Avant Qu’il Ne Traque

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Avant Qu’il Ne Traque
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AVANT QU’IL NE TRAQUE

(UN MYSTÈRE MACKENZIE WHITE — VOLUME 9)

B L A K E P I E R C E

Blake Pierce

Blake Pierce est l’auteur de la série à succès mystère RILEY PAIGE, qui comprend douze volumes (pour l’instant). Black Pierce est également l’auteur de la série mystère MACKENZIE WHITE, comprenant huit volumes (pour l’instant) ; de la série mystère AVERY BLACK, comprenant six volumes ; et de la nouvelle série mystère KERI LOCKE, comprenant cinq volumes.

Lecteur avide et admirateur de longue date des genres mystère et thriller, Blake aimerait connaître votre avis. N’hésitez pas à consulter son site www.blakepierceauthor.com afin d’en apprendre davantage et rester en contact.

Copyright © 2018 par Blake Pierce. Tous droits réservés. Sous réserve de la loi américaine sur les droits d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme ou par quelque procédé que ce soit, ni enregistrée dans une base de données ou un système de récupération, sans l'accord préalable de l'auteur. Ce livre électronique est sous licence pour usage personnel uniquement. Ce livre électronique ne peut être ni revendu, ni donné à d'autres personnes. Si vous désirez partager ce livre avec quelqu'un, veuillez acheter une copie supplémentaire pour chaque bénéficiaire. Si vous lisez ce livre et que vous ne l'avez pas acheté, ou qu'il n'a pas été acheté pour votre usage personnel uniquement, veuillez le rendre et acheter votre propre copie. Merci de respecter le travail de cet auteur. Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les endroits, les événements et les incidents sont soit le produit de l'imagination de l'auteur, soit utilisés de manière fictive. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite. Image de couverture Copyright Joe Prachatree, utilisé sous licence de Shutterstock.com.

LIVRES PAR BLAKE PIERCE

LES ORIGINES DE RILEY PAIGE

SOUS SURVEILLANCE (Tome 1)

LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

REACTION EN CHAINE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)

QUI VA A LA CHASSE (Tome 5)

A VOTRE SANTÉ (Tome 6)

DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)

UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)

SANS COUP FERIR (Tome 9)

A TOUT JAMAIS (Tome 10)

LE GRAIN DE SABLE (Tome 11)

LE TRAIN EN MARCHE (Tome 12)

SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)

AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)

AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)

AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6)

AVANT QU’IL NE PÈCHE (Volume 7)

AVANT QU’IL NE CHASSE (Volume 8)

AVANT QU’IL NE TRAQUE (Volume 9)

AVANT QU’IL NE LANGUISSE (Volume 10)

LES ENQUÊTES D’AVERY BLACK

RAISON DE TUER (Tome 1)

RAISON DE COURIR (Tome 2)

RAISON DE SE CACHER (Tome 3)

RAISON DE CRAINDRE (Tome 4)

LES ENQUÊTES DE KERI LOCKE

UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1)

DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2)

L’OMBRE DU MAL (Tome 3)

TABLE DES MATIÈRES

PROLOGUE

CHAPITRE UN

CHAPITRE DEUX

CHAPITRE TROIS

CHAPITRE QUATRE

CHAPITRE CINQ

CHAPITRE SIX

CHAPITRE SEPT

CHAPITRE HUIT

CHAPITRE NEUF

CHAPITRE DIX

CHAPITRE ONZE

CHAPITRE DOUZE

CHAPITRE TREIZE

CHAPITRE QUATORZE

CHAPITRE QUINZE

CHAPITRE SEIZE

CHAPITRE DIX-SEPT

CHAPITRE DIX-HUIT

CHAPITRE DIX-NEUF

CHAPITRE VINGT

CHAPITRE VINGT ET UN

CHAPITRE VINGT-DEUX

CHAPITRE VINGT-TROIS

CHAPITRE VINGT-QUATRE

CHAPITRE VINGT-CINQ

CHAPITRE VINGT-SIX

CHAPITRE VINGT-SEPT

CHAPITRE VINGT-HUIT

CHAPITRE VINGT-NEUF

CHAPITRE TRENTE

CHAPITRE TRENTE ET UN

CHAPITRE TRENTE-DEUX

CHAPITRE TRENTE-TROIS

CHAPITRE TRENTE-QUATRE

PROLOGUE

Il y a quelques années, quand elle était adolescente, Malory Thomas était venue sur ce pont avec un garçon. C’était le soir d’Halloween et elle avait quatorze ans. Ils avaient regardé l’eau qui coulait cinquante mètres plus bas en essayant d’y apercevoir les fantômes de ceux qui s’étaient suicidés en se jetant du pont. C’était une légende qui circulait dans leur école, une histoire que Mallory avait toujours entendu raconter. Elle avait laissé ce garçon l’embrasser cette nuit-là mais elle avait écarté sa main quand il avait essayé de remonter le long de son chemisier.

Aujourd’hui, treize ans plus tard, elle repensa à ce petit geste innocent alors qu’elle était suspendue à ce même pont. Il était appelé le Miller Moon Bridge et il était connu pour deux raisons : pour être un endroit idéalement isolé pour s’embrasser en cachette entre adolescents, et pour être le lieu où étaient commis le plus grand nombre de suicides dans le comté – et peut-être même dans tout l’État de Virginie, d’après ce qu’elle en savait.

Mais en ce moment, Malory Thomas se fichait bien des suicides. Son unique préoccupation, c’était de sauver sa peau en se cramponnant de toutes ses forces au bord du pont. Elle était suspendue des deux mains sur le côté du pont, les doigts cramponnés au solide bord en bois. Elle ne parvenait pas à avoir une bonne prise de la main droite à cause d’un énorme boulon qui traversait le bois, fixant l’entretoise sur le côté de la poutrelle en fer qui se trouvait en-dessous.

Elle essaya de bouger la main droite pour avoir une meilleure prise mais sa main était trop moite. Elle avait peur de totalement lâcher prise si elle la bougeait seulement d’un centimètre, et de tomber dans la rivière qui se trouvait en-dessous d’elle. Où il n’y avait pas beaucoup d’eau non plus. Tout ce qui l’attendait en-dessous d’elle, c’était des roches pointues et d’innombrables pièces de monnaie que des gamins idiots avaient jetées du pont pour faire des vœux inutiles.

Elle leva les yeux vers les rails le long du bord du pont, de vieux rails rouillés qui semblaient encore plus anciens dans l’obscurité de la nuit. Elle vit la silhouette de l’homme qui l’avait amenée jusqu’ici – rien à voir avec le courageux adolescent d’il y a treize ans. Non… cet homme était odieux et sombre. Elle ne le connaissait pas bien mais elle en savait maintenant assez pour savoir qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez lui. C’était un tordu, il n’était pas normal, un malade.

« Il te suffit de lâcher prise, » lui dit-il. Sa voix était effrayante, entre celle de Batman et d’un démon.

« S’il vous plaît, » dit Malory. « S’il vous plaît… Aidez-moi. »

Elle ne se souciait même plus du fait d’être toute nue, ses fesses dénudées suspendues dans le vide en contrebas du Miller Moon Bridge. Il l’avait déshabillée et elle avait eu peur qu’il la viole. Mais il n’en fit rien. Il s’était contenté de la fixer du regard, de la caresser de la main à certains endroits, puis il l’avait forcée à se suspendre au bord du pont. Elle pensa avec une certaine nostalgie à ses vêtements éparpillés sur les poutres en bois derrière lui, mais elle eut une sorte de prémonition malsaine qu’elle n’allait plus jamais les porter.

 

Avec cette certitude en tête, elle commença à avoir des crampes dans la main droite alors qu’elle essayait de s’habituer à la forme du boulon qui se trouvait en-dessous. Elle hurla et sentit tout le poids de son corps basculer vers sa main gauche – sa main la plus faible.

L’homme s’approcha d’elle, s’accroupit et la regarda. On aurait dit qu’il savait que c’était sur le point d’arriver. Avant même qu’elle ne sache que la fin était proche, lui, il le savait.

Elle pouvait à peine voir ses yeux dans l’obscurité mais elle pouvait en discerner assez pour savoir qu’il avait l’air content. Impatient, même.

« Ça va aller, » dit-il, avec cette voix bizarre.

Et comme si ses doigts obéissaient à la voix de l’homme, la main droite de Mallory lâcha prise. Elle sentit les muscles de son avant-bras gauche se raidir en essayant de retenir ses soixante kilos.

Et une seconde plus tard, elle ne fut plus suspendue au pont. Elle tombait. Son estomac se retourna et ses yeux semblaient trembler dans leurs orbites en essayant de suivre la vitesse avec laquelle le pont s’éloignait d’elle.

Pendant un moment, le vent qui la décoiffait lui sembla presque agréable. Elle fit de son mieux pour essayer de se concentrer là-dessus, tout en cherchant une sorte de prière à murmurer pour ses derniers instants.

Elle parvint à ne prononcer que quelques mots – Notre Père, qui êtes… - puis Malory Thomas sentit la vie la quitter dans un choc violent, au moment où son corps heurta les rochers en-dessous d’elle.

CHAPITRE UN

Mackenzie White était tombée dans une sorte de routine. Et ça ne lui convenait pas vraiment car elle n’était pas le genre de personne à aimer ça. Quand les jours commençaient à se ressembler pendant trop longtemps, elle ressentait le besoin d’y mettre du changement.

Quelques jours après avoir enfin clôturé le long et pénible chapitre concernant le meurtre de son père, en rentrant chez elle, elle s’était rendu compte qu’elle vivait maintenant avec Ellington. Ça ne lui posait aucun problème ; en fait, elle s’était réjouie de finalement en arriver là. Mais au cours de ces premières semaines de vie commune, il lui arriva parfois d’avoir du mal à dormir en se rendant compte que sa vie était maintenant devenue stable. Pour la première fois depuis très longtemps, elle n’avait plus aucune véritable raison de courir après quelque chose en particulier.

Il y avait d’abord eu l’enquête sur la mort de son père, qui l’avait obsédée depuis le premier jour où elle avait pris possession de son badge et de son arme au Nebraska. Et c’était maintenant une affaire classée. Il y avait également eu l’incertitude concernant le futur de sa relation avec Ellington. Et maintenant, ils vivaient ensemble et flottaient littéralement sur un nuage de bonheur. Elle excellait dans son boulot et elle avait gagné le respect d’un peu près tout le monde au sein du FBI. Même McGrath avait fini par être plus chaleureux avec elle.

Tout, autour d’elle, lui semblait stable et à sa place. Mais Mackenzie ne pouvait pas s’empêcher de se demander si ce n’était pas juste le calme avant la tempête. Car si son expérience en tant que détective au Nebraska et agent au FBI lui avait appris quelque chose, c’était que la vie avait tendance à vous enlever confort et sécurité sans vraiment crier gare.

Cependant, la routine n’était pas si mal que ça non plus. Après qu’Ellington ait récupéré de ses blessures suite à l’enquête qui avait fini par amener le meurtrier de son père devant la justice, il avait été assigné au repos à la maison. Elle s’était occupée de lui aussi bien qu’elle avait pu et elle avait découvert qu’elle pouvait être assez maternelle quand c’était nécessaire. Une fois qu’Ellington eut complètement récupéré, ses journées étaient devenues plutôt ordinaires. Elles étaient même devenues agréables, malgré l’horrible sentiment de domestication qu’elle ressentait.

Elle se rendait au travail et s’arrêtait au champ de tir sur le chemin du retour. À la maison, deux cas de figure l’attendaient : soit Ellington avait déjà préparé à manger et ils dînaient ensemble comme un vieux couple, soit ils passaient leur soirée au lit comme de jeunes mariés.

Elle pensait à tout ça alors qu’ils étaient sur le point d’aller dormir. Elle était allongée de son côté du lit et lisait un livre sans grand enthousiasme. Ellington était de l’autre côté du lit et écrivait un email concernant une affaire sur laquelle il travaillait. Cela faisait maintenant sept semaines qu’ils avaient clôturé l’enquête au Nebraska. Ellington venait juste de reprendre le travail et la routine quotidienne commençait à devenir une triste réalité pour elle.

« Je vais te poser une question, » dit Mackenzie. « Et je voudrais que tu me répondes honnêtement. »

« OK, » dit-il. Il finit de rédiger la phrase qu’il était occupé à écrire et il s’arrêta, lui accordant toute son attention.

« Est-ce que tu t’étais déjà imaginé vivre dans ce genre de routine ? » demanda-t-elle.

« Quelle routine ? »

Elle haussa les épaules et mit son livre de côté. « Vivre une vie aussi domestiquée. Être attaché, avec des contraintes. Aller travailler, rentrer à la maison, dîner, regarder la télé, éventuellement faire l’amour, puis aller dormir. »

« Si ça, c’est la routine, c’est plutôt pas mal du tout. Mais évite peut-être de mentionner le éventuellement avant la partie concernant le sexe. Pourquoi me poses-tu cette question ? Est-ce que la routine t’ennuie ? »

« Ce n’est pas que ça m’ennuie, » dit-elle. « C’est juste… que ça fait bizarre. Ça me donne l’impression de ne rien faire. Comme si j’étais devenue paresseuse ou passive concernant…. et bien, concernant quelque chose sur lequel je n’arrive pas vraiment à mettre des mots. »

« Peut-être que ça à voir avec le fait que tu aies enfin résolu l’enquête sur la mort de ton père ? » demanda-t-il.

« Peut-être. »

Mais il y avait également autre chose. Et ce n’était pas quelque chose dont elle pouvait lui parler. Elle savait qu’il était assez difficile de lui faire de la peine mais elle n’avait pas envie de prendre le risque. Ce qu’elle gardait pour elle, c’était le fait que maintenant qu’ils avaient emménagé ensemble, qu’ils flottaient sur un nuage de bonheur et qu’ils géraient tout ça comme des pros, ça voulait dire qu’il ne leur restait vraiment plus qu’une dernière étape à franchir. C’était une chose dont ils n’avaient jamais parlé et, franchement, ce n’était pas un sujet que Mackenzie avait envie d’aborder.

Le mariage. Elle espérait qu’Ellington n’était pas encore arrivé à cette étape non plus. Ça n’avait rien à voir avec l’amour qu’elle éprouvait pour lui. Mais après ça… et bien, qu’est-ce qu’il restait ?

« Alors, laisse-moi te poser une question, » dit Ellington. « Est-ce que tu es heureuse ? Là, maintenant, à ce moment précis, en sachant que demain sera plus que probablement identique au jour d’aujourd’hui. Est-ce que tu es heureuse ? »

La question était toute simple mais elle se sentit tout de même mal à l’aise. « Oui, » dit-elle.

« Alors, pourquoi se poser des questions ? »

Elle hocha la tête. Il avait raison et elle se demanda si ce n’était pas juste elle qui cherchait à compliquer les choses. Elle allait avoir trente ans dans quelques semaines, alors peut-être que c’était ça, une vie normale. Une fois que tous les démons et fantômes du passé avaient été enterrés, peut-être que la vie était sensée être comme ça.

Et elle imaginait que c’était très bien comme ça. Mais il y avait quand même quelque chose dans tout ça qui lui semblait figé et statique. Et elle se demanda si elle allait vraiment un jour se permettre d’être heureuse, tout simplement.

CHAPITRE DEUX

Le travail ne l’aidait pas à rompre la monotonie de ce que Mackenzie commençait à appeler mentalement La Routine – avec un L et un R majuscules. Au cours des deux derniers mois, depuis les événements du Nebraska, le travail de Mackenzie avait consisté à surveiller un groupe d’hommes soupçonnés de trafic sexuel – elle avait passé ses journées assise dans une voiture ou dans des édifices abandonnés, à écouter des conversations crues qui finirent par ne mener à rien. Elle avait également travaillé avec Yardley et Harrison sur une enquête impliquant une cellule terroriste présumée dans l’Iowa – qui s’était également avéré ne mener à rien.

Le jour après leur conversation tendue concernant le bonheur, Mackenzie se trouvait assise à son bureau, à faire des recherches sur l’un des hommes qu’elle surveillait pour trafic sexuel. Il ne faisait pas partie d’un réseau à proprement parler, mais il était plus que probable qu’il soit impliqué dans une sorte d’organisation liée à la prostitution. Il lui semblait difficile de croire qu’elle était qualifiée pour porter une arme, traquer des meurtriers et sauver des vies. Elle commençait à avoir l’impression d’être une employée plastique, quelqu’un qui n’avait pas de réelle utilité.

Frustrée, elle se leva pour aller chercher un café. Elle n’avait jamais été du genre à souhaiter du mal à quelqu’un, mais elle commençait à se demander si les choses allaient vraiment aussi bien dans ce pays pour qu’on n’ait besoin de ses services nulle part.

Au moment où elle se dirigea vers le petit vestibule qui abritait les machines à café, elle vit Ellington qui s’emparait d’une tasse. Il la vit venir vers lui et attendit qu’elle arrive, bien qu’elle devine par son attitude qu’il avait l’air pressé.

« J’espère que ta journée est plus passionnante que la mienne, » dit Mackenzie.

« On va voir, » dit-il. « Pose-moi à nouveau la question dans une demi-heure. McGrath vient juste de me convoquer dans son bureau. »

« Pourquoi ? » demanda Mackenzie.

« Aucune idée. Il ne t’a pas appelée ? »

« Non, » dit-elle, en se demandant ce qui pouvait bien se passer. Bien qu’ils n’aient pas eu de conversation directe à ce sujet avec McGrath depuis l’enquête au Nebraska, elle avait tout simplement supposé qu’elle et Ellington continueraient à être partenaires. Elle se demanda si le département avait peut-être fini par prendre la décision de les séparer du fait de leur relation sentimentale. Si c’était le cas, elle comprenait la décision bien qu’elle ne l’apprécie pas forcément.

« Je commence à en avoir marre d’être clouée à mon bureau, » dit-elle, en se versant une tasse de café. « Tu peux me rendre service et voir si tu peux me faire bosser sur ce qu’il va t’assigner ? »

« Avec plaisir, » dit-il. « Je te tiens informée. »

Elle retourna à son bureau en se demandant si cette petite interruption dans le quotidien pourrait être ce qu’elle attendait – la fissure qui permettrait d’ébranler cette routine qu’elle ressentait comme un poids. Il était très rare que McGrath ne convoque que l’un d’entre eux à son bureau – enfin, pas récemment, en tout cas. Elle se demanda du coup si elle n’était pas mise en examen sans le savoir. Est-ce que McGrath cherchait à creuser plus profondément concernant l’enquête au Nebraska pour s’assurer qu’elle ait tout fait dans les règles ? Si c’était le cas, alors il se pourrait qu’elle ait quelques ennuis car elle n’avait définitivement pas suivi toutes les règles dans cette enquête.

S’interroger sur les raisons de cette réunion entre Ellington et McGrath était la chose la plus intéressante qui lui soit arrivée depuis au moins une semaine et c’était bien triste. C’était ce qui lui occupait l’esprit au moment où elle se rassit devant son ordinateur, en ayant de nouveau l’impression de n’être rien de plus qu’un rouage dans la machine.

***

Elle entendit des bruits de pas quinze minutes plus tard. Ça n’avait rien d’étonnant ; elle travaillait avec la porte de son bureau ouverte et elle voyait des gens circuler dans le couloir toute la journée. Mais là, c’était différent. On aurait dit le bruit de pas de plusieurs personnes marchant à l’unisson. Il y avait également une sorte de silence bizarre – une tension feutrée semblable à l’atmosphère juste avant un violent orage d’été.

Curieuse, Mackenzie leva les yeux de son ordinateur. Les bruits de pas se rapprochèrent et elle vit Ellington. Il lui jeta un rapide coup d’œil à travers la porte. Son visage reflétait une émotion qu’elle ne parvint pas à identifier. Il portait une caisse et deux agents de sécurité le suivaient de très près.

 

Mais c’est quoi, cette histoire ?

Mackenzie se leva précipitamment de son bureau et courut dans le couloir. Au moment où elle passa le coin, elle vit Ellington et les deux agents de sécurité entrer dans l’ascenseur. Les portes se refermèrent et Mackenzie eut à peine le temps d’apercevoir à nouveau cette expression tendue sur le visage d’Ellington.

Il a été viré, pensa-t-elle. L’idée lui semblait absolument ridicule, mais ça avait tout l’air d’être le cas.

Elle courut vers la cage d’escalier, en ouvrit précipitamment la porte et se rua dans les escaliers. Elle les descendit quatre par quatre, en espérant arriver en bas avant Ellington et les agents de sécurité. Elle descendit les trois étages en courant et sortit sur le côté de l’édifice, juste à côte du garage.

Elle passa la porte au moment même où Ellington et les agents de sécurité sortaient de l’édifice. Mackenzie traversa la pelouse en courant pour les intercepter. Les agents eurent l’air nerveux quand ils la virent arriver. L’un d’entre eux s’arrêta un instant et lui fit face, comme si elle représentait une sorte de menace.

« Qu’est-ce qu’il se passe ? » demanda-t-elle, en regardant Ellington par-dessus l’épaule de l’agent de sécurité.

Il secoua la tête. « Pas maintenant, » dit-il. « Juste… Laisse tomber pour l’instant. »

« Qu’est-ce qu’il se passe ? » demanda-t-elle. « Les agents de sécurité… la caisse… est-ce qu’on t’a viré ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »

Il secoua à nouveau la tête. Il n’y avait rien de méchant ni de dédaigneux dans son geste. Elle comprit que c’était tout ce qu’il pouvait faire pour l’instant. Peut-être qu’il s’était effectivement passé quelque chose dont il ne pouvait pas parler. Et Ellington, toujours loyal, n’allait rien dire si on lui avait demandé de rester silencieux.

Elle eut horreur de le faire, mais elle décida d’en rester là et de ne plus lui poser de questions. Si elle voulait des réponses, il n’y avait qu’un seul endroit où elle allait les obtenir. Avec cette idée en tête, elle rentra précipitamment dans le bâtiment. Cette fois-ci, elle prit l’ascenseur pour retourner au troisième étage. Elle ne perdit pas une seconde et traversa le couloir d’un pas décidé, en direction du bureau de McGrath.

Elle ne prit même pas la peine de parler à sa secrétaire au moment où elle se dirigea vers sa porte. Elle entendit la femme l’appeler par son nom, en essayant de l’arrêter, mais Mackenzie entra. Sans même frapper à la porte, elle fit irruption dans le bureau.

McGrath était assis à son bureau et il n’eut pas l’air surpris de la voir. Il se tourna vers elle et le calme qui se peignait sur son visage énerva Mackenzie au plus haut point.

« Restez calme, agent White, » dit-il.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » demanda-t-elle. « Pourquoi est-ce que je viens juste de voir Ellington être escorté en-dehors des bureaux avec une caisse contenant ses effets personnels ? »

« Parce qu’il a été relevé de ses fonctions. »

La simplicité de cette affirmation ne la rendit pas plus facile à entendre. Mackenzie continuait à être convaincue qu’il devait y avoir une erreur quelque part. Ou que tout ça faisait partie d’une vaste blague.

« Pour quelle raison ? »

Elle vit alors quelque chose qu’elle n’avait jamais vu auparavant : McGrath détournant le regard, visiblement mal à l’aise. « C’est une question personnelle, » dit-il. « Je comprends la relation qu’il y a entre vous, mais légalement, je ne peux pas divulguer cette information dû à la nature de la situation. »

Durant tout le temps qu’elle avait travaillé sous les ordres de McGrath, elle n’avait jamais entendu autant de conneries d’ordre juridique sortir de sa bouche en une seule fois. Elle parvint à réprimer sa colère. Après tout, cela ne la concernait pas directement. Il y avait apparemment quelque chose qui se passait avec Ellington et dont elle ne savait rien.

« Est-ce que tout va bien ? » demanda-t-elle. « Est-ce que vous pouvez au moins me dire ça ? »

« J’ai bien peur que ce ne soit pas à moi à répondre à cette question, » dit McGrath. « Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, je suis plutôt occupé, en fait. »

Mackenzie fit un léger signe de la tête et sortit du bureau, en refermant la porte derrière elle. La secrétaire lui jeta un regard noir au moment où elle passa devant elle mais Mackenzie l’ignora complètement. Elle retourna dans son bureau et consulta ses emails, juste pour vérifier à nouveau que le reste de sa journée était toujours aussi vide.

Elle sortit précipitamment de l’édifice, en faisant de son mieux pour que personne ne remarque que quelque chose la préoccupait. La dernière chose dont elle avait besoin, c’était que la moitié du bureau sache qu’Ellington était parti et qu’elle se précipitait derrière lui. Elle était finalement parvenue à vaincre les regards indiscrets et les rumeurs presque légendaires concernant son passé et il était hors de question qu’elle leur donne une nouvelle raison pour que ça recommence.

***

Elle était certaine qu’Ellington était tout simplement retourné à leur appartement. Quand elle l’avait rencontré pour la première fois, il était le genre de type qui serait directement allé dans un bar pour tenter de noyer son chagrin. Mais il avait changé depuis un peu plus d’un an – tout comme elle, d’ailleurs. Elle supposait que c’était probablement dû au fait d’être en couple. Elle songeait à ça alors qu’elle ouvrait la porte de son appartement (enfin… leur appartement), en espérant l’y trouver.

En effet, elle le retrouva dans la petite chambre à coucher secondaire qui leur faisait office de bureau. Il sortait les affaires de la caisse qu’il avait ramenée, en les jetant de manière désordonnée sur le bureau qu’ils se partageaient. Il leva les yeux vers elle quand elle arriva mais détourna très vite le regard.

« Désolé, » dit-il, avec le dos tourné. « Mais ce n’est pas exactement mon meilleur jour. »

Elle s’approcha de lui mais elle résista à l’envie de poser sa main sur son épaule ou de le prendre dans ses bras. Elle ne l’avait jamais vu dans un tel état. Ça la préoccupait un peu mais elle avait surtout envie de savoir si elle pouvait faire quoi que ce soit pour l’aider.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » demanda-t-elle.

« Ça semble pourtant évident, non ? » demanda-t-il. « J’ai été relevé de mes fonctions pour une durée indéterminée. »

« Mais pour quelle raison ? » Elle pensa de nouveau à McGrath et elle se rappela comme il avait l’air mal à l’aise quand elle lui avait posé cette même question.

Il finit par lui faire face et son visage reflétait un sentiment de gêne. Il lui répondit d’une voix tremblante.

« Harcèlement sexuel. »

Pendant un instant, ces mots n’eurent aucun sens. Elle s’attendait à ce qu’il se mette à sourire et qu’il lui dise que c’était juste une blague, mais il ne le fit pas. Au lieu de ça, il la fixa droit dans les yeux, en attendant sa réaction.

« Quoi ? » demanda-t-elle. « De quand ça date ? »

« D’il y a trois ans, » dit-il. « Mais la femme vient seulement de porter plainte il y a trois jours. »

« Et cette accusation est légitime ? » demanda-t-elle.

Il hocha la tête et il s’assit au bureau. « Mackenzie, je suis désolé. J’étais une toute autre personne à l’époque, tu sais ? »

Elle sentit la colère monter en elle, mais elle n’était pas certaine de savoir envers qui : Ellington ou la femme. « Quel genre de harcèlement ? » demanda-t-elle.

« Il y a trois ans, je m’occupais de la formation de cette nouvelle recrue, » dit-il. « Elle s’en sortait plutôt bien, alors un soir, nous sommes sortis avec quelques autres agents pour célébrer sa réussite. On avait tous bu quelques verres, mais elle et moi, nous avons fini par être les derniers à partir. À l’époque, je n’avais jamais songé à la draguer, ni quoi que ce soit du genre. Mais je suis allé aux toilettes et quand j’en suis sorti, elle était là, à m’attendre. Elle m’a embrassé et les choses se sont un peu animées. Mais elle s’est très vite écartée – en se rendant peut-être compte que c’était une erreur. Mais j’ai essayé de continuer. J’ai envie de croire que si je n’avais pas eu un verre dans le nez, le fait qu’elle se soit écartée aurait été suffisant. Mais je ne l’ai pas compris tout de suite et je n’ai pas arrêté. J’ai essayé de l’embrasser à nouveau et je me suis rendu compte qu’elle ne me rendait pas mes baisers qu’au moment où elle m’a repoussé. Elle m’a écarté d’elle et elle m’a fixé droit dans les yeux. Je lui ai dit que j’étais désolé – et c’était vraiment le cas – mais elle est partie fâchée. Et ça en est resté là. Une regrettable rencontre furtive aux toilettes. Il n’y eut aucune avance d’un côté ou de l’autre, aucun attouchement, ni autre comportement inapproprié. Quand je suis retourné au boulot le lendemain, elle avait demandé à être transférée à un autre agent. Deux mois plus tard, elle était partie, transférée à Seattle, je pense. »

« Et pourquoi a-t-elle attendu jusqu’à maintenant pour remettre cette histoire sur le tapis ? » demanda Mackenzie.

« Parce que c’est le truc à la mode ces jours-ci, » répondit Ellington, d’un ton énervé. Puis il secoua la tête et soupira. « Désolé. C’était vraiment un commentaire déplacé. »

« Oui, effectivement. Est-ce que tu m’as vraiment tout raconté ? C’est tout ce qui s’est passé ? »

« Oui, c’est tout, » dit-il. « Je te le jure. »

« Tu étais marié, non ? Quand c’est arrivé ? »

Il hocha la tête. « Ce n’est pas un des moments dont je suis le plus fier. »

Mackenzie pensa à la première fois qu’elle avait passé du temps avec Ellington. Ça avait été au cours de l’enquête sur le tueur épouvantail, au Nebraska. Elle s’était littéralement jetée à son cou, alors qu’elle était elle-même en plein milieu de drames personnels. Elle avait bien vu qu’il était intéressé mais il avait fini par décliner ses avances.