Loe raamatut: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O)», lehekülg 10

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Cependant, en Espagne, les couvents possédaient des lavabos magnifiques. Le voisinage des établissements arabes, dans lesquels l'abondance de l'eau était considérée comme une nécessité de premier ordre, avait dû exercer une certaine influence sur les constructions des cloîtres. C'est aussi dans les monastères du midi de la France qu'on trouvait autrefois les lavabos les mieux disposés et les plus spacieux. Il est à regretter que ces salles, qui se prêtaient si bien aux compositions architectoniques, aient été détruites partout, dès avant la fin du dernier siècle, par les moines eux-mêmes, qui ne se soumettaient plus à l'usage de se laver au même moment et ensemble. Les lavabos consistaient seulement parfois en une grande auge en marbre, en pierre ou en bronze, placée à l'entrée du réfectoire (voyez, dans le Dictionnaire du Mobilier, l'article LAVOIR).

LAVATOIRE, s. m. Auge placée dans une salle près du cloître des monastères, et servant à déposer et laver les morts avant leur ensevelissement.

L'usage de laver les morts avant de les enterrer est une pratique qui remonte à l'antiquité 113 et qui s'est conservée jusqu'à la fin du dernier siècle dans quelques provinces, comme le pays basque, par exemple, les environs d'Avranches et le Vivarais. Le sieur de Moléon 114 décrit ainsi le lavatoire de l'abbaye de Cluny: «Au milieu d'une chapelle fort spacieuse et fort longue, où l'on entre du cloître dans le chapitre, est le lavatoire, qui est une pierre longue de six ou sept pieds, creusée environ de sept ou huit pouces de profondeur, avec un oreiller de pierre qui est d'une même pièce que l'auge; et un trou au bout du côté des pieds, par où s'écoulait l'eau après qu'on avait lavé le mort.» L'auteur donne un figuré de ce lavatoire que nous présentons ici (1); il ajoute qu'il y avait des pierres semblables dans l'hôpital de la ville de Cluny, dans le chapitre de l'église cathédrale de Lyon, dans le revestiaire de celle de Rouen et dans presque tous les monastères des ordres de Cluny et de Cîteaux.


LÉGENDE, s. f. Ce mot, en architecture, s'applique aux représentations groupées, soit sculptées, soit peintes, sur mur ou sur verre, de sujets légendaires, comme, par exemple, l'histoire de l'Enfant prodigue, l'histoire du mauvais Riche, ou bien certaines vies de saints racontées dans la Légende dorée. Les portails de nos églises du moyen âge présentent souvent des sujets légendaires sculptés sur leurs soubassements à dater de la fin du XIIIe siècle. À la cathédrale d'Auxerre, au portail de la Calende de la cathédrale de Rouen, au portail occidental de celle de Lyon, on voit de très-fines sculptures représentant des sujets légendaires. Mais c'est surtout sur les vitraux que s'étendent les séries innombrables de ces sortes de sujets (voy. VITRAIL).

LICE, s. f. Barrière, palissade, par extension, espace réservé entre les deux enceintes d'une ville fortifiée, ou entre les murs et les barrières extérieures (voy. ARCHITECTURE MILITAIRE). On donnait aussi le nom de lices aux champs clos destinés aux exercices, joutes, tournois, pas d'armes et jugements de Dieu.

Lorsqu'une armée campait et s'entourait de palis, on disait «sortir des lices» pour sortir de l'enceinte palissadée. Quand Harold vient de Londres au-devant de Guillaume le Bâtard, il fait placer son corps d'armée derrière des palissades. Le matin de la bataille, Harold va reconnaître l'ennemi,

«E de lor lices furz issu 115

Après la bataille de Mansourah ou de la Massoure, des espions viennent avertir saint Louis qu'il sera attaqué de grand matin dans son camp. «Et lors commanda le roy à touz les cheveteins des batailles que il feissent leur gent armer dès la mienuit, et se traisissent hors des paveillons jusques à la lice, qui estoit tele que il y avoit lous merriens, pour ce que les Sarrazins ne se férissent parmi l'ost; et estoient atachiés en terre en tel manière, que l'en pooit passer parmi le merrien à pié 116.» Ainsi, dans les campements faits à la hâte, les pieux qui formaient la lice étaient espacés l'un de l'autre de manière à permettre aux gens de pied de passer entre eux. Ces pieux formaient ainsi une suite de merlons qui n'empêchaient pas les fantassins de se jeter sur l'assaillant, mais qui arrêtaient les charges de cavalerie, et permettaient aux soldats de se rallier s'ils étaient obligés de se replier.

Les châteaux étaient toujours entourés de lices, c'est-à-dire de barrières palissadées, quelquefois avec fossés, qui protégeaient le pied des remparts et permettaient de faire des rondes extérieures lorsque l'on était investi. C'était là une tradition des populations guerrières du Nord.

 
«Amis, beau-frère, est Orenge si riche?
Dist li chêtis: «Si m'aïst Dex, beau sire,
Se véiez le palés de la vile,
Qui toz est fez à voltes et à lices 117
 

Ce qui veut dire que le château de la ville est maçonné, voûté et entouré de palissades de bois.

LIEN, s. m. Terme de charpenterie. Pièce de bois ayant un tenon à chaque bout et qui, posée en écharpe, lie le poinçon avec l'arbalétrier ou avec le faîtage d'une charpente de comble (1). A étant le poinçon et B les arbalétriers, les pièces C sont des liens; D étant des poinçons et F le faîtage, les pièces G sont des liens.



LIERNE, s. f. Nervure d'une voûte en arcs d'ogive qui réunit la clef des arcs ogives aux sommets des tiercerons. Les nervures A (1) sont des liernes (voy. CONSTRUCTION, VOÛTE).



Dans la charpenterie, les liernes sont des pièces de bois horizontales qui réunissent à leur base deux poinçons dans le sens longitudinal du comble et qui reçoivent les solives des faux planchers. Ce sont aussi des pièces de bois courbes, posées horizontalement entre les arbalétriers d'un comble conique, et qui servent à assembler les chevrons lorsque ceux-ci doivent être répartis à distances à peu près égales dans la hauteur de la toiture.



Les pièces A (2) sont des liernes. Dans les combles de tours cylindriques, les liernes sont nécessaires lorsque la charpente n'est pas disposée de manière à ce que chaque chevron porte ferme. La méthode des chevrons portant ferme étant presque toujours adoptée dans les charpentes de combles du moyen âge, il est rare qu'on ait eu recours aux liernes. On les emploie depuis le XVe siècle pour les charpentes sphéroïdes formant coupole.

LIMON, s. m. Est une pièce de bois rampante qui porte les marches d'un escalier à leur extrémité opposée au mur (voy. ESCALIER). Les limons de pierre n'étaient pas employés dans l'architecture du moyen âge, les révolutions des marches dans les escaliers à plan carré ou barlong étant alors portées sur des arcs, ce qui était beaucoup plus solide que le système de limons appareillés.

LINÇOIR, s. m. Terme de charpenterie. Pièce de bois posée horizontalement au-dessus des lucarnes ou des souches de cheminées pour recevoir les chevrons du comble.

LINTEAU, s. m. Bloc de pierre posé sur les jambages d'une porte ou d'une fenêtre pour fermer la partie supérieure. Dans la charpenterie, la pièce de bois horizontale qui remplit le même office s'appelle aussi linteau (voy. FENÊTRE, PORTE).

LIS (FLEUR DE). Voyez FLORE.

LIT, s. m. Surface horizontale de pose d'une pierre de taille. Chaque pierre de taille est comprise entre deux lits: le lit inférieur et le lit supérieur; naturellement le lit supérieur d'une pierre reçoit le lit inférieur de celle qui vient au-dessus. Les Grecs posaient leurs matériaux taillés, marbre ou pierre, à joints et lits vifs, sans mortier. Dans le grand appareil, les Romains firent de même, et cela avec tant de perfection que, dans les constructions grecques et romaines élevées en pierres de taille ou en marbre, on aperçoit à peine la suture entre les blocs. Cette méthode a quelquefois été imitée pendant le moyen âge, particulièrement dans les contrées où il existait encore un grand nombre de monuments antiques, comme en Provence et dans le Languedoc; mais l'imitation est fort loin d'atteindre la perfection de la taille antique en ce qui concerne les lits. Dans les provinces du centre et du nord de la France, on employa le mortier entre les pierres d'appareil depuis l'époque mérovingienne. Les lits de mortier sont fort épais du VIIe au XIIe siècle; ils deviennent fins et réguliers à cette époque, reprennent une épaisseur qui varie de 0,01 c. à 0,03 c. au XIIIe siècle, lorsque l'on élève les grands édifices religieux, les châteaux et les palais; puis s'amincissent de nouveau pendant les XIVe et XVe siècles, mais en conservant toujours une épaisseur de 0,01 c. au maximum. Quant aux lits taillés, ils sont planes, bien layés, sans flâches, depuis le XIIe siècle jusqu'au XVIe. Dans les constructions du moyen âge, les lits sont dressés avec autant de soin que les parements.

On appelle pierre posée en délit celle dont le lit de carrière est vertical au lieu d'être horizontal. Les matériaux calcaires se sont formés par une suite de dépôts marins, lacustres ou fluvials, et se composent ainsi d'une superposition de couches plus ou moins homogènes. Lorsque ces couches n'ont pas été fortement agglutinées par une circonstance naturelle, elles tendent à se séparer. Il est donc important de poser les pierres sur leur lit de carrière, c'est-à-dire conformément à leur position géologique. Cependant les Romains et les constructeurs du moyen âge ne se sont pas fait faute d'employer les calcaires en délit, mais alors ils choisissaient avec soin ceux qui pouvaient sans danger prendre cette position (voyez CONSTRUCTION, JOINT).

LOGE, s. f. Pièce ou portion de galerie, dépendant d'un édifice public ou privé, élevée au-dessus du sol extérieur et s'ouvrant largement sur le dehors, sans vitrines ou fermetures à demeure. La loge ressemble d'une part au portique, de l'autre à la bretèche; cependant il faut la distinguer de ces deux membres d'architecture. La loge diffère du portique en ce qu'elle est élevée au-dessus de la voie publique, possède une entrée particulière et que sa longueur est bornée, tandis que le portique est une galerie couverte dont la longueur est indéterminée. La loge tenant à des maisons diffère de la bretèche en ce point important qu'elle est ouverte aux intempéries, en dehors des appartements, tandis que la bretèche est fermée par des vitres ou volets et ajoute aux pièces une annexe saillante sur la voie publique. L'architecture française du moyen âge n'admettait guère la loge que dans les provinces méridionales, où elle pouvait avoir une certaine utilité. Dans nos climats, on préférait toujours une pièce fermée à ces salles ouvertes à tous vents, si fréquentes dans les villes italiennes des XIIIe et XIVe siècles. Les municipalités italiennes élevaient volontiers ces édifices propres aux réunions de citoyens, couverts par des voûtes ou des lambris pour éviter les rayons du soleil. C'était dans ces loges que les marchands venaient s'entretenir de leurs affaires, comme aujourd'hui dans les bourses et cercles. On concevra facilement qu'en France les parloirs, qui correspondent aux grandes loges d'Italie, devaient être clos neuf mois sur douze; dès lors, ils n'étaient que des salles plus ou moins vastes. De même aussi, dans nos maisons, il était rare de trouver sous les combles ces loges que l'usage a fait ouvrir au sommet des habitations italiennes, et qui sont disposées pour respirer l'air frais du soir. Cependant la loge n'était pas absolument bannie de nos habitations du nord. Il existait encore, il y a peu d'années, sur la place de la cathédrale de Laon, une petite maison du XIIIe siècle, dépendant autrefois du chapitre, qui possédait une loge à la base de son comble, disposée en appentis et interrompue aux angles par des échauguettes.



La figure 1 donne l'élévation perspective de la façade de cette maison. À la base du pignon, élevé en retraite, était pratiquée une loge en charpente qui se retournait sur les deux murs goutterots et passait alors sous le comble. C'était comme un chemin de ronde avec ses échauguettes.



La figure 2 présente en A le plan de la façade de la maison, à l'étage sous la loge, et en B le plan de cette loge. Les loges voisines du comble prenaient le nom de soliers, comme les combles eux-mêmes; elles servaient à la défense, elles permettaient de voir tout ce qui se passait au dehors, elles donnaient aux habitants un séchoir excellent. Observons que ces loges sont basses, bien abritées et fermées aux extrémités.

Dans le voisinage des places de marchés, on établissait aussi parfois des loges peu élevées au-dessus du sol de la voie publique sous quelques maisons, pour permettre aux marchands de traiter de leurs affaires à l'abri du soleil et de la pluie. Il existe encore à Vire (Calvados) une petite loge de ce genre, disposée sous une maison du XIVe siècle. Rien n'est plus simple que cette construction (3), qui se compose de deux piles et de deux colonnes en pierre, reposant sur un bahut; d'une aire dallée et de quelques marches posées à chacune des extrémités donnant sur la voie publique. La façade de la maison, en pan de bois hourdé de briques, repose sur les deux piles d'angles et les deux colonnes, si bien que cette loge n'est autre chose qu'un bout de portique surélevé avec bahut sous ses colonnes.



Sur les façades des hôtels de ville, des palais, des maisons de riches particuliers, il y avait quelquefois, mais fort rarement en France, des loges disposées à la façon des bretèches, c'est-à-dire portées en encorbellement sur des consoles. Ces loges, par leur petite dimension, n'étaient, à proprement parler, que des balcons couverts. Elles étaient moins rares dans les provinces de l'est et du sud-est que dans l'Île-de-France, les provinces de l'ouest et du centre. Quelques maisons de Dijon en possédaient autrefois; on en trouvait à Metz, à Verdun et vers les bords du Rhin, comme en témoignent de nombreuses gravures des XVIe et XVIIe siècles. Ces loges en encorbellement, ou plutôt ces bretèches ouvertes, étaient posées au-dessus des portails des maisons, au premier étage, et formaient ainsi une sorte d'auvent sur l'entrée.



Nous donnons (4) l'une d'elles que nous trouvons indiquée assez finement dans un manuscrit français du XVe siècle de la bibliothèque de Munich. Elle est faite entièrement de pierre, recouverte de plomb et posée au-dessus d'une porte.

Les guerres d'Italie de la fin du XVe siècle inspirèrent aux seigneurs français le goût des loges; mais les architectes du commencement de la Renaissance, qui conservaient les traditions sensées de l'art de notre pays, se décidèrent dificilement à leur donner l'aspect d'une construction ouverte sur trois côtés; ils les traitaient plutôt comme des portiques bas d'une longueur réduite, s'ouvrant seulement par la face.

Au sommet de l'escalier de la Chambre des Comptes, à Paris, il y avait ainsi un vestibule non vitré qui pouvait bien passer pour une loge (voyez ESCALIER, figure 3). Ce vestibule se composait de deux travées ouvertes sur la cour de la Sainte-Chapelle; ses arcades, dépourvues de vitrages comme celles de l'escalier, étaient flanquées de contre-forts décorés de statues 118.



La loge, premier vestibule de la chambre, était fort riche, ainsi qu'on en peut juger par notre figure 5, qui en donne une perspective extérieure. Au-dessous, à rez-de-chaussée, était la porte des logements du premier huissier et du receveur des épices. Le grand palier couvert que nous donnons ici comme une loge tenait lieu de petite salle des pas-perdus. Nous possédons à Paris un monument très-remarquable par le style de son architecture et qui était traité à la manière des loges italiennes, c'est le monument dont on a fait la fontaine des Innocents. Cette loge se composait de trois arcades, deux de face et une en retour. Dans le soubassement, au-dessous de l'arcade en retour, sur la rue, en dehors, était une fontaine. Des balustrades se trouvaient entre les pieds-droits 119. La loge et fontaine des Innocents était élevée au coin de la rue Saint-Denis et de la rue aux Fers. Pierre Lescot en fut l'architecte et Jean Goujon le sculpteur. En 1785, on la déposa pièce à pièce et on en fit le monument que nous avons vu restaurer depuis peu, monument auquel il est bien difficile aujourd'hui de donner une signification, car on ne comprend pas trop pourquoi on a eu l'idée de placer une fontaine jaillissante à six ou huit mètres de hauteur au-dessus du sol, et pourquoi, la mettant si haut, on a jugé nécessaire de la faire couler à l'abri de la pluie, sous un dôme. On admet une fontaine couverte si elle est à la portée des passants, mais un jet d'eau couronnant une pyramide de cuvettes n'a vraiment pas besoin de parapluie. Après tout, les charmantes sculptures du monument nous restent, et il y aurait mauvaise grâce à se plaindre des transformations étranges qu'on a fait subir à l'architecture de Pierre Lescot.

LUCARNE, s. f. Baie ouverte dans les rampants d'un comble, destinée à éclairer les galetas. Pendant le moyen âge on a fait des lucarnes avec devanture en pierre, d'autres entièrement en bois apparent ou recouvert de plomb ou d'ardoises. Les lucarnes n'ont toutefois été adoptées que lorsque les combles ont pris une grande importance. Pendant la période romane, les charpentes des combles étant généralement plates, il n'y avait pas lieu de les éclairer par des lucarnes, puisqu'on ne pouvait y ménager des logements; mais, à dater du XIIIe siècle, les bâtiments d'habitation furent couronnés par des combles formant, en coupe, un triangle équilatéral au moins; on utilisait la partie inférieure de ces combles en y pratiquant des chambres éclairées et aérées par des lucarnes. Plus tard, on donna le nom de mansardes à ces fenêtres, et on fit à Mansart cet honneur de le considérer comme l'inventeur de ces baies, qui existaient sur tous les édifices publics ou privés du nord bien avant lui.

Nous nous occuperons d'abord des lucarnes dont la devanture de pierre pose sur la corniche, au nu des murs de face. Les XIIIe, XIVe et XVe siècles nous fournissent un grand nombre d'exemples de ces sortes de baies qui se composent de deux pieds-droits avec allège et d'un linteau terminé par un gâble et un tympan. Ces lucarnes avec face en pierre sont généralement assez élevées pour qu'une personne puisse facilement s'approcher de l'allège et regarder dans la rue; leurs baies sont même souvent garnies d'une traverse en pierre, comme dans l'exemple que nous donnons ici (1) 120.



Les pieds-droits sont épaulés par deux contre-forts qui leur donnent de l'assiette sur la tête du mur; de petites gargouilles pourtournent ces contre-forts et rejettent les eaux des noues dans le chéneau A, existant entre chaque lucarne, et muni de grandes gargouilles. Le linteau est d'un seul morceau et porte avec lui les deux petits pignons latéraux. Un second morceau de pierre forme le couronnement. Les rampants du gâble portent larmier devant et derrière, de manière à recouvrir le comble en ardoise B de la lucarne. Les jouées sont en retraite sur les pieds-droits; ce genre de lucarne est fréquent au XIIIe siècle. Quelquefois, mais rarement à cette époque, les tympans sont décorés et les rampants garnis de crochets. Cependant ces couronnements des édifices, se découpant sur les combles, ne tardèrent pas à recevoir une assez riche ornementation. Il était d'usage, pendant la seconde moitié du XIIIe siècle et jusqu'au XVIe, de pratiquer, dans les logis des palais et châteaux, des grandes salles sous les combles. On ne pouvait éclairer ces salles lambrissées que par des lucarnes très-hautes, descendant jusqu'au sol intérieur placé au-dessous de la corniche extérieure et interrompant celle-ci. Les charpentes se composaient seulement de chevrons portant-ferme, dont les entraits s'assemblaient dans les jambettes descendant en contre-bas des blochets (voir l'article CHARPENTE, figure 26). L'importance de ces lucarnes exigeait un soin particulier dans leur construction, car il fallait que leur devanture en pierre pût se soutenir d'elle-même, qu'elle reçût des pénétrations en charpente, et que les filtrations d'eau pluviale fussent évitées entre la pierre et la couverture. Conformément aux habitudes de bâtir des architectes du moyen âge, ces précautions relatives à la stabilité et à la réunion des matériaux très-divers sont minutieusement observées. Nous avons, de nos jours, remplacé ce soin dans l'étude des détails par des moyens assez grossiers, tels que solins en plâtre, raccords en zinc; mais aussi faut-il envoyer sans cesse les couvreurs réparer les vices primitifs d'une construction mal étudiée, ou tout au moins, pour terminer l'oeuvre d'une manière passable, faire succéder plusieurs fois sur ces points délicats les maçons aux couvreurs, les couvreurs aux maçons et ainsi à diverses reprises. Dans ces temps anciens d'ignorance, lorsque le maçon avait terminé son ouvrage, venait le charpentier, puis le couvreur; chacun trouvait les choses disposées pour n'avoir plus à y revenir lorsque la dernière ardoise et la dernière faîtière étaient posées.



La fig. 2 montre une de ces grandes lucarnes de combles lambrissés. En A nous en donnons la section horizontale fait au niveau a b de la face B. La corniche du bâtiment avec son chéneau est en E; la face de la lucarne est épaulée latéralement par des contre-forts F et postérieurement par les pilastres G, contre lesquels viennent s'appuyer les jouées en charpente. De petits caniveaux H recueillent les eaux du comble qui coulent le long de ces jouées pour les verser dans les chéneaux (voir la face latérale D). Sur les sablières I posées sur les jouées (voir la face postérieure C), venaient s'embréver les madriers formant chevrons et recevant les lambris intérieurs de manière à dégager le jour dormant K, les châssis rectangulaires étant seuls ouvrants. Des lucarnes de ce genre existaient au Palais à Paris, sur les bâtiments du commencement du XIVe siècle, aux châteaux de Montargis, de Sully, de Coucy et de Pierrefonds (commencement du XVe siècle), et de beaucoup d'autres palais ou châteaux. Celles du milieu et de la fin du XVe siècle sont très-communes.

Dans certaines provinces de France, comme la Bretagne, la Picardie et la Normandie, on avait pour habitude, pendant les XIVe et XVe siècles, de donner à certains bâtiments des campagnes, à des logis de châteaux, une assez faible hauteur et de les couronner par des combles énormes, car bien que ces bâtiments fussent simples en épaisseur, ils contenaient quelquefois jusqu'à dix et onze mètres dans oeuvre en largeur; or, les combles étant tracés d'après un triangle équilatéral, on comprend que les faîtages devaient s'élever beaucoup au-dessus de la corniche.



Ces bâtiments, en coupe, étaient alors disposées de cette manière (3): 1º Un étage de caves A; 2º un rez-de-chaussée B; 3º un premier étage C, à demi mansardé; 4º un étage à mi-comble D et le grenier; dès lors les fenêtres du premier étage C participaient déjà de la lucarne et ne faisaient qu'un tout avec elle. Nous possédons un fort bel exemple de ce genre de construction dans le château de Josselin, en Bretagne (4), dont la construction date des dernières années du XVe siècle.



Là, le faîtage des lucarnes est au niveau du faîtage du comble; leur face est décorée de sculptures, de chiffres, devises et armoiries; les baies sont larges, munies de meneaux, les gâbles hauts et flanqués de pinacles. La balustrade est posée sur le bord d'un chéneau jetant ses eaux par une gargouille entre chacune des lucarnes. Dans l'étage mansardé supérieur, les lucarnes formaient comme des cabinets bien éclairés, dans lesquels on pouvait se tenir pour travailler ou jouir de la vue de la campagne. L'aspect pittoresque que donnaient ces grandes lucarnes aux façades des logis engagea les constructeurs à leur accorder de plus en plus d'importance; elles devinrent quelquefois la partie principale de la décoration, vers la fin du XVe siècle et le commencement du XVIe, ainsi qu'on peut le voir encore au palais de justice de Rouen, où il semble que les façades ne sont faites que pour les lucarnes, puisque leur composition part du sol de la cour. Dans des proportions plus modestes on voit encore de belles lucarnes du commencement du XVIe siècle à l'hôtel de Cluny, à Paris, à l'hôtel de ville de Compiègne; sur des maisons de Tours, de Bourges, d'Orléans et de Caen; sur l'hôtel de ville de Saumur, etc. Les lucarnes du château de Josselin, comme celles du palais de justice de Rouen, sont de véritables pignons masquant des combles pénétrant, à angle droit, le toit principal. Dans ce cas elles servent même à maintenir la poussée des charpentes lorsque celles-ci sont dépourvues d'entraits à leur base, ou du moins elles rompent cette poussée, sur les murs goutterots, de distance en distance, et donnent à ces murs, par leur poids, une grande stabilité.

Les lucarnes en charpente, petites et modestes pendant les XIIIe et XIVe siècles, prennent de même beaucoup d'importance pendant le XVe siècle; comme les lucarnes à faces de pierre, elles n'apparaissent, dans l'architecture du moyen âge, qu'au moment où les combles cessent d'être plats et sont tracés au moins d'après une pente de 45º. Alors elles sont posées, non sur les bahuts de ces combles, mais sur leurs chevrons, pour éclairer des galetas. Toujours elles sont bien combinées comme charpente et d'une forme gracieuse, contrairement à ce qui se pratique aujourd'hui.

Les plus anciennes lucarnes de bois que nous connaissions ne sont, à proprement parler, que de grands chiens-assis, faits pour donner de l'air et de la lumière dans les greniers, mais qui ne pouvaient point recevoir des châssis vitrés; elles sont taillées dans de grosses pièces de charpente et couvertes avec de la tuile, de l'ardoise ou du plomb. Il en existait sur le comble incendié de la cathédrale de Chartres, qui datait du XIIIe siècle.



Voici (5) quelle était leur structure: Deux linçoirs A formaient un jour rectangulaire comprenant deux intervalles de chevrons. Sur les chevrons B, s'assemblaient deux potences D recevant la devanture E à leur extrémité, et de petits entraits avec chevrons F. De fortes planches de chêne étaient clouées sur ces chevrons et les reliaient avec la devanture; sur ces planches était posé le plomb, qui formait bourrelet sur le devant et sur les côtés, ainsi que l'indique le détail G. D'autres feuilles de plomb revêtaient la devanture et les jouées, compris leur épaisseur. Les bois étaient forts de 0,15 c. à 0,25 c. d'équarrissage, et nettement coupés.



On voit apparaître cependant, au XIVe siècle, des lucarnes en charpente d'une assez grande dimension, quelquefois divisées en deux baies par un meneau. Les combles de la cathédrale d'Autun en ont conservé quelques-unes qui datent de la fin du XIVe siècle et sont d'une assez belle forme (6); le bois de ces lucarnes est toujours resté apparent et est abrité par un comble en tuile très-saillant. Ces lucarnes étaient faites pour être fermées, au-dessous du linteau, par des volets avec vitrages s'ouvrant en dedans; le gâble restait ouvert.



L'église de Notre-Dame de Châlons-sur-Marne a conservé, sur la croupe de l'abside, une jolie lucarne recouverte de plomb, avec épi et girouette (7). On voit encore, sur les grands combles de la cathédrale de Reims, des lucarnes qui datent du XVe siècle, mais qui sont aujourd'hui défigurées par de nombreuses restaurations. Ces lucarnes sont, de même que celle de Notre-Dame de Châlons, couronnées par des épis. Quelques maisons en pans de bois du XVe siècle, dont les façades ne sont point des pignons, mais des murs goutterots, sont surmontées de lucarnes assez belles. Dans l'ouvrage de MM. Verdier et Cattois, sur l'architecture civile et domestique, nous en signalerons quelques-unes, notamment celles de l'hôtel-Dieu de Beaune et celle d'une maison à Lisieux. Les architectes du XVe siècle ont quelquefois adopté, pour la construction des lucarnes de charpente, la disposition des lucarnes de pierre, citées plus haut, du château de Josselin, c'est-à-dire qu'ils ont posé les lucarnes empiétant sur la hauteur du mur de face et éclairant un étage sous comble, un grenier.



Nous donnons (8) une lucarne établie d'après ce système et qui provient d'une maison de Gallardon (Eure-et-Loir). En A, nous la présentons de face et, en B, en coupe. Ici les bois sont apparents sous la ventrière C, qui est couverte d'ardoises. Le plomb ne recouvre que l'épi et le faîte. Les rampants et les jouées sont aussi garnis d'ardoises. Des châssis vitrés fermaient les baies.

Si l'on consulte les anciennes vues peintes et gravées faites d'après des châteaux et palais du moyen âge, on voit que les lucarnes remplissaient un rôle important dans ces habitations, puisque les combles contenaient beaucoup de logements. Quelquefois, comme au château de Pierrefonds, les lucarnes de pierre ou de bois se combinaient avec les crénelages des chemins de ronde et étaient alors destinées à éclairer les salles placées derrière ces passages extérieurs. Leur face portait alors sur le mur du chemin de ronde, et le jour pénétrant leur couverture arrivait dans la salle par une baie percée dans le gros mur.

Il est certain que les architectes du moyen âge, contrairement à ce qui se pratique aujourd'hui généralement, apportaient un soin minutieux dans l'étude de toutes les parties des combles, soit au point de vue de la solidité, de la bonne exécution, soit au point de vue de l'art. Pour eux, bien couronner un édifice était l'affaire importante, et ils ne pensaient pas que le rôle de l'architecte cessât à la hauteur des corniches. La composition des lucarnes avait dû nécessairement fixer leur attention, puisque ces parties importantes des combles se détachaient sur le ciel et contribuaient ainsi à l'aspect monumental des édifices. Nous devons observer, d'ailleurs, que cette tradition s'est maintenue pendant les XVIe et XVIIe siècles; car beaucoup de châteaux de la Renaissance, du temps de Henri IV et de Louis XIII ont conservé des lucarnes composées avec soin, souvent fort richement décorées de sculptures et de statues, et prenant, dans la disposition des façades, la plus grande place.

113
   Voy. les Actes des apôtres, chap. IX; Sidoine Apollinaire, liv. III, lettre III.


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114
   Voyages liturgiques en France. Paris, 1718.


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115
   Le Roman de Rou, vers 12,125.


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116
   Hist. de saint Louis, Joinville. Pub. par M. Franc. Michel; 1858.


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117
   La prise d'Orenge; Guillaume d'Orange, chanson de geste des XIe et XIIe siècles, pub. par M. W. J. A. Jonckbloet; 1854.


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118
   Voyez l'oeuvre d'Israël Silvestre, Mérian, et, dans la Topographie de la France, Bibl. imp., de grands dessins de la façade de la Chambre des Comptes.


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119
   Voyez l'oeuvre d'Israël Sylvestre, Marot, Mérian, Félibien.


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120
   D'une maison de Beauvais du XIIIe siècle, démolie aujourd'hui.


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