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CHAPITRE VINGT-SEPT

Riley était assise sur le lit, tenant à deux main un verre de bourbon lorsque Ryan rentra à l'appartement. Elle se sentie confuse pendant un moment. Pourquoi était-il revenu si tôt ?

Elle réalisa ensuite qu'il était plus tard qu'elle ne le pensait. Son cours du matin devait être fini depuis longtemps.

Elle ne trouva rien à dire lorsqu'il ferma la porte et la regarda.

Riley savait qu'elle avait l'air affreuse. Elle n'était même pas encore habillée. Elle portait le pyjama qu'un surveillant avait ramené de sa chambre en même temps que quelques effets indispensables, vêtements et matériel de cours.

Cela faisait maintenant quatre jours et nuits qu'elle passait à l'appartement de Ryan, et elle savait qu'elle n'avait pas été d'une joyeuse compagnie. Elle ne voulait parler de grand chose. Elle et Ryan avait couché ensemble plusieurs fois, et il avait été aussi sensible et attentif que la première fois, mais Riley n'en avait pas beaucoup profité.

Elle se sentait trop engourdie pour profiter de quoi que ce soit.

Ce n'était vraiment pas juste pour Ryan. Elle l'appréciait chaque jour un peu plus et elle avait du mal à exprimer quelque sentiment qui soit.

Il eut l'air particulièrement inquiet en voyant le verre dans ses mains. Elle but malgré tout une gorgée de bourbon.

— Il est un peu tôt pour ça, dit Ryan.

Riley jeta un regard à l'horloge au mur.

— C'est bon, il est 13h.

— Mais as-tu au moins mangé quelque chose pour le déjeuner ? Tu as à peine touché à ton petit-déjeuner ce matin. Tu ne devrais pas boire, Riley.

Elle soupira. Il avait raison, bien sûr, et elle n'avait pas le droit de discuter. Elle posa le verre sur la table de chevet.

Ryan s'assit à côté d'elle sur le lit.

— Ça fait combien de temps que tu n'es pas sortie de l'appartement ?

— Je ne sais pas.

A vrai dire, elle était plutôt certaine qu'elle n'avait pas mis les pieds hors de l'appartement depuis qu'elle était arrivée vendredi. Elle savait bien qu'elle n'était pas sortie du bâtiment.

— Tu n'es pas allée en cours hier, lui dit Ryan. Tu comptes y aller aujourd'hui ?

— Je ne sais pas. Non, je ne pense pas.

Le silence s’installa.

Puis Riley tendit le bras et prit la main de Ryan.

— Ce n'est pas un problème, dit-elle. Ne t'inquiète pas s'il te plaît. Mes notes sont bonnes. Ça ne fera pas de mal de rater quelques cours.

Ryan serra sa main.

—Ouais, Riley, mais quand... ?

Il ne finit pas sa question.

Riley sentit un léger éclair de ressentiment.

— Tu veux dire, quand est-ce que je vais me barrer de là ? dit-elle.

— Ce n'était pas ce que j'allais te demander.

— Eh bien, pourquoi pas ? C'est une bonne question, non ? Et je n'ai pas la réponse. Combien de temps c'est censé prendre pour se remettre d'avoir trouvé le corps de sa meilleure amie dans sa chambre ?

Tout de suite après, Riley réalisa ce qu'elle venait de dire.

— Je suis désolée Ryan. Je n'aurais pas dû dire...

— C'est bon Riley, l'a coupa-t-il. C'est normal de lâcher prise. En fait, j'aimerais que tu lâche prise bien plus souvent.

Il s'arrêta un instant.

— Tu peux lâcher prise avec moi autant que tu veux, tu sais. Ça ne me gêne vraiment pas. J'imagine...

Il s'arrêta à nouveau un instant.

— J'imagine que je suis déjà au point de m'être attaché à toi.

Riley fut surprise.

Est-ce qu'on ressent la même chose l'un pour l'autre ? se demanda-t-elle.

— Mais tu dois réaliser que tu ne peux pas t'en sortir sans une aide professionnelle quelconque. Si ce n'est pas les conseillers du campus... eh bien, quelqu'un d'autre. Je n'y arrive pas.

Il fit une longue pause et vit qu'elle ne dit rien.

— Même si tu voulais me parler, mais j'imagine que ce n'est pas le cas, ajouta-t-il d'un ton légèrement amer.

Ryan se leva du lit.

— Je te prépare quelque chose à manger, et je ne te lâcherai pas des yeux tant que tu n'auras rien mangé.

Il saisit le bourbon.

— Je vais vider ça.

Riley faillit protester, mais elle se dit rapidement...

Protester va me faire passer pour une vraie alcoolique.

Elle espérait en tout cas que ce n'était pas ce en quoi elle était en train de se transformer. Mais il était vrai qu'elle avait presque vidé le bourbon de Ryan depuis qu'elle était là.

Elle le regarda vider le verre dans l'évier. Puis il se mit à la préparation de sandwich au fromage grillé.

Riley ne bougea pas du lit. Elle réfléchissait à ce qu'il venait de lui dire...

Il pense que j'ai besoin de l'aide d'un professionnel.

Bien sûr, cela avait dû paraître parfaitement évident, au moins pour lui.

Elle comprenait qu'il puisse avoir l'impression d'être laissé dans l'ignorance. Elle ne lui avait pas parlé de grand chose. Elle lui avait un peu parlé de la découverte des corps de Rhea et Trudy. Mais rien des heures qui avaient suivit la découverte de Trudy. Rien sur ce qu'elle faisait au poste de police.

Il savait que sa mère était morte, mais pas qu'elle avait été assassinée, encore moins que Riley y avait assisté alors qu'elle n'était encore qu'une petite fille. Et il ne savait certainement pas que des images de sa mère se vidant de son sang et du corps de Rhea, et maintenant de celui de Trudy, ne cessaient d'émerger dans son esprit.

Parfois, ces derniers jours, il semblait même que son imagination se teintait de sang.

Quant à recevoir une aide professionnelle, elle ne parvenait même pas à s'imaginer se confier à un vieux psychologue. Elle pourrait en parler au Dr. Zimmerman. Ou à l'agent Crivaro. Ou même au Professeur Hayman, que Riley admirait beaucoup, et qui l'avait inspirée à se spécialiser en psychologie. Ils comprendraient sûrement. Et pourtant, pour pouvoir leur parler...

Elle réprima un soupir et pensa...

Je dois sortir de ce lit. De cet appartement, même.

Et en ce moment, cela ne semblait pas une prouesse facile.

Elle se rappela que l'agent Crivaro était en fait juste à portée d'un appel de beeper. Elle l'avait contacté de cette façon deux fois. La première pour lui donner le numéro de Ryan. La deuxième, hier, pour prendre des nouvelles.

Il lui avait dit que les policiers avaient relâché Harry Rampling. Les deux gars nommés par Harry pour son alibi avait fournis des versions contradictoires à propos de ses actions de cette nuit, mais Crivaro avait mis cela sur le compte de leur état sérieux d'ébriété. De toute façon, les policiers n'avaient pas assez de preuves pour garder Harry en garde à vue.

Pourtant, il ne faisait aucun doute pour les policiers que Harry était le tueur, et ils gardaient un œil sur lui. Cela inquiétait Riley. Pour autant qu'elle sache, elle et l'agent Crivaro étaient les seuls à croire que le tueur soit encore en liberté. L'équipe de Quantico devrait partir si le chef Hintz décidait que leur aide n'était plus utile à présent.

Que se passerait-il si Crivaro et son équipe s'en allaient ?

Y aurait-il plus de morts ?

Ryan revint vers le lit avec deux sandwichs au fromage grillé et deux tasses de café. Il se rassit à côté de Riley. Soudainement, elle se sentit submergée par la gentillesse et la patience dont il avait fait preuve avec elle.

Et que recevait-il en guise de merci ? Elle ne lui apportait rien à l'exception de sa propre misère.

Il mérite mieux, se dit-elle.

Elle hésita un moment.

— Ryan, je dois te parler de quelques choses. Je veux dire... il y a des trucs que tu devrais savoir... sur moi.

Ryan reposa son sandwich.

— Tu peux tout me dire.

Tout ? pensa Riley. J'imagine qu'on va découvrir si c'est vrai.

Elle essaya de décrire cette nuit bizarre après le meurtre de Rhea, la nuit durant laquelle elle s'était glissée dans l'esprit du tueur pour la première fois et avait marché dans ses pas, ressentant ce que cela faisait de traquer sa proie à travers le campus. Elle lui parla de s'être tenue dans la chambre de Rhea plus tard, imaginant ce qu'avait ressenti le tueur en regardant le corps sans vie de Rhea se vider de son sang.

Ryan ne dit rien tandis qu'elle lui expliquait de quelle façon l'agent Crivaro l'avait guidée à travers son expérience de loin la plus inquiétante, son aperçut terriblement saisissant de la psyché du tueur alors qu'il charmait Trudy pour qu'elle le laisse entrer dans sa chambre.

Mais lorsqu'elle arriva au moment où elle était au poste de police, écoutant l'interrogatoire, se sentant certaine que Harry Rampling n'était pas le tueur, il ne tint plus.

—Riley, arrête. C'est de la folie. Est-ce que tu t'entends ? Tu dois vraiment, vraiment parler de ça à quelqu'un.

A présent, sa voix tremblait d'inquiétude.

—Est-ce que tu es en train de me dire que ce gars du FBI, Crivaro, joue à des jeux d'esprit avec toi ? Pourquoi ? Juste pour s'amuser ?

Il avait l'air franchement énervé, maintenant. Riley aurait voulut lui faire comprendre.

— Non. Il voulait mon aide. Il pense que j'ai un talent unique. Le Dr. Zimmerman aussi.

— Quel genre de talent ? Celui d'avoir de l'empathie avec des tueurs de sang-froid ?

Elle faillit répondre...

Exactement !

… mais préféra éviter.

Ryan se leva du lit et commença à faire les cents pas.

— Riley, tu es aveugle ou quoi ? Ce que Crivaro t'a fait n'était pas correct. Il t'a utilisée, il s'est appuyé sur tes vulnérabilités. Je doute que ce soit même légal. Tu dois porter plainte.

 

Celle-ci était maintenant complètement sous le choc.

Est-ce que j'ai été utilisée? s'interrogea-t-elle. Cette possibilité ne lui avait pas effleuré l'esprit.

En fait, elle referait la même chose dans la minute si l'agent Crivaro lui demandait.

Elle pensait avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour trouver le tueur de Rhea et Trudy.

Elle était même prête à devenir le tueur, au moins pour un petit moment.

Qu'est-ce que ça montre de moi ? pensa-t-elle.

— Ryan, demanda-t-elle finalement, qu'est-ce que tu fais ici ?

Elle ne fut pas surprise de ne pas entendre de réponse. C'était vraiment une grande question, dont ils n'avaient jamais discuté pendant les journées qu'ils avaient passées ensemble.

— Ryan, je t'aime vraiment bien.

Ryan l'entoura de son bras et la serra contre lui.

— Je t'aime vraiment bien aussi.

Riley se dégagea délicatement de son étreinte.

— Je ne sais pas pourquoi tu m'aimes bien, dit-elle. Je ne suis pas au mieux, je suis un cas désespéré. Et tu es si gentil avec moi...

Ses mots se bloquèrent dans sa gorge.

— Qu'est-ce que tu essayes de dire ? demanda Ryan.

Elle n'en était pas certaine. Mais elle savait que c'était important. Et il fallait que ce soit dit. Elle essaya de trouver les bons mots.

— Tu es quelqu'un d'intelligent, Ryan, et tu vas vraiment aller quelque part dans la vie. Mais dis-moi la vérité. En ce moment, tu es inquiet, n'est-ce pas ? Tu te demandes comment tu peux maintenir ton niveau avec ma présence qui te distrait, avec le fait de prendre soin de moi et tout le reste. Tu à l'impression d'être coincé avec moi. Tu pourrais... Je pourrais... tout gâcher, tout ton futur.

Ryan secoua la tête.

— Riley, ce n'est pas...

— C'est vrai, l'interrompit Riley, et on le sait tous les deux.

Ils se turent un moment. A son expression, elle sentait qu'elle avait vu juste.

— Peut-être... dit finalement Ryan hésitant, que ce serait mieux... si ça restait... plutôt temporaire.

Riley ne put s'empêcher de se sentir piquée.

A quoi je m'attendais ? se demanda-t-elle.

Elle essaya de chasser l'amertume dans sa voix.

— Je me dis...Je devrais peut-être partir de là maintenant, dit Riley.

Un autre silence s'installa entre eux.

Il n'est pas contre, réalisa-t-elle.

En fait, elle pouvait le sentir se détacher d'elle délibérément maintenant.

C'était une capacité émotionnelle qu'elle n'avait pas perçue chez lui avant. Étrangement, elle ne put s'empêcher de l'admirer pour cela. Elle se dit que cela ferait de lui un très bon avocat un jour.

— Écoute, dit finalement Ryan, on peut peut-être réessayer un autre jour, quand tu auras mis au clair toutes ces choses...

Alors qu'il se tut, Riley se surprit à repenser aux paroles de son père au téléphone...

« Tu n'es pas taillée pour une vie normale. Ce n'est pas dans ta nature. »

A présent, ces paroles la frappait comme un coup de foudre.

Il a tellement raison.

Papa a tellement raison.

— Ouais, dit-elle à Ryan, peut-être un autre jour.

Puis elle se leva du lit.

— Il faut que je m'habille. Je dois partir maintenant.

Ryan resta bouche bée.

— Où vas-tu aller ?

Riley ne lui répondit pas. A vrai dire, elle n'avait pas encore trouvé la réponse.

— D'abord, dit-elle à la place, je dois utiliser ton téléphone.

Elle décrocha le téléphone et appela une société de taxi pour qu'ils viennent la chercher chez Ryan dans dix minutes.

Lorsqu'elle raccrocha, celui-ci faisait les cents pas.

—Riley, tu n'as pas besoin de prendre un taxi. Je peux t'emmener où tu veux.

Celle-ci l'ignora, ramassa des vêtements et se dirigea vers la salle de bain. Elle était habillée et prête en l'espace de quelques minutes seulement. Elle rassembla ses affaires de toilettes, puis sortit et récupéra le reste de ses affaires.

Ryan semblait vraiment bouleversé maintenant.

—Riley, parle-moi s'il te plaît. Qu'est-ce que c'est que tout ça ? Où est-ce que tu vas ?

Elle marcha vers lui et lui fit un baiser affectueux et bienveillant.

— Ne t'inquiète pas pour moi. On reste en contact.

Sans un autre mot, elle sortit de l'appartement et quitta le bâtiment. Le taxi l'attendait déjà.

— Vous allez où ? demanda le chauffeur alors qu'elle monta à l'intérieur.

Riley hésita un moment. Elle se sentait étrangement étourdie et effrayée, comme si elle était sur le point de sauter d'une falaise.

— Je dois aller à l'agence de location de voiture la plus proche, dit-elle.

— Ça marche, dit le chauffeur.

Il lança le compteur et commença à rouler.

Riley se demanda si elle avait perdu la tête.

Peut-être bien, se dit-elle.

Ou alors c'est peut-être encore pire que ça.

En vérité, elle ne savait vraiment pas, et elle avait le sentiment de ne rien comprendre, du moins en ce qui la concernait.

Et même si l'idée l'horrifiait, une seule personne au monde lui venait à l'esprit lorsqu'elle se demandait qui elle voulait vraiment voir.

Elle devait aller voir son père, maintenant.

CHAPITRE VINGT-HUIT

Après avoir été déposée par le taxi, Riley trouva rapidement l'une des voitures les moins chères à louer. C'était une petite citadine, un véhicule sans fioriture, même lors de ses meilleurs jours qui étaient déjà loin derrière. Mais au moins, Riley pouvait se permettre la location pour une journée avec celle-ci.

Après seulement quelques minutes sur la route, le moteur commença à ronchonner un peu. C'était comme si la voiture était réticente et nerveuse, tout comme se sentait Riley elle-même.

Ses visites au chalet de son père se finissaient rarement bien. La présence de celui-ci dans sa vie, ni dans d'ailleurs dans la vie de qui que ce soit d'autre, n'avait rien d'amical ou d'encourageant.

Alors pourquoi est-ce que je monte le voir ? se demanda-t-elle. Puis elle rigola légèrement, réalisant qu'elle se posait la même question à chaque fois qu'elle gravissait cette montagne.

Peut-être parce qu'il était le seul proche en vie à proximité. Elle ne savait même pas où vivait sa sœur aînée, et il n'y avait personne d'autre.

Elle n'était pas encore certaine que c'était une raison suffisante. Mais elle avait la certitude que cette visite était importante.

Au moins, le trajet n'était pas long. Après avoir suivi l'ouest un petit moment, Riley quitta l'autoroute principale et suivit des routes de campagnes entourées par les montagnes Appalaches. Le jour était agréable et chaud, elle descendit alors la fenêtre et pris de grandes bouffées de l'air propre et rafraîchissant du printemps. Elle avait toujours aimé la vue des fermes familiales, des cols rocheux et des cours d'eau.

Elle traversa une ville minuscule du nom de Milladore avant de gravir la dernière pente raide menant au chalet de son père.

La voiture toussa alors quelques fois. Riley tapota le tableau de bord.

— Accroche-toi, ma petite. On peut toutes les deux y arriver. Le plus dur c'est d'arriver jusque là. Tout le retour sera en descente. Ça sera facile.

Vraiment ? se demanda-t-elle. Pour la voiture, peut-être.

Mais peut-être pas pour elle. Elle espérait ne pas quitter le chalet amère, en colère et perdue, comme souvent dans le passé.

La dernière portion du trajet était une route sinueuse et poussiéreuse, se finissant sur la propriété de son père. Son petit chalet fut visible, se tenant au milieu d'une petite clairière qui avait été dégagée de la forêt dense l'entourant.

Riley ignorait depuis quand s'y trouvait le chalet. Son père l'avait acheté lorsqu'il avait pris sa retraite après sa vie chez les marines. Il n'y avait pas d’électricité, mais elle savait que c'est ce qu'il appréciait. Il aurait pu faire en sorte que les lignes électriques et téléphoniques arrivent à proximité pour s'y raccorder, mais n'en avait pas pris la peine.

En approchant, elle vit son père se tenant près d'une grosse souche d'arbre. Il coupait en petit morceaux une pile de courtes bûches sur cette souche. Il s'arrêta à peine dans son travail lorsque Riley gara la voiture, regardant vaguement dans sa direction.

On croirait que je viens tous les jours, pensa Riley.

Il ne s'arrêta pas tandis qu'elle marchait vers lui après être descendue de la voiture.

C'était un homme puissamment charpenté dans la fin de la cinquantaine qui avait gardé la coupe de cheveux et le maintien militaire. Riley sentait toujours beaucoup de colère et de féroce indépendance dans sa conduite physique.

— Salut Papa.

Il lui jeta un regard, hocha la tête et fendit une nouvelle bûche.

Riley réprima un soupir. C'était une tâche familière que d'essayer de faire sortir son père, d'attirer son attention, et même de lui faire admettre sa présence.

Elle remarqua qu'un nouveau véhicule utilitaire était garé sur le côté du chalet.

— Je vois que tu as une nouvelle caisse.

— Ouais, j'ai pas aimé dépenser cet argent, dit-il finalement, s'arrêtant un instant et essuyant son front.

— Mais l'autre m'a lâché.

Puis il laissa échapper un rire dur et râpeux.

— Je sais pas pourquoi, dit-il. Je ne l'ai jamais emmené ailleurs qu'à l'église.

Riley fut surprise de se sentir sourire à la blague. Papa n'avait rien d'un homme fréquentant l'église. Mais il avait besoin d'un véhicule robuste pour parcourir ces montagnes, surtout avec des conditions météorologiques difficiles.

Il reprit son travail. Riley croisa les bras et le regarda un moment.

— Est-ce que tu dois vraiment couper du bois de chauffage à ce moment de l'année ? lui demanda-t-elle.

— Ouais, si je veux survivre à l'hiver. J'ai besoin de beaucoup de bois pour ça. Il est jamais trop tôt pour en couper. Et il a besoin de temps pour sécher.

Riley s'avança vers lui et tendit la main.

— Pourquoi tu ne me laisserais pas faire pour que tu te reposes une minute ? suggéra-t-elle.

Papa lui tendit volontiers la hache. Elle posa une bûche sur la souche, leva haut la hache, et fendit le bois proprement. Elle fut surprise du bien que lui procura l'explosion de l'effort. Son père lui avait apprit à fendre des bûches dès qu'elle avait été assez grande pour manier une hache. Elle réalisait maintenant que cela lui manquait de pratiquer ce genre d'effort physique ne nécessitant pas de faire appel à son esprit.

Papa posa les mains sur ses hanches et la regarda travailler. Il souriait même un peu.

— Il n'y a pas école aujourd'hui ? Ou tu as abandonné ?

— Nan, je suis toujours à cette fichue faculté, essayant de passer ce diplôme inutile que tu penses que je ne devrais pas passer. J'ai juste senti un espèce de besoin de venir ici et de te voir.

— C'est très gentil de ta part.

Riley fut surprise d'entendre une trace de douceur dans sa voix.

On dirait presque qu'il le pense, se dit-elle.

Elle fendit encore quelques bûches.

— J'ai entendu qu'il y avait eu un autre meurtre, dit alors son père.

Riley planta la hache dans la souche et se tourna vers lui.

— Comment tu l'as appris ? Je pensais que tu étais coupé de tout ?

Il haussa les épaules comme s'il essayait d'avoir l'air indifférent.

— C'est généralement le cas. Mais je vais parfois à Milladore, pour pendre un journal, rattraper un peu les nouvelles à la TV au bar VFW. J'en ai entendu parler par hasard.

Ces mots attirèrent particulièrement l'attention de Riley.

« J'en ai entendu parler par hasard. »

Elle sentait qu'il n'avait rien entendu « par hasard ».

Depuis qu'elle luit avait parlé du meurtre de Rhea la dernière fois au téléphone, il avait dû passer plus de temps à Milladore, suivant avec attention les nouvelles de Lanton.

Il s'inquiétait pour moi, réalisa-t-elle.

Ils restèrent un moment à se regarder.

— Une autre de tes amies ? demanda-t-il.

Riley hocha la tête, déterminée à ne montrer aucune émotion.

— Ma colocataire, Trudy.

 

— Bon sang.

— J'ai trouvé son corps. Et j'étais la deuxième personne à trouver le corps de l'autre fille. Les deux avaient la gorge tranchée.

— Bon sang, répéta-t-il.

Papa tourna alors la tête vers le bois et ne dit plus rien.

Eh bien, j'imagine que c'est tout ce qu'on dira à ce sujet, se dit-elle avec une pointe de déception.

Elle avait l'impression qu'elle aurait dû savoir que Papa n'allait pas exprimer de l'inquiétude à propos de sa sécurité plus d'une minute ou deux.

Elle attrapa la hache et commença à fendre à nouveau le bois. Soudainement, le bras de son père se referma étroitement contre sa gorge. Avant qu'elle ne réalise ce qui se passait, elle était couchée au sol sur le dos. Son père appuya son genou contre sa poitrine et tint un couteau de chasse au dessus de sa gorge. L'extrémité de la lame était tranchante contre sa peau.

Riley eut un cri d'horreur.

Elle se demanda...

Est-ce qu'il a perdu la tête ?

Est-ce qu'il va me tuer ?