Loe raamatut: «l’Amour Comme Ci »
L ’ A M O U R C O M M E C I
(LES CHRONIQUES DE L’AMOUR – TOME 1)
SOPHIE LOVE
Sophie Love
Fan depuis toujours du genre romantique, Sophie Love est ravie de la parution de sa première série de romance : Maintenant et à tout jamais (L’Hôtel de Sunset Harbor – tome 1).
Sophie est aussi l’auteur de la nouvelle série de comédie romantique, LES CHRONIQUES DE L’AMOUR, qui débute avec Un AMOUR COMME CELUI-CI (LES CHRONIQUES DE L’AMOUR – TOME 1).
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Il s’agit d’une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les évènements et les incidents sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou sont utilisés dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, n’est que pure coïncidence.²
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LIVRES PAR SOPHIE LOVE
L’HÔTEL DE SUNSET HARBOR
MAINTENANT ET À TOUT JAMAIS (Tome 1)
POUR TOUJOURS ET À JAMAIS (Tome 2)
POUR TOUJOURS, AVEC TOI (Tome 3)
SI SEULEMENT C’ÉTAIT POUR TOUJOURS (Tome 4)
POUR L’ÉTERNITÉ, ET UN JOUR (Tome 5)
POUR L’ÉTERNITÉ, PLUS UN (Tome 6)
LES CHRONIQUES DE L’AMOUR
L’AMOUR COMME CI (Tome 1)
L’AMOUR COMME ÇA (Tome 2)
UN AMOUR COMME LE NOTRE (Tome 3)
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE UN
CHAPITRE DEUX
CHAPITRE TROIS
CHAPITRE QUATRE
CHAPITRE CINQ
CHAPITRE SIX
CHAPITRE SEPT
CHAPITRE HUIT
CHAPITRE NEUF
CHAPITRE DIX
CHAPITRE ONZE
CHAPITRE DOUZE
CHAPITRE TREIZE
CHAPITRE QUATORZE
CHAPITRE QUINZE
CHAPITRE SEIZE
CHAPITRE DIX-SEPT
CHAPITRE DIX-HUIT
CHAPITRE DIX-NEUF
CHAPITRE VINGT
CHAPITRE VINGT-ET-UN
CHAPITRE VINGT-DEUX
ÉPILOGUE
CHAPITRE UN
Keira Swanson poussa les portes vitrées du magazine Viatorum et entra avec détermination. C’était le jour de la fête du Travail, mais elle avait été convoquée à la dernière minute avec le reste du personnel de rédaction pour venir travailler.
Keira savait très bien qu’il n’y avait pas de véritable urgence, rien de suffisamment important pour entraîner une convocation un jour férié. Mais le magazine de voyage était un environnement extrêmement compétitif et son patron, Joshua, aimait “créer des opportunités pour éliminer les faibles”. Quiconque faisait trop d’histoires pour travailler pendant ses vacances ou avait l’air trop maussade pendant ses réunions se retrouverait rapidement sans emploi. Keira s’était tant battue pour avoir un poste de rédacteur, elle n’allait pas échouer face à cet obstacle, même si cela signifiait laisser son petit ami, Zachary, à la maison pour organiser un brunch familial sans elle.
Ses talons aiguilles noirs claquaient sur les carreaux blancs immaculés tandis qu’elle se précipitait vers son bureau. Le QG de Viatorum était situé dans la partie la plus branchée de New York, dans un vieil entrepôt gigantesque qui avait été élégamment réaménagé pour un usage de bureau. Les fenêtres étaient immenses et s’étiraient du sol jusqu’au plafond pentu, où des poutres d’acier avec de gros boulons étaient encore en place, restes de l’époque où l’édifice servait d’entrepôt. L’environnement en open-space signifiait que chaque conversation était entendue. Même les murmures résonnaient. Cela signifiait aussi que personne n’osait apporter quelque chose de trop odorant pour le déjeuner. Keira pouvait encore se rappeler le moment où une nouvelle rédactrice, une jeune femme écervelée nommée Abby, avait apporté une salade au thon pour son premier jour. À la seconde où Joshua en avait senti l’odeur, il s’était rapidement assuré que ce soit le premier, le seul et le dernier jour d’Abby à Viatorum.
En regardant à travers la vaste pièce, Keira remarqua qu’elle n’était pas la première à être arrivée. Nina, son amie et une des rédactrices adjointes de Viatorum, était déjà penchée sur son bureau, tapant sur son clavier. Elle adressa un rapide sourire à Keira avant de se remettre au travail.
Keira jeta son sac à main sur son bureau et s’effondra sur sa chaise, en prenant soin de rendre son soupir inaudible. Elle n’avait pas réalisé que travailler pour le prestigieux magazine Viatorum impliquerait autant de cinéma, autant d’intérêt feint pour la conversation, de faire autant semblant d’être si accomplie.
À travers la cloison vitrée qui séparait Joshua de ses employés, Keira réalisa qu’il la regardait. Elle se demanda à quoi il pensait, s’il était surpris de voir qu’elle était la deuxième personne à répondre à sa convocation urgente, ou s’il était à la recherche de quelqu’un à licencier et qu’elle était devenue la proie qui s’était aventurée sur son territoire.
Joshua émergea à l’angle de la cloison de verre. Il portait un costume bleu électrique et ses cheveux étaient coiffés en banane. Il se dirigea d’un pas raide vers le bureau de Keira.
« Avez-vous déjà terminé les recherches sur l’Irlande ? », demanda-t-il, sans même prendre la peine de dire bonjour.
Ah oui, l’article sur le Festival de l’Amour que Joshua avait été chargé d’écrire par Elliot, le PDG de Viatorum. C’était censé être un projet énorme et important – du moins c’est ce que Joshua avait laissé entendre – même si Keira elle-même ne pouvait pas comprendre comment un article superficiel et stupide sur des rencontres organisées lors d’une cérémonie d’un autre âge dans un village irlandais pittoresque pouvait être considéré comme important. Malgré cela, Joshua avait été d’encore plus mauvaise humeur que d’habitude et, en tant que sa rédactrice la plus jeune, Keira avait été chargée de faire toutes les recherches qu’il était “trop occupé” pour les faire lui-même.
Plutôt trop imbu de sa personne, songea silencieusement Keira alors qu’elle levait les yeux et souriait. « Je vous l’ai envoyé par mail avant de partir vendredi. »
« Envoyez-le moi à nouveau », exigea Joshua du tac au tac. « Je n’ai pas le temps d’éplucher ma boîte de réception pour le trouver. »
« Pas de problème », dit Keira, en demeurant tout aussi chaleureuse.
Joshua retourna dans son bureau et Keira lui envoya un mail contenant l’énorme quantité d’informations qu’elle avait recueillies sur le Festival de l’Amour irlandais, souriant en son for intérieur tandis qu’elle se remémorait à quel point tout cela était stupide, romantique au point d’en donner la nausée.
À peine le mail avait-il quitté sa boîte de réception que les portes s’ouvrirent et une poignée de rédacteurs de Viatorum se pressèrent, chacun prétendant ne pas être irrité d’être au bureau lors d’un jour qui était supposé être férié. Keira pouvait entendre leurs bavardages alors qu’ils essayaient de se surpasser les uns les autres dans leurs sacrifices.
« Ma nièce participait à un tournoi de base-ball », dit Lisa. « Mais c’est beaucoup plus important. Elle a pleuré toutes les larmes de son corps quand j’ai dit que je partais, mais je sais qu’elle comprendra quand elle sera assez âgée et aura sa propre carrière. »
Duncan ne devait pas être en reste. « J’ai dû laisser Stacy à l’aéroport. Je veux dire, nous pourrons visiter Madrid une autre fois, la ville n’ira nulle part. »
« Je viens juste de quitter le lit de ma mère à l’hôpital », ajouta Victoria. « Ce n’est pas comme si elle était en état critique ou quoi que ce soit. Elle comprend que ma carrière passe en premier. »
Keira gardait son sourire en coin pour elle-même. La culture d’entreprise chez Viatorum lui semblait complètement inutile. Elle aurait aimé que sa carrière puisse se développer par le dévouement, les compétences et le travail acharné, plutôt que par son habileté à briller en société près de la fontaine à eau. Cela ne voulait pas dire que Keira n’était pas concentrée sur sa carrière – c’était la chose la plus importante pour elle dans sa vie en ce moment, même si elle ne voulait pas l’avouer à Zachary – elle ne voulait tout simplement pas changer pour s’intégrer dans la culture du magazine. Elle avait souvent l’impression qu’elle attendait son heure, son moment pour briller.
Une seconde plus tard, le téléphone de Keira vibra. Nina lui avait envoyé un de ses messages secrets.
Je suppose que Joshua ne t’a pas préparée au fait qu’Elliot vienne pour cette réunion.
Keira retint son exclamation de surprise. Bien que le PDG de Viatorum fût un million de fois plus agréable que Joshua, elle se sentait plus fiévreuse quand il était présent. Il détenait la clé de l’avenir de sa carrière. Il était celui qui avait le pouvoir d’embaucher et de licencier sur le champ, celui dont l’opinion importait vraiment. Joshua ne dirait jamais à Keira si elle avait fait du bon travail, ou si son écriture s’était améliorée, même si elle avait travaillé dur. Elliot, de l’autre côté, faisait des compliments quand ils étaient mérités, ce qui était rare, mais cela rendait leur obtention encore meilleure.
Keira était sur le point de répondre à Nina quand elle entendit le bruit des pas rapides de Joshua approcher.
« Qu’est-ce que c’est que cette merde, Keira ? », cria-t-il avant même d’avoir atteint sa table.
Ses mots résonnèrent dans le bureau. Toutes les têtes se tournèrent pour observer la dernière offensive verbale, tout en étant simultanément heureux de ne pas être à l’autre bout et excitées à l’idée qu’un autre agneau sacrificiel satisfasse le besoin irrépressible que Joshua avait de faire feu.
« Je suis désolée ? », demanda aimablement Keira, même si son cœur battait la chamade.
« Cette merde à propos de l’Irlande ! Tout ça est inutile ! »
Keira n’était pas sûre de savoir comment réagir. Elle savait qu’elle avait fait de bonnes recherches. Elle s’en était tenue aux demandes, avait présenté ses conclusions dans un document facile à utiliser, elle s’était surpassée. Joshua était juste de mauvaise humeur et passait ses nerfs sur elle. Plutôt, c’était un test pour voir comment elle réagirait à une attaque verbale en public.
« Je peux faire d’autres recherches si vous le souhaitez », dit Keira.
« Il n’y a pas le temps ! », cria Joshua. « Elliot sera là dans quinze minutes ! »
« En fait », l’interrompit Nina, « sa voiture vient de se garer. » Elle se pencha sur sa chaise de bureau, contemplant la vue depuis la grande fenêtre.
Joshua devint rouge vif. « Je ne trinquerais pas pour ça, Swanson », dit-il en désignant Keira. « Si Elliot est déçu, je lui dirai à qui revient la faute. »
Il retourna d’un pas lourd dans son bureau cloisonné. Mais en chemin, une de ses richelieus en cuir verni atterrit sur une flaque de café qu’un de ses rédacteurs stressé et pressé avait renversé sur le sol carrelé, dans sa hâte de se mettre au travail.
Il y eut un temps d’arrêt, pendant lequel Keira put sentir qu’un événement terrible était sur le point d’arriver. Puis ils commencèrent, les mouvements au ralenti et saccadés de Joshua. Son torse se contorsionna, comme dans une danse étrange, tandis qu’il essayait de garder son équilibre. Mais l’alliance des carreaux de granit et du macchiato était trop puissante pour être terrassée.
Joshua perdit complètement son aplomb. Une jambe glissa vers l’avant tandis que l’autre se tordait bizarrement sous lui. Tout le monde poussa un cri quand il atterrit lourdement et bruyamment sur le sol dur. Un craquement retentit dans l’immense bureau, et résonna affreusement.
« Ma jambe ! », cria Joshua en serrant son tibia à travers son pantalon bleu électrique. « Je me suis cassé la jambe ! »
Tout le monde semblait paralysé. Keira courut vers lui, sans savoir quoi faire pour l’aider, mais certaine que se casser une jambe d’une telle manière devait être impossible.
« Ce n’est pas cassé », balbutia-t-elle en essayant d’être rassurante. Mais c’était avant que son regard ne tombe sur l’angle anormal formé par la jambe de Joshua, sur la déchirure dans son pantalon à travers lequel elle vit l’os protubérant. La nausée la saisit. « En fait… »
« Ne restez pas plantés là ! », cria Joshua. Il se roulait de douleur. Les yeux plissés, il jeta un regard à sa blessure. « Oh mon Dieu ! », cria-t-il. « J’ai déchiré mon pantalon ! Il m’a coûté plus que ce que vous gagnez en un mois ! »
Juste à ce moment-là, les portes vitrées principales s’ouvrirent, et Elliot entra à grands pas.
Même si Elliot n’avait pas fait un mètre quatre-vingt-dix, il aurait été imposant. Il y avait quelque chose chez lui, dans la façon dont il se tenait. Il pouvait instiller terreur et obéissance chez les gens d’un seul coup d’œil.
Comme des lièvres pris dans les phares d’une voiture, tout le monde arrêta ce qu’il faisait et le regarda avec crainte. Même Joshua fut réduit au silence.
Elliot observa la vue qui s’offrait devant lui ; Joshua étendu sur le sol, serrant sa jambe, hurlant de douleur ; Keira qui se tenait, impuissante, au-dessus de lui ; la foule des rédacteurs debout à leurs bureaux, avec des expressions horrifiées sur leurs visages.
Mais l’expression d’Elliot ne changea pas d’un pouce. « Est-ce que quelqu’un a appelé une ambulance pour Joshua ? » fut tout ce qu’il dit.
Il y eut une soudaine effervescence.
« Je vais le faire ! » commencèrent-ils tous à dire les uns au-dessus des autres tout en se jetant sur leurs téléphones de bureau, voulant à tout prix être considérés comme le sauveur devant Elliot.
De la sueur froide brillait sur le front de Joshua. Il leva les yeux vers Elliot.
« Ça ira », dit-il à travers ses dents serrées. Il essaya de paraître nonchalant, mais échoua misérablement. « C’est juste un os cassé. C’est une bonne chose que ce soit ma jambe et pas mon bras. Je n’ai pas besoin de ma jambe pour écrire le papier sur l’Irlande. » Il semblait un peu délirant.
« Mais vous en avez besoin pour monter dans un avion et randonner dans les collines », dit calmement Elliot.
« Des béquilles », dit Joshua en grimaçant. « Un fauteuil roulant. Nous aurons juste besoin d’adapter un peu. »
« Joshua », répondit sévèrement Elliot, « le seul endroit où je vais vous envoyer, c’est l’hôpital. »
« Non ! », cria Joshua en essayant de s’asseoir. « Je peux réaliser la mission ! J’ai juste besoin d’un plâtre et ensuite je serai comme neuf ! »
Sans aucune émotion, Elliot ignora les supplications de Joshua et jeta un coup d’œil à sa montre. « Je commence la réunion à onze heures précises », annonça-t-il à l’équipe de rédaction. Puis il entra d’un pas nonchalant dans la salle de conférence sans même regarder en arrière.
Tout le monde resta là, silencieux, choqué, incertain de ce que faire. Puis les cris de Joshua leur firent reprendre leurs esprits.
« Laissez-moi vous apporter de l’eau », dit Lisa.
« Je ne veux pas de ta fichue eau ! », cria Joshua.
« Là », dit Duncan, en se précipitant en avant. « Vous devez élever la plaie. »
Il tendit la main vers la jambe blessée de Joshua, mais ce dernier écarta son bras d’une claque. « Ne me touche pas ! Je jure devant Dieu que si tu me touches, je te virerai ! »
Duncan recula, les mains levées en signe de trêve.
« L’ambulance est là », dit Nina depuis la fenêtre. Des lumières bleues clignotaient de l’autre côté.
Dieu merci, pensa Keira. Elle avait eu plus de Joshua qu’elle ne pouvait le supporter en une journée. Pour toute une vie, si elle devait être honnête envers elle-même.
À ce moment-là, elle leva les yeux et réalisa qu’Elliot se tenait sur le seuil de la salle de conférence, les regardant tous s’affairer autour de Joshua, comme des fous. Il n’avait guère l’air impressionné. Keira nota l’heure. La réunion commençait dans moins d’une minute.
Keira prit conscience qu’il y avait là une opportunité. Il n’y avait aucune chance pour que Joshua achève la mission en Irlande, Elliot l’avait dit très clairement. Ce qui signifiait que tous les autres se battraient afin de se faire remarquer. Ce n’était pas la plus glamour des tâches, mais c’était plus que Keira n’avait jamais eu. Elle avait besoin de faire ses preuves vis-à-vis d’Elliot. Elle avait besoin de cette mission.
Laissant ses collègues derrière elle, Keira se dirigea à grandes enjambées vers la salle de conférence. Elle passa Elliot à l’entrée et s’assit à côté du siège qu’elle savait qu’il occuperait bientôt.
Duncan la remarqua en premier. La voir assise dans la salle de conférence vide sembla lui faire soudainement réaliser ce que Keira elle-même avait compris, que l’affectation en Irlande était vacante et que l’un d’entre eux était nécessaire pour l’occuper. Il se précipita (en essayant de cacher le fait qu’il se précipitait) pour être le suivant à l’intérieur. Les autres s’en aperçurent, et il y eut une soudaine bousculade vers la salle de conférence, chaque collègue s’excusant poliment de s’être heurté “accidentellement” à l’autre dans sa hâte de pénétrer à l’intérieur, d’impressionner Elliot et de gagner la mission convoitée.
Ce qui laissa Joshua complètement seul au milieu de l’open-space. Les ambulanciers le hissèrent sur une civière et l’évacuèrent, pendant qu’une salle de conférence remplie de son personnel s’apprêtait à se battre pour sa mission.
*
« Je suis sûr que vous avez remarqué, maintenant », dit Elliot, « que le malheureux accident de Joshua m’a laissé dans une situation difficile. »
Il croisa ses grandes mains sur la table de conférence et regarda tous les rédacteurs assis devant lui.
Keira resta silencieuse, attendant son heure. Elle avait une stratégie : laisser les autres s’épuiser à demander à recevoir la mission, puis intervenir à la dernière minute.
« L’article sur l’Irlande », continua Elliot, « allait être notre article en première page. Viatorum prend une nouvelle direction. Des articles personnels, des récits à la première personne. L’auteur conduit le récit, crée une histoire, dans laquelle le lieu est un personnage clé. J’avais informé Joshua à ce sujet. Je ne sais pas si l’un d’entre vous a le talent pour le faire, pour comprendre ma vision. » Il baissa les yeux vers le dessus de la table, fronçant tellement les sourcils qu’une veine ressortit sur son front. « L’avion part demain », se lamenta-t-il, comme s’il n’avait pas de public.
« Si je puis me permettre » dit Lisa. « Mon article sur la Floride est presque terminé. Je peux le finir dans l’avion. »
« Certainement pas », répondit Elliot. « Personne ne peut être sur deux missions à la fois. Qui est libre ? »
Il y eut un dégonflement collectif quand plusieurs des rédacteurs autour de la table se rendirent compte qu’ils étaient déjà hors course.
« Je suis libre », dit Duncan. « J’étais censé prendre l’avion pour Madrid aujourd’hui, mais le travail passe avant tout. Stacy ne m’en voudra pas si je reporte les vacances. »
Keira parvint tout juste à s’empêcher de lever les yeux au ciel en entendant la phrase répétée de Duncan. Elle se demanda à quel point Stacy était complaisante à l’idée que ses vacances soient annulées.
Elliot scruta Duncan, de l’autre côté de la table. « Vous êtes ce type de Buxton, n’est-ce pas ? Celui qui a écrit l’article de Francfort ? »
« Oui », répondit Duncan en souriant avec fierté.
« J’ai détesté ce papier », dit Elliot.
Keira pouvait la sentir bouillonner en elle, l’excitation. C’était son moment. Son heure de gloire.
Ignorant la nervosité qu’elle ressentait, elle leva la main avec une assurance forcée. « Je suis disponible pour l’article. »
Toutes les têtes se tournèrent vers elle. Elle combattit l’envie de se tasser sur son siège.
« Qui êtes-vous ? », demanda Elliot.
Keira déglutit. « Keira Swanson. Je suis l’assistante rédactrice de Joshua. Il m’a chargée de faire des recherches préliminaires pour cet article. »
« Il a fait ça, n’est-ce pas ? », demanda Elliot, impassible en apprenant que Joshua distribuait ses tâches à son personnel subalterne. Il se caressa le menton, contemplatif. « Vous n’avez jamais été à l’étranger pour une mission ? »
Keira secoua la tête. « Pas encore », répondit-elle. « Mais je suis excitée de le faire. » Elle espérait que le trémolo dans sa voix ne pouvait pas être entendu.
Elle pouvait sentir ses collègues autour d’elle se hérisser d’irritation. Ils pensaient probablement que c’était parfaitement injuste, que Keira ne méritait pas cette mission. Ils se fustigeaient probablement eux-mêmes pour s’être portés volontaires pour des articles moins glamour au cours des semaines précédentes, car ils étaient maintenant coincés avec. Nina, la seule personne qui manifesta une once de soutien, esquissa un sourire entendu. En son for intérieur, Keira se sentit aussi sourire. C’était son moment. Elle avait attendu son heure à Viatorum, était passée derrière Joshua, avait réécrit ses articles en son nom, travaillant à toute heure pour peu de récompenses. Maintenant c’était à son tour d’être sous le feu des projecteurs.
Elliot tambourinait ses doigts sur la table. « Je ne suis pas sûr », dit-il. « Vous n’avez pas encore fait vos preuves. Et c’est une grosse tâche. »
Nina intervint audacieusement depuis l’autre bout de la pièce. Elle avait fait son temps, gagné confiance et respect. Des années dans le milieu de l’édition des magazines haut de gamme l’avaient endurcie. « Je ne pense pas que vous ayez d’autres options. »
Elliot fit une pause, comme s’il laissait les mots faire leur chemin. Puis son froncement de sourcils commença à se relâcher et, avec une sorte d’acceptation réticente, il dit : « Très bien. Swanson, vous avez l’article. Mais seulement parce que nous sommes désespérés. »
Ce n’était pas la meilleure façon au monde de recevoir une si bonne nouvelle, mais Keira s’en fichait. Elle avait eu l’article. C’était tout ce qui comptait. Elle dut lutter contre l’envie de lever le poing en l’air.
« C’est un voyage de quatre semaines », expliqua Elliot. « Au Festival Lisdoonvarna, en Irlande. »
Keira acquiesça ; elle savait déjà tout cela. « Le Festival de l’Amour », dit-elle avec ironie.
Elliot sourit. « Alors vous êtes une cynique ? »
Soudain nerveuse, Keira s’inquiéta de savoir si elle avait dit la mauvaise chose, avait laissé son dédain filtrer par accident. Mais ensuite elle remarqua que l’expression d’Elliot était en fait approbative.
« C’est exactement le genre d’angle que je cherche », dit-il.
Tout le monde autour de la table semblait avoir avalé des couleuvres. Lisa affichait franchement sa jalousie envers Keira dans un regard furieux.
« La vérité », ajouta Elliot, les yeux brillants d’une soudaine excitation. « Je veux que vous démystifiiez la niaiserie du romantisme de l’Irlande. Que vous démystifiez le mythe qui veut que l’on puisse être uni à son partenaire pour la vie juste par le biais d’un festival sentimental. J’ai besoin que vous soyez courageuse et montriez à quel point tout cela n’a pas de sens, que l’amour ne fonctionne pas ainsi dans le monde réel. Je le veux sans complaisance. »
Keira acquiesça. Elle était une new-yorkaise cynique, et l’angle de la mission lui convenait très bien. Elle ne pouvait s’empêcher de penser que l’opportunité parfaite lui était tombée dessus au moment parfait. C’était sa chance de briller, de mettre en valeur sa voix et son talent, de prouver qu’elle méritait sa place à Viatorum.
« Réunion terminée », dit Elliot. Alors que Keira se levait, il ajouta : « Pas vous, mademoiselle Swanson. Nous devons passer en revue les détails avec mon assistante. S’il vous plaît, allons dans mon bureau. »
Alors que les autres sortaient de la salle de conférence, Nina croisa le regard de Keira et lui adressa un pouce levé. Puis Keira traversa le bureau, côte à côte avec Elliot, ses talons claquant et attirant des regards jaloux de la part de tout le monde autour d’elle.
*
À la seconde où la porte du bureau d’Elliot fut fermée, Keira sut que le vrai travail était sur le point de commencer. L’assistante d’Elliot, Heather, était déjà assise. Elle fronça les sourcils, confuse, quand elle réalisa que Keira avait été choisie pour le travail, mais elle ne dit rien.
Tu es juste une autre personne qui se révèle avoir eu tort, pensa Keira.
Elle s’assit et Elliot fit de même. Heather lui tendit un classeur.
« Vos billets d’avion », expliqua-t-elle. « Et les détails de votre hébergement. »
« J’espère que vous êtes une lève-tôt parce que vous partirez à la première heure demain matin », ajouta Elliot.
Keira sourit, bien que tous les événements prévus dans son agenda lui traversèrent l’esprit, toutes les choses qu’elle aurait à annuler et à rater. Une sueur froide l’envahit quand elle réalisa qu’elle allait manquer le mariage de Ruth, la sœur de Zachary, qui avait précisément lieu le lendemain. Il allait être tellement énervé !
« Ce n’est pas un problème », dit-elle en regardant les billets dans son classeur, qui étaient pour un vol à six heures du matin. « Pas un problème du tout. »
« Nous vous avons réservé un petit B&B pittoresque à Lisdoonvarna », expliqua Elliot. « Pas de fioritures. Nous voulons que vous viviez tout. »
« Super », répondit-elle.
« Ne ratez pas ça, d’accord ? », dit Elliot. « Je prends un énorme risque en pariant sur vous. Si vous vous plantez pour ce reportage, vos jours ici sont terminés. Compris ? Il y a des centaines d’autres rédacteurs qui attendent pour avoir votre place. »
Keira hocha de la tête, essayant de ne pas montrer l’anxiété sur son visage, de paraître audacieuse, confiante et totalement composée, tandis qu’à l’intérieur, elle avait l’impression que mille papillons avaient pris leur envol.