Loe raamatut: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O)», lehekülg 8

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I

IMAGERIE, s. f. Ymagerie. Ce mot s'appliquait, au moyen âge, à toute représentation de scènes sculptées sur la pierre ou le bois. Les sculpteurs de figures avaient le titre d'ymagiers à dater du XIIIe siècle (voy. STATUAIRE).

IMBRICATION, s. f. S'emploie aujourd'hui pour désigner un appareil délicat de parements, formant des dessins variés par la disposition de petites pierres taillées ou de briques. Les imbrications sont quelquefois composées de pierres de diverses couleurs, comme en Auvergne et dans certaines provinces du Midi; de pierres et de terres cuites, comme dans le cloître de la cathédrale du Puy; de briques de diverses nuances ou émaillées. Les imbrications obtenues au moyen de pierres posées de manière à décorer des parements sont fréquentes pendant les XIe et XIIe siècles. On n'en trouve plus que fort rarement dans les édifices du XIIIe siècle. Les imbrications formées de briques de nuances variées se rencontrent particulièrement dans les maisons et châteaux des XVe et XVIe siècles (voyez APPAREIL).

INCRUSTATION, s. f. Ce mot ne peut s'appliquer dans l'architecture du moyen âge en France qu'à des remplissages en plomb ou en mastic d'intailles faites dans de la pierre dure, comme, par exemple, dans des dallages, dans des pierres tombales (voy. DALLAGE). En France, on n'a pas employé ce genre d'incrustation si fréquent en Italie, et qui consiste à remplir avec des marbres de couleur, découpés, des dessins creusés dans des plaques de marbre blanc. On voit des incrustations de ce genre dans la petite église de San-Miniato près Florence, faites pour décorer le pavage, la clôture et l'ambon du sanctuaire et même la façade (XIIIe siècle). La cathédrale de Sienne, celle de Florence (Sainte-Marie-des-Fleurs), celle de Gênes, sont couvertes extérieurement d'incrustations de marbre.

INTRADOS, s, m. Surface intérieure d'un arc ou d'une voûte (voyez EXTRADOS).

J

JAMBAGE, s. m. Nom que l'on donne aux deux montants verticaux d'une baie, porte ou fenêtre, lorsque cette baie est terminée par un linteau. Lorsque la baie est fermée par un arc, on donne, de préférence, aux deux montants verticaux qui portent l'arc, le nom de pieds droits, AA (1) sont les jambages de la baie B (voy. PORTE).


JAMBETTE, s. f. Terme de charpenterie qui désigne habituellement la petite pièce de bois légèrement inclinée qui soulage le pied de l'arbalétrier d'une ferme ou un chevron et s'assemble dans l'entrait ou le blochet. A (1) est une jambette (voy. CHARPENTE).



JARDIN, s. m. Cortil, courtil, gardin. Dans les bourgs et les villes même (principalement celles des provinces du Nord), beaucoup de maisons possédaient des jardins. Il est fait mention de jardins dans un grand nombre de pièces des XIIe et XIIIe siècles; et souvent, derrière ces maisons, dont les façades donnaient sur des rues étroites et boueuses, s'ouvraient de petits jardins.

L'amour pour les jardins et les fleurs a toujours été très-vif parmi les populations du nord de la France, et les fabliaux, les romans, sont remplis de descriptions de ces promenades privées. Pour les châteaux, le jardin était une annexe obligée; il se composait toujours d'un préau gazonné, avec fontaine lorsque cela était possible, de berceaux de vignes, de parterres de fleurs, principalement de roses, fort prisées pendant le moyen âge, d'un verger et d'un potager. Si l'on pouvait avoir quelque pièce d'eau, on y mettait des cygnes et du poisson 81. Des paons animaient les pelouses, et les volières étaient une des occupations favorites des dames. Les intendants de Charlemagne devaient nourrir des paons sur ses domaines 82; la liste des plantes dont on devait orner les jardins est même donnée tout au long 83. On y trouve les lis, les roses, quantité de plantes potagères; le pommier, le prunier, le châtaignier, le sorbier, le néflier, le poirier, le pêcher, le coudrier, l'amandier, le mûrier, le laurier, le pin, le figuier, le noyer et le cerisier.

Dans le Ménagier de Paris 84, il est fait mention de toutes les plantes potagères et d'agrément que l'on doit cultiver dans les jardins. On y trouve les fèves, la marjolaine, la violette, la sauge, la lavande, la menthe, le panais, l'oseille, les poireaux, la vigne, le chou blanc pommé, les épinards, le framboisier, la joubarbe, la giroflée, le persil, le fenouil, le basilic, la laitue, la courge, la bourrache, la follette, les choux-fleurs, les brocoli, l'hysope, la pivoine, la serpentine, le lis, le rosier, le groseillier, les pois, le cerisier, le prunier, etc. L'auteur ne se contente pas de donner une simple nomenclature, il indique la manière de planter, de semer, de soigner, de fumer, de greffer ces plantes; les méthodes employées pour détruire les fourmis, les chenilles, pour conserver les fruits, les légumes et même les fleurs en hiver. Dans la campagne, les jardins étaient entourés de haies ou de palis, quelquefois de murs; les allées étaient déjà, au XVe siècle, bordées de huis. Le tracé de ces jardins ressemblait beaucoup à ces plans que nous voyons reproduits dans les oeuvres de Du Cerceau 85, c'est-à-dire qu'ils ne se composaient que de plates-bandes séparées par des allées et de grandes pelouses quadrangulaires (préaux) entourées d'arbres et de treilles formant ombrage.

Les abbayes possédaient de magnifiques jardins avec vergers, qui étaient souvent, pour ces établissements religieux, une source de produits considérables. Les moines faisaient exécuter des travaux importants pour y amener de l'eau et les arroser au moyen de petits canaux de maçonnerie ou de bois. Tel monastère était renommé pour ses pommes ou ses poires, tel autre pour ses raisins ou ses prunes; et, bien entendu, les religieux faisaient tout pour conserver une réputation qui augmentait leur richesse.



JESSÉ (ARBRE DE). Généalogie du Christ. Dans l'Évangile selon saint Matthieu, il est dit que Jessé engendra David, qui fut roi, et que, depuis ce roi jusqu'à Jésus-Christ, il y eut vingt-huit générations. Or, dans beaucoup de nos monuments religieux, la généalogie du Christ est représentée commençant à Jessé, duquel sort un tronc d'arbre portant un certain nombre de rois, puis saint Joseph, la sainte Vierge et le Christ. Ce motif de sculpture et de peinture a fourni aux statuaires et aux peintres verriers particulièrement un de leurs sujets favoris à dater de la fin du XIIe siècle. Beaucoup de nos cathédrales placées sous le vocable de la sainte Vierge présentent un arbre de Jessé dans les voussures de la porte principale. On en voit un fort bien sculpté au portail central de la cathédrale d'Amiens, dans la voussure intermédiaire du côté droit en entrant. Le Jessé (1) est représenté dormant suivant l'usage, coiffé d'un bonnet juif; au-dessus de lui est placé le roi David, couronné, et toute la succession des rois. On voit également un arbre de Jessé, sculpté au commencement du XIIIe siècle, à la porte centrale de la cathédrale de Laon; un du XVIe siècle au portail de la cathédrale de Rouen, etc. Un vitrail du XIIe siècle, au-dessus de l'entrée de la cathédrale de Chartres, représente un arbre de Jessé qui est un des plus beaux exemples de l'art de la verrerie à cette époque; là, Jessé est couché sur un lit, au pied duquel brûle une lampe. Il existe également un très-beau vitrail du temps de l'abbé Suger, représentant l'arbre généalogique, dans la chapelle de la Vierge de l'église abbatiale de Saint-Denis. On en trouve également, du XIIIe siècle, dans les cathédrales de Reims, d'Amiens, de Bourges, à la Sainte-Chapelle du Palais. Un des vitraux les plus remarquables du XVIe siècle qui existe en France se voit dans l'une des chapelles absidales de l'église Saint-Étienne de Beauvais, et représente un arbre de Jessé; on en trouve, de la même époque, dans les cathédrales d'Autun, de Sens, etc. On en sculptait quelquefois sur les poteaux corniers des maisons. Il n'y a pas longtemps qu'il existait un arbre de Jessé à l'angle d'une maison de la rue Saint-Denis, à Paris. On en trouve un, à peu près intact, à l'angle d'une maison de Sens.

JOINT, s. m. Séparation verticale remplie de mortier ou de plâtre entre deux pierres d'appareil. Chaque pierre d'appareil est toujours placée entre deux lits horizontaux AB, CD (1) et deux joints verticaux AC, BD (voy. CONSTRUCTION).



Dans les constructions du moyen âge, les joints, d'abord très-épais jusqu'au XIe siècle, deviennent alors très-minces, particulièrement dans les provinces méridionales et en Bourgogne, et sont presque dépourvus de mortier; ils s'épaississent vers le milieu du XIIe siècle, et les pierres étant posées à bain de mortier sans être ravalées après la pose, ces joints en mortier ne sont pas repassés au fer, mais simplement coupés à la truelle. Les constructeurs ne faisant pas de ravalements ne faisaient pas non plus de rejointoiements.

Cependant il est quelques provinces, comme l'Auvergne, où, pendant les XIe et XIIe siècles, on faisait des joints en mortier légèrement saillants sur les parements et coupés vifs aux arêtes, ainsi que l'indique le profil (2); mais ces joints ne s'appliquent généralement qu'à de petits appareils. Ils sertissent, par exemple, les imbrications composées de matériaux de diverses couleurs, en formant autour de chaque pierre un filet d'un centimètre de largeur environ, saillant d'un millimètre sur le nu du mur. Ces sortes de joints étaient faits après la pose, repassés et soigneusement recoupés au fer. Le mortier en est fort dur, mais n'a pas toujours une parfaite adhérence avec celui qui a servi à la pose et qu'il a fallu dégrader à une certaine profondeur pour rejointoyer.



On voit aussi, dans des édifices de la fin du XIe siècle des provinces méridionales voisines du Centre, comme l'église Saint-Sernin de Toulouse, par exemple, des joints saillants, mais à section convexe (3). Ceux-ci, en n'arrêtant pas l'humidité qui coule le long des parements, sont moins sujets à se dégrader par l'effet de la gelée.



La durée des joints dépend beaucoup de la qualité de la pierre employée. Avec les calcaires poreux, avec les calcaires siliceux très-rugueux, on fait d'excellents joints; il n'en peut-être de même avec le grès, qui jamais n'adhère parfaitement au mortier par suite de son aptitude particulière à absorber l'humidité. Alors les mortiers se dessèchent et se dégradent promptement. Aussi avons-nous observé, dans quelques monuments de l'Alsace, comme à la cathédrale de Strasbourg, par exemple 86, que les constructeurs (pour éviter, sur des plans inclinés ou des parements directement exposés à la pluie, la dégradation des joints de mortier, toujours pulvérulents, surtout près de la surface extérieure), avaient pratiqué, des deux côtés de ces joints, de petites saignées pour conduire les eaux sur les parements et préserver le mortier du lavage (4).

En principe, du moment qu'on ne peut poser les pierres absolument jointives, comme le faisaient les Grecs et même les Romains lorsqu'ils employaient le grand appareil, mieux vaut un joint épais qu'un joint mince, le mortier ne se conservant qu'à la condition de former un volume assez considérable. Les plus mauvais joints sont les joints coulés soit en mortier, soit en plâtre. L'eau s'évaporant ou étant absorbée par la pierre, le coulis subit un retrait, et il reste des vides dans lesquels vient se loger la poussière qui engendre des végétaux. La seule méthode à employer quand on élève des constructions en pierre, c'est de poser les pierres à la louve et à bain de mortier; le fichage est quelquefois commandé, comme, par exemple, dans les reprises en sous-oeuvre; mais il demande à être fait avec un soin extrême. Dans ce cas, dès que le mortier fiché commence à prendre, il faut le bourrer avec des palettes de fer jusqu'au refus; puis on rejointoie quelque temps après jusqu'à une profondeur de cinq à six centimètres. Bien entendu, ce que nous disons ici s'applique encore plus aux lits qu'aux joints.

Les architectes du moyen âge ont souvent simulé des joints en peinture dans les intérieurs, soit en rouge sur fond blanc ou jaune, soit en blanc sur fond ocre (voy. PEINTURE).

JUBÉ, s. m. Ambon, lectrier, doxale, pupitre. Le jubé appartient à la primitive Église; c'était alors une tribune élevée placée en bas du choeur, entre celui-ci et les fidèles répandus dans la nef. Du haut de cette tribune se faisaient les leçons tirées des épîtres ou des évangiles, et même des prédications. Prudence rapporte que l'évêque instruisait le peuple du haut du jubé 87. Grégoire de Tours décrit le jubé de l'église de Saint-Cyprien 88. Le pape Martin Ier fit lire les canons du concile de Latran du haut du jubé de cette basilique. Les capitulaires de Charlemagne ordonnent d'y lire les règlements du prince. On chantait aussi, au jubé, l'Alleluia, les proses ou séquences; mais cet usage ne fut pas conservé. Du temps de Guillaume Durand, on chantait déjà in plano, et on ne montait au jubé que les jours de grandes fêtes pour dire les leçons.

Ce n'est pas ici le lieu de chercher à décrire les diverses sortes de jubés qui existaient dans les églises d'Orient et d'Occident pendant les premiers siècles; il est certain que l'ambon de l'Église grecque et de l'Église latine, jusqu'au XIVe siècle, n'était point du tout, comme forme, ce que nous entendons aujourd'hui par jubé. Les ambons de Saint-Vital de Ravenne, de Saint-Marc de Venise, de Saint-Laurent-hors-les-murs à Rome, de Saint-Ambroise de Milan, de la cathédrale de Sienne, de l'église de San-Miniato à Florence, sont plutôt de vastes chaires pouvant contenir plusieurs personnes que des jubés comme ceux de nos églises occidentales qui, à dater du XIIe siècle au moins, forment une séparation, une sorte de galerie relevée entre le haut de la nef et le bas du choeur. Dans les églises abbatiales d'Occident, ces jubés servaient ainsi de clôture antérieure au choeur des religieux, clôture percée quelquefois de trois portes, mais le plus souvent d'une seule. Deux escaliers y montaient: l'un à droite en entrant, du côté de l'Épître, l'autre à gauche du côté de l'Évangile; ce qui n'empêchait pas la galerie supérieure d'être d'une seule venue d'un côté à l'autre de la nef, comme une tribune. Il n'existe plus en France, malheureusement, un seul jubé d'une époque ancienne, et cependant toutes nos églises abbatiales, toutes nos cathédrales en possédaient, mais aussi beaucoup d'églises paroissiales. Il faut observer toutefois que les grandes cathédrales bâties vers la fin du XIIe siècle et le commencement du XIIIe, comme celles de Noyon, de Paris, de Chartres, de Bourges, de Reims, d'Amiens, de Rouen, n'avaient point été primitivement disposées pour recevoir des jubés et des clôtures de choeur (voy. CHOEUR). Ce ne fut que vers le milieu du XIIIe siècle que les évêques ou les chapitres firent élever des jubés devant le choeur des cathédrales. Thiers cependant prétend que la cathédrale de Sens 89, de son temps, possédait un jubé fort ancien, puisqu'il lui donne une date de huit siècles (ce qui d'ailleurs n'était pas possible, la cathédrale ayant été construite à la fin du XIIe siècle). Mais sa description est intéressante, car elle nous indique que ce jubé était, suivant la tradition primitive, séparé en deux ambons. «Ils sont, dit-il 90, de pierre, séparés l'un de l'autre; le crucifix est entre deux 91. Ils sont soutenus par-devant de quatre colonnes de pierre, qui font trois arcades en face. Ils ont chacun leur entrée du côté du choeur, et chacun leur sortie du côté de la nef, aux deux côtés de la principale porte du choeur. La plupart des autres tribunes de cette sorte n'ont que chacune un escalier par lequel on entre et on sort. Ce qu'il y a de particulier aux tribunes de Sens, est qu'on chante l'Épître dans celle qui est à gauche en entrant au choeur, et l'Évangile dans celle qui est à droite.» Non-seulement il n'est pas possible d'accorder au jubé de la cathédrale de Sens l'âge que lui donne Thiers, mais il est fort douteux même que ce jubé fût antérieur au XIIIe siècle. Jusqu'au XIVe siècle, la cathédrale de Sens ne possédait pas de transsept, conformément aux dispositions de plusieurs grandes églises épiscopales bâties à la fin du XIIe siècle ou au commencement du XIIIe; elle se composait d'une seule nef avec collatéraux pourtournant le sanctuaire et de trois chapelles: l'une carrée à l'abside, et deux orientées latéralement à la hauteur du bas-choeur actuel 92. On ne saurait indiquer dès lors la place d'un jubé contemporain de l'église du XIIe siècle. Toujours suivant les données des cathédrales de cette époque, on ne voit pas qu'une clôture ait été prévue autour du sanctuaire. Or il ne se faisait guère de jubé sans clôture. Nous ne pouvons donc considérer l'opinion de Thiers comme suffisamment fondée pour admettre que, même exceptionnellement, en France, il ait existé des jubés dans les cathédrales bâties par l'école laïque de 1160 à 1230. Nous admettrions plus volontiers que, dans ces édifices, il a pu être élevé des ambons, ou vastes chaires, comme celles de Saint-Marc de Venise, sauf le style; mais certainement le sanctuaire était entièrement ouvert et souvent de plain-pied avec le collatéral, comme à Notre-Dame de Paris, comme à Meaux, à Sens, et à Senlis primitivement. Les jubés n'apparurent dans les cathédrales qu'après l'acte d'union des barons de France en novembre 1246, c'est-à-dire lorsque les évêques durent renoncer à leur prétention de connaître de toutes les contestations judiciaires, sous le prétexte que tout procès résultant d'une fraude, et que toute fraude étant un péché, c'était au pouvoir religieux à juger les affaires réelles, personnelles ou mixtes, les causes féodales ou criminelles, et même les simples délits. Les évêques étant réduits, par la fermeté du roi saint Louis, par l'établissement de ses baillis royaux et l'organisation du parlement, à s'en tenir à la juridiction spirituelle ou à celle qu'ils possédaient comme seigneurs féodaux; ne pouvant, comme ils l'avaient espéré au commencement du XIIIe siècle, faire de la cathédrale, la cathedra, le siége de toute espèce de juridiction, se contentèrent d'en faire des églises épiscopales, et s'enfermèrent avec leurs chapitres dans ces vastes sanctuaires élevés sous une inspiration à la fois politique et religieuse (voy. CATHÉDRALE).

Nous avons donné, à l'article CHOEUR, les figurés de deux jubés, ceux de l'église abbatiale de Saint-Denis et de la cathédrale de Paris. C'est d'après ces dispositions que furent élevés les jubés de Notre-Dame de Chartres, de Saint-Étienne de Bourges, de Notre-Dame d'Amiens, de la cathédrale de Reims, de 1250 à 1500 93. Celui de la cathédrale d'Alby, qui date du commencement du XVIe siècle; ceux des églises de la Madeleine à Troyes, de Saint-Étienne-du-Mont à Paris, de Saint-Florentin, d'Arques, qui existent encore, sont des oeuvres remarquables de l'époque de la Renaissance.

On conserve, dans l'une des chapelles des cryptes de Notre-Dame de Chartres, les débris de l'ancien jubé jeté bas par le chapitre dans le dernier siècle. Ces fragments, qui appartiennent tous au milieu du XIIIe siècle, sont d'une beauté rare, entièrement peints et dorés; ils ont été découverts par feu Lassus, notre confrère et ami. Nous avons trouvé depuis peu, sous le dallage du choeur de la cathédrale de Paris, refait par l'ordre de Louis XIV, quantité de débris du jubé qui datait du commencement du XIVe siècle et était d'une finesse d'exécution incomparable. Malheureusement ces fragments ne sont pas assez nombreux pour pouvoir reconstituer d'une manière certaine et dans toutes leurs parties ces charmants monuments. De tous les jubés que nous possédons encore en France, celui de la cathédrale d'Alby est certainement le plus vaste, le plus complet et le plus précieux; chargé d'une multitude infinie de sculptures, de tailles délicates, il présente un des spécimens les plus extraordinaires de l'art gothique arrivé aux dernières limites de la délicatesse et de la complication des formes. Quelques églises de Bretagne conservent encore leurs jubés de bois; nous citerons, comme le plus remarquable, celui de Saint-Fiacre au Faouët, qui date de la fin du XVe siècle. Il est entièrement peint.

JUGEMENT DERNIER. Ce sujet est fréquemment représenté, soit en sculpture, soit en peinture, dans nos églises du moyen âge. Mais la manière de le représenter diffère suivant le temps et suivant les écoles provinciales.

C'est sur le portail des églises abbatiales que nous voyons le Jugement dernier tenant tout d'abord une place importante; mais, au XIIIe siècle, il apparaît dans les tympans des portes principales des cathédrales, des églises paroissiales et même des chapelles.

Sur la porte de la cathédrale d'Autun, dont la construction est de 1140 environ, nous voyons sculpté un des jugements derniers les plus anciens et les plus complets. Le Christ occupe la partie centrale du tympan; à côté de lui se tient un ange qui pèse les âmes et un diable qui attend les damnés. Dans le linteau, à la droite du Christ, sont les élus qui regardent le ciel. Un ange colossal prend une à une les âmes des bienheureux et les introduit, par une fenêtre, dans un palais qui représente le paradis À la gauche du Sauveur sont les damnés; un ange armé d'une épée leur interdit la communication avec les élus. Ces damnés, nus, ont la tête plongée dans leurs mains. Déjà, dans cette sculpture, l'idée dramatique domine; les expressions sont rendues avec une vigueur sauvage qui ne manque ni de style ni de noblesse. Mais c'est au commencement du XIIIe siècle que les artistes se sont plu à représenter d'une manière étendue les scènes du Jugement dernier; non-seulement alors elles occupent les tympans au-dessus des portes, mais les claveaux inférieurs des voussures. Le Jugement dernier de la porte centrale de la cathédrale de Paris est un des mieux traités. Le linteau est entièrement occupé par des personnages de divers états sortant de leurs tombeaux, réveillés par deux anges qui, de chaque côté, sonnent de la trompette. Tous ces personnages sont vêtus; on y voit un pape, un roi, des guerriers, des femmes, un nègre. Dans la zone supérieure, au centre, est un ange qui pèse les âmes; deux démons essayent de faire pencher l'un des plateaux de leur côté. À la droite du Christ sont les élus, tous vêtus de longues robes et couronnés. Ces élus sont représentés imberbes, jeunes et souriants; ils regardent le Christ. À la gauche, un démon pousse une foule d'âmes enchaînées portant chacune le costume de leur état. Les expressions de ces personnages sont rendues avec un rare talent: la terreur, le désespoir se peignent sur leurs traits. Dans la partie supérieure est, au centre, le Christ assis, demi-nu, qui montre ses plaies; deux anges, debout, à droite et à gauche, tiennent les instruments de la Passion; puis sont placés à genoux, implorant le Sauveur, la Vierge et saint Jean. Les voussures du côté des damnés sont occupées, à la partie inférieure, par des scènes de l'enfer, et, du côté des élus, par un ange et les patriarches, parmi lesquels on voit Abraham tenant des âmes dans son giron; puis des élus groupés. Cette sculpture remarquable date de 1210 à 1215; elle était entièrement peinte et dorée.

Nous trouvons le même sujet représenté à la cathédrale de Chartres, à Amiens, à Reims, à Bordeaux. Mais, dans ces derniers bas-reliefs, les âmes sont représentées nues généralement, sauf celles des élus, et les compositions sont loin de valoir celle de Notre-Dame de Paris. Le sentiment dramatique est déjà exagéré, les groupes sont confus, les damnés grimaçants, les démons plus ridicules qu'effrayants. Presque toujours l'entrée de l'enfer est représentée par une gueule énorme vomissant des flammes au milieu desquelles des démons plongent les damnés. Au XIVe siècle, ce sujet, bien que fréquemment représenté, perd beaucoup de son importance; les figures, trop nombreuses, sont petites, et les artistes, en cherchant la réalité, en multipliant les scènes, les personnages, ont enlevé à leur sculpture ce caractère de grandeur si bien tracé à Paris. On voit des bas-reliefs représentant le Jugement dernier sur le tympan du portail des Libraires à la cathédrale de Rouen, sur la porte principale de l'église Saint-Urbain de Troyes, qui datent du XIVe siècle, et qui, par leurs détails sinon par l'ensemble, présentent encore des sculptures traitées avec une rare habileté. Des vitraux de roses étaient souvent occupés par des scènes du Jugement dernier dès le commencement du XIIIe siècle. Celles de la rose de l'église de Mantes, qui appartiennent à cette époque, sont fort belles. La rose sud de la cathédrale de Sens (XVIe siècle) présente d'assez bonnes peintures de ce même sujet. Mais les meilleures peintures sur verre du Jugement dernier, de l'époque de la Renaissance, sont celles de la sainte-chapelle du château de Vincennes, attribuées à Jean Cousin. Il existe aussi quelques peintures murales du Jugement dernier en France; nous mentionnerons particulièrement celles de la cathédrale d'Alby, qui datent de la fin du XVe siècle.

81
   De ornatu mundi, poëme de Hildebert.


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82
   Capitularia, éd. de Baluze, t. I, ch. CCCXXXVII.


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83
   Ch. CCCXLI et CCCXLII.


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84
   Composé, vers 1393, par un bourgeois parisien. Publ. par la Société des bibliophiles français. T. II, p. 43 et suiv.


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85
   Des plus excellens bastimens de France.


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86
   Face des contre-forts du transsept exposée au vent de pluie.


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87
   Hymne de saint Hippolyte.


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88
   L. I, Mirac., ch. XLIV.


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89
   Dissertations ecclés. sur les jubés des églises. Paris, 1688.


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90
   Chap. III.


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91
   Il est probable que cette séparation n'était pas telle qu'il fallût descendre de l'ambon de droite pour monter dans celui de gauche, puisque l'ensemble formait trois arcades, à moins toutefois d'admettre que l'arcade du milieu n'était qu'un arc portant le crucifix.


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92
   Cette disposition, dont nous retrouvions des traces très-visibles en élévation, est confirmée par des fouilles récentes que MM. Lance, architecte diocésain, et Lefort, inspecteur, ont bien voulu faire exécuter sous nos yeux.


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93
   Tous ces jubés ont été détruits.


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