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Loe raamatut: «Les chasseurs de chevelures»

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INTRODUCTION
LES SOLITUDES DE L'OUEST

Deroulez la mappemonde, et jetez les yeux sur le grand continent de l'Amerique du Nord. Au dela de l'Ouest sauvage, plus loin vers le couchant, portez vos yeux: franchissez les meridiens; n'arretez vos regards que quand ils auront atteint la region ou les fleuves auriferes prennent leur source au milieu des pics couverts de neiges eternelles. Arretez-les la. Devant vous se deploie un pays dont l'aspect est vierge de tout contact des mains de l'homme, une terre portant encore l'empreinte du moule du Createur comme le premier jour de la creation; une region dont tous les objets sont marques a l'image de Dieu. Son esprit, que tout environne, vit dans la silencieuse grandeur des montagnes, et parle dans le mugissement des fleuves. C'est un pays ou tout respire le roman, et qui offre de riches realites a l'esprit d'aventure. Suivez-moi en imagination, a travers des scenes imposantes d'une beaute terrible, d'une sublimite sauvage.

Je m'arrete dans une plaine ouverte. Je me tourne vers le nord, vers le sud, vers l'est et vers l'ouest; et, de tous cotes, j'apercois le cercle bleu du ciel qui m'environne. Ni roc, ni arbre ne vient rompre la ligne de l'horizon. De quoi est couverte cette vaste etendue? d'arbres? non; d'eau? non; d'herbe? non; elle est couverte de fleurs! Aussi loin que mon oeil peut s'etendre, il apercoit des fleurs, toujours des fleurs, encore des fleurs! C'est comme une carte coloriee, une peinture brillante, emaillee de toutes les fleurs du prisme. La-bas, le jaune d'or; c'est l'helianthe qui tourne son disque-cadran vers le soleil. A cote l'ecarlate; c'est la mauve qui eleve sa rouge banniere. Ici, c'est un parterre de la monarda pourpre; la, c'est l'euphorbe etalant ses feuilles d'argent; plus loin, les fleurs eclatantes de l'asclepia font predominer l'orange; plus loin encore, les yeux s'egarent sur les fleurs roses du cleome. La brise les agite. Des millions de corolles font flotter leurs etendards eclatants. Les longues tiges des helianthes se courbent et se relevent en longues ondulations, comme les vagues d'une mer doree.

Ce n'est pas tout. L'air est plein de senteurs douces comme les parfums de l'Arabie et de l'Inde. Des myriades d'insectes agitent leurs ailes charmantes, semblables a des fleurs. Les oiseaux-mouches voltigent alentour, brillants comme des rayons egares du soleil, ou, se tenant en equilibre par l'agitation rapide de leurs ailes, boivent le nectar au fond des corolles; et l'abeille sauvage, les aisselles chargees, grimpe le long des pistils mielleux, ou s'elance vers sa ruche lointaine avec un murmure joyeux. Qui a plante ces fleurs? qui les a melangees dans ces riches parterres? La nature. C'est sa plus belle parure, plus harmonieuse dans ses nuances que les echarpes de cachemire. Cette contree, c'est la mauvaise prairie. Elle est mal nommee: c'est le JARDIN DE DIEU.

La scene change. Je suis, comme auparavant, dans une plaine environnee d'un horizon dont aucun obstacle ne brise le cercle. Qu'ai-je devant les yeux? des fleurs? Non; pas une seule fleur ne se montre, et l'on ne voit qu'une vaste etendue de verdure vivante. Du nord au sud, de l'est a l'ouest, s'etend l'herbe de la prairie, verte comme l'emeraude, et unie comme la surface d'un lac endormi. Le vent rase la plaine, agitant l'herbe soyeuse; tout est en mouvement, et les taches d'ombre et de lumiere qui courent sur la verdure ressemblent aux nuages pommeles fuyant devant le soleil d'ete. Aucun obstacle n'arrete le regard qui rencontre par hasard la forme sombre et herissee d'un buffalo, ou la silhouette deliee d'une antilope; parfois il suit au loin le galop rapide d'un cheval sauvage blanc comme la neige. Cette contree est la bonne prairie, l'inepuisable paturage du bison.

La scene change. Le terrain n'est plus uni, mais il est toujours verdoyant et sans arbres. La surface affecte une serie d'ondulations paralleles, s'enflant ca et la en douces collines arrondies. Elle est couverte d'un doux tapis de brillante verdure. Ces ondulations rappellent celles de l'Ocean apres une grande tempete, lorsque les frises d'ecume ont disparu des flots et que les grandes vagues s'apaisent. Il semble que ce soient des vagues de cette espece qui, par un ordre souverain, se sont tout a coup fixees et transformees en terre. C'est la prairie ondulee.

La scene change encore. Je suis entoure de verdure et de fleurs; mais la vue est brisee par des massifs et des bosquets, de bois taillis. Le feuillage est varie, ses teintes sont vives et ses contours sont doux et gracieux. A mesure que j'avance, de nouveaux aspects s'ouvrent a mes yeux; des vues pittoresques et semblables a celles des plus beaux parcs. Des bandes de buffalos, des troupeaux d'antilopes et des hordes de chevaux sauvages, se melent dans le lointain. Des dindons courent dans le taillis, et des faisans s'envolent avec bruit des bords du sentier. Ou sont les proprietaires de ces terres, de ces champs, de ces troupeaux et de ces faisanderies? Ou sont les maisons, les palais desquels dependent ces parcs seigneuriaux? Mes yeux se portent en avant, je m'attends a voir les tourelles de quelque grande habitation percer au-dessus des bosquets. Mais non. A des centaines de milles alentour, pas une cheminee n'envoie sa fumee au ciel. Malgre son aspect cultive, cette region n'est foulee que par le mocassin du chasseur ou de son ennemi, l'Indien rouge. Ce sont les MOTTES, les iles de la prairie semblable a une mer. Je suis dans une foret profonde. Il est nuit, et le feu illumine de reflets rouges tous les objets qui entourent notre bivouac. Des troncs gigantesques, presses les uns contre les autres, nous entourent; d'enormes branches, comme les bras gris d'un geant, s'etendent dans toutes les directions. Je remarque leur ecorce; elle est crevassee et se desseche en larges ecailles qui pendent au dehors. Des parasites, semblables a de longs serpents, s'enroulent d'arbre en arbre, etreignant leurs troncs comme s'ils voulaient les etouffer. Les feuilles ont disparu, sechees et tombees; mais la mousse blanche d'Espagne couvre les branches de ses festons et pend tristement comme les draperies d'un lit funebre. Des troncs abattus de plusieurs yards de diametre, et a demi pourris, gisent sur le sol. Aux extremites s'ouvrent de vastes cavites ou le porc-epic et l'opossum ont cherche un refuge contre le froid. Mes camarades, enveloppes dans leurs couvertures et couches sur des feuilles mortes, sont plonges dans le sommeil. Ils sont etendus les pieds vers le feu et la tete sur le siege de leurs selles. Les chevaux, reunis autour d'un arbre et attaches a ses plus hautes branches, semblent aussi dormir. Je suis eveille et je prete l'oreille. Le vent, qui s'est eleve, siffle a travers les arbres, et agite les longues floques blanches de la mousse: il fait entendre une melodie suave et melancolique. Il y a peu d'autres bruits dans l'air, car c'est l'hiver, la grenouille d'arbre (tree-frog) et la cigale se taisent. J'entends le petillement du feu, le bruissement des feuilles seches roulees par un coup de vent, le cououwuoou-ah du hibou blanc, l'aboiement du rakoon, et, par intervalles, le houlement des loups. Ce sont les voix nocturnes de la foret en hiver. Ces bruits ont un caractere sauvage; cependant, il y a dans mon sein une corde qui vibre, sous leur influence, et mon esprit s'egare dans des visions romanesques, pendant que je les ecoute, etendu sur la terre.

La foret, en automne, est encore garnie de tout son feuillage. Les feuilles ressemblent a des fleurs, tant leurs couleurs sont brillantes. Le rouge, le brun, le jaune et l'or s'y melangent. Les bois sont chauds et glorieux maintenant, et les oiseaux voltigent a travers les branches touffues. L'oeil plonge enchante dans les longues percees qu'egayent les rayons du soleil. Le regard est frappe par l'eclat des plus brillants plumages: le vert dore du perroquet, le bleu du geai et l'aile orange de l'oriole. L'oiseau rouge voltige plus bas dans les taillis des verts pawpaws, ou parmi les petites feuilles couleur d'ambre des buissons de hetre. Des ailes legeres, par centaines, s'agitent a travers les ouvertures du feuillage, brillant au soleil de tout l'eclat des pierres precieuses.

La musique flotte dans l'air: doux chants d'amour; le cri de l'ecureuil, le roucoulement des colombes appareillees, le rat-ta-ta du pivert, et le tchirrup perpetuel et mesure de la cigale, resonnent ensemble. Tout en haut, sur une cime des plus elevees, l'oiseau moqueur pousse sa note imitative, et semble vouloir eclipser et reduire au silence tous les autres chanteurs. Je suis dans une contree ou la terre, de couleur brune, est accidentee et sterile. Des rochers, des ravins et des plateaux de sol aride; des vegetaux de formes etranges croissent dans les ravins et pendent des rochers; d'autres, de figures spheroidales, se trouvent sur la surface de la terre brulee; d'autres encore s'elevent verticalement a une grande hauteur, semblables a de grandes colonnes cannelees et ciselees; quelques-uns etendent des branches poilues et tortues, herissees de rugueuses feuilles ovales. Cependant, il y a dans la forme, dans la couleur, dans le fruit et dans les fleurs de tous ces vegetaux une sorte d'homogeneite qui les proclame de la meme famille: ce sont des cactus; c'est une foret de nopals du Mexique. Une autre plante singuliere se trouve la. Elle etend de longues feuilles epineuses qui se recourbent vers la terre: c'est l'agave, le celebre mezcal du Mexique (mezcal-plant). Ca et la, meles au cactus, croissent des acacias et des mezquites, arbres indigenes du desert. Aucun objet brillant n'attire les yeux; le chant d'aucun oiseau ne frappe les oreilles. Le hibou solitaire s'enfonce dans des fourres impenetrables, le serpent a sonnettes se glisse sous leur ombre epaisse, et le coyote traverse en rampant les clairieres.

J'ai gravi montagne sur montagne, et j'apercois encore des pics elevant au loin leur tete couronnee de neiges eternelles. Je m'arrete sur une roche saillante, et mes yeux se portent sur les abimes beants, et endormis dans le silence de la desolation. De gros quartiers de roches y ont roule, et gisent amonceles les uns sur les autres. Quelques-uns pendent inclines et semblent n'attendre qu'une secousse de l'atmosphere pour rompre leur equilibre. De noirs precipices me glacent de terreur; une vertigineuse faiblesse me gagne le cerveau; je m'accroche a la tige d'un pin ou a l'angle d'un rocher solide. Devant, derriere et tout autour de moi, s'elevent des montagnes entassees sur des montagnes dans une confusion chaotique. Les unes sont mornes et pelees; les autres montrent quelques traces de vegetation sous formes de pins et de cedres aux noires aiguilles, dont les troncs rabougris s'elevent ou pendent des rochers. Ici, un pic en forme de cone s'elance jusqu'a ce que la neige se perde dans les nuages. La, un sommet eleve sa fine dentelure jusqu'au ciel; sur ces flancs gisent de monstrueuses masses de granit qui semblent y avoir ete lancees par la main des Titans. Un monstre terrible, l'ours gris, gravit les plus hauts sommets; le carcajou se tapit sur les roches avancees, guettant le passage de l'elan qui doit aller se desalterer au cours d'eau inferieur, et le bighorn bondit de roc en roc, cherchant sa timide femelle. Le vautour noir aiguise son bec impur contre les branches du pin, et l'aigle de combat, s'elevant au-dessus de tous, decoupe sa vive silhouette sur l'azur des cieux. Ce sont les montagnes rocheuses, les Andes d'Amerique, les colossales vertebres du continent.

Tels sont les divers aspects de l'Ouest sauvage; tel est le theatre de notre drame. Levons le rideau, et faisons paraitre les personnages.

I
LES MARCHANDS DE LA PRAIRIE

New-Orleans, 3 avril 18…

"Mon cher Saint-Vrain,

"Notre jeune ami, M. Henri Haller, part pour Saint-Louis, en quete du pittoresque. Faites en sorte de lui procurer une serie complete d'aventures.

"Votre affectionne, "LOUIS VALTON.

"A M. Charles Saint-Vrain, Esq., hotel des Planteurs, Saint-Louis." Muni de cette laconique epitre, que je portais dans la poche de mon gilet, je debarquai a Saint-Louis le 10 avril, et me dirigeai vers l'hotel des Planteurs. Apres avoir depose mes bagages et fait mettre a l'ecurie mon cheval (un cheval favori que j'avais amene avec moi), je changeai de linge, puis, descendant au parloir, je m'enquis de M. Saint-Vrain. Il n'etait pas a Saint-Louis: il etait parti quelques jours avant pour remonter le Missouri. C'etait un desappointement: je n'avais aucune autre lettre de recommandation pour Saint-Louis. Je dus me resigner a attendre le retour de M. Saint-Vrain, qui devait revenir dans la semaine. Pour tuer le temps, je parcourus la ville, les remparts et les prairies environnantes, montant a cheval chaque jour; je fumai force cigares dans la magnifique cour de l'hotel; j'eus aussi recours au sherry et a la lecture des journaux. Il y avait a l'hotel une societe de gentlemen qui paraissaient tres-intimement lies. Je pourrais dire qu'ils formaient une clique, mais c'est un vilain mot qui rendrait mal mon idee a leur egard. C'etait plutot une bande d'amis, de joyeux compagnons. On les voyait Toujours ensemble flaner par les rues. Ils formaient un groupe a la table d'hote, et avaient l'habitude d'y rester longtemps apres que les dineurs habituels s'etaient retires. Je remarquai qu'ils buvaient les vins les plus chers et fumaient les meilleurs cigares que l'on put trouver dans l'hotel. Mon attention etait vivement excitee par ces hommes. J'etais frappe de leurs allures particulieres. Il y avait dans leur demarche un melange de la roideur et du laisser-aller presque enfantin qui caracterise l'Americain de l'Ouest. Vetus presque de meme, habit noir fin, linge blanc, gilet de satin et epingles de diamants, ils portaient de larges favoris soigneusement lisses; quelques-uns avaient des moustaches. Leurs cheveux tombaient en boucles sur leurs epaules. La plupart portaient le col de chemise rabattu, decouvrant des cous robustes et bronzes par le soleil. Le rapport de leurs physionomies me frappa; ils ne se ressemblaient pas precisement; mais il y avait dans l'expression de leurs yeux une remarquable similitude d'expression qui indiquait sans doute chez eux des occupations et un genre de vie pareils. Etaient-ce des chasseurs? Non. Le chasseur a les mains moins halees et plus chargees de bijoux: son gilet est d'une coupe plus gaie; tout son habillement vise davantage au faste et a la super elegance. De plus, le chasseur n'affecte pas ces airs en dehors et pleins de confiance. Il est trop habitue a la prudence. Quand il est a l'hotel, il s'y tient tranquille et reserve. Le chasseur est un oiseau de proie, et ses habitudes, comme celles de l'oiseau de proie, sont silencieuses et solitaires.

– Quels sont ces messieurs? demandai-je a quelqu'un assis aupres de moi, en lui indiquant ces personnages.

– Les hommes de la prairie.

– Les hommes de la prairie?.

– Oui, les marchands de Santa-Fe.

– Les marchands? repetai-je avec surprise, ne pouvant concilier une elegance pareille avec aucune idee de commerce ou de prairies.

– Oui, continua mon interlocuteur! Ce gros homme de bonne mine qui est au milieu est Bent; Bill-Bent, comme on l'appelle. Le gentleman qui est a sa droite est le jeune Sublette; l'autre assis a sa gauche, est un des Choteaus; celui-ci est le grave Jerry Folger.

– Ce sont donc alors ces celebres marchands de la prairie?

– Precisement.

Je me mis a les considerer avec une curiosite croissante. Ils m'observaient de leur cote, et je m'apercus que j'etais moi-meme l'objet de leur conversation. A ce moment, l'un deux, un elegant et hardi jeune homme, sortit du groupe, et s'avancant vers moi:

– Ne vous etes-vous pas enquis de M. Saint-Vrain? me demanda-t-il.

– Oui monsieur.

– Charles?

– Oui, c'est cela meme.

– C'est moi.

Je tirai ma lettre de recommandation et la lui presentai. Il en prit connaissance.

– Mon cher ami, me dit-il en me tendant cordialement la main, je suis vraiment desole de ne pas m'etre trouve ici. J'arrive de la haute riviere ce matin. Valton est vraiment stupide de n'avoir pas ajoute sur l'adresse le nom de Bill-Bent! Depuis quand etes-vous arrive?

– Depuis trois jours. Je suis arrive le 10.

– Bon Dieu! qu'avez-vous pu faire pendant tout ce temps-la! Venez, que je vous presente. He! Bent! Bill! Jerry!

Un instant apres, j'avais fraternise avec le groupe entier des marchands de la prairie, dont mon nouvel ami Saint-Vrain faisait partie.

– C'est le premier coup? demanda l'un des marchands au moment ou le mugissement d'un gong retentissait dans la galerie.

– Oui, repondit Bent apres avoir consulte sa montre. Nous avons juste le temps de prendre quelque chose: Allons.

Bent se dirigea vers le salon, et nous suivimes tous nemini dissentiente. On etait au milieu du printemps. La jeune menthe avait pousse, circonstance botanique dont mes nouveaux amis semblaient avoir une connaissance parfaite, car tous ils demanderent un julep de menthe. La preparation et l'absorption de ce breuvage nous occuperent jusqu'a ce que le second coup du gong nous convoquat pour le diner.

– Venez prendre place pres de nous, monsieur Haller, dit Bent; je regrette que nous ne vous ayons pas connu plus tot. Vous avez ete bien seul!

Ce disant, il se dirigea vers la salle a manger; nous le suivimes. Pas n'est besoin de donner la description d'un diner a l'hotel des Planteurs. Comme a l'ordinaire, les tranches de venaison, les langues de buffalo, les poulets de la prairie, les excellentes grenouilles du centre de l'Illinois en faisaient le fond. Il est inutile d'entrer dans plus de details sur le repas, et quant a ce qui suivit, je ne saurais en rendre compte. Nous restames assis jusqu'a ce qu'il n'y eut plus que nous a table. La nappe fut alors enlevee, et nous commencames a fumer des regalias et a boire du madere a douze dollars la bouteille! Ce vin etait commande par l'un des convives, non par simple bouteille, mais par demi-douzaines. Je me rappelle parfaitement cela, et je me souviens aussi que la carte des vins et le crayon me furent vivement retires des mains chaque fois que je voulus les prendre. J'ai souvenir d'avoir entendu le recit d'aventures terribles avec les Pawnies, les Comanches, les Pieds-Noirs, et d'y avoir pris un gout si vif que je devins enthousiaste de la vie de la prairie. Un des marchands, me demanda alors si je ne voudrais pas me joindre a eux dans une de leurs tournees; sur quoi je fis tout un discours qui avait pour conclusion l'offre d'accompagner mes nouveaux amis dans leur prochaine expedition. Apres cela, Saint-Vrain declara que j'etais fait pour ce genre de vie, ce qui me flatta infiniment. Puis quelqu'un chanta une chanson espagnole avec accompagnement de guitare, je crois; un autre executa une danse de guerre des Indiens. Enfin nous nous levames tous et entonnames en choeur: Banniere semee d'etoiles! A partir de ce moment, je ne me rappelle plus rien, jusqu'au lendemain matin, ou je me souviens parfaitement que je m'eveillai avec un violent mal de tete.

J'avais a peine eu le temps de reflechir sur mes folies de la veille, que ma porte s'ouvrit; Saint-Vrain et une demi-douzaine de mes compagnons de table firent irruption dans ma chambre. Ils etaient suivis d'un garcon portant plusieurs grands verres entoures de glace, et remplis d'un liquide couleur d'ambre pale.

– Un coup de sherry, monsieur Haller! cria l'un; c'est la meilleure chose que vous puissiez prendre; buvez, mon garcon, cela va vous rafraichir en un saut d'ecureuil.

J'avalai le fortifiant breuvage.

– Maintenant, mon cher ami, dit Saint-Vrain, vous valez cent pour cent de plus! Mais, dites-moi: est-ce serieusement que vous avez parle de venir avec nous a travers les plaines? Nous partons dans une semaine. Je serais au regret de me separer de vous sitot.

– Mais je parlais tres-serieusement. Je vais avec vous, si vous voulez bien m'indiquer ce qu'il faut faire pour cela.

– Rien de plus aise. Achetez d'abord un cheval.

– J'en ai un.

– Eh bien, quelques articles de vetement, un rifle, une paire de pistolets, un…

– Bon, bon! j'ai tout cela. Ce n'est pas ca que je vous demande. Voici: vous autres, vous portez des marchandises a Santa-Fe; vous doublez ou triplez votre argent par ce moyen. Or, j'ai 10,000 dollars ici, a la Banque. Pourquoi ne combinerais-je pas le profit avec le plaisir, et n'emploierais-je ce capital comme vous faites pour le votre?

– Rien ne vous en empeche; c'est une bonne idee.

– Eh bien, alors, si quelqu'un de vous veut bien venir avec moi et me guider dans le choix des marchandises qui conviennent le mieux pour le marche de Santa-Fe, je paierai son vin a diner, et ce n'est pas la une petite prime de commission, j'imagine.

Les marchands de la prairie partirent d'un grand eclat de rire, declarant qu'ils voulaient tous aller courir les boutiques avec moi. Apres le dejeuner nous sortimes bras dessus bras dessous. Avant l'heure du diner, j'avais converti mes fonds en calicots, couteaux longs et miroirs, conservant juste assez d'argent pour acheter des mules, des wagons, et engager des voituriers a Independance, notre point de depart pour les prairies. Quelques jours apres nous remontions le Missouri en steam-boat, et nous nous dirigions vers les prairies, sans routes tracees, du Grand-Ouest.

Vanusepiirang:
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Ilmumiskuupäev Litres'is:
28 september 2017
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