendit compte qu'elle souriait de plaisir.

Il n'y a rien de mystérieux chez moi pour le moment, se dit-elle, trop amusée d'elle-même pour se sentir embarrassée.

Le sourire de Ryan disparut.

— Comment tu vas ? lui demanda-t-il.

Riley sentit une réelle inquiétude derrière ces mots. Il demandait bien sûr comment elle tenait le coup depuis la mort de Rhea.

Elle ne répondit pas immédiatement.

Elle se sentait vraiment à l'aise avec ce gars finalement, plus qu'à l'aise, en réalité.

C'était presque comme s'ils se connaissaient depuis longtemps.

Elle sentait qu'elle pouvait parler de tout avec lui.

Cela comprenait-il son obsession du tueur de Rhea et ses études récentes sur l'esprit homicide ?

Peut-être, pensa-t-elle.

D'un autre côté, ce genre de discussion pouvait à nouveau le faire fuir, elle ne le voulait vraiment pas.

Avant de parvenir à une décision, le groupe se remit à jouer une nouvelle chanson, la vieille balade parlant d'amour « Crazy » de Patsy Cline. Riley se sentit fondre un peu, surprise que ce groupe habituellement abrasif soit soudainement si léger, doux, et sensible, plus du tout comme les « anarchistes lanceurs de bombes ».

Avec quelques protestations, la plupart des danseurs du patio retournèrent à leurs tables. Ils semblaient à présent ne plus savoir quoi faire d'eux-mêmes.

Mais elle savait ce qu'elle voulait faire.

— Puis-je avoir cette danse ? demanda Ryan comme s'il lisait dans ses pensées.

Riley sourit et hocha la tête. Ryan se leva, prit sa main et la mena vers l'espace de danse, qui n'était plus du tout bondé. Il mit ses bras autour de sa taille et la rapprocha de lui.

Avant qu'elle ne le réalise, ils se balançaient en parfaite harmonie avec la musique.

Riley sentit une chaleur l'envahir, elle pensa qu'elle était sur le point de se dissoudre dans l'air.

Son corps semblait s'accorder parfaitement avec celui de Ryan, comme s'ils devenaient tous deux partie intégrante de la chanson.

Riley en attendait plus, beaucoup plus.

Son corps entier semblait être un grand sourire chaleureux tandis qu'elle pensait...

Je ne pense pas que je vais rentrer au dortoir ce soir.