Loe raamatut: «Le Fils de Coralie: Comédie en quatre actes en prose»
PERSONNAGES
1 Le rôle de Daniel doit se jouer en uniforme, petite tenue d'ordonnance de capitaine d'artillerie, avec la croix.
2 Le rôle de Coralie doit se jouer avec le costume décrit par Lydie au premier acte (page 36).
3 Le rôle de Césarine doit être joué, non par une duègne, mais par une soubrette marquée (Dorine). Perruque grise ou cheveux poudrés.
A MONTAUBAN
Pour toutes les indications de mise en scène, s'adresser au régisseur-général du théâtre du Gymnase-Dramatique, à Paris.
ACTE PREMIER
Chez Godefroy. Un salon donnant sur un jardin
A droite et à gauche des vitrines remplies de curiosités archéologiques
Il fait jour
SCÈNE PREMIÈRE
CÉSARINE, MONTJOIE jouant au trictrac; GODEFROY à droite, endormi, un journal à la main
MONTJOIE
Vous me préviendrez quand je pourrai faire ma demande?
CÉSARINE
Soyez tranquille. (Jetant les dés.) 6 et 5: un trou et deux de mieux.
MONTJOIE
Vous êtes ma bonne fée. (Jetant les dés.) Bezet.
CÉSARINE
Je vous adore!.. (Jetant les dés.) Quine!.. Je bats votre coin… Je vous adore, parce que vous êtes un homme romanesque. (Jetant les dés.) 2 et as. Ma nièce sera bien heureuse avec vous.
MONTJOIE
Je voudrais que votre frère, M. Godefroy, qui dort là si profondément, fût de votre avis. (Jetant les dés.) Carnes!.. Mais il en tient pour mon rival, le capitaine Daniel.
CÉSARINE
Que vous importe, si la tante… (Jetant les dés.) Encore 2 et as: je vais remplir… Si la tante et la nièce sont avec vous?
MONTJOIE
La tante… oui. Mais la nièce?
CÉSARINE
Ça viendra. Du reste, nous avons à causer sérieusement.
MONTJOIE, souriant
Si sérieusement?
CÉSARINE
Je crois bien! (Jetant les dés.) Double as: je tiens par un doublet. J'ai gagné.
Quatre heures sonnent
GODEFROY, s'éveillant
Il doit être quatre heures. (Tirant sa montre.) En effet. Comment, vous jouez toujours?
MONTJOIE, posant son cornet et se levant
Nous finissons à l'instant. Je suis battu.
GODEFROY
Quatre heures? Bonchamp n'est pas encore arrivé? C'est extraordinaire.
CÉSARINE
Il ne peut tarder: c'est son heure.
MONTJOIE
O placidité de la vie de Montauban!.. Alors, vous dormez tous les jours?
GODEFROY
De deux à quatre. Quand on a pâli toute la journée sur des ouvrages d'archéologie, c'est bien le moins!
MONTJOIE
Et à quatre heures, tous les jours!..
GODEFROY
Arrive mon vieil ami Bonchamp, le notaire. C'est réglé comme du papier à musique.
CÉSARINE
Vous vous disputez toujours!
SCÈNE II
Les Mêmes, BONCHAMP
BONCHAMP
Ne vous dérangez pas: ce n'est que moi. Ma chère Césarine, je suis votre serviteur. Bonjour, Godefroy, Monsieur de Montjoie, je vous salue. Je vous annonce une visite.
GODEFROY
Claude Morisseau?
BONCHAMP
Oh! il viendra aussi. (Regardant Montjoie, et avec intention.) Claude et M. de Montjoie sont des habitués. Non. Je veux parler de madame Patalin. Elle a déjà fait quatorze visites: celle-ci sera la quinzième.
CÉSARINE
La belle Lydie? Tant mieux! Elle nous racontera tous les bruits de la ville.
BONCHAMP
Elle les inventera au besoin.
GODEFROY, à Bonchamp
Je veux te montrer une pièce curieuse que j'ai achetée ce matin.
BONCHAMP, railleur, montrant les vitrines
Pour ton musée d'archéologie?
GODEFROY
Oui.
BONCHAMP
C'est inutile.
GODEFROY
Pourquoi?
BONCHAMP
Parce que tu sais bien que je ne te prends pas au sérieux… comme archéologue.
GODEFROY, vexé
Je me moque pas mal de ton opinion! Je suis un homme indépendant, moi, au-dessus des préjugés de ce bas monde.
BONCHAMP
Je te pardonne à cause d'Édith. Comment va-t-elle aujourd'hui?
Montjoie remonte
CÉSARINE
Elle est sortie.
GODEFROY
Je suis furieux contre elle.
BONCHAMP
Ah bah!
GODEFROY
Hier, je lui demande pourquoi elle refuse obstinément tous les partis que je lui présente. Sais-tu ce qu'elle me répond?
BONCHAMP
Non.
GODEFROY
Qu'elle ne veut épouser qu'un homme qu'elle aimera! Voilà ce que me vaut l'éducation qu'elle a reçue de sa tante. Cette petite fille est devenue romanesque. Un homme qu'elle aimera! La bonne histoire! Et si elle aime mal?
BONCHAMP
Sois tranquille, Édith choisira quelqu'un qui sera digne d'elle.
GODEFROY
Tu prends toujours son parti.
BONCHAMP
C'est ma filleule; et puis, je la connais, elle est incapable de mal choisir. Celui qu'elle aimera sera un heureux gaillard. Il épousera une vraie femme.
GODEFROY
Toutes les femmes sont de vraies femmes.
CÉSARINE
Mon Dieu! qu'il est jeune pour son âge!
BONCHAMP, à part
Heureusement que je sais à quoi m'en tenir.
SCÈNE III
Les Mêmes, ÉDITH
CÉSARINE
Ah! la voici!
Édith entre
MONTJOIE
Bonjour, mademoiselle.
ÉDITH, froidement
Bonjour, monsieur.
BONCHAMP
Viens que je t'embrasse!
GODEFROY
Et moi?
BONCHAMP
Tu es le père; tu as le temps. J'emmène Édith.
GODEFROY
Où ça?
BONCHAMP
Cela m'est égal. Elle et moi, nous faisons tout ce qu'elle veut.
GODEFROY
Tu m'ennuies, à la fin.
BONCHAMP
Ça m'est encore égal.
GODEFROY
Est-elle ma fille, oui ou non?
BONCHAMP
Mon bon ami, tu as abdiqué tes droits pour étudier l'archéologie. Tant pis pour toi! C'est ta sœur et moi qui avons élevé Édith, nous sommes les plus forts.
GODEFROY
Une jolie idée que j'ai eue là! Césarine l'a bercée avec des romans de chevalerie et les ouvrages de M. d'Arlincourt; toi, tu la gâtes…
ÉDITH
Laissez dire papa, mon ami. Allons nous promener.
GODEFROY
Là! Quelle éducation, mon Dieu!
MONTJOIE
Me permettez-vous de faire un tour de jardin avec M. Bonchamp et vous, mademoiselle?
ÉDITH, froidement
Comme il vous plaira, monsieur. (A sa tante.) Tu ne viens pas? Père et M. Bonchamp vont se déchirer.
CÉSARINE
Non, j'ai à causer avec M. de Montjoie.
ÉDITH
Je vais vous mettre d'accord. Père, tu prendras mon bras gauche. Vous, mon ami, mon bras droit.
Elle s'éloigne avec Bonchamp
GODEFROY
Enfant gâtée! (Au perron.) Attendez-moi donc!..
Il sort
SCÈNE IV
CÉSARINE, MONTJOIE
CÉSARINE
Vous auriez mieux aimé suivre ma nièce?
MONTJOIE
Quelle idée!
Il lui baise la main
CÉSARINE
Mon Dieu, que cet homme est séduisant! Ah! si je vous avais rencontré dans mon jeune temps… j'aurais été en danger.
MONTJOIE
Mais non, mais non.
CÉSARINE
Je vous assure!
MONTJOIE
Mais non, mais non.
CÉSARINE, baissant la tête
Oh! je me connais, allez!
MONTJOIE
Pourquoi voulez-vous donc absolument me poser en don Juan?
CÉSARINE
Vos aventures sont célèbres! Vous êtes un homme romanesque. Votre père vous avait laissé cent mille livres de rentes et vous les avez mangées.
MONTJOIE
C'est l'histoire éternelle.
CÉSARINE
Si bien qu'aujourd'hui…
MONTJOIE
Ma foi, je ne regrette rien. J'ai eu de belles années, tant que j'ai eu des héritages à recueillir. J'ai dévoré deux tantes chanoinesses, consommé six cousins podagres, anéanti trois oncles asthmatiques. Ils ont tous été très gentils. Chacun d'eux a disparu au moment psychologique. Mon dernier oncle, en me léguant sa fortune, a stipulé que je changerais mon nom pour le sien. J'avais fait tant de folies sous le nom de Louis de Bruniquet, que je n'ai pas été fâché de m'appeler à l'avenir Louis de Montjoie.
CÉSARINE
Et que vous reste-t-il de ces folies?
MONTJOIE
Le souvenir. C'est quelque chose! J'ai remarqué que les aventures d'amour vous plaisaient beaucoup.
CÉSARINE, baissant les yeux
A mon âge… et quand on n'a pas aimé…
MONTJOIE
On croque les pommes d'autrui.
CÉSARINE
En imagination. Cela console de ne pas avoir croqué les siennes quand on avait des dents. Que voulez-vous? Je suis une vieille fille. J'ai rêvé d'amour comme une autre: d'amour platonique, bien entendu.
MONTJOIE
Platonique?
CÉSARINE, avec dignité
Sachez que c'est celui que les femmes demandent toujours.
MONTJOIE
Et ne pardonnent jamais.
CÉSARINE
Aussi, n'ayant pas de roman dans ma vie, je lis ceux qu'on écrit, et j'écoute ceux qu'on raconte. Connaissez-vous la belle Ipsiboë?
MONTJOIE
Qu'est-ce que c'est que cette dame?
CÉSARINE
Une dame très bien: l'héroïne d'un roman de M. d'Arlincourt. Elle est amoureuse d'Almaric. Almaric, c'est vous.
MONTJOIE
Comment, Almaric c'est moi?
CÉSARINE
C'est-à-dire que vous lui ressemblez. Aussi laissez faire et crier. Vous épouserez ma nièce. Elle sera très heureuse avec vous. Vous êtes si romanesque! Vous admettrez bien que je connaisse Édith, puisque je l'ai élevée dans mes idées.
MONTJOIE
Cependant, ma chère demoiselle, voilà trois mois que je lui fais une cour assidue.
CÉSARINE
Les anciens preux attendaient leurs belles pendant des années.
MONTJOIE
Malheureusement, nous sommes au XIXe siècle.
CÉSARINE
Une époque de prosaïsme! On se voit, on s'aime, on se marie! Autrefois on allait en Palestine.
MONTJOIE
Il n'y a plus de Palestine.
CÉSARINE
On va à Fontainebleau!
MONTJOIE
J'ai peur que Mlle Édith ne m'aime pas.
CÉSARINE
Vous n'avez personne à craindre. Ce n'est pas Claude Morisseau, avec ses théories extraordinaires… J'ai vu Édith sourire en l'écoutant: et une jeune fille ne s'éprend que de celui qui la fait rêver. Ce n'est pas M. Delcroix, ni…
MONTJOIE
Vous ne parlez pas du seul qui soit à redouter: du capitaine Daniel.
CÉSARINE, éclatant de rire
Vous êtes fou, mon bon ami. D'abord, c'est un artilleur. Ensuite, c'est un garçon froid, hautain, cassant, et qui n'a rien de romanesque. Je suis sûre qu'il n'a jamais eu qu'une petite existence bourgeoise, très plate et très ordinaire. Il a fait un traité scientifique sur… Comment appelez-vous ça?
MONTJOIE
Sur l'Hérédité physique et morale d'après la doctrine de Darwin.
CÉSARINE
Et vous croyez que ma nièce aimera un monsieur qui a fait sur l'hérédité physique et morale?.. Enfin, Édith ne le connaît que depuis deux mois, et voilà huit jours qu'il n'a point paru à la maison.
MONTJOIE
Vous êtes ma providence. J'aime votre nièce pour elle, non pour sa fortune. Si elle ne veut pas de moi…
CÉSARINE
Elle voudra de vous!.. D'ailleurs, je vais interroger Édith. Seulement, avant de me prononcer en votre faveur, une question: Êtes-vous bien corrigé? Oh! je sais ce que je veux dire. Une bonne petite passion qui ressusciterait après le mariage… C'est ce que je crains surtout.
MONTJOIE
Vous avez bien tort, ma chère demoiselle. Certes, j'ai médiocrement vécu, et vous avez le droit de vous méfier. Remarquez pourtant que le passé devrait vous être un sûr garant de l'avenir. Quand on a beaucoup pratiqué les amours faciles, on n'a plus qu'un rêve: être un bon mari très fidèle et très bourgeois. Vous voyez en moi un don Juan? Eh bien! toutes les femmes que j'ai rencontrées ne font pas la monnaie d'une seule Elvire. Oh! mon Dieu, non! En commençant par Mme Rita, danseuse à l'Opéra, et en finissant par Coralie, ma grande passion.
CÉSARINE, vivement
Qu'est-ce que c'était que madame ou mademoiselle Coralie?
MONTJOIE, embarrassé
C'est assez difficile à dire.
CÉSARINE
Une cocotte?
MONTJOIE
Une cocotte… et je l'ai aimée follement. Jugez de ma naïveté! Elle m'a fait souffrir, comme de raison, et m'a mangé un peu de mon cœur et beaucoup de mon argent. En la quittant, j'étais ruiné; l'héritage de mon oncle est venu à point. Après un long voyage, je me suis retiré à Montauban, où je caresse l'espérance d'un bonheur si calme.
CÉSARINE
Ce qui ne vous empêche pas…
MONTJOIE, à part
D'être romanesque! Elle y tient.
CÉSARINE
Confiez-moi le soin de vos affaires. Elles iront bien.
MONTJOIE
Hum! le capitaine Daniel plaît beaucoup à M. Godefroy.
CÉSARINE
Aussi, vous aimez ma nièce, et vous égratignez quelquefois son père.
MONTJOIE
Il m'agace.
CÉSARINE
Voilà trente ans qu'il m'agace, moi! et je le supporte!
MONTJOIE
Il se croit un grand collectionneur, et il encombre son musée de bêtises.
CÉSARINE
Cela vaut mieux que d'en faire.
MONTJOIE
Oh! il cumule!.. Il se croit au-dessus des préjugés…
CÉSARINE
Parce qu'il en a peur.
MONTJOIE
Et des questions d'argent…
CÉSARINE
Parce qu'il est riche. Rassurez-vous. L'important est de savoir au juste ce que pense Édith. Envoyez-la-moi. Je vais l'interroger.
MONTJOIE
Merci. Vous me direz toute la vérité? J'ai du courage. Si elle ne m'aime pas…
CÉSARINE
Allez la chercher dans le jardin.
MONTJOIE
Tout de suite. (Il se dirige vers le perron. – S'arrêtant.) Je n'aurai pas été bien loin: la voici.
Édith paraît
SCÈNE V
Les Mêmes, ÉDITH
ÉDITH
Au secours, monsieur de Montjoie, au secours!
CÉSARINE
Bon Dieu! qu'y a-t-il?
MONTJOIE
Vous n'avez pas l'air bien effrayée.
ÉDITH
Mon père et M. Bonchamp vont se dévorer. J'ai compté sur vous pour séparer ces deux ennemis qui s'adorent.
MONTJOIE
C'est beaucoup d'honneur que vous me faites. Mais si j'échoue?
ÉDITH
Oh! vous réussirez. Ma tante prétend que vous êtes un homme… irrésistible.
MONTJOIE, à part
Elle me raille. (Saluant.) Mademoiselle. (A Césarine.) Je tremble comme un collégien. Je reviendrai ce soir pour connaître mon sort.
CÉSARINE
Nous comptons sur vous pour dîner.
Il sort
SCÈNE VI
ÉDITH, CÉSARINE
CÉSARINE
Et maintenant, à nous deux, ma belle… Viens t'asseoir là, sur mes genoux. Comment trouves-tu M. de Montjoie?
ÉDITH, souriant
Je ne le trouve pas.
CÉSARINE
Tu l'as vu souvent, cependant!
ÉDITH
Oui, mais je ne l'ai jamais regardé.
CÉSARINE
Cette petite a des réponses qui me confondent. Mais il est très bien; et puis si romanesque! Je t'ai fait lire Ipsiboë. Tu ne trouves pas qu'il ressemble à Almaric?
ÉDITH
Ma chère tante, tu es la meilleure femme du monde, mais ton idéal n'est pas le mien. Je me suis promis de n'épouser jamais qu'un homme que j'aimerais… et je ne l'aime pas.
CÉSARINE
Ah! le pauvre homme! Et moi qui le protège!
ÉDITH, embrassant sa tante
Tu ne le protégeras plus, voilà tout.
CÉSARINE
Comme tu vas! comme tu vas! Tu changeras peut-être d'idée.
ÉDITH
Cela m'étonnerait.
CÉSARINE
Voyons, prends-moi pour confidente. Pour ne pas aimer M. de Montjoie, il faut que tu en aimes un autre.
ÉDITH
Oui.
CÉSARINE, se frappant le front
Le capitaine Daniel!
ÉDITH
Oui.
CÉSARINE
Et je ne le savais pas!
ÉDITH
Tu ne me l'as jamais demandé.
CÉSARINE
Pouvais-je me douter d'une telle aberration! Un homme froid, hautain, qui n'a rien de romanesque? Ah! ce n'est pas celui-là qui a eu la moindre aventure!
ÉDITH
Tant mieux, si je suis la première de sa vie.
CÉSARINE
Et puis, c'est un artilleur. Que feras-tu d'un pareil homme?
ÉDITH
J'en ferai mon bonheur.
CÉSARINE
Compare-le seulement à son rival!
ÉDITH
Oh! je ne compare pas Daniel… je le sépare.
CÉSARINE
Toi que j'avais si bien élevée! Je vois que je m'étais méprise sur ton caractère. Je ne te connaissais pas.
ÉDITH
C'est bien possible, je ne me connaissais pas moi-même.
CÉSARINE
Un homme que tu as vu pour la première fois il y a deux mois!
ÉDITH, l'embrassant
Alors, tu ne me parleras plus de M. de Montjoie?
CÉSARINE
Soit, mais je ne m'engage pas à soutenir l'artilleur.
ÉDITH
Je ne te demande que la neutralité.
CÉSARINE, dramatiquement
Malheureuse enfant! (Curieusement.) T'a-t-il dit qu'il t'aimait?
ÉDITH
Jamais!
CÉSARINE
Tu vois bien!
ÉDITH
Mais je suis sûre qu'il m'aime.
CÉSARINE
Pourquoi?
ÉDITH
Précisément parce qu'il ne me l'a pas dit.
CÉSARINE
Tu es folle!
ÉDITH, souriant
Tu crois?
CÉSARINE
On ne l'a pas vu depuis huit jours.
ÉDITH
Je sais pourquoi.
CÉSARINE
Comment le sais-tu?
ÉDITH
Je l'ai deviné. Écoute bien. Il est allé chez sa tante, madame Dubois, qui habite le bourg de Vic-sur-Cère, dans le Cantal. Il y a passé la semaine. Tu comprends qu'il ne pouvait pas lui-même demander ma main. C'est la raison de son voyage. Il ne m'a pas écrit une seule fois, mais je suis certaine qu'il reviendra aujourd'hui ou demain avec sa tante, et aussitôt il priera mon père de lui fixer un rendez-vous.
CÉSARINE
De quelle façon t'y es-tu prise pour deviner cela?
ÉDITH
Je me suis demandé ce que j'aurais fait, si j'avais été à sa place.
CÉSARINE
Imaginations!
ÉDITH
Nous verrons bien!