Loe raamatut: «Notre Honneur Sacré»
NOTRE HONNEUR SACRÉ
(UN THRILLER LUKE STONE – LIVRE 6)
J A C K M A R S
Jack Mars
Jack Mars est actuellement l’auteur best-seller aux USA de la série de thrillers LUKE STONE, qui contient sept volumes. Il a également écrit la nouvelle série de préquels L’ENTRAÎNEMENT DE LUKE STONE contenant trois volumes (pour l’instant), ainsi que la série de thrillers d’espionnage L’AGENT ZÉRO comprenant sept volumes (pour l’instant).
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Image de couverture : Copyright GlebSStock, utilisée sous licence à partir de Shutterstock.com.
LIVRES DE JACK MARS
SÉRIE DE THRILLERS LUKE STONE
TOUS LES MOYENS NÉCESSAIRES (Volume #1)
PRESTATION DE SERMENT (Volume #2)
SALLE DE CRISE (Volume #3)
LUTTER CONTRE TOUT ENNEMI (Volume #4)
PRÉSIDENT ÉLU (Volume #5)
NOTRE HONNEUR SACRÉ (Volume #6)
L’ENTRAÎNEMENT DE LUKE STONE
CIBLE PRINCIPALE (Tome #1)
DIRECTIVE PRINCIPALE (Tome #2)
MENACE PRINCIPALE (Tome #3)
UN THRILLER D’ESPIONNAGE DE L’AGENT ZÉRO
L’AGENT ZÉRO (Volume #1)
LA CIBLE ZÉRO (Volume #2)
LA TRAQUE ZÉRO (Volume #3)
LE PIÈGE ZÉRO (Volume #4)
LE FICHIER ZÉRO (Volume #5)
LE SOUVENIR ZÉRO (Volume #6)
L’ASSASSIN ZÉRO (Volume #7)
LE LEURRE ZÉRO (Volume #8)
UNE NOUVELLE DE L’AGENT ZÉRO
« …nous donnons en gage les uns et les autres, nos vies, nos biens et notre honneur sacré. »
Thomas JeffersonDéclaration d’indépendance des États-Unis
CHAPITRE UN
9 décembre
23:45, heure du Liban (16:45, heure normale de l’Est)
Sud-Liban
– Rends grâces à Allah, s’exhorta le jeune homme. Rends-Lui grâces. Rends-lui grâces.
Il tira une longue bouffée de sa cigarette, sa main tremblait quand il la porta à ses lèvres. Il n’avait rien mangé depuis douze heures. Quatre heures auparavant, le monde autour de lui avait plongé dans la nuit. C’était un routier apte à conduire les plus gros semi-remorques. Avec celui-ci, il avait traversé la frontière de la Syrie puis parcouru la campagne vallonnée du Liban, roulant doucement, tous feux éteints, sur des routes sinueuses.
C’était un parcours dangereux. Le ciel était rempli de drones, d’hélicoptères, d’avions-espions et de bombardiers russes, américains et israéliens. N’importe lequel d’entre eux pouvait s’intéresser à ce poids-lourd. N’importe lequel pouvait décider de le détruire et le faire sans peine. Il avait conduit tout du long en s’attendant à ce moment – un missile le frappant sans prévenir, le transformant en squelette enflammé dans une épave d’acier en feu.
Il venait à présent de garer son camion sous un auvent, au bout d’un long chemin étroit. Érigé sur des montants en bois, l’auvent était conçu pour se fondre, vu du ciel, dans le couvert forestier : son toit était recouvert d’épaisses broussailles. Il était situé pile à l’endroit qu’ils lui avaient indiqué.
Il coupa le moteur, qui péta, rota et cracha une fumée noire par le pot d’échappement vertical, du côté conducteur, avant de s’éteindre. Il ouvrit la portière de la cabine et descendit. Aussitôt, une escouade d’hommes lourdement armés émergea tels des fantômes des bois environnants.
– As salam aleikoum, lança le jeune chauffeur à leur approche.
– Wa aleikoum salam, répondit le chef des miliciens.
Il était grand et baraqué, avec des yeux sombres et une barbe noire touffue. Ses traits étaient durs – aucune compassion en eux. Il désigna le camion.
– C’est ça ?
Le routier tira une autre bouffée tremblotante de sa cigarette. Non, faillit-il répondre. C’est un autre camion. Celui-ci n’est que du vent.
– Oui, dit-il à la place.
– Tu es en retard, constata le chef des miliciens.
Le jeune haussa les épaules.
– En ce cas, c’est toi qui aurais dû conduire.
Le chef observa le camion. Il avait l’air d’un semi-remorque banal, du genre à transporter du bois, des meubles ou des denrées alimentaires. Mais ce n’était pas le cas. Les miliciens s’approchèrent de la remorque ; deux d’entre eux grimpèrent par l’échelle sur son toit, deux autres s’agenouillèrent à ses pieds. Chacun était équipé d’une visseuse électrique.
Travaillant rapidement, ils ôtèrent une à une les vis qui maintenaient la fausse remorque. Au bout de quelques instants, ils retirèrent du flanc une large plaque d’aluminium. Un peu plus tard, une plaque plus étroite de l’arrière. Puis ils firent de même de l’autre côté, où le routier ne pouvait plus les voir.
Il se retourna pour contempler la forêt et les collines obscures. Il distinguait les lumières d’un village qui scintillaient dans les ténèbres, à plusieurs kilomètres de là. Un beau pays. Il était très content d’être ici. Son boulot était terminé. Il n’était pas milicien, il était chauffeur routier. Ils l’avaient payé pour qu’il passe la frontière et amène ce camion.
Il n’était pas non plus de cette région, il vivait loin dans le nord. Il ignorait comment ces hommes s’étaient arrangés pour le renvoyer chez lui, mais il s’en fichait. Débarrassé de la machine infernale qu’il avait pilotée, il serait heureux de partir d’ici.
Des phares arrivaient sur l’étroite route défoncée – tout un convoi. Quelques secondes plus tard apparurent trois SUV noirs Mercedes. Les portières s’ouvrirent toutes ensemble et des hommes jaillirent des voitures, armé chacun d’un lourd fusil ou d’une mitraillette. La portière arrière de la voiture du milieu s’ouvrit en dernier.
En sortit un homme corpulent, portant des lunettes et une barbe poivre-et-sel. Il s’appuyait sur une canne en bois noueux et boitait bas – résultat d’un attentat à la voiture piégée contre lui deux ans auparavant.
Le jeune chauffeur le reconnut aussitôt : c’était sans nul doute l’homme le plus célèbre au Liban, et bien connu du monde entier. Il s’appelait Abba Qassem et c’était le leader absolu du Hezbollah. Son autorité en matière d’opérations militaires, de programmes sociaux, de relations avec les gouvernements étrangers, de crime et de punition, de vie et de mort, était incontestable.
Sa présence rendit le routier nerveux. Ce fut soudain, comme une douleur à l’estomac. Rencontrer une célébrité pouvait rendre nerveux, c’était certain. Mais c’était plus que ça. La présence de Qassem ici signifiait que ce camion était important, quoi qu’il puisse transporter. Bien plus important que son conducteur ne le croyait.
Entouré de ses gardes du corps, Qassem boitilla jusqu’au chauffeur et lui fit une maladroite accolade.
– Mon frère, dit-il. Tu es le chauffeur ?
– Oui.
– Allah te récompensera.
– Merci, sayyid, répondit le routier.
Il lui donnait un titre honorifique laissant entendre que Qassem était un descendant direct de Mahomet lui-même. Il n’était pas un Musulman très pieux, mais les gens comme Qassem semblaient apprécier ce genre d’égards.
Tous deux se retournèrent. Les miliciens avaient terminé d’enlever les plaques de métal qui enveloppaient la remorque. L’aspect réel du poids-lourd se révélait à présent. L’avant demeurait ce qu’il avait l’air : la cabine d’un semi-remorque, peinte en vert foncé. Sa longue remorque était une plateforme de lancement de missiles à double cylindre. Dans chaque cylindre reposait un gros missile argenté, brillant d’un éclat métallique.
Les deux parties du camion étaient séparées et indépendantes, reliées par un système hydraulique au centre et deux chaînes d’acier de chaque côté. Cela expliquait pourquoi le poids-lourd avait été difficile à maîtriser : la remorque n’était pas attachée au tracteur aussi solidement que le conducteur l’aurait souhaité.
– On appelle ça un tracteur-érecteur-lanceur, expliqua Qassem. Un parmi tant d’autres que le Parfait a jugé bon de nous amener.
– Ah oui ? fit le chauffeur.
– Oh oui, opina Qassem.
– Et les missiles ?
Qassem sourit – un sourire calme et béat, un sourire de saint.
– Un armement très perfectionné. Longue portée. Aussi précis que n’importe quel autre en ce monde. Plus puissant que tout ce qu’on a connu jusqu’ici. Si Allah le veut, nous utiliserons ces armes pour mettre nos ennemis à genoux.
– Israël ? suggéra le jeune.
Il s’étrangla presque à ce mot. L’envie lui vint de tracer vers le nord, tout de suite.
Qassem posa une main sur son épaule.
– Allah est grand, mon frère. Allah est grand. Très bientôt, tout le monde saura à quel point.
Il s’éloigna en boitant vers le lance-missile. Le routier le regarda partir. Il tira une dernière bouffée de sa cigarette, qu’il avait fumée jusqu’au filtre. Il se sentait un peu mieux, plus calme. Son job était fini. Ces maniaques pouvaient bien déclencher une nouvelle guerre s’ils le voulaient, elle n’atteindrait probablement pas le nord.
Qassem se tourna de nouveau vers lui.
– Mon frère, l’appela-t-il.
– Oui ?
– Ces missiles sont secrets, tu sais. Personne ne doit en entendre parler.
– Bien sûr, opina le chauffeur.
– Tu as des amis, de la famille ?
– En effet, sourit-il. Une femme, trois enfants en bas âge. Et j’ai toujours ma mère. Je suis bien connu dans mon village et ses alentours. Je joue du violon depuis mon enfance, et tout le monde me demande de lui jouer un morceau. (Il marqua une pause.) C’est une vie bien remplie.
Le sayyid hocha la tête, l’air un peu triste.
– Allah te récompensera.
Le routier n’aima pas le ton employé. C’était la deuxième fois que Qassem parlait d’une récompense.
– Oui. Merci.
Près de Qassem, deux mastards saisirent les fusils à leur épaule. Une seconde plus tard, ils visaient le chauffeur.
Celui-ci bougea à peine. Ce n’était pas vrai. C’était arrivé si vite. Son cœur cognait dans ses oreilles. Il ne sentait plus ses jambes ni ses bras. Même ses lèvres étaient paralysées. Une seconde, il essaya de se rappeler ce qu’il avait bien pu faire pour les offenser. Rien, il n’avait rien fait. Tout ce qu’il avait fait, c’était d’amener ce camion ici.
Ce camion… était un secret.
– Attendez, articula-t-il. Attendez ! Je ne le dirai à personne.
Qassem secoua la tête.
– L’Omniscient a vu quel bon travail tu as accompli. Il t’ouvrira les portes du Paradis ce soir même. C’est une promesse que je te fais. C’est ma prière.
Bien trop tard, le routier se retourna pour fuir.
L’instant d’après, il entendit le grand CRAC du premier fusil qui tirait.
Et il réalisa, tandis que le sol se ruait à sa rencontre, qu’il avait vécu toute sa vie en vain.
CHAPITRE DEUX
11 décembre
09:01, heure normale de l’Est
Bureau ovale
Maison-Blanche, Washington DC
Susan Hopkins croyait à peine ce qu’elle voyait.
Elle se trouvait sur le tapis du coin salon du Bureau ovale, dont les confortables fauteuils à haut dossier avaient été enlevés pour les festivités de ce matin. Une trentaine de personnes s’entassaient dans la pièce. Kurt Kimball et Kat Lopez se tenaient près d’elle, ainsi que Haley Lawrence, son secrétaire à la Défense.
Sur son insistance, tout le personnel de la résidence de la Maison-Blanche était présent : le chef, les serveurs, les domestiques, mêlés aux autres invités : les directeurs de la National Science Foundation, de la NASA, du Service des parcs nationaux, entre autres. Une poignée de personnalités des médias était également ici, ainsi que deux ou trois caméramans triés sur le volet. De nombreux agents du Secret Service étaient alignés contre les murs ou dispersés parmi la foule.
Sur un grand écran télé installé près du mur du fond, Stephen Lief était sur le point de prêter serment comme vice-président. Susan ne pourrait plus le revoir en chair et en os avant la fin de son mandat présidentiel. Stephen était un homme d’âge mûr, un air de hibou avec ses lunettes rondes, des cheveux gris clairsemés qui se dégarnissaient au sommet du crâne comme une armée en déroute. Il avait un corps vaguement en forme de poire, caché dans un costume Armani à rayures bleues de trois mille dollars.
Susan connaissait Stephen depuis longtemps. Il aurait dû être son principal adversaire aux dernières élections, si Jeff Monroe ne s’était pas interposé. Auparavant, à l’époque où elle était au Sénat, il représentait l’opposition officielle de l’autre côté de l’allée centrale, un conservateur modéré, peu remarquable, à tête de cochon mais pas déséquilibré. Et c’était un homme bien.
Mais il n’était pas dans le bon parti, et elle avait essuyé de vives critiques de la part des milieux libéraux pour cela. Il était issu d’une aristocratie terrienne, d’une vieille fortune – un descendant du Mayflower, ce que l’Amérique avait de plus proche de la noblesse. À un moment donné, il avait semblé penser que devenir président était pour lui un droit de naissance. Pas le genre de Susan – des aristocrates qui se croyaient tout permis et avaient tendance à manquer du contact humain permettant de se rapprocher des gens que l’on était censé servir.
Le fait qu’elle ait pensé à Stephen Lief mesurait bien à quel point elle avait Luke Stone dans la peau. C’était l’idée de Stone, qu’il lui avait présentée de manière ludique, alors que tous deux étaient allongés côte à côte dans son grand lit présidentiel. Elle réfléchissait à voix haute à des candidats possibles pour la vice-présidence, et Luke avait lancé :
– Pourquoi pas Stephen Lief ?
Elle avait failli rire.
– Stone ! Stephen Lief ? Allons donc !
– Non, je suis sérieux, avait-il répliqué.
Il était couché sur le côté. Son corps nu était mince et dur comme pierre, taillé au burin, couturé de cicatrices. Un bandage épais couvrait encore sa récente blessure par balle, moulé sur son torse le long du côté gauche. Ses blessures variées ne la gênaient pas, elles le rendaient plus sexy, plus dangereux. Ses yeux bleu foncé l’observaient du fond de son visage tanné de cow-boy Marlboro, et un demi-sourire malicieux s’étirait sur les lèvres.
– Tu es beau, Stone. Comme une ancienne statue grecque, heu… portant un bandage. Mais tu devrais peut-être me laisser réfléchir. Tu peux juste rester allongé ici, à faire le beau.
– Je l’ai interrogé dans sa ferme en Floride, expliqua Luke. Je lui ai demandé ce qu’il savait sur Jefferson Monroe et la fraude électorale. Il m’a très vite avoué la vérité. Et il est bon avec les chevaux. Gentil. Ça compte un peu, non ?
– Je garderai ça à l’esprit, répliqua Susan. Quand je chercherai un garçon d’écurie.
Stone secoua la tête, mais ne se départit pas de son sourire.
– Ce pays est fracturé, Susan. Les derniers événements ont exacerbé les sentiments. Tu t’en sors toujours bien, mais le Congrès a la cote de popularité la plus basse de toute l’histoire américaine. Si l’on en croit les sondages, les politiciens, les Talibans et l’Église de Satan ont tous la même cote auprès des Américains. Les avocats, le fisc et la Mafia italienne ont un taux de popularité bien plus élevé.
– Et tu dis ça parce que…
– Parce que ce que le peuple américain veut maintenant, c’est que la droite et la gauche, les libéraux et les conservateurs, se réunissent un peu et se mettent à faire quelque chose pour ce pays. Les routes et les ponts doivent être reconstruits, le réseau ferroviaire aurait sa place dans un musée, les écoles publiques tombent en ruine et nous n’avons pas construit de nouvel aéroport important depuis près de trente ans. On est classé 32e dans le domaine de la santé, Susan. C’est bas. Comment peut-il y avoir 31 autres pays devant nous ? Parce que je te le dis, j’ai parcouru le monde, et je ne vois plus de bons pays à 21 ou 22. Ça nous met en dessous d’un tas de sales pays.
Susan soupira.
– Si on avait l’adhésion des conservateurs, on pourrait peut-être faire passer mon paquet de mesures sur les infrastructures…
Il lui tapota le front.
– Maintenant tu te sers de ta cervelle. Lief a passé dix-huit ans au Sénat. Il connaît les règles du jeu aussi bien que tout le monde.
– Je croyais que la politique, ce n’était pas ton truc, remarqua-t-elle.
– Ça ne l’est pas.
Elle secoua la tête.
– C’est bien ce qui m’effraie.
Luke se rapprocha d’elle.
– N’ais pas peur. Je vais te dire ce que c’est, mon truc.
– Vas-y, raconte.
– L’exercice physique. Avec quelqu’un comme toi.
Un fantôme de sourire sur les lèvres, elle secoua la tête pour évacuer ces souvenirs. Elle s’était un peu éloignée de l’instant présent. À la télé, Stephen Lief s’apprêtait à prêter serment. Cela se passait dans son ancien bureau à l’Observatoire naval. Elle se rappelait bien la pièce et la maison. C’était la belle maison à tourelles et pignons de style Queen Anne des années 1850, située sur le terrain de l’Observatoire naval à Washington DC. Pendant des décennies, elle avait été la résidence officielle du vice-président des États-Unis.
Susan avait l’habitude de rester devant la grande baie vitrée que l’on voyait à l’écran, à contempler les belles pelouses vallonnées du campus de l’Observatoire naval. Le soleil de l’après-midi traversait cette fenêtre et créait d’incroyables jeux d’ombre et de lumière. Pendant cinq ans, elle avait vécu dans cette maison en tant que vice-présidente. Elle l’avait adorée, et y retournerait en un clin d’œil si elle le pouvait.
En ces jours anciens, l’après-midi et le soir, elle sortait faire du jogging sur le terrain de l’Observatoire, accompagnée des hommes du Secret Service. Ces années-là étaient empreintes d’optimisme, de discours vibrants, de rencontres et de la reconnaissance de milliers d’Américains pleins d’espoir. Cela paraissait une autre vie à présent.
Susan soupira. Son esprit s’égarait. Elle se rappela le jour de l’attaque de Mount Weather, l’atrocité qui l’avait catapultée hors de sa vie heureuse de vice-présidente, dans les violents tumultes de ces dernières années.
Elle secoua de nouveau la tête. Non merci. Elle ne voulait pas repenser à cette journée.
Dans l’écran, deux hommes et une femme se tenaient debout sur une petite estrade. Les photographes leur tournaient autour comme des moucherons en prenant des clichés.
L’un des hommes sur l’estrade était petit et chauve, et portait une longue robe. C’était Clarence Warren, président de la Cour suprême des États-Unis. La femme, vêtue d’un costume bleu vif, s’appelait Judy Lief. Elle tenait une Bible ouverte et souriait jusqu’aux oreilles. Son mari, Stephen, posa sa main gauche sur la Bible. Sa droite était levée. Lief était souvent considéré comme sévère, mais même lui souriait un peu.
– Moi, Stephen Douglas Lief, déclara-t-il, je jure solennellement que je soutiendrai et défendrai la Constitution des États-Unis contre tous ennemis, externes ou intérieurs…
– Que je montrerai loyauté… souffla le juge Warren.
– Que je montrerai loyauté et allégeance à celle-ci, reprit Lief. Que je prends cette obligation librement, et que je vais bien et loyalement m’acquitter des devoirs de la charge que je m’apprête à prendre.
– Que Dieu me vienne en aide, conclut le juge Warren.
– Que Dieu me vienne en aide, répéta Lief.
Une image s’imposa à l’esprit de Susan – un spectre d’un passé récent. Marybeth Horning, la dernière personne à avoir prêté ce serment. Elle avait été le mentor de Susan au Sénat, et proche d’un mentor en tant que vice-présidente. Avec sa taille petite et fine et ses grosses lunettes, elle avait l’air d’une souris, mais elle rugissait comme un lion.
Puis elle avait été abattue à cause de… quoi ? Sa politique libérale, pourrait-on dire, mais ce n’était pas vrai. Ceux qui l’avaient tuée se fichaient des différences politiques – tout ce qui les intéressait, c’était le pouvoir.
Susan espérait que le pays pourrait passer outre à présent. Elle regarda à la télé Stephen embrasser sa famille et son entourage.
Lui faisait-elle confiance ? Elle l’ignorait.
Essaierait-il de la faire tuer ?
Non. Elle ne le pensait pas. Il avait trop d’intégrité pour ça. Elle n’avait jamais vu de sournoiseries de sa part durant tout son temps passé au Sénat. Elle se dit que c’était un bon début – elle avait un vice-président qui ne tenterait pas de la tuer.
Elle s’imagina des journalistes du New York Times et du Washington Post lui poser des questions : « Qu’aimez-vous chez Stephen Lief, votre nouveau vice-président ? » « Eh bien, il ne va pas me tuer. Ça me met à l’aise. »
Kat Lopez vint à ses côtés.
– Heu, Susan ? Il faudrait t’approcher des micros, pour féliciter le vice-président Lief et lui prodiguer quelques mots d’encouragement.
Susan sortit de sa rêverie.
– Bien sûr. C’est une bonne idée. Ils lui seront sûrement profitables.