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Loe raamatut: «Histoire d'Henriette d'Angleterre», lehekülg 8

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QUATRIÈME PARTIE

Dans ce temps le comte de Guiche revint de Pologne224. Monsieur souffrit qu'il revînt à la Cour, mais il exigea de son père qu'il ne se trouveroit pas dans les lieux où se trouveroit Madame. Il ne laissoit pas de la rencontrer souvent et de l'aimer en la revoyant, quoique l'absence eût été longue, que Madame eût rompu avec lui et qu'il fût incertain de ce qu'il devoit croire de l'affaire de Vardes.

Il ne savoit plus de moyen de s'éclaircir avec Madame; Dodoux, qui étoit le seul homme en qui il se fioit, n'étoit pas à Fontainebleau; et ce qui acheva de le mettre au désespoir fut que, comme Madame savoit que le Roi étoit instruit des lettres qu'elle lui avoit écrites à Nancy et du portrait qu'il avoit d'elle, elle les lui fit redemander par le Roi même, à qui il les rendit avec toute la douleur possible et toute l'obéissance qu'il a toujours eue pour les ordres de Madame.

Cependant Vardes, qui se sentoit coupable envers son ami, lui embrouilla tellement les choses, qu'il lui pensa faire tourner la tête. Tous ses raisonnemens lui faisoient connoître qu'il étoit trompé; mais il ignoroit si Madame avoit part à la tromperie, ou si Vardes seul étoit coupable. Son humeur violente ne le pouvant laisser dans cette inquiétude, il résolut de prendre madame de Meckelbourg pour juge, et Vardes la lui nomma comme un témoin de sa fidélité; mais il ne le voulut qu'à condition que Madame y consentiroit.

Il lui en écrivit par Vardes pour l'en prier. Madame étoit accouchée de monsieur de Valois225 et ne voyoit encore personne; mais Vardes lui demanda une audience avec tant d'instance, qu'elle la lui accorda. Il se jeta d'abord à genoux devant elle; il se mit à pleurer et à lui demander grâce, lui offrant de cacher, si elle vouloit être de concert avec lui, tout le commerce qui avoit été entre eux.

Madame lui déclara qu'au lieu d'accepter cette proposition elle vouloit que le comte de Guiche sût la vérité; que, comme elle avoit été trompée et qu'elle avoit donné dans des panneaux dont personne n'auroit pu se défendre, elle ne vouloit pas d'autre justification que la vérité, au travers de laquelle on verroit que ses bontés, entre les mains de tout autre que lui, n'auroient pas été tournées comme elles l'avoient été.

Il voulut ensuite lui donner la lettre du comte de Guiche; mais elle la refusa, et elle fit très-bien, car Vardes l'avoit déjà montrée au Roi et lui avoit dit que Madame le trompoit.

Il pria encore Madame de nommer quelqu'un pour les accommoder; elle consentit, pour empêcher qu'ils ne se battissent, que la paix se fît chez madame de Meckelbourg; mais Madame ne vouloit pas qu'il parût que cette entrevue se fît de son consentement. Vardes, qui avoit espéré toute autre chose, fut dans un désespoir nonpareil; il se cognoit la tête contre les murailles, il pleuroit et faisoit toutes les extravagances possibles. Mais Madame tint ferme et ne se relâcha point, dont bien lui prit.

Quand Vardes fut sorti, le Roi arriva. Madame lui conta comment la chose s'étoit passée, dont le Roi fut si content qu'il entra en éclaircissement avec elle, et lui promit de l'aider à démêler les fourberies de Vardes, qui se trouvèrent si excessives qu'il seroit impossible de les définir.

Madame se tira de ce labyrinthe en disant toujours la vérité, et sa sincérité la maintint auprès du Roi.

Le comte de Guiche cependant étoit très affligé de ce que Madame n'avoit pas voulu recevoir sa lettre; il crut qu'elle ne l'aimoit plus, et il prit la résolution de voir Vardes chez madame de Meckelbourg, pour se battre contre lui. Elle ne les voulut point recevoir, de sorte qu'ils demeurèrent dans un état dont on attendait tous les jours quelque éclat horrible.

Le Roi retourna en ce temps à Vincennes. Le comte de Guiche, qui ne savoit dans quels sentimens Madame étoit pour lui, ne pouvant plus demeurer dans cette incertitude, résolut de prier la comtesse de Gramont226, qui étoit Angloise, de parler à Madame, et il l'en pressa tant qu'elle y consentit; son mari même se chargea d'une lettre qu'elle ne voulut pas recevoir. Madame lui dit que le comte de Guiche avoit été amoureux de mademoiselle de Grancey227, sans lui avoir fait dire que c'étoit un prétexte; qu'elle se trouvoit heureuse de n'avoir point d'affaires avec lui et que, s'il eût agi autrement, son inclination et la reconnoissance l'auroient fait consentir, malgré les dangers auxquels elle s'exposoit, à conserver pour lui les sentimens qu'il auroit pu désirer.

Cette froideur renouvela tellement la passion du comte de Guiche, qu'il étoit tous les jours chez la comtesse de Gramont, pour la prier de parler à Madame en sa faveur; enfin le hasard lui donna occasion de lui parler à elle-même plus qu'il ne l'espéroit.

Madame de la Vieuville228 donna un bal chez elle229. Madame fit partie pour y aller en masque avec Monsieur; et, pour n'être pas reconnue, elle fit habiller magnifiquement ses filles, et quelques dames de sa suite et elle, avec Monsieur, allèrent avec des capes dans un carrosse emprunté.

Ils trouvèrent à la porte une troupe de masques. Monsieur leur proposa, sans les connoître, de s'associer à eux et en prit un par la main; Madame en fit autant. Jugez quelle fut sa surprise quand elle trouva la main estropiée du comte de Guiche, qui reconnut aussi les sachets dont les coiffes de Madame étoient parfumées. Peu s'en fallut qu'ils ne jetassent un cri tous les deux, tant cette aventure les surprit.

Ils étoient l'un et l'autre dans un si grand trouble qu'ils montèrent l'escalier sans se rien dire. Enfin le comte de Guiche ayant reconnu Monsieur et ayant vu qu'il s'étoit allé asseoir loin de Madame, s'étoit mis à ses genoux, et eut le temps non-seulement de se justifier, mais d'apprendre de Madame tout ce qui s'étoit passé pendant son absence. Il eut beaucoup de douleur qu'elle eût écouté Vardes; mais il se trouva si heureux de ce que Madame lui pardonnoit sa ravauderie avec mademoiselle de Grancey, qu'il ne se plaignit pas.

Monsieur rappela Madame, et le comte de Guiche, de peur d'être reconnu, sortit le premier; mais le hasard, qui l'avoit amené en ce lieu, le fit amuser au bas du degré. Monsieur étoit un peu inquiet de la conversation que Madame avoit eue; elle s'en aperçut, et la crainte d'être questionnée fit que le pied lui manqua, et du haut de l'escalier elle alla bronchant jusqu'en bas, où étoit le comte de Guiche, qui en la retenant l'empêcha de se tuer, car elle étoit grosse230.

Toutes choses sembloient, comme vous voyez, aider à son raccommodement; aussi s'acheva-t-il. Madame reçut ensuite de ses lettres, et, un soir que Monsieur étoit allé en masque, elle le vit chez la comtesse de Gramont, où elle attendoit Monsieur pour faire médianoche.

Dans ce même temps, Madame trouva occasion de se venger de Vardes. Le chevalier de Lorraine231 étoit amoureux d'une des filles de Madame qui s'appeloit Fiennes; un jour qu'il se trouva chez la Reine devant beaucoup de gens, on lui demanda à qui il en vouloit; quelqu'un répondit que c'étoit à Fiennes. Vardes dit qu'il auroit bien mieux fait de s'adresser à sa maîtresse. Cela fut rapporté à Madame par le comte de Gramont. Elle se le fit raconter par le marquis de Villeroi232, ne voulant pas nommer l'autre; et, l'ayant engagé dans la chose aussi bien que le chevalier de Lorraine, elle en fit ses plaintes au roi et le pria de chasser Vardes. Le Roi trouva la punition un peu rude, mais il le promit. Vardes demanda à n'être mis qu'à la Bastille, où tout le monde l'alla voir.

Ses amis publièrent que le Roi avoit consenti avec peine à cette punition et que Madame n'avoit pu le faire chasser. Voyant qu'en effet cela se trouvoit avantageusement pour lui, Madame repria le Roi de l'envoyer à son gouvernement233; ce qu'il lui accorda.

La comtesse de Soissons, enragée de ce que Madame lui ôtoit également Vardes par sa haine et par son amitié, et son dépit ayant augmenté par la hauteur avec laquelle toute la jeunesse de la Cour avoit soutenu que Vardes étoit punissable, elle résolut de s'en venger sur le comte de Guiche.

Elle dit au Roi que Madame avoit fait ce sacrifice au comte de Guiche, et qu'il auroit regret d'avoir servi sa haine, s'il savoit tout ce que le comte de Guiche avoit fait contre lui.

Montalais, qu'une fausse générosité faisoit souvent agir, écrivit à Vardes que, s'il vouloit s'abandonner à sa conduite, elle auroit trois lettres qui pouvoient le tirer d'affaire. Il n'accepta pas le parti, mais la comtesse de Soissons se servit de la connoissance de ces lettres pour obliger la roi à perdre le comte de Guiche. Elle accusa le comte d'avoir voulu livrer Dunkerque aux Anglois234 et d'avoir offert à Madame le régiment des gardes235; elle eut l'imprudence de mêler à tout cela la lettre d'Espagne. Heureusement le Roi parla à Madame de tout ceci. Il lui parut d'une telle rage contre le comte de Guiche et si obligé à la comtesse de Soissons, que Madame se vit dans la nécessité de perdre tous les deux pour ne pas voir la comtesse de Soissons sur le trône, après avoir accablé le comte de Guiche. Madame fit pourtant promettre au Roi qu'il pardonneroit au comte de Guiche si elle lui pouvoit prouver que ses fautes étoient petites en comparaison de celles de Vardes et de la comtesse de Soissons; le roi le lui promit, et Madame lui conta tout ce qu'elle savoit. Ils conclurent ensemble qu'il chasseroit la comtesse de Soissons et qu'il mettroit Vardes en prison236. Madame avertit le comte de Guiche en diligence par le maréchal de Gramont et lui conseilla d'avouer sincèrement toutes choses, ayant trouvé que, dans toutes les matières embrouillées, la vérité seule tire les gens d'affaire. Quelque délicat que cela fût, le comte de Guiche en remercia Madame; et, sur cette affaire, ils n'eurent de commerce que par le maréchal de Gramont. La régularité fut si grande de part et d'autre qu'ils ne se coupèrent jamais, et le Roi ne s'aperçut point de ce concert. Il envoya prier Montalais de lui dire la vérité; vous saurez ce détail d'elle237. Je vous dirai seulement que le Maréchal, qui n'avoit tenu que par miracle une aussi bonne conduite que celle qu'il avoit eue, ne put longtemps se démentir, et son effroi lui fit envoyer son fils en Hollande, qui n'auroit pas été chassé s'il eût tenu bon.

Il en fut si affligé qu'il en tomba malade; son père ne laissa pas de le presser de partir. Madame ne vouloit pas qu'il lui dît adieu, parce qu'elle savoit qu'on l'observoit et qu'elle n'étoit plus dans cet âge où ce qui étoit périlleux lui paroissoit plus agréable. Mais comme le comte de Guiche ne pouvoit partir sans voir Madame, il se fit faire un habit des livrées de La Vallière, et, comme on portoit Madame en chaise dans le Louvre, il eut la liberté de lui parler. Enfin le jour du départ arriva; le comte avoit toujours la fièvre, il ne laissa pas de se trouver dans la rue avec son déguisement ordinaire; mais les forces lui manquèrent quand il fallut prendre le dernier congé. Il tomba évanoui, et Madame resta dans la douleur de le voir dans cet état, au hasard d'être reconnu, ou de demeurer sans secours. Depuis ce temps-là, Madame ne l'a point revu.

Madame de La Fayette quitta la plume sur cette phrase en 1669 et ne la reprit, quinze ans plus tard, que pour faire une relation de la mort de Madame. Il y a de la sorte dans l'Histoire une lacune qui va du printemps de 1665 au fatal été de 1670. Pour la combler, on a pris dans les mémoires d'une autre femme, moins judicieuse et d'un goût moins sûr, mais aussi sincère, aussi vraie que la comtesse de La Fayette, les passages qui se rapportent aux dernières années de la vie de Madame. Mademoiselle de Montpensier (c'est elle qu'on va entendre) ne recevait pas les confidences d'Henriette; d'ailleurs elle n'eût rien valu pour raconter par le menu d'élégantes galanteries. Elle parle fort en gros des affaires de Madame qu'elle n'aimait ni ne haïssait, et ne nous fournit qu'un bien court supplément.

[Il y eut de très grands divertissemens à Versailles238. Monsieur et Madame y furent brouillés à cause de M. de Monmouth239. M. le chevalier de Lorraine s'attacha à Monsieur, devint son favori, logea au Palais-Royal; il eut le malheur de déplaire à Madame…

Je ne revins d'Eu que vers le mois de décembre [1670]. A mon arrivée à Paris, l'on me dit que Madame y venoit pour dire adieu à madame de Saint-Chaumont, que Monsieur avoit chassée, dont elle étoit au désespoir. Elle étoit gouvernante de Mademoiselle; on croyoit que son crime étoit d'être tante de M. le comte de Guiche. Madame la mit aux Carmélites de la rue du Bouloy, qui est un établissement nouveau fait par le grand couvent de Saint-Jacques… Madame la maréchale de Clérembault fut mise auprès de Mademoiselle pour être sa gouvernante, à la place de madame de Saint-Chaumont.

J'allai à Paris un jour dont le soir le Roi fit arrêter le chevalier de Lorraine 240 . Je fus surprise le lendemain matin lorsqu'on me dit que Monsieur et Madame étoient arrivés la nuit, qu'ils s'en alloient à Villers-Cotterets 241 , que le chevalier de Lorraine étoit arrêté. J'allai au Palais-Royal, où je trouvai Monsieur fort fâché. Il se plaignoit de son malheur, disoit qu'il avoit toujours vécu avec le Roi d'une manière à ne se pas attirer le traitement qu'il venoit de lui faire, qu'il s'en alloit à Villers-Cotterets, qu'il ne pouvoit demeurer à la Cour. Madame témoignoit avoir du chagrin de celui de Monsieur, et me dit: «Je n'ai pas raison d'aimer le chevalier de Lorraine, parce que nous n'étions pas bien ensemble; il me fait cependant pitié, et j'ai une peine mortelle de celle de Monsieur.» Elle soutenoit ce discours avec un air qui marquoit la douleur d'une personne intéressée à tout ce qui le pouvoit fâcher, et dans le fond de l'âme elle étoit bien aise. Elle étoit parfaitement unie avec le Roi. Personne ne doute quelle n'eût part à cette disgrâce…

Monsieur et Madame revinrent de Villers-Cotterets; elle avoit un grand appartement de plain-pied à celui du Roi; et, quoi qu'elle logeât avec Monsieur au château neuf, lorsqu'elle en étoit sortie le matin, elle passoit les après-dînées au vieux château où le Roi lui parloit plus aisément des affaires qu'elle négocioit avec le roi d'Angleterre, son frère. Depuis la disgrâce du chevalier de Lorraine, elle s'étoit accoutumée à me parler; elle me disoit: «Jusqu'ici nous ne nous sommes pas aimées, parce que nous ne nous connoissions point; vous avez un bon cœur, le mien n'est pas méchant; il faut que nous soyons bonnes amies.» J'avois les mêmes sentimens dans le cœur pour elle…

L'absence de M. le chevalier de Lorraine étoit une occasion de zizanie entre Monsieur et Madame, qui avoient tous les jours de nouveaux démêlés. Ils en eurent un qui fut assez violent pour que Monsieur lui fît des reproches sur des circonstances qu'il disoit lui avoir déjà pardonnées. La Reine se mêla de les raccommoder parce qu'elle avoit prise Madame en amitié. Monsieur lui parla des raisons qu'il avoit de s'expliquer, et ensuite me vint dire la rage contre Madame. Il me souvient qu'il me répéta dix fois qu'il ne l'avoit jamais aimée que quinze jours. Son emportement alla si loin, que je fus obligée de lui dire qu'il ne songeoit pas qu'il en avoit des enfans. Madame, de son côté, se plaignoit extrêmement; elle disoit: «Si j'ai fait quelques fautes, que ne m'a-t-il étranglée dans le temps qu'il prétendoit que je lui manquois? De souffrir qu'il me tourmente pour rien, je ne le saurois supporter.» Elle en parloit honnêtement, hors quelques mots de mépris qui lui échappèrent. Ce fut dans ce temps-là que le Roi fit sortir le chevalier de Lorraine du château d'If, et qu'il l'envoya en Italie. Ainsi Monsieur et Madame furent raccommodés par les exhortations du Roi, qui, par l'ouverture de la prison, voulut pacifier le désordre qu'elle avoit causé. Monsieur croyoit toujours que Madame y avoit contribué…

Madame étoit fort triste pendant tout le voyage [de Flandre] 242 . Elle avoit été réduite à prendre du lait; elle se retiroit chez elle sitôt qu'elle descendoit de carrosse, et la plupart du temps pour se coucher. Le Roi l'alla voir chez elle et témoigna dans toutes les occasions avoir de grands égards pour elle. Monsieur n'en étoit pas de même: souvent dans le carrosse il lui tenoit des discours désagréables. Entre autres, un jour que l'on parloit de l'astrologie, Monsieur dit qu'on lui avoit prédit qu'il auroit plusieurs femmes; qu'en l'état où étoit Madame il avoit raison d'y ajouter foi. Cela me parut fort dur…

Nous allâmes à Courtray, où l'on reçut des nouvelles du roi d'Angleterre, qui mandoit à Madame qu'il la prioit de passer à Douvres, qu'il y viendroit pour la voir. Monsieur en parut très fâché et Madame fort aise. Il vouloit empêcher qu'elle y allât. Le Roi dit qu'il le vouloit absolument, et il n'y eut plus de difficulté à opposer. Elle partit de Lille pour s'aller embarquer à Dunkerque. Tout le monde lui alla dire adieu, et la plupart voyoient la douleur quelle sentoit sur les façons de vivre de Monsieur avec elle. Un peu devant qu'elle partît, le Roi n'avoit pas mangé à la table, parce qu'il avoit été indisposé, et la Reine étoit entrée dans son prie-Dieu; Monsieur y demeura seul avec moi. Il me parla avec tant d'emportement contre Madame, que j'en fus étonnée, et je compris qu'il ne se raccommoderoit jamais. Elle s'attiroit la considération du Roi parce qu'elle avoit du mérite et qu'elle négocioit les affaires avec son frère et le Roi. De sorte que le voyage qu'elle alloit faire étoit aussi nécessaire pour les intérêts du Roi que pour le plaisir particulier de Madame…

Madame arriva d'Angleterre, où il sembloit qu'elle avoit trouvé une bonne santé, tant elle paroissoit belle et contente. Monsieur n'alla pas au devant d'elle et pria même le Roi de n'y pas aller. S'il ne lui fit pas cette honnêteté, il ne laissa pas de la recevoir avec des marques d'une grande estime; Monsieur n'en fit pas de même. J'allai la voir et lui demandai des nouvelles de son voyage; elle me dit que le roi d'Angleterre et le duc d'York l'avoient chargée de me faire leurs compliments, qu'ils étoient tous deux fort de mes amis, que la reine lui avoit paru une bonne femme, point belle, mais si honnête, si remplie de piété, qu'elle s'attiroit l'amitié de tout le monde, que la duchesse d'York avoit extrêmement d'esprit, qu'elle en étoit très contente, qu'elle avoit trouvé encore la cour d'Angleterre en deuil de la mort de la reine mère d'Angleterre, qui étoit morte il y avoit quelque temps à Colombes. Elle avoit été quasi toujours malade, tant elle étoit délicate; on lui fit prendre des pilules pour la faire dormir: elle le fit si bien qu'elle n'en revint point. Madame en fut très fâchée, parce qu'elle l'aimoit, et qu'elle s'entremettoit pour la raccommoder avec Monsieur, qui avoit presque toujours mal vécu avec elle.

Madame ne fut qu'un jour à Saint-Germain, parce que le Roi s'en alla à Versailles, où Monsieur ne voulut pas le suivre, pour faire dépit à Madame. Il s'en alla à Paris; je la vis fort tentée de pleurer, et quelque soin qu'elle prit de retenir ses larmes, elle ne laissa pas d'en verser 243.]

RELATION DE LA MORT DE MADAME 244

Madame étoit revenue d'Angleterre245, avec toute la gloire et le plaisir que peut donner un voyage causé par l'amitié et suivi d'un bon succès dans les affaires. Le Roi son frère, qu'elle aimoit chèrement, lui avoit témoigné une tendresse et une considération extraordinaires. On savoit, quoique très-confusément, que la négociation dont elle se mêloit étoit sur le point de se conclure; elle se voyoit à vingt-six ans le lien des deux plus grands rois de ce siècle; elle avoit entre les mains un traité d'où dépendoit le sort d'une partie de l'Europe; le plaisir et la considération que donnent les affaires se joignant en elle aux agrémens que donnent la jeunesse et la beauté, il y avoit une grâce et une douceur246 répandues dans toute sa personne qui lui attiroient une sorte d'hommage, qui lui devoit être d'autant plus agréable qu'on le rendoit plus à la personne qu'au rang.

Cet état de bonheur étoit troublé par l'éloignement où Monsieur étoit pour elle depuis l'affaire du chevalier de Lorraine; mais, selon toutes les apparences, les bonnes grâces du Roi lui eussent fourni les moyens de sortir de cet embarras. Enfin elle étoit dans la plus agréable situation où elle se fût jamais trouvée, lorsqu'une mort, moins attendue qu'un coup de tonnerre, termina une si belle vie et priva la France de la plus aimable princesse qui vivra jamais247.

Le 24 juin de l'année 1670, huit jours après son retour d'Angleterre, Monsieur et elle allèrent à Saint-Cloud. Le premier jour qu'elle y alla, elle se plaignit d'un mal de côté et d'une douleur dans l'estomac, à laquelle elle étoit sujette. Néanmoins, comme il faisoit extrêmement chaud, elle voulut se baigner dans la rivière. M. Yvelin, son premier médecin, fit tout ce qu'il put pour l'en empêcher; mais, quoi qu'il lui pût dire, elle se baigna le vendredi248, et le samedi elle s'en trouva si mal qu'elle ne se baigna point. J'arrivai à Saint-Cloud le samedi à dix heures du soir; je la trouvai dans les jardins; elle me dit que je lui trouverois mauvais visage et qu'elle ne se portoit pas bien; elle avoit soupé comme à son ordinaire et elle se promena au clair de la lune jusqu'à minuit. Le lendemain, dimanche 29 juin, elle se leva de bonne heure et descendit chez Monsieur qui se baignoit; elle fut longtemps auprès de lui, et, en sortant de sa chambre elle entra dans la mienne et me fit l'honneur de me dire qu'elle avoit bien passé la nuit.

Un moment après je montai chez elle. Elle me dit qu'elle étoit chagrine, et la mauvaise humeur dont elle parloit auroit fait les belles heures des autres femmes, tant elle avoit de douceur naturelle et tant elle étoit peu capable d'aigreur et de colère.

Comme elle me parloit, on lui vint dire que la messe étoit prête. Elle l'alla l'entendre et, en revenant dans sa chambre, elle s'appuya sur moi et me dit, avec cet air de bonté qui lui étoit si particulier, qu'elle ne seroit pas de si méchante humeur si elle pouvoit causer avec moi; mais qu'elle étoit si lasse de toutes les personnes qui l'environnoient, qu'elle ne les pouvoit plus supporter.

Elle alla ensuite voir peindre Mademoiselle249, dont un excellent peintre anglois250 faisoit le portrait, et elle se mit à parler à madame d'Epernon251 et à moi de son voyage d'Angleterre et du Roi son frère.

Cette conversation, qui lui plaisoit, lui redonna de la joie. On servit le dîner; elle mangea comme à son ordinaire252 et, après le dîner, elle se coucha sur des carreaux, ce qu'elle faisoit assez souvent lorsqu'elle étoit en liberté. Elle m'avoit fait mettre auprès d'elle, en sorte que sa tête étoit quasi sur moi.

Le même peintre anglois peignoit Monsieur; on parloit de toutes sortes de choses, et cependant elle s'endormit. Pendant son sommeil elle changea si considérablement, qu'après l'avoir longtemps regardée j'en fus surprise, et je pensai qu'il falloit que son esprit contribuât fort à parer son visage, puisqu'il la rendoit si agréable lorsqu'elle étoit éveillée, et qu'elle l'étoit si peu quand elle étoit endormie. J'avois tort néanmoins de faire cette réflexion, car je l'avois vue dormir plusieurs fois, et je ne l'avois pas vue moins aimable.

Après qu'elle fut éveillée, elle se leva du lieu où elle étoit, mais avec un si mauvais visage que Monsieur en fut surpris et me le fit remarquer.

Elle s'en alla ensuite dans le salon, où elle se promena quelque temps avec Boisfranc, trésorier de Monsieur, et, en lui parlant, elle se plaignit plusieurs fois de son mal de côté.

Monsieur descendit pour aller à Paris où il avoit résolu d'aller. Il trouva madame de Meckelbourg sur le degré et remonta avec elle. Madame quitta Boisfranc et vint à madame de Meckelbourg. Comme elle parloit à elle, madame de Gamaches253 lui apporta, aussi bien qu'à moi, un verre d'eau de chicorée qu'elle avoit demandé il y avoit déjà quelque temps; madame de Gourdon, sa dame d'atour, le lui présenta. Elle le but; et, en remettant d'une main la tasse sur la soucoupe, de l'autre elle se prit le côté et dit avec un ton qui marquoit beaucoup de douleur: «Ah! quel point de côté; ah! quel mal. Je n'en puis plus.»

Elle rougit en prononçant ces paroles, et, dans le moment d'après, elle pâlit d'une pâleur livide qui nous surprit tous; elle continua de crier et dit qu'on l'emportât, comme ne pouvant plus se soutenir.

Nous la prîmes sous les bras; elle marchoit à peine et toute courbée. On la déshabilla dans un instant; je la soutenois pendant qu'on la délaçoit. Elle se plaignoit toujours, et je remarquai qu'elle avoit les larmes aux yeux. J'en fus étonnée et attendrie, car je la connoissois pour la personne du monde la plus patiente.

Je lui dis, en lui baisant les bras, que je soutenois, qu'il falloit qu'elle souffrît beaucoup; elle me dit que cela étoit inconcevable. On la mit au lit; et, sitôt qu'elle y fut, elle cria encore plus qu'elle n'avoit fait et se jeta d'un côté et d'un autre, comme une personne qui souffroit infiniment. On alla en même temps appeler son premier médecin, M. Esprit; il vint et dit que c'étoit la colique et ordonna les remèdes ordinaires à de semblables maux. Cependant les douleurs étoient inconcevables; Madame dit que son mal étoit plus considérable qu'on ne pensoit, qu'elle alloit mourir, qu'on lui allât quérir un confesseur.

Monsieur étoit devant son lit; elle l'embrassa et lui dit, avec une douceur et un air capables d'attendrir les cœurs les plus barbares: «Hélas! Monsieur, vous ne m'aimez plus il y a long-temps; mais cela est injuste: je ne vous ai jamais manqué254.» Monsieur parut fort touché; et tout ce qui étoit dans sa chambre l'étoit tellement, qu'on n'entendoit plus que le bruit que font des personnes qui pleurent.

Tout ce que je viens de dire s'étoit passé en moins d'une demi-heure. Madame crioit toujours qu'elle sentoit des douleurs terribles dans le creux de l'estomac. Tout d'un coup elle dit qu'on regardât à cette eau qu'elle avoit bue, que c'étoit du poison, qu'on avoit peut-être pris une bouteille pour l'autre, qu'elle étoit empoisonnée, qu'elle le sentoit bien et qu'on lui donnât du contre-poison.

J'étois dans la ruelle, auprès de Monsieur; et, quoique je le crusse fort incapable d'un pareil crime, un étonnement ordinaire à la malignité humaine me le fit observer avec attention. Il ne fut ni ému ni embarrassé de l'opinion de Madame: il dit qu'il falloit donner de cette eau à un chien; il opina, comme Madame, qu'on allât quérir de l'huile et du contre-poison, pour ôter à Madame une pensée si fâcheuse. Madame Desbordes, sa première femme de chambre, qui étoit absolument à elle, lui dit qu'elle lui avoit fait l'eau, et en but; mais Madame persévéra toujours à vouloir de l'huile et du contre-poison; on lui donna l'un et l'autre. Sainte-Foy, premier valet de chambre de Monsieur, lui apporta de la poudre de vipère. Elle lui dit qu'elle la prenoit de sa main, parce qu'elle se fioit à lui; on lui fit prendre plusieurs drogues dans cette pensée de poison, et peut-être plus propres à lui faire du mal qu'à la soulager. Ce qu'on lui donna la fit vomir; elle en avoit déjà eu envie plusieurs fois avant que d'avoir rien pris; mais ses vomissements ne furent qu'imparfaits, et ne lui firent jeter que quelques flegmes et une partie de la nourriture qu'elle avoit prise. L'agitation de ces remèdes et les excessives douleurs qu'elle souffroit la mirent dans un abattement qui nous parut du repos; mais elle nous dit qu'il ne falloit pas se tromper, que ses douleurs étoient toujours égales, qu'elle n'avoit plus la force de crier et qu'il n'y avoit point de remède à son mal.

Il sembla qu'elle avoit une certitude entière de sa mort et qu'elle s'y résolut comme à une chose indifférente. Selon toutes les apparences, la pensée du poison étoit établie dans son esprit; et, voyant que les remèdes avoient été inutiles, elle ne songeoit plus à la vie et ne pensoit qu'à souffrir ses douleurs avec patience. Elle commença à avoir beaucoup d'appréhension. Monsieur appela madame de Gamaches pour tâter son pouls; les médecins n'y pensoient pas. Elle sortit de la ruelle épouvantée, et nous dit qu'elle n'en trouvoit point à Madame, et qu'elle avoit toutes les extrémités froides. Cela nous fit peur; Monsieur en parut effrayé. M. Esprit dit que c'étoit un accident ordinaire à la colique, et qu'il répondoit de Madame. Monsieur se mit en colère et dit qu'il lui avoit répondu de M. de Valois255, et qu'il étoit mort; qu'il lui répondoit de Madame, et qu'elle mourroit encore.

Cependant le curé de Saint-Cloud256, qu'elle avoit mandé, étoit venu. Monsieur me fit l'honneur de me demander si on parleroit à ce confesseur. Je la trouvois fort mal; il me sembloit que ses douleurs n'étoient point celles d'une colique ordinaire, mais néanmoins j'étois bien éloignée de prévoir ce qui devoit arriver, et je n'attribuois les pensées qui me venoient dans l'esprit qu'à l'intérêt que je prenois à sa vie.

Je répondis à Monsieur qu'une confession faite dans la vue de la mort ne pouvoit être que très-utile, et Monsieur m'ordonna de lui aller dire que le curé de Saint-Cloud étoit venu. Je le suppliai de m'en dispenser et je lui dis que, comme elle l'avoit demandé, il n'y avoit qu'à le faire entrer dans sa chambre. Monsieur s'approcha de son lit, et d'elle-même elle me redemanda un confesseur, mais sans paroître effrayée et comme une personne qui songeoit aux seules choses qui lui étoient nécessaires dans l'état où elle étoit.

Une de ses premières femmes de chambre étoit passée à son chevet pour la soutenir: elle ne voulut point qu'elle s'ôtât et se confessa devant elle. Après que le confesseur se fut retiré, Monsieur s'approcha de son lit; elle lui dit quelques mots assez bas que nous n'entendîmes point, et cela nous parut encore quelque chose de doux et d'obligeant.

L'on avoit parlé de la saigner, mais elle souhaitoit que ce fût du pied; M. Esprit vouloit que ce fût du bras; enfin il détermina qu'il le falloit ainsi. Monsieur vint le dire à Madame comme une chose à quoi elle auroit peut-être de la peine à se résoudre; mais elle répondit qu'elle vouloit tout ce qu'on souhaitoit, que tout lui étoit indifférent et qu'elle sentoit bien qu'elle n'en pouvoit revenir. Nous écoutions ces paroles comme des effets d'une violente douleur qu'elle n'avoit jamais sentie et qui lui faisoit croire qu'elle alloit mourir.

224.Juin 1664.
225.Philippe-Charles, duc de Valois, né le 16 juillet 1664, mort le 8 décembre de la même année. Le texte de 1720 porte fautivement: «mademoiselle de Valois.»
226.Elisabeth Hamilton, épousa, en Angleterre, en mars 1664, Philibert chevalier, puis comte de Gramont frère du maréchal et oncle du comte de Guiche.
227.Jacques Rouxel, comte de Grancey, maréchal de France, eut, de son mariage avec sa seconde femme, Charlotte de Mornay, deux filles que madame de Sévigné nomme les Anges, l'aînée Elisabeth, connue sous le nom de comtesse de Grancey, morte en 1711, à cinquante-huit ans (c'est de celle-ci qu'il s'agit); l'autre, Marie-Louise, mariée en 1665 au comte de Marey, veuve en 1668.
228.Françoise-Marie de Vienne, comtesse de Chateauvieux, femme, en 1649 de Charles IV, duc de la Vieuville, morte en 1669.
229.Le 7 janvier 1665.
230.Elle accoucha, le 9 juillet 1665, d'une fille qui ne vécut pas. «La Cour alla à Saint-Germain et faisoit souvent des voyages à Versailles. Madame s'y blessa, et y accoucha d'une fille qui étoit morte il y avoit déjà dix ou douze jours; elle étoit quasi pourrie; ce fut une femme de Saint-Cloud qui la servit: l'on n'eut pas le temps d'aller à Paris en chercher une. On éveilla le Roi, et l'on fit chercher le curé de Versailles, pour voir si cette fille étoit en état d'être baptisée. Madame de Thianges lui dit de prendre garde à ce qu'il feroit: qu'on ne refusoit jamais le baptême aux enfans de cette qualité. Monsieur, à la persuasion de l'évêque de Valence, vouloit qu'on l'enterrât à Saint-Denis. J'étois à Paris; j'allai droit à Versailles pour rendre ma visite à Madame. Dès le même soir Monsieur alla coucher à Saint-Germain, où je trouvai la Reine affligée de ce que cette fille n'avoit pas été baptisée, et blâmoit Madame d'en être cause par toutes les courses qu'elle avoit faites sans songer qu'elle étoit grosse. Madame disoit qu'elle ne s'étoit blessée que de l'inquiétude qu'elle avoit eue que le duc d'York n'eût été tué, parce qu'on lui avoit parlé d'une bataille qu'il venoit de donner sur mer, sans lui dire s'il en étoit revenu. On laissa Madame dès le même jour de ses couches, parce que la Reine mère d'Angleterre arrivoit et qu'on vouloit lui laisser le logement de Versailles.» (Mémoires de mademoiselle de Montpensier, collect. Petitot, t. XLIII, p. 87).
231.Philippe, chevalier de Lorraine, frère puîné du comte d'Armagnac, né en 1643.
232.François de Neufville, marquis puis duc de Villeroi, appelé le Charmant par madame de Sévigné, né en 1644.
233.Il alla dans son gouvernement d'Aigues-Mortes, au sortir de la Bastille où il n'était resté que quelques jours. On voit par une lettre de Corbinelli à Bussy (23 août 1673) combien son exil fut rigoureux.
234.Le comte de Guiche fut accusé d'avoir voulu empêcher la vente de Dunkerque qui fut faite par l'Angleterre à la France en 1662.
235.Dont il était colonel.
236.Vardes fut arrêté à Aigues-Mortes en mars 1665 et mis dans la prison de Montpellier.
237.Sur ce passage, qui semble bien être une note écrite par Madame, voir le paragraphe I de notre Préface.
238.1668.
239.Jacques, fils naturel de Charles II (du moins il était tenu pour tel) et de Lucy Waters, né à Rotterdam le 9 avril 1649, décapité le 15 juillet 1685. Choisy s'étend davantage sur l'accueil que Madame fit à son jeune neveu de la main gauche: «Le duc de Monmouth passa d'Angleterre à la Cour dans ce temps-là (1667). C'étoit un prince mieux fait et plus beau qu'il n'étoit aimable. L'intérêt que Madame parut prendre à ce prince, qu'elle honoroit du nom de son neveu et auquel elle eut soin d'ordonner les plus magnifiques habits de France, la manière dont il dansoit les contre-danses qu'il apprit à Madame, la familiarité que donne la commodité de parler quelquefois une même langue que les autres n'entendent pas, l'assiduité de ce prince à se trouver aux heures auxquelles Madame étoit visible, les manières de cette princesse toujours charmantes, tout cela fit croire qu'il y avoit entre eux une sorte de jargon dont il n'est que trop aisé de soupçonner ceux qui sont naturellement galans. Le chevalier de Lorraine, dont la faveur auprès de Monsieur subsistoit avec plus d'éclat que jamais, eut le malheur d'être regardé comme celui qui entretenoit les petites divisions qui renaissoient souvent entre Monsieur et Madame… Le Roi fit ce qu'il put pour empêcher l'éclat que ces divisions préparoient dans sa maison… Il exila pour quelque temps le chevalier de Lorraine, qui se retira en Italie; et le duc de Monmouth repassa en Angleterre.» (Mémoires de l'abbé de Choisy, collection Petitot, t. LXIII, pp. 397, 398.)
240.Janvier 1669.
241.Lors du mariage de Monsieur avec la princesse d'Angleterre, le château de Villers-Cotterets fut compris dans les apanages de la maison d'Orléans.
242.1670.
243.Mémoires de mademoiselle de Montpensier, collection Petitot, t. XLIII, pp. 121-184.
244.Les relations de la mort de Madame sont assez nombreuses et concordantes. Mademoiselle de Montpensier (Mémoires, coll. Petitot, t. XLIII, p. 192), l'abbé Feuillet (Relation de la mort de Madame dans les Mémoires intéressants pour servir à l'Histoire de France, par Poncet de la Grave, 1789, t. III). L'abbé Bourdelot, médecin (Relation de la maladie, mort et ouverture du corps de Madame, mêmes Mémoires), Daniel de Cosnac (Récit inséré à la page xlvij du tome Ier des Mémoires) confirment le récit de Madame de La Fayette et le complètent sur quelques points. Cosnac seul n'est point un témoin oculaire mais il paraît bien informé. Consultez aussi: Relation de la mort de Madame, envoyée par le marquis de Lionne à M. de Pomponne, ambassadeur en Suède; juillet 1670, mss. Arsenal, no 598 in-fo, et Journal d'Olivier Lefèvre d'Ormesson, t. 2, pp. 592-593.
245.Elle avait passé vingt jours auprès du roi Charles II, son frère, du 26 mai au 15 juin 1670. Le but de cette entrevue était de détacher le roi d'Angleterre de la Sainte-Alliance, pour l'allier à la France. Ce but fut atteint et un traité secret fut conclu entre Louis XIV et Charles II.
  Dans la suite de Madame était cette belle bretonne, Louise-Rénée de Penancoët de Kéroualle «dont l'étoile, dit madame de Sévigné, avoit été devinée avant qu'elle partît.» Charles II en fit ce qu'on avait souhaité; elle devint duchesse de Portsmouth et, moyennant finance, elle servit auprès du roi d'Angleterre les intérêts du roi de France, son maître.
246.Madame de La Fayette admire à trois reprises la douceur de Madame. A trois reprises aussi Bossuet la vante dans son Oraison funèbre. «Votre mémoire vous la peindra mieux, avec tous ses traits et son incomparable douceur, que ne pourront jamais faire toutes nos paroles.» – «Toujours douce, toujours paisible autant que généreuse et bienfaisante.» – «Oui, Madame fut douce envers la mort comme elle l'étoit envers tout le monde.» L'évêque de Valence, qu'elle estimait avec raison, parle de cette douceur qui ne s'est point démentie: «Puis, ayant demandé un peu de repos, avec ce même sourire et cette même douceur dont elle accompagnoit ordinairement ses paroles…» (Cosnac, Relation de la mort de Madame). «Elle mêloit dans toute sa conversation une douceur qu'on ne trouvoit point dans toutes les autres personnes royales.» (Cosnac, Mémoires, t. I, p. 420). Ajoutons que Molière, qui lui dédia l'Ecole des femmes, en 1663, alors qu'elle avait à peine dix-neuf ans, loue «cette douceur, pleine de charmes» dont elle tempérait la fierté de ses titres (L'Ecole des femmes, épître).
247.C'est après cette phrase que, dans l'édition originale, se trouve ce titre: Relation de la mort de Madame. Il est pourtant évident que la relation commence plus haut par ces mots: «Madame étoit revenue…» Nous avons placé ce titre de manière à ce qu'il commandât le récit au lieu de le couper. De la sorte le lecteur distinguera, à première vue, d'une part ce qui a été écrit sous l'inspiration de la princesse et le petit supplément emprunté à madame de Montpensier, de l'autre part, la relation que Madame de La Fayette ajouta à son histoire interrompue.
248.27 juin.
249.Marie-Louise, née le 27 mars 1662.
250.Serait-ce le peintre Pierre van der Faes, si célèbre en Angleterre sous le nom de Lely et peintre ordinaire du roi Charles II?
251.Marie du Cambont, veuve de Bernard de Nogaret, duc d'Épernon.
252.«L'on sut que… Madame estant à Saint-Cloud avec Monsieur [le dimanche 29], avoit diné en public, s'étoit amusée avec madame de La Fayette à la décoiffer, pour voir les blessures qu'elle avoit eues à la tête d'une chute de chassis sur la tête; qu'elle lui avoit demandé si elle avoit eu peur de la mort; que, pour elle, elle ne croyoit pas qu'elle en eût eu peur.» (Journal d'Olivier Lefèvre d'Ormesson, t. 2, p. 593).
253.Marie-Antoinette de Loménie de Brienne épousa en 1642 Nicolas-Joachim Rouault, marquis de Gamaches; elle mourut en 1704 à l'âge de quatre-vingts ans.
254.«Rappelez-vous en pensée ce qu'elle a dit à Monsieur. Quelle force! quelle tendresse! O paroles qu'on voyoit sortir de l'abondance d'un cœur qui se sent au-dessus de tout.» (Bossuet, Oraison funèbre.)
255.Monsieur de Valois, son fils, mort à vingt-huit mois.
256.C'étoit «un homme qu'elle ne connoissoit pas», à ce que rapporte mademoiselle de Montpensier.