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Loe raamatut: «Les Merveilles de la Locomotion», lehekülg 8

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B. – Wagons à marchandises, à bestiaux et divers. – Wagons pour le transport du ballast, du coke, du charbon, des marchandises, du lait, des bestiaux. – Transport des filets de bœuf, du gibier, du vin de Champagne, des fraises, des fromages. – Wagons à écurie, à bagages, des postes

Sur le châssis, que nous avons décrit, se place une caisse appropriée au transport auquel le véhicule est destiné. On fait des wagons pour le transport des déblais, du ballast, de la houille, du coke, du charbon de bois, des marchandises de diverses natures, des voitures de rouliers et des voitures ordinaires, montées sur leurs roues, des diligences, des bestiaux de grande et de petite taille, des chevaux, du lait, des bagages, des pièces de charpente, et enfin des voyageurs.

Les wagons de terrassement sont d'une construction grossière, ainsi qu'il convient à l'usage auquel ils sont destinés. Leur caisse est placée en porte-à-faux, de manière à pouvoir basculer aisément et se vider d'elle-même. Ces wagons à ballast sont, d'ordinaire, des wagons plats que l'on vide à la pelle.

Pour le transport des houilles, on a employé longtemps des wagons de forme trapézoïdale se vidant par le fond au moyen d'une trappe; on y a renoncé et on n'emploie plus que des wagons de forme prismatique se vidant par les portes. Le transport du coke s'effectue souvent à l'aide de caisses posées sur le wagon et que de puissantes grues élèvent et basculent au lieu du déchargement. La quantité des houilles et cokes transportés, en 1865, par les six Compagnies françaises a été de 9,548,540 tonnes. Elle augmente tous les jours.

Le transport du charbon de bois s'opère parfois de la même manière, au moyen de caisses qui peuvent tenir, au nombre de quatre, sur un wagon. C'est la même caisse qui passe successivement de la voiture du charbonnier en forêt sur le wagon qui la mène à l'usine. Lorsque le transport du charbon se fait dans des sacs, on dispose ceux-ci sur des plates-formes qui viennent de la meule au dépôt de la ville et qui passent successivement de la charrette sur le wagon et de celui-ci sur la charrette.

Les voitures de rouliers se chargent sur des wagons plats appelés maringottes. Les chaises de poste passent avec leurs roues sur des wagons plates-formes, de même que les diligences, mais les roues de celles-ci sont enlevées au départ et remises à l'arrivée. Ce transport a, d'ailleurs, beaucoup perdu de l'importance qu'il avait à l'origine des chemins de fer, alors que les voies ferrées présentaient de nombreuses discontinuités. On se rappelle les émotions qu'on éprouvait en arrivant sous la grue chargée d'enlever le lourd véhicule, et chacun de se dire: «Si l'une des chaînes cassait!» Une fois séparée de ses essieux, la diligence était emportée latéralement par le treuil roulant auquel elle était suspendue, puis redescendue sur le wagon qui devait l'emporter. À l'arrivée, c'était une manœuvre inverse. Les chaînes ne cassaient pas, mais les craquements qu'elles faisaient entendre en s'enroulant ou en se déroulant, ne contribuaient pas peu à augmenter les craintes qu'on avait à cette époque sur les voyages en chemin de fer.

Quant aux wagons destinés au transport des marchandises, ils sont généralement de deux formes. Ce sont des wagons plats, munis de bâches en toile ou en bourre de soie et recouvertes d'un enduit dont la base est le caoutchouc; ou bien des wagons à parois latérales, les uns couverts, les autres découverts. Ces wagons, à l'origine des chemins de fer, ne recevaient que de faibles charges, cinq tonnes seulement; aujourd'hui, ce poids a beaucoup augmenté; il a même été porté au double, soit dix tonnes par certaines Compagnies, et le rapport du poids mort au poids utile s'est ainsi abaissé de 0,90 à 0,47.

Le transport du lait s'effectue dans de grandes boîtes en fer-blanc de vingt litres, qui peuvent se charger au nombre de deux cents dans une caisse à claire-voie.

La ville de Paris a reçu en moyenne, chaque jour de l'année 1865, 260,621 litres de lait. On estime la consommation journalière à 320,000 litres. Les quatre cinquièmes sont donc fournis par les chemins de fer, et si leur service venait à manquer subitement, fait remarquer M. Jacqmin, directeur de l'exploitation de la Compagnie de l'Est, au livre duquel nous empruntons ces chiffres, 700 à 800 mille personnes seraient chaque matin privées de leur tasse de café au lait.

Les bestiaux se transportent dans des wagons qui diffèrent peu des wagons à marchandises couverts, nous parlons des bestiaux de grande taille; quant aux moutons, on les superpose et on les fait voyager dans des voitures à deux étages, munis de planchers étanches. Aux prix des tarifs généraux, les moutons, les brebis, les agneaux et les chèvres payent en petite vitesse 0 fr. 02 par kilomètre et par tête; les veaux et les porcs payent le double; les bœufs, les vaches, les taureaux, les chevaux, les mulets et les bêtes de trait payent 0 fr. 10. Les tarifs spéciaux sont pour eux des tarifs de faveur, mais le transport en grande vitesse double le prix de leur place. Lorsque ces animaux sont envoyés aux concours agricoles pour y faire admirer la rondeur de leurs formes ou leurs belles proportions, les Compagnies leur accordent encore une réduction de 50 pour 100 sur les prix des tarifs généraux. Veut-on savoir maintenant à quel chiffre énorme s'est élevé le transport des bestiaux en 1863 sur les six grands réseaux français? à 4,145,287. Les moutons seuls entrent dans ce chiffre pour 2,131,936.

Les transports de bestiaux amenés, à Paris seulement se sont élevés dans la même année à 79,034 wagons, ce qui donne environ 1,500,000 têtes.

Quant aux filets de bœuf amenés par la Compagnie de l'Est, de la Suisse allemande et du grand-duché de Bade, le poids, qui n'était que de 602,615 kilogrammes en 1863, s'est élevé à 1,421,030 kilogrammes en 1866, et, à l'époque de la chasse, les arrivages de gibier se sont élevés, certains jours, jusqu'à 30,000 kilogrammes, soit: 6,000 lièvres et 500 chevreuils.

Qui aurait songé, il y a trente ans, que les chemins de fer donneraient lieu à des transports d'une telle nature et d'une telle importance?

Et puisque nous parlons du transport des choses délicates au goût, nous dirons ce qu'il sort de vins mousseux, par le chemin de fer, de la seule Champagne: 17,940,000 bouteilles en 1866; ce chiffre n'était que de 9,210,000 bouteilles en 1845, et, tandis que l'Amérique ne nous en enlevait que 4,380,000 bouteilles en 1845, elle en a pris 10,413,000 en 1866. Je laisse à penser si le tout est du pur jus de la vigne!

Le transport des fromages de Brie, venant de Meaux seulement, chaque samedi, exige douze ou quinze wagons; parfois trente wagons ont été nécessaires.

Les chevaux se transportent dans des wagons spéciaux, appelés wagons-écuries, qui ne diffèrent des wagons à bestiaux, employés souvent à cet usage, que par une division de la caisse en stalles isolant ces animaux les uns des autres. Les portes sont placées sur les parois extrêmes, l'une s'abat pour servir de pont, l'autre se relève en forme de toit; les cloisons étant mobiles sur charnières, les portes livrent toutes deux accès aux chevaux dans toute la longueur du wagon. Un compartiment spécial est réservé au palefrenier qui les accompagne.

Les wagons à bagages sont de grands wagons fermés, à portes roulantes, ayant, d'ordinaire, une guérite de vigie pour le conducteur du train, quelques petites armoires ou casiers pour le rangement des petits colis, pour des valeurs, pour la boîte de secours et deux ou trois niches à chiens. La Compagnie du Midi a fait construire de nouveaux fourgons à bagages destinés au service des trains express et qui contiennent des water-closets, avec deux petits compartiments d'attente, dans lesquels un voyageur peut monter durant le trajet entre deux stations.

Le service des postes, depuis l'ouverture de nos grandes voies ferrées, a lieu dans les wagons mêmes qui servent au transport des dépêches. Toutes les opérations de classement, de triage, qui se faisaient autrefois avant le départ du courrier, se font maintenant durant le trajet. Les postes ont, dans ce but, de grands wagons, appelés bureaux ambulants, garnis de tablettes et de casiers, chauffés et éclairés comme le seraient des bureaux ordinaires.

Ces voitures, en Angleterre, présentent latéralement des filets destinés à prendre les dépêches et à les laisser au passage des stations. Lorsque le transport des dépêches exige plusieurs wagons, des ponts volants s'abaissent sur les tampons, abrités par des espèces de cages à soufflet, en cuir, qui s'appliquent exactement contre les parois des baies de communication. En Prusse, on a aussi un filet pour les dépêches à prendre en marche; mais pour celles qu'on doit laisser, on se contente de les jeter sur le trottoir. En France, nous n'avons rien ni pour prendre les dépêches, ni pour les laisser!

C. – Wagons à voyageurs. – Matériel français, anglais, allemand, américain. – Voitures spéciales des chemins du Grand-Tronc, du Mont-Cenis, de Sceaux. – Valeur du matériel roulant. – Nombre de véhicules sur tous les chemins du globe

Nous arrivons enfin à la description des voitures à voyageurs, mais les détails de leur agencement sont tellement connus aujourd'hui que nous nous bornerons à appeler l'attention sur les innovations récentes introduites dans leur construction.

On juge des progrès réalisés quand on se rappelle les anciennes voitures de troisième classe, ouvertes à l'origine et sans toiture, des chemins de Rouen, d'Orléans et d'Alsace. Plus tard, ces voitures ont été couvertes; elles n'avaient pour parois que de légers filets en ficelle livrant passage au soleil, durant l'été, au vent et à la pluie, durant l'hiver. Les voitures de troisième classe, sans être aujourd'hui tout ce que l'on peut désirer, sont néanmoins complètement exemptes des défauts de leur origine et, ce qui prouve qu'elles ne sont pas si désagréables qu'on le dit bien souvent, c'est qu'elles sont fréquentées, pour tous les petits parcours, par une foule de personnes qui préfèrent une économie au plus grand confortable.

En France, le matériel le plus répandu se compose de voitures de première, de seconde et de troisième classe, montées sur quatre roues (le nombre des voitures à six roues est très-limité), de voitures mixtes contenant des compartiments de différentes classes et qui servent spécialement au transport sur les petites lignes. Toutes ces voitures n'ont qu'un étage et contiennent de 24 à 50 voyageurs.

Les lignes de banlieue, établies dans le voisinage des grandes villes, qui ne servent qu'à de petits parcours, ont des voitures à impériale couverte. On accède à ces impériales au moyen d'escaliers placés aux extrémités du véhicule. La voiture contient alors 72 places. La Compagnie de l'Est avait exposé, en 1867, une voiture à deux étages, de 78 places (système Vidard et Bournique), dont l'impériale était fermée et réservée aux voyageurs de troisième classe. Au rez-de-chaussée de la voiture se trouvaient les compartiments de première, de deuxième classe et un compartiment de troisième classe pour les personnes peu valides. Ces voitures sont aujourd'hui nombreuses sur son réseau. Ainsi qu'on le voit, les recherches des ingénieurs, chargés de la carrosserie dans les Compagnies de chemins de fer, tendent toujours à diminuer le rapport du poids mort au poids utile; ces recherches aboutissent, mais ce n'est pas évidemment sans porter plus ou moins atteinte au confortable que les voyageurs de toutes classes réclament avec tant d'insistance.

Les personnes qui ont voyagé en Angleterre et en France s'accordent généralement à reconnaître la supériorité de notre matériel sur celui de nos voisins. Si les voitures de première classe se valent, celles de deuxième et de troisième classe sont assurément moins bonnes que leurs similaires françaises. Les siéges laissent à désirer, les dossiers manquent dans les secondes classes, les rideaux sont absents dans les secondes et dans les troisièmes classes. C'est le nécessaire, mais rien de plus.

On trouve en Allemagne des voitures à quatre, six et huit roues. Les voitures à huit roues se rapprochent, parleur construction, des voitures américaines, les autres ressemblent à nos voitures françaises. Les grandes voitures à huit roues tendent, d'ailleurs, à disparaître et le matériel à s'uniformiser. Ces longs véhicules avec portières extrêmes, couloir central, banquettes transversales ne sont plus en usage que dans le Wurtemberg, et les voitures parties du centre de l'Autriche ou de l'Allemagne peuvent arriver et arrivent chaque jour dans la gare de l'Est. Mieux que les montagnes, les barrières qui séparent les peuples s'abaissent, et les chemins de fer, en nivelant le sol, effacent ou tendent à effacer les jalousies et les vieilles rancunes, et à faire naître entre eux de bons rapports et des amitiés durables8.

En Amérique, ce pays de la liberté, sinon de l'égalité, les voitures ne sont que d'une seule classe, mais les gens de couleur sont placés dans les wagons à bagages! Les véhicules, portés sur deux trains de quatre roues chacun, ont jusqu'à 18 mètres de longueur. Un couloir règne au centre, les banquettes, recouvertes en crin noir, sont disposées transversalement, et les voyageurs peuvent passer d'une voiture à l'autre et se promener dans toute la longueur du train. Ces wagons peuvent contenir jusqu'à quatre-vingts personnes. Autre pays! autres mœurs!

Le plus remarquable modèle que les Américains nous aient donné de leurs voitures est celui qui figurait à l'Exposition dernière et qui était destiné au chemin du Grand-Tronc. On a réuni dans cette voiture, comme dans ces superbes paquebots qui font le service des deux continents, tout ce qui est nécessaire à la vie. Le chemin qui va de New-York à San-Francisco et traverse l'Amérique septentrionale dans toute sa largeur, n'a pas moins de 5,000 kilomètres de longueur, au milieu de pays déserts et parfois habités par des peuplades sauvages; le trajet dure sept jours. Les voyageurs qui font ce long parcours ont besoin d'être logés, chauffés, éclairés, nourris. Ils le sont presque aussi convenablement que dans nos meilleurs hôtels.

Avec les moyens de locomotion en usage aujourd'hui, on peut faire le tour du monde en quatre-vingts jours. C'est le temps qu'autrefois un grand seigneur aurait mis à faire le voyage de Paris à Saint-Pétersbourg.


Sur tout cet immense parcours, il n'y a que 140 milles anglais, entre Alahabad et Bombay, que l'on soit obligé de parcourir sans se servir de vapeur; mais cette lacune sera bientôt comblée, car on travaille à l'établissement d'un chemin de fer.

Nous avons parlé de la voiture de nos grandes lignes, de la voiture Vidard à deux étages pour les chemins départementaux, de la voiture américaine pour les longs trajets dans des pays sans ressources, faisons connaître maintenant la voiture du chemin de fer de montagne. MM. Chevalier, Cheylus ont construit pour le chemin de fer Fell du Mont-Cenis une voiture qui présente les dispositions de nos omnibus: un couloir central de chaque côté duquel peuvent se ranger six voyageurs. Ces voitures communiquent entre elles au moyen de ponts jetés sur les tampons, d'où les voyageurs peuvent aller contempler les forêts de sapins et les âpres beautés du paysage. Ces voitures sont surtout remarquables par les freins spéciaux qui leur sont appliqués. Ce sont des espèces de mâchoires qui étreignent le rail central et viennent en aide aux freins ordinaires à sabots dont ces véhicules sont également pourvus.

Depuis de longues années, un petit chemin des environs de Paris, construit dans des conditions exceptionnelles, fait son exploitation avec un matériel d'une construction particulière. C'est le chemin de Sceaux, dont le tracé présente une série de courbes de très-petits rayons; le matériel employé a été inventé par M. Arnoux, et perfectionné par son fils, auquel il a valu le grand prix de mécanique, décerné par l'Académie. Les dispositions spéciales du wagon Arnoux consistent dans le montage des essieux sur chevilles ouvrières et dans la mobilité laissée aux roues sur ces essieux. L'essieu de la première voiture est assujetti à un système de quatre gros galets inclinés sur les rails, qui servent à donner à cet essieu une direction normale à la courbe et à annihiler le frottement qui se produit, en pareil cas, avec les wagons ordinaires. La même direction est donnée aux essieux des voitures suivantes au moyen de chaînes croisées dans le système de M. Arnoux père, et à l'aide de tringles rigides ou bielles dans le système perfectionné de M. Arnoux fils. C'est une très-remarquable invention, mais que sa complication rend d'un usage incommode et qui ne paraît pas devoir se répandre.

Ainsi donc, selon le pays, selon les produits à transporter, selon le tracé du chemin, le véhicule de chemin de fer varie. On se fait une idée des études qu'a exigées la construction de ce matériel dans des conditions si variées. Il faut avoir suivi les travaux des bureaux techniques de nos chemins de fer, pour savoir avec quel soin chaque menu détail est étudié, est calculé, est représenté: le moindre boulon, la plus petite ferrure sont refaits bien des fois avant d'être définitivement adoptés. Il n'y a, en effet, dans tous ces travaux, aucun détail insignifiant, tant l'application est étendue, tant le but à atteindre est élevé.

Donnons quelques chiffres.

On évalue, en France, à 25,000 francs, en moyenne, la dépense kilométrique de premier établissement afférente au matériel roulant des chemins de fer. Pour les 17,000 kilomètres exploités, c'est une dépense de 425 millions.

Et, si l'on prend seulement 20,000 francs comme moyenne pour tous les chemins du globe, la dépense ressort à 3 milliards 520 millions pour les 176,000 kilomètres environ, aujourd'hui exploités.

À quel nombre de véhicules correspond cette énorme dépense? Le calcul en est facile. On compte, en France, par kilomètre de chemin exploité, un nombre moyen de voitures représenté par 0,75 (soit 3 voitures pour 4 kilomètres), et un nombre moyen de fourgons et wagons représenté par 7,25 (soit 29 par 4 kilomètre); ces chiffres étant pris comme bases, on trouve pour les 176,000 kilomètres de voies ferrées du globe:


IV. – LA TRACTION. – LES MOTEURS ANIMÉS ET INANIMÉS. LA VAPEUR

Nous arrivons à la partie la plus intéressante de l'histoire des chemins de fer, à celle où les découvertes se pressent, fécondes en résultats inattendus et merveilleux. De grands travaux ont été exécutés, des ouvrages gigantesques ont été élevés pour supporter cette voie de fer, peu différente aujourd'hui, après ses quarante ans d'existence, de ce qu'elle était à son origine, pour donner passage à ces véhicules de formes diverses.

La découverte de la machine à vapeur et son application à la locomotion ouvrent une ère nouvelle aux chemins de fer. L'avenir se révèle, et c'est avec un véritable respect que nous écrivons les noms de Cugnot, de Stephenson, de Séguin, les inventeurs de la locomotive.

A. – Moteurs animés et inanimés. – Le cheval et les chemins de fer dans les villes et dans les mines. – La pesanteur et les plans automoteurs. – L'eau, la machine à vapeur fixe et les plans inclinés. – L'air et le système atmosphérique. – Papin, Medhurst, Vallance

Qu'étaient les chemins de fer avant l'invention de la locomotive? Ce qu'on les voit aujourd'hui encore sur presque tous les points où un autre mode de traction a été adopté ou conservé: des instruments imparfaits, coûteux, et par-dessus tout lents et d'un usage incommode.

Au lieu d'une locomotive aux entrailles de fer, à la respiration active et pressée, on n'a, comme moteur, qu'un coursier dont les poumons sont fragiles, et qui, malgré ses jambes aux sabots ferrés, se fatigue et s'use vite, rendant des services assurément, mais incomparablement moindres que ceux de la locomotive, s'attelant aux wagons des mines, aux wagons à voyageurs dans certains cas particuliers, mais toujours restreints.

Dans l'intérieur des villes d'Amérique, les stations sont placées le plus près possible du centre des affaires. Les wagons en partent tirés par des chevaux pour aller, dans une partie moins populeuse de la cité, former des trains qui sont alors remorqués par des locomotives.

À New-York, le chemin de Hudson-River et le New-York and Alem-Bahn ont leur station de voyageurs dans le voisinage de la Maison de Ville, tandis que le point de départ des locomotives a lieu à 4 kilomètres de là. À Philadelphie, au contraire, les locomotives pénètrent jusqu'au centre de la ville.

Les chemins américains, à rails creux, de Versailles et de Saint-Cloud, qui s'arrêtaient à la place de la Concorde, où les roues à boudin saillant étaient remplacées par des roues à jante plate pour atteindre la station centrale du Palais-Royal, ont été prolongés jusqu'au Louvre.

Tandis qu'à New-York on comptait, en 1858, 42 kilomètres de chemin à double voie, il y en avait 96 en exploitation à Philadelphie. Boston, qui n'a que 200,000 habitants, avait 40 kilomètres, et sur une portion de ces chemins de 27 kilomètres seulement, la circulation, cette même année, était de huit millions de voyageurs.

Il faut dire que le tracé des rues dans les villes, en Amérique, permet ce large développement des voies ferrées, qui serait à peu près impossible dans les villes françaises, en dépit des grandes voies rectilignes ouvertes par nos municipalités modernes. Notre esprit national, à l'encontre de celui des Américains, se prête peu à l'introduction des chemins de fer au centre des villes, et ce n'est pas sans lutter que les Compagnies obtiennent l'établissement de voies ferrées sur les quais de nos principaux ports et leur exploitation au moyen de locomotives. Là, encore, le cheval prévaut et le temps seul pourra dissiper les craintes des populations trop promptes à s'effrayer.

L'homme s'est efforcé de tirer parti de toutes les forces qui s'offrent naturellement à lui avant d'en chercher de nouvelles. Avant d'imaginer la locomotive, il avait inventé les plans automoteurs, ces voies inclinées le long desquelles un train de wagons pleins fait, à l'aide d'un câble et d'une poulie, et par la seule action de la pesanteur, remonter un train de wagons vides.

Le système des plans automoteurs est très en usage dans les mines, où il fournit un moyen économique d'opérer les transports. Dans certains cas, le poids de l'eau est employé comme moteur. On en remplit, au sommet du plan incliné, des chariots en tôle dont le poids fait remonter des wagons chargés de charbon et de minerai.

Robert Stephenson pensait même que ce système pourrait être appliqué au service des plans automoteurs dans les régions montagneuses de la Suisse; mais le système funiculaire ne laisse pas que de présenter toujours de graves inconvénients, et nous ne savons pas qu'il ait été appliqué dans ces conditions au transport des voyageurs.

Les chevaux, la pesanteur, agissant sur le corps transporté utilement, ou sur l'eau, tels ont été les seuls moteurs appliqués aux voies ferrées avant l'invention de la machine à vapeur. On conçoit que les inventeurs n'aient pas eu recours à l'action du vent, qui est trop irrégulière et trop variable pour pouvoir être toujours efficace.

C'est après l'application de la machine à vapeur à l'élévation des eaux, à l'épuisement des mines, et vers l'année 1776, aux différents usages de l'industrie, que l'on pensa à l'employer au remorquage des wagons. Les bennes remontaient dans les puits d'extraction: il ne paraissait pas plus difficile de remonter des wagons sur un plan incliné.

On a fait plusieurs applications remarquables de ce mode de traction: entre autres, les plans inclinés de Liége, dont les pentes varient de 0m,14 à 0m,30 par mètre (ils ont chacun 1,980 mètres de longueur et rachètent une même hauteur de 55 mètres), le plan incliné de Styring-Vendel, le plan incliné de la Croix-Rousse, à Lyon (pente 0,1605 sur 489m,20 de longueur). Dans les exploitations des environs de Newcastle, de Sunderland, de Manchester, etc., dans les comtés de Northumberland et de Durham et dans le Lancashire, on trouve de même de nombreuses applications du système funiculaire.

Une ou plusieurs machines à vapeur mettent en mouvement de grands tambours, ou cylindres horizontaux, sur lesquels s'enroule un câble en chanvre, en fer ou en acier, rond ou plat, dont les extrémités sont réunies ou laissées libres. À ce câble on attache le wagon de tête d'un train et les autres wagons suivent. Des freins puissants sont appliqués aux tambours et aux wagons eux-mêmes pour modérer la vitesse qu'ils tendent à prendre au moment de la descente du train, sous l'action de la pesanteur. Ces derniers sont, d'ordinaire, construits de telle sorte qu'ils peuvent agir automatiquement en cas de rupture du câble, étreindre, comme des mâchoires, les rails de la voie ou transformer instantanément le wagon en un traîneau en rendant immobiles les roues qui le portent.

Un autre mode de traction a été encore imaginé, pour le remorquage des véhicules avant l'invention de la locomotive. C'est le système atmosphérique. Chacun sait que l'atmosphère exerce sur les objets qui y sont plongés, une pression dont le baromètre donne la mesure; chacun sait que si l'on vient à extraire, au moyen d'une pompe, l'air contenu dans un tuyau en dessous d'un piston mobile, ce piston se déplacera sous la pression de l'air agissant sur l'autre face et entraînera avec lui une charge plus ou moins considérable, selon le diamètre plus ou moins grand du piston et le vide plus ou moins complet qui aura été fait dans le tuyau. L'existence de l'atmosphère constitue donc une force. Et, l'aurait-on soupçonné? l'idée d'utiliser cette force revient précisément à l'homme qui montra le parti qu'on pouvait tirer de la production et de la condensation de la vapeur d'eau, à Papin. Les savants de la fin du dix-septième siècle s'étaient vivement préoccupés des moyens d'utiliser la pression de l'atmosphère, les uns pour en faire un moteur mécanique d'une application générale à l'industrie; les autres uniquement pour répondre au désir du grand roi, qui voulait doter ses jardins de Versailles de nouveaux charmes, en y amenant les eaux de la Seine.

Papin essaya du vide obtenu au moyen de pompes pneumatiques et expérimenta sa machine, en 1687, devant la Société royale de Londres; plus tard, il se servit de la poudre à canon dans le même but (mais cependant après l'abbé d'Hautefeuille); en 1690, enfin, il publia dans les Actes de Leipsick la description de son cylindre à vapeur, où il obtenait encore le vide (vide relatif) au moyen de la production et de la condensation successives de la vapeur, découverte qui à elle seule immortalisera son nom. Les expériences de Papin sur le vide, produites à l'aide de pompes aspirantes, ne réussirent qu'imparfaitement, et l'idée resta dans l'oubli jusqu'en 1810, époque à laquelle parurent les premières locomotives.

Un ingénieur danois, Medhurst, proposa d'appliquer la pression atmosphérique au transport des marchandises, des lettres et des journaux à l'intérieur d'un tube. (Disons, en passant, que c'est au moyen de la pression de l'air, comprimé dans un tuyau, que s'opère à Londres et à Paris, – entre certaines stations, – le transport des dépêches.) L'idée de Medhurst fut reprise, en 1824, par Vallance, qui proposa de substituer les voyageurs aux marchandises et qui fit l'essai de son système sur la route de Brighton. Se confier, vivant, à une machine pénétrant dans un souterrain, où l'air manquait, où la lumière pouvait manquer, n'était pas du goût du public du temps. La tentative de Vallance demeura sans succès.

Trois ans après, Medhurst proposa de substituer au grand tube de Vallance un tube de plus petit diamètre, couché entre les rails; le tube contenant le piston locomoteur et les rails portant les wagons à voyageurs. Une fente longitudinale ménagée sur le tube devait servir au passage d'une tige reliant les wagons au piston. La difficulté était de trouver une soupape pouvant fermer hermétiquement cette fente et se soulever aisément au passage du train. Après des essais nombreux et infructueux, on expérimenta, en 1838, la soupape de MM. Clegg et Samuda, qui donna de bons résultats. En 1843, on fit une épreuve en grand sur le chemin de Kingstown à Dalkey, en Irlande. L'expérience réussit, la France s'en émut et, sur le rapport favorable de M. Mallet, inspecteur général des ponts et chaussées, il fut décidé que la traction sur le chemin de Saint-Germain, dans la partie comprise entre Nanterre et Saint-Germain, s'effectuerait suivant le système de l'ingénieur danois. On voit encore à Nanterre et à Chatou les bâtiments destinés à recevoir les pompes qui devaient faire le vide dans le tuyau atmosphérique. Les pompes magnifiques, les machines à vapeur et la batterie de chaudières placées en haut de la pente (0m,035 par mètre) qui mène du Pecq à Saint-Germain, ont disparu et cet énorme attirail, superbe agencement de forces impuissantes, objet de l'attention et de l'admiration de tant de visiteurs, n'a plus fourni qu'un amas de pièces inutiles, bonnes à renvoyer à la fonderie ou à la forge.

Le système atmosphérique, après quatorze années d'essai, a été abandonné entre le Pecq et Saint-Germain. Les locomotives remontent seules tous les trains, et le prix de la traction par train et par kilomètre est descendu de 3 fr. 80 ou 4 fr. à 1 fr. 32. C'est dire que le système atmosphérique est mort, et sans chances de revivre.

8.Ces lignes étaient écrites avant la guerre affreuse que nous venons de soutenir contre l'Allemagne. Rien ne faisait pressentir à ce moment les événements qui se sont accomplis.