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Loe raamatut: «Henri VI. 3»

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PERSONNAGES

LE ROI HENRI VI.

EDOUARD, prince de Galles, son fils.

LOUIS XI, roi de France.

LE DUC DE SOMERSET. }

LE DUC D'EXETER, }

LE COMTE DE NORTHUMBERLAND,}lords du parti du roi.

LE COMTE D'OXFORD }

LE COMTE DE WESTMORELAND, }

LE LORD CLIFFORD, }

RICHARD PLANTAGENET, duc d'York.

ÉDOUARD, comte des }

Marches, depuis le roi }

Édouard IV, }

GEORGE, depuis duc de }

Clarence, }

RICHARD, depuis duc} fils du duc de Glocester,} d'York.

EDMOND, comte de Rutland,}

LE DUC DE NORFOLK, }

LE MARQUIS MONTAIGU, }

LE COMTE DE WARWICK, }

LE COMTE DE SALISBURY,} partisans du

LE COMTE DE PEMBROKE,} duc d'York.

LE LORD HASTINGS, }

LE LORD STAFFORD, }

SIR JEAN MORTIMER,} oncles du

SIR HUGUES MORTIMER,} duc d'York.

SIR GUILLAUME STANLEY.

LORD RIVERS, frère de lady Grey.

SIR JEAN DE MONTGOMERY.

SIR JEAN SOMERVILLE.

LE GOUVERNEUR DE RUTLAND.

LE MAIRE D'YORK.

LE LIEUTENANT DE LA TOUR.

UN NOBLE.

DEUX GARDES-CHASSE.

UN FILS qui a tué son père. – UN PÈRE qui a tué son fils. – LA REINE MARGUERITE. – LA PRINCESSE BONNE, soeur du roi de France. – LADY GREY, depuis reine et femme d'Édouard IV. – SOLDATS ET SUITE DU ROI HENRI ET DU ROI ÉDOUARD, MESSAGERS, HOMMES DU GUET.

Dans une partie du troisième acte la scène se passe en France; et dans tout le reste de la pièce elle est en Angleterre

ACTE PREMIER

SCÈNE I

A Londres, dans la salle du parlement
Tambours. Quelques soldats du parti de York se précipitent dans la salle; entrent ensuite LE DUC D'YORK, ÉDOUARD, RICHARD, NORFOLK, MONTAIGU, WARWICK et autres, avec des roses blanches à leurs chapeaux

WARWICK. – Je ne conçois pas comment le roi nous est échappé.

YORK. – Tandis que nous poursuivions la cavalerie du Nord, il s'est évadé adroitement, abandonnant son infanterie; et cependant le grand Northumberland, dont l'oreille guerrière ne put jamais souffrir le son de la retraite, animait encore son armée découragée: et lui-même avec les lords Clifford et Stafford, tous unis et de front, ont chargé notre corps de bataille, mais en l'enfonçant ils ont péri sous l'épée de nos soldats.

ÉDOUARD. – Le père de lord Stafford, le duc de Buckingham, est ou tué ou dangereusement blessé, j'ai fendu son casque d'un coup vigoureux; cela est vrai, mon père, voilà son sang.

(Montrant son épée sanglante.)

MONTAIGU, montrant la sienne. – Et voilà, mon frère, celui du comte de Wiltshire, que j'ai joint dès le commencement de la mêlée.

RICHARD, jetant sur le théâtre la tête de Somerset. – Et toi, parle pour moi, et dis ce que j'ai fait.

YORK. – Richard a surpassé tous mes autres enfants! C'est à lui que je dois le plus. Quoi, Votre Grâce, vous êtes mort? lord de Somerset!

NORFOLK. – Puisse toute la postérité de Jean de Gaunt avoir pareille espérance!

RICHARD. – J'espère abattre de même la tête du roi Henri!

WARWICK. – Je l'espère aussi. Victorieux prince d'York, je jure par le ciel de ne point fermer les yeux que je ne t'aie vu assis sur le trône qu'usurpe aujourd'hui la maison de Lancastre. Voici le palais de ce roi timide; voilà son trône royal. Possède-le, York; car il est à toi, et non pas aux héritiers de Henri.

YORK. – Seconde-moi donc, cher Warwick, et j'en vais prendre possession; car nous ne sommes entrés ici que par la force.

NORFOLK. – Nous vous seconderons tous. – Périsse le premier qui recule!

YORK. – Je vous remercie, noble Norfolk! – Ne vous éloignez point, milords. – Et vous, soldats, demeurez, et passez ici la nuit.

WARWICK. – Quand le roi paraîtra, ne lui faites aucune violence, à moins qu'il n'essaye de vous chasser par la force.

(Les soldats se retirent.)

YORK. – La reine doit tenir ici aujourd'hui son parlement: elle ne s'attend guère à nous voir de son conseil: par les paroles ou par les coups, il faut ici même faire reconnaître nos droits.

RICHARD. – Occupons, armés comme nous le sommes, l'intérieur du palais.

WARWICK. – Ce parlement s'appellera le parlement de sang, à moins que Plantagenet, duc d'York, ne soit roi; et ce timide Henri, dont la lâcheté nous a rendus le jouet de nos ennemis, sera déposé.

YORK. – Ne me quittez donc pas, milords. De la résolution, et je prétends prendre possession de mes droits.

WARWICK. – Ni le roi, ni son plus zélé partisan, ni le plus fier de tous ceux qui tiennent pour la maison de Lancastre, n'osera plus battre de l'aile aussitôt que Warwick agitera ses sonnettes1. Je veux planter ici Plantagenet; l'en déracine qui l'osera. – Prends ton parti, Richard: revendique la couronne d'Angleterre.

(Warwick conduit au trône York, qui s'y assied.)
(Fanfares. Entrent le roi Henri, Clifford, Northumberland, Westmoreland, Exeter et autres, avec des roses rouges à leurs chapeaux.)

LE ROI. – Voyez, milords, où s'est assis cet audacieux rebelle; sur le trône de l'État! Sans doute qu'appuyé des forces de Warwick, ce perfide pair, il ose aspirer à la couronne, et prétend régner en souverain. – Comte de Northumberland, il a tué ton père; et le tien aussi, lord Clifford; et vous avez fait voeu de venger leur mort sur lui, sur ses enfants, ses favoris et ses partisans.

NORTHUMBERLAND. – Et si je ne l'exécute pas, ciel, que ta vengeance tombe sur moi!

CLIFFORD. – C'est dans cet espoir que Clifford porte son deuil en acier.

WESTMORELAND. – Eh quoi! souffrirons-nous cela? – Jetons-le à bas: mon coeur est bouillant de colère; je n'y puis tenir.

LE ROI. – De la patience, cher comte de Westmoreland.

CLIFFORD. – La patience est pour les poltrons, pour ses pareils: il n'aurait pas osé s'y asseoir, si votre père eût été vivant. – Mon gracieux seigneur, ici, dans le parlement, laissez-nous fondre sur la maison d'York.

NORTHUMBERLAND. – C'est bien dit, cousin: qu'il en soit fait ainsi.

LE ROI. – Eh! ne savez-vous pas que le peuple est pour eux, et qu'ils ont derrière eux une bande de soldats!

EXETER. – Le duc d'York tué, ils fuiront bientôt.

LE ROI. – Loin du coeur de Henri la pensée de faire du parlement une boucherie! – Cousin Exeter, la sévérité du maintien, les paroles, les menaces sont les seules armes que Henri veuille employer contre eux. (Ils s'avancent vers le duc d'York.) Séditieux duc d'York, descends de mon trône; et tombe à mes pieds, pour implorer ma clémence et ta grâce; je suis ton souverain.

YORK. – Tu te trompes; c'est moi qui suis le tien.

EXETER. – Si tu as quelque honte, descends, c'est lui qui t'a fait duc d'York.

YORK. – C'était mon patrimoine, tout aussi bien que le titre de comte2.

EXETER. – Ton père fut un traître à la couronne.

WARWICK. – C'est toi, Exeter, qui es un traître à la couronne, en suivant cet usurpateur Henri.

CLIFFORD. – Qui doit-il suivre que son roi légitime?

WARWICK. – Sans doute, Clifford: qu'il suive donc Richard, duc d'York.

LE ROI. – Et resterai-je debout, tandis que toi tu seras assis sur mon trône?

YORK. – Il le faut bien, et cela sera: prends-en ton parti.

WARWICK. – Sois duc de Lancastre, et laisse-le être roi.

WESTMORELAND. – Henri est duc de Lancastre et roi, et le lord de Westmoreland est là pour le soutenir.

WARWICK. – Et Warwick pour le contredire. – Vous oubliez, je le vois, que nous vous avons chassés du champ de bataille, que nous avons tué vos pères, et marché enseignes déployées, au travers de Londres, jusqu'aux portes du palais.

NORTHUMBERLAND. – Je m'en souviens, Warwick, à ma grande douleur; et, par son âme, toi et ta maison, vous vous en repentirez.

WESTMORELAND. – Plantagenet, et toi et tes enfants, et tes parents et tes amis, vous me payerez plus de vies qu'il n'y avait de gouttes de sang dans les veines de mon père.

CLIFFORD. – Ne m'en parle pas davantage, Warwick, de peur qu'au lieu de paroles, je ne t'envoie un messager qui vengera sa mort avant que je sorte d'ici.

WARWICK. – Pauvre Clifford! Combien je méprise ses impuissantes menaces!

YORK. – Voulez-vous que nous établissions ici nos droits à la couronne? Autrement nos épées les soutiendront sur le champ de bataille.

LE ROI. – Quel titre as-tu, traître, à la couronne? Ton père était, ainsi que toi, duc d'York3; ton aïeul était Roger Mortimer, comte des Marches. Je suis le fils de Henri V, qui soumit le dauphin et les Français, et conquit leurs villes et leurs provinces.

WARWICK. – Ne parle point de la France, toi qui l'as perdue tout entière.

LE ROI. – C'est le lord protecteur qui l'a perdue, et non pas moi. Lorsque je fus couronné, je n'avais que neuf mois.

RICHARD. – Vous êtes assez âgé maintenant, et cependant il me semble que vous continuez à perdre. Mon père, arrachez la couronne de la tête de l'usurpateur.

ÉDOUARD. – Arrachez-la, mon bon père, mettez-la sur votre tête.

MONTAIGU, au duc d'York. – Mon frère, si tu aimes et honores le courage guerrier, décidons le fait par un combat au lieu de demeurer ici à nous disputer.

RICHARD. – Faites résonner les tambours et les trompettes, le roi va fuir.

YORK. – Taisez-vous, mes enfants.

LE ROI. – Tais-toi toi-même, et laisse parler le roi Henri.

WARWICK. – Plantagenet parlera le premier. – Lords, écoutez-le, et demeurez attentifs et en silence; car quiconque l'interrompra, c'est fait de sa vie.

LE ROI. – Espères-tu que j'abandonnerai ainsi mon trône royal, où se sont assis mon aïeul et mon père? Non, auparavant la guerre dépeuplera ce royaume. Oui, et ces étendards si souvent déployés dans la France, et qui le sont aujourd'hui dans l'Angleterre, au grand chagrin de notre coeur, me serviront de drap funéraire. – Pourquoi faiblissez-vous, milords? Mon titre est bon, et beaucoup meilleur que le sien.

WARWICK. – Prouve-le, Henri, et tu seras roi.

LE ROI. – Mon aïeul Henri IV a conquis la couronne.

YORK. – Par une révolte contre son roi.

LE ROI. – Je ne sais que répondre: mon titre est défectueux. Répondez-moi, un roi ne peut-il se choisir un héritier?

YORK. – Que s'ensuit-il?

LE ROI. – S'il le peut, je suis roi légitime; car Richard, en présence d'un grand nombre de lords, résigna sa couronne à Henri IV, dont mon père fut l'héritier comme je suis le sien.

YORK. – Il se révolta contre Richard son souverain, et l'obligea par force à lui résigner la couronne.

WARWICK. – Et supposez, milords, qu'il l'eût fait volontairement, pensez-vous que cela pût nuire aux droits héréditaires de la couronne?

EXETER. – Non, il ne pouvait résigner sa couronne que sauf le droit de l'héritier présomptif à succéder et à régner.

LE ROI. – Es-tu contre nous, duc d'Exeter?

EXETER. – Le droit est pour lui. Veuillez donc me pardonner.

YORK. – Pourquoi parlez-vous bas, milords, au lieu de répondre?

EXETER. – Ma conscience me dit qu'il est roi légitime.

LE ROI. – Tous vont m'abandonner et passer de son côté.

NORTHUMBERLAND. – Plantagenet, quelles que soient tes prétentions, ne pense pas que Henri puisse être déposé ainsi.

WARWICK. – Il sera déposé en dépit de vous tous.

NORTHUMBERLAND. – Tu te trompes. Ce n'est pas, malgré la présomption qu'elle t'inspire, la puissance que te donnent dans le midi tes comtés d'Essex, de Suffolk, de Norfolk et de Kent, qui peut élever le duc au trône malgré moi.

CLIFFORD. – Roi Henri, que ton titre soit légitime ou défectueux, lord Clifford jure de combattre pour ta défense. Puisse s'entr'ouvrir et m'engloutir tout vivant le sol où je fléchirai le genou devant celui qui a tué mon père!

LE ROI. – O Clifford! combien tes paroles raniment mon coeur!

YORK. – Henri de Lancastre, cède-moi ta couronne. Que murmurez-vous, lords, ou que concertez-vous ensemble?

WARWICK. – Rendez justice au royal duc d'York, ou je vais remplir cette salle de soldats armés, et, sur ce trône où il est assis, écrire son titre avec le sang de l'usurpateur.

(Il frappe du pied, et les soldats se montrent.)

LE ROI. – Milord de Warwick, écoutez seulement un mot. – Laissez-moi régner tant que je vivrai.

YORK. – Assure la couronne à moi et à mes enfants, et tu régneras en paix le reste de tes jours.

LE ROI. – Je suis satisfait. Richard Plantagenet, jouis du royaume après ma mort.

CLIFFORD. – Quel tort cela fera au prince votre fils!

WARWICK. – Quel bien pour l'Angleterre et pour lui-même!

WESTMORELAND. – Vil, faible et lâche Henri!

CLIFFORD. – Quel tort tu te fais à toi-même, et à nous aussi!

WESTMORELAND. – Je ne puis rester pour entendre ces conditions.

NORTHUMBERLAND. – Ni moi.

CLIFFORD. – Venez, cousin; allons porter ces nouvelles à la reine.

WESTMORELAND. – Adieu, roi sans courage et dégénéré; ton sang glacé ne renferme pas une étincelle d'honneur.

NORTHUMBERLAND. – Deviens la proie de la maison d'York, et meurs dans les chaînes pour cette indigne action.

CLIFFORD. – Puisses-tu périr vaincu dans une guerre terrible, ou finir tranquillement dans l'abandon et le mépris!

(Sortent Northumberland, Clifford et Westmoreland.)

WARWICK. – Tourne-toi par ici, Henri, ne fais pas attention à eux.

EXETER. – Ce qu'ils veulent, c'est la vengeance: voilà pourquoi ils ne cèdent pas.

LE ROI. – Ah! Exeter!

WARWICK. – Pourquoi ce soupir, mon prince?

LE ROI. – Ce n'est pas pour moi que je gémis, lord Warwick: c'est pour mon fils que je déshérite en père dénaturé; mais qu'il en soit ce qui pourra. Je te substitue ici la couronne à toi et à tes héritiers à perpétuité, à condition que tu feras serment ici d'éteindre cette guerre civile, et de me respecter, tant que je vivrai, comme ton roi et ton souverain, et de ne jamais chercher, par aucune trahison ni violence, à me renverser du trône et à régner toi-même.

YORK. – Je fais volontiers ce serment, et je l'accomplirai.

(Il descend du trône.)

WARWICK. – Vive le roi Henri! – Plantagenet, embrasse-le.

LE ROI. – Puisses-tu vivre longtemps, ainsi que tes bouillants enfants!

YORK. – De ce moment, York et Lancastre sont réconciliés.

EXETER. – Maudit soit celui qui cherchera à les rendre ennemis! (Morceau de musique; les lords s'avancent.)

YORK. – Adieu, mon gracieux seigneur: je vais me rendre dans mon château.

WARWICK. – Et moi, je vais garder Londres avec mes soldats.

NORFOLK. – Moi, je retourne à Norfolk avec les miens.

MONTAIGU. – Moi, sur la mer, d'où je suis venu.

(Sortent York et ses fils, Warwick, Norfolk et Montaigu, les soldats et la suite.)

LE ROI. – Et moi, rempli de tristesse et de douleur, je vais regagner mon palais.

EXETER. – Voici la reine, ses regards décèlent sa colère: je veux me dérober à sa présence.

LE ROI. – Et moi aussi, cher Exeter. (Il veut sortir.)

MARGUERITE. – Ne t'éloigne pas de moi, je te suivrai.

LE ROI. – Sois patiente, chère reine, et je resterai.

MARGUERITE. – Et qui peut être patiente dans de pareilles extrémités? – Ah! malheureux que tu es! plût au ciel que je fusse morte fille, que je ne t'eusse jamais vu, que je ne t'eusse pas donné un fils, puisque tu devais être un père si dénaturé! A-t-il mérité d'être dépouillé des droits de sa naissance? Ah! si tu l'avais aimé seulement la moitié autant que je l'aime, ou qu'il t'eût fait souffrir ce que j'ai souffert une fois pour lui, que tu l'eusses nourri, comme moi, de ton sang, tu aurais ici versé le plus précieux sang de ton coeur, plutôt que de faire ce sauvage duc ton héritier, et de déshériter ton propre fils.

LE JEUNE PRINCE. – Mon père, vous ne pouvez pas me déshériter: si vous êtes roi, pourquoi ne vous succéderais-je pas?

LE ROI. – Pardonne-moi, Marguerite. – Pardonne-moi, cher enfant: le comte de Warwick et le duc m'y ont forcé.

MARGUERITE. – T'y ont forcé! Tu es roi, et l'on t'a forcé! Je rougis de t'entendre parler. Ah! malheureux lâche! tu nous as tous perdus, toi, ton fils et moi; tu t'es rendu tellement dépendant de la maison d'York, que tu ne régneras plus qu'avec sa permission. Qu'as-tu fait en transmettant la couronne à lui et à ses héritiers? tu as creusé toi-même ton tombeau, et tu t'y traîneras longtemps avant ton heure naturelle. Warwick est chancelier de l'État, et maître de Calais. Le sévère Faulconbridge commande le détroit. Le duc est fait protecteur du royaume, et tu crois être en sûreté! C'est la sûreté de l'agneau tremblant, quand il est au milieu des loups. Si j'eusse été là, moi, qui ne suis qu'une simple femme, leurs soldats m'auraient ballottée sur leurs lances avant que j'eusse consenti à un pareil acte. Mais tu préfères ta vie à ton honneur; et puisqu'il en est ainsi, je me sépare, Henri, de ta table et de ton lit, jusqu'à ce que je voie révoquer cet acte du parlement qui déshérite mon fils. Les lords du nord, qui ont abandonné tes drapeaux, suivront les miens dès qu'ils les verront déployés; et ils se déploieront, à ta grande honte, et pour la ruine entière de la maison d'York: c'est ainsi que je te quitte. – Viens, mon fils. Notre armée est prête: suis-moi, nous allons la joindre.

LE ROI. – Arrête, chère Marguerite, et écoute-moi.

MARGUERITE. – Tu n'as déjà que trop parlé, laisse-moi.

LE ROI. – Mon cher fils Édouard, tu resteras avec moi.

MARGUERITE. – Oui, pour être égorgé par ses ennemis!

LE JEUNE PRINCE. – Quand je reviendrai vainqueur du champ de bataille, je reverrai Votre Grâce. Jusque-là je vais avec elle.

MARGUERITE. – Viens, mon fils; partons, nous n'avons pas de moments à perdre.

(La reine et le prince sortent.)

LE ROI. – Pauvre reine! Comme sa tendresse pour moi et pour son fils l'a poussée à s'emporter aux expressions de la fureur! Puisse-t-elle être vengée de ce duc orgueilleux, dont l'esprit hautain va sur les ailes du désir tourner autour de ma couronne, et, comme un aigle affamé, se nourrir de la chair de mon fils et de la mienne. – La désertion de ces trois lords tourmente mon âme. Je veux leur écrire, et tâcher de les apaiser par de bonnes paroles. – Venez, cousin; vous vous chargerez du message.

EXETER. – Et j'espère les ramener tous à vous.

(Ils sortent.)

SCÈNE II

Un appartement dans le château de Sandal près de Wakefield, dans la province d'York
Les fils du duc d'York, RICHARD, ÉDOUARD, paraissent avec MONTAIGU

RICHARD. – Mon frère, quoique je sois le plus jeune, permettez-moi de parler…

ÉDOUARD. – Non: je serai meilleur orateur que toi.

MONTAIGU. – Mais j'ai des raisons fortes et entraînantes.

(Entre York.)

YORK. – Quoi! qu'y a-t-il donc? Mes enfants, mon frère, vous voilà en dispute? Quelle est votre querelle? comment a-t-elle commencé?

ÉDOUARD. – Ce n'est point une querelle, c'est un léger débat.

YORK. – Sur quoi?

RICHARD. – Sur un point qui intéresse Votre Grâce et nous aussi; sur la couronne d'Angleterre, mon père, qui vous appartient.

YORK. – A moi, mon fils? Non pas tant que Henri vivra.

RICHARD. – Votre droit ne dépend point de sa vie ou de sa mort.

ÉDOUARD. – Vous en êtes l'héritier dès à présent: jouissez donc de votre héritage. Si vous donnez à la maison de Lancastre le temps de respirer, à la fin elle vous devancera, mon père.

YORK. – Je me suis engagé, par serment, à le laisser régner en paix.

ÉDOUARD. – On peut violer son serment pour un royaume. J'en violerais mille, moi, pour régner un an.

RICHARD. – Non. Que le ciel préserve Votre Grâce de devenir parjure!

YORK. – Je le serai, si j'emploie la guerre ouverte.

RICHARD. – Je vous prouverai le contraire, si vous voulez m'écouter.

YORK. – Tu ne le prouveras pas, mon fils; cela est impossible.

RICHARD. – Un serment est nul dès qu'il n'est pas fait devant un vrai et légitime magistrat, qui ait autorité sur celui qui jure. Henri n'en avait aucune, son titre était usurpé; et puisque c'est lui qui vous a fait jurer de renoncer à vos droits, votre serment, milord, est vain et frivole. Ainsi, aux armes! et songez seulement, mon père, combien c'est une douce chose que de porter une couronne. Son cercle enferme tout le bonheur de l'Élysée, et tout ce que les poëtes ont imaginé de jouissances et de félicités. Pourquoi tardons-nous si longtemps? Je n'aurai point de repos que je ne voie la rose blanche que je porte, teinte du sang tiède tiré du coeur de Henri.

YORK. – Richard, il suffit: je veux régner ou mourir. Mon frère, pars pour Londres à l'instant, et anime Warwick à cette entreprise. – Toi, Richard, va trouver le duc de Norfolk, et instruis-le secrètement de nos intentions. – Vous, Édouard, vous vous rendrez auprès de milord Cobham, qui s'armera de bon coeur avec tout le comté de Kent: c'est sur les gens de Kent que je compte le plus; car ils sont avisés, courtois, généreux et pleins d'ardeur. – Tandis que vous agirez ainsi, que me restera-t-il à faire que de chercher l'occasion de prendre les armes, sans que le roi ni personne de la maison de Lancastre pénètre mes desseins? (Entre un messager.) Mais, arrêtez donc. – Quelles nouvelles? Pourquoi arrives-tu si précipitamment?

LE MESSAGER. – La reine, soutenue des comtes et des barons du nord, se prépare à vous assiéger ici dans votre château. Elle est tout près d'ici à la tête de vingt mille hommes: songez donc, milord, à fortifier votre château.

YORK. – Oui, avec mon épée. Quoi! penses-tu qu'ils nous fassent peur? – Édouard, et vous, Richard, vous resterez près de moi. – Mon frère Montaigu va se rendre à Londres, pour avertir le noble Warwick, Cobham et nos autres amis, que nous avons laissés à titre de protecteurs auprès du roi, d'employer toute leur habileté à fortifier leur pouvoir, et de ne plus se lier au faible Henri et à ses serments.

MONTAIGU. – Mon frère, je pars. Je les déciderai, n'en doutez pas; et je prends humblement congé de vous.

(Il sort.)
(Entrent sir John et sir Hugues Mortimer.)

YORK. – Mes oncles sir John et sir Hugues Mortimer, vous arrivez bien à propos à Sandal: l'armée de la reine se propose de nous y assiéger.

SIR JEAN. – Elle n'en aura pas besoin: nous irons la joindre dans la plaine.

YORK. – Quoi! avec cinq mille hommes?

RICHARD. – Oui, mon père; et avec cinq cents, s'il le faut. Leur général est une femme! Qu'avons-nous à craindre?

(Une marche dans l'éloignement.)

ÉDOUARD. – J'entends déjà leurs tambours: rangeons nos gens et sortons à l'instant pour aller leur offrir le combat.

YORK. – Cinq hommes contre vingt! – Malgré cette énorme inégalité, cher oncle, je ne doute pas de notre victoire. J'ai gagné en France plus d'une bataille où les ennemis étaient dix contre un. Pourquoi n'aurais-je pas aujourd'hui le même succès?

(Une alarme, ils sortent.)
1.If Warwick shake his bells.
  Allusion aux sonnettes que portaient à la patte les faucons dressés pour la chasse.
2.As the earldom was.
  Probablement le titre de comte des Marches, comme héritier du comte des Marches, de qui il tenait son droit à la couronne.
3.Richard, duc d'York, était fils du comte de Cambridge, et neveu seulement du duc d'York.
Vanusepiirang:
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Ilmumiskuupäev Litres'is:
27 september 2017
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Autori teised raamatud