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Le petit Cheval bossu

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Cache d’elle trois nuits et trois jours

Une certaine face? A son tour,

Pourquoi le Soleil, son frère,

Se cache aux nuages pour faire

Le mauvais temps et, du haut,

Ne lui envoie pas de beaux

Rayons? ” Aie de l’indulgence,

La reine parle mieux, je pense;

Je ne me rappelle pas tout

Ce qu’elle m’avait dit surtout

Pour toi”. – “Qui est cette reine?”. –

“C’est une Fille-reine dont je tienne

Le propos”. – “Mais c’est, donc, toi,

Qui l’as ravie, ou pas ça?” –

S’écrie la belle Lune claire,

Et Ivan, le fils de Pierre,

Lui dit: “Je ne vais pas nier!

Comme je suis palefrenier

Du roi, j’ai reçu la tâche

De l’am’ner, je ne le cache

Pas, dans vingt jours au palais;

Si non, on me menaçait

De ce qu’on m’arrête, m’empale”.

La Lune pleure d’une joie cordiale,

Elle se met à embrasser

Ivan, à le caresser.

“Ah! Ivan, le fils de Pierre! –

Dit la belle Lune, la mère

De la Fille-reine. – Tu as

Une si bonne nouvelle, hourra!

Nous avons eu tant de peines

De la perte de la Fille-reine!

C’est pourquoi trois nuits, trois jours,

Attendant tant son retour,

J’ai caché dans de grands nuages

La tristesse sur mon visage.

Pour ça, je n’ai ni dormi,

Ni mangé ces jours et nuits.

Pour ça, le Soleil, son frère,

Se cache aux nuages pour faire

Le mauvais temps et éteint

Ses rayons au monde chrétien;

Triste, il pleure sur la Fille-

Reine, sa soeur aimée gentille.

Est-ce qu’elle est de bonne santé?

N’a rien de quoi s’attrister?” –

“Tout le monde pense qu’elle est belle,

Mais elle est malade, – trop frêle:

Maigre comme un clou, pardi!

La taille de cinq pouces, je dis;

Quand elle s’ra prête au mariage,

Elle prendra du poids, je gage:

Sache, le roi veut l’épouser”.

La Lune crie: “Un insensé!

Rechercher à son grand âge

Une jeune fille en mariage!

Je suis sûre qu’il va rester,

Toute la vie, – un vieux fiancé!

Il n’a pas semé pour faire

Une récolte! Célibataire!

Allons donc! Il est gourmand!”

Aussi lui dit notre Ivan:

“D’une baleine, j’ai la requette

D’un pardon, elle te le quête…

En travers de l’océan,

Il y a un grand poisson gisant:

On a labouré ses côtes,

A fait des palissades hautes.

Cette pauvrette m’a prié

Surtout de te demander:

Au pardon, a-t-elle une chance,

A la fin de ses souffrances?

Et pourquoi se trouve-t-elle là?”

La Lune dit à tout cela:

“Ses souffrances sont les pires

A cause de ces trente navires,

Qu’elle a vite avalés sans

Ordre de Dieu. Maintenant,

Donc, si elle les libère,

Alors Dieu la considère

Comme digne d’être pardonnée

Et, de ses plaies, soulagée”.

Notre Ivan se lève pour faire

Ses adieux à la Lune claire.

Il embrasse la Lune au cou,

Puis il lui fait trois bisous.

“Donc, Ivan, le fils de Pierre! –

Dit la Lune, pleine de lumière. –

Merci bien! Et de ma part,

Et de la part du fils. Pars!

Dis que je bénis ma fille,

Qu’elle se console et brille.

Et dis à ma chère encore:

“Ta mère est avec toi; or,

C’est assez de chagrin, laisse

Tes larmes et ta grande tristesse:

Un jeune homme, pas un vieillard,

Te mèn’ra vers l’autel, car

Le vieux roi lui fera place.”

Adieu, donc! Grand bien te fasse!”

Après le salut final,

Ivan monte à son p’tit Ch’val,

Siffle comme un preux des contes,

Reprend la route qui y monte.

      Le lend’main matin, Ivan

Revient, donc, à l’océan.

Le Ch’val court sur la Baleine,

Piaffe ses os. Et à grand-peine,

La merveille, Baleine-poisson,

Leur dit d’une triste façon:

“Mes amis, de ma requette,

Quelle est la décision faite?” –

“La Baleine, attends, attends!” –

Crie le Ch’val à ce moment.

Il court plus vite au village

Pour app’ler à faire bagages,

Branle sa crinière, criant

Ces paroles aux paysans:

“Ecoutez, mes chers laïques,

Ortodoxes chrétiens pudiques!

Si on ne veut pas trouver

Ceux qui veulent se noyer,

Quittez le plus vite cette place,

Ici, un prodige se passe:

La mer va vite bouillonner,

La Baleine va se tourner…”

Les paysans et les laïques,

Ortodoxes chrétiens pudiques

Crient: “Quel est ce grand malheur!” –

Courent chez eux pour, toute à l’heure,

Prendre vite des charettes,

Mettre les affaires prêtes,

Tout ce qu’ils ont pu trouver

Pour quitter leurs maisons et

La baleine. Le jour commence,

Au village – pas de présence

De gens, d’animaux, de rien,

Comme si Mamaï revient!

Le Ch’val court sur la Baleine,

S’approche de la queue sans peine,

Et il crie d’un très haut ton:

“La merveille, Baleine-poisson!

Tes souffrances sont les pires

A cause de ces trente navires,

Que tu as avalés sans

Ordre de Dieu. Maintenant,

Ecoute, si tu les libères,

Alors Dieu te considère

Comme digne d’être pardonnée

Et, de tes plaies, soulagée”.

Après cette parole candide,

Ayant pris aux dents sa bride,

Le Ch’val fait l’effort, d’un bond,

Il saute sur la côte, donc

La Baleine bouge et tourne,

Comme un tertre, elle se retourne,

Agite la mer, laisse partir

De sa bouche trente navires,

Elle crache toute la cohorte:

Avec voiles, mat’lots, – ils sortent.

Alors, on commence à faire

Du bruit, et le roi des mers

Se réveille: des canons tirent,

On trompette à ces navires;

On lève un voile blanc, et on

Hisse vite le pavillon;

Un prêtre chante des prières

Pour de braves militaires;

Des rameurs y chantent en rang

La chanson que l’on reprend:

“Comme en haute mer, mer bleue-verte,

A toute l’étendue déserte

Qui va jusqu’au bout de terre,

Des navires sortent en l’air…”

      De grands flots s’élèvent aux côtes,

Au loin, les navires flottent.

La merveille, Baleine-poisson,

Crie à nos amis d’un ton

Très fort, en ouvrant la bouche,

En cassant des flots qu’elle touche

Par sa queue: “Mes chers amis,

Vous m’avez si bien servi,

Que voulez-vous: de belles conques,

Des poissons dorés quelconques,

De grandes perles? Demandez!

Vous le dites, – je le ferai!” –

“Ce n’est pas pour recompense

Qu’on a fait tout ça: n’y pense

Pas, – lui dit le brave Ivan, –

Trouve-nous, tout simplement,

La bague de la Fille-reine

Qui s’ra notre reine prochaine.” –

“Soit! L’ami m’est plus, plus cher,

Que tous les trésors des mers!

Je trouv’rai avant l’aurore

La bague de cette reine encore.” –

Dit la bête à notre Ivan

Et tombe comme une clé plongeant.

Par sa queue, elle bat et lance

L’appel aux tribus immenses

De ses très grands esturgeons

Et commence à leur dire: “Donc,

J’ai besoin, avant l’aurore,

De la bague d’une reine encore

Qui était très bien cachée

Au fond, dans un p’tit coffret.

Qui la trouve, en recompense,

Aura un grade, une présence

Au Conseil Suprême. Si non,

Je vous f’rai de telle façon…!”

Les poissons se courbent, lâches,

Partent pour accomplir cette tâche.

Des heures passent, la bête attend.

Enfin, deux esturgeons blancs

Viennent, très humbles, chez la Baleine

Et lui disent avec la peine:

“Ne te mets pas en courroux,

Nous pouvons dire que partout,

Où on a cherché en lignes,

On n’a pas trouvé de signes.

La grémille, seule parmi nous,

Pourrait faire ça avant tout:

Elle visite des mers profondes,

Elle sait où tout est au monde;

Mais, pour nous faire enrager,

Elle est quelque part allée ”. –

“Donc, trouvez-la tout de suite

Et am’nez-la le plus vite!” –

Crie fort la Baleine-poisson

Courroucée, aux esturgeons.

Ils se courbent et courent vite

Au Conseil local, ensuite,

Ils ordonnent qu’à ce moment,

On fasse un décret, donnant

Aux courriers la dure tâche

De trouver où elle se cache,

Cette grémille. La brème écrit

Le décret dont on lui dit;

L’aide au Conseil, le silure

Y appose sa signature;

L’écrevisse plie le décret,

Y appose les scellés.

Deux dauphins arrivent et prennent

Le décret de la Baleine.

On leur dit qu’ils passent les eaux,

Cherchent bien là, comme il faut,

Cette grémille criarde, noceuse,

Chahuteuse et querelleuse,

Qu’ils la trouvent pour la mener,

Sans faute, chez sa Majesté.

Les dauphins se courbent et, vite,

Ils se mettent à sa poursuite.

Ils cherchent une heure dans les mers

Et une heure dans les rivières;

Lacs, détroits – ils y traversent

Tout lieu, où de l’eau, on verse.

La grémille n’est pas trouvée,

Et il leur faut retourner.

Quelle est cette peine! Ils en pleurent…

Tout à coup, juste à cette heure,

Quand ils en tournent, on entend

Un grand cri dans un étang.

Alors, les dauphins y viennent,

Plongent au fond sans aucune peine, –

Aux roseaux, la grémille tient

Et bat fort un carassin.

“Garde à vous! Silence! Au diable!

Quel tapage épouvantable!

 

Faites-vous l’air d’être soldats?” –

Leur crient les courriers comme ça.

“Est-ce que ça vous regarde? –

Leur crie la grémille. – Garde!

Je n’aime pas trop plaisanter,

Si non, je vais vous piquer!” –

“Tu es comme toujours noceuse,

Chahuteuse et querelleuse!

Canaille, tu n’aimes que crier,

Battre tous et musarder.

Toi, tu n’es pas casanière!..

Finis! On ne s’entend guère!

Voilà pour toi un décret –

De trouver et de t’am’ner.”

Les dauphins saisissent l’espiègle

Par ses branchies, et en règle,

Ils la traînent à la maison.

La grémille crie d’un haut ton:

“De grâce! Je vous prie! Mes frères!

Permettez un peu de faire

Une rixe, car ce carassin

M’a fait des injures, afin

D’insulter devant le monde,

Si je dis, comment il gronde…”

La grémille crie longtemps,

Après, se tait final’ment;

Les dauphins la traînent, l’espiègle,

Par ses branchies, tout en règle,

Ne lui disent rien; ils viennent, donc,

Tous, chez la Baleine-poisson.

“Tu te caches longtemps du monde,

Pourquoi? Où tu vagabondes?” –

Lui crie la Baleine d’un coup.

La grémille tombe à genoux,

Avoue le crime; de peur lasse,

Elle prie la Baleine de grâce.

“C’est Dieu qui te f’ra pardon! –

Lui dit la Baleine-poisson, –

Mais pour ce qu’on te pardonne,

Tu f’ras l’ordre qu’on te donne.” –

“A vos ordres, Majesté!” –

Piaille celle-ci, agenouillée.

“En toutes mers, avec des vagues,

Tu musardes. Sais-tu la bague

De la Fille-reine?” – “Oui, comment

Ne sais-je pas? En un moment,

Je trouv’rai!” – “Va tout de suite,

Trouve-la, donc, le plus vite!”

La grémille se lève devant

La Baleine, en se courbant,

Elle sort, ensuite se querelle

Avec les valets. Puis, elle

Importune le gardon,

Casse le nez de six clupes. Donc,

Après ça, elle s’élance

Au tournant profond immense,

Et au fond de l’océan,

Elle déterre en un moment

Le сoffret d’un poids énorme.

“Je ne suis pas en pleine forme!

Cent kilos, non, plus que cent!” –

Dit-elle, appelle des harengs.

A deux mains, les harengs prennent

Leur courage, et ils le traînent,

Ce coffret, avec des cris:

“Eh! Ah! Oh! Oh! Quel souci!”

Mais toutes leurs clameurs sont vaines,

Seulement, ils se surmènent.

Le coffret maudit est là,

Du sable, il ne bouge pas.

“De vrais harengs, que vous êtes!

Qu’on vous prive d’alcool et fouette,–

Leur crie la grémille et, donc,

Elle appelle des esturgeons.

Alors, les esturgeons viennent,

Et ils lèvent sans aucune peine

Du fond de sable le coffret

Rouge qui s’y enlisait.

“Ce n’est pas pour vous la peine

D’aller seuls chez la Baleine?

Je vais revenir au fond,

Je suis prise d’un somme profond:

Il faut que je me repose,

Mes yeux se ferment sans cause…”

Et les esturgeons, en rangs,

Nagent. Tout droit, à l’étang,

(Où elle est prise, cette noceuse,

Par les branchies, chahuteuse),

Comme je pense, la grémille vient

Pour trouver le carassin, –

Qui sait? Mais il faut lui dire

Adieu, et on se retire.

Il fait calme à l’océan.

Assis sur le sable, Ivan

Attend que vienne la Baleine,

Gémit douc’ment de la peine;

Son Cheval bossu y dort,

Couché sur le sable d’or.

Déjà, le soir y commence,

Le soleil couchant s’avance,

Des lueurs répandent des feux doux

Du soleil couchant partout.

Il n’y a pas de la Baleine.

“Que les diables te ramènent!

Quel est ce démon des mers! –

Dit Ivan d’une voix amère. –

Elle m’a dit qu’elle trouve la bague,

Avant le soir, sous des vagues,

Pourtant, elle n’a rien trouvé,

La plaisante, qu’elle soit damnée!

Le soleil s’est couché, tombe

La nuit…” Soudain, la mer gronde,

La Baleine-poisson revient

Et dit à Ivan: “Je tiens

Pour ton bienfait ma parole,

Tu vois, j’ai bien fait mon rôle”.

A ces mots, il lève et met

Sur le sable le coffret

Lourd, même la côte se balance.

“C’est fini, c’est ma quittance.

Si tu as encore besoin

De moi, tu m’appelles; eh bien,

Je tiendrai dans ma mémoire

Ton bienfait, adieu, prends gare!”

Alors, la Baleine-poisson

Se tait, puis, elle tombe au fond.

Le Cheval bossu se dresse

Sur ses pattes, se secoue, laisse

Tomber le sable; et il voit

Ivan, le coffret, – de joie,

Il saute: “Ah! La bonne Baleine!

Elle rend la bague de la reine!

Merci, la Baleine, merci! –

Crie le p’tit Cheval et dit, –

Bien, mon maître, prends vite toutes

Nos affaires, mets-toi en route;

Donc, trois jours se sont passés:

Demain, c’est le terme fixé.

Le vieillard meurt de l’attendre”.

Ivan l’interromt pour prendre

La parole: “Avec ma joie,

Je prendrais, mais je n’ peux pas!

Le coffret est très solide,

Je pense, la Baleine perfide

Y a mis cinq cents démons.

J’ai tâché même trois fois, donc;

Il est le plus lourd au monde!”

Le p’tit Ch’val, sans qu’il réponde,

Lève par sa patte le coffret,

Comme une p’tite pierre à jeter,

Et le met sur son cou. “Vite,

Ivan, prends place, et ensuite

Nous partons, car c’est demain

Qu’il faut v’nir, et c’est très loin”.

      La lumière luit matinale,

Ils sont à la capitale.

Le roi court, très impatient.

“Ma bague?” – crie-t-il à Ivan.

Ivan saute du Ch’val par terre

Et va gravement lui faire

La réponse: “C’est ton coffret!

Appelle un régiment: c’est

Très petit en apparence,

Mais ça écras’ra, je pense,

Un diable”. A ses forts archers,

Le roi dit de l’apporter,

Et ils le portent à grand-peine.

Le roi va chez la Fille-reine.

“Ta bague, mon coeur, est trouvée, –

Lui dit-il d’une voix sucrée, –

Et il n’y a pas d’autre obstacle

Pour, si on dit sans débâcles,

Nous marier, ma belle fleur,

Donc, demain, de très bonne heure.

Veux-tu, ma chère, voir ta bague,

Qui était sauvée des vagues?

Elle est là, dans mon palais.”

La Fille-reine lui dit: “Je sais!

A vrai dire, c’est impossible

De faire nos voeux sur la Bible”. –

“Pourquoi non, ma belle fleur?

Je t’aime bien, de tout mon coeur;

Pardonne-moi mon grand courage,

Mais je veux bien le mariage.

Si tu ne… je vais mourir

Du chagrin qui m’est le pire.

Aie pitié, la Fille-reine!”