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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8 - (Q suite - R - S)

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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8 - (Q suite - R - S)
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Q

QUAI, s. m. (quay). Mur de soutènement élevé pour maintenir les berges d'une rivière ou d'un port, pour encaisser les cours d'eau, éviter les inondations ou les empiétements.

Les ports antiques étaient munis de beaux quais, et, dans toutes les villes romaines élevées sur le bord des fleuves, des quais réglaient leur cours. Nos villes du moyen âge laissent voir souvent encore des traces de quais, bien bâtis, en gros quartiers de pierre.

Les anciennes murailles romaines de la Cité de Paris servirent longtemps de quais, et l'on en retrouvé la trace sur beaucoup de points; mais on n'éleva qu'assez tard des quais sur les rives de droite et de gauche de la Seine et lorsque la ville s'était déjà fort étendue au nord et au sud.

«Anciennement, dit le P. du Breuil 1, le long du petit bras de la Seine, qui passe par dessous le pont Saint-Michel, et s'estend jusques à la porte de Nesle 2, il n'y avoit point de muraille du costé des Augustins: ains seulement une saulsaye, à l'ombre de laquelle les habitants de Paris souloient promener et rafraîchir en esté. Mais pource qu'en hyver le débordement des eaux venoit jusques dans les maisons de la dicte rue. Le roy Philippe quatrième, dit le Bel, commanda aux prevost et eschevins de Paris de faire (ou plustot continuer le quay ja commencé) de grosses murailles en toute diligence avant l'hyver, par ses lettres patentes données in regali abbatia beatæe Mariæ, juxta Pontisaram (qui est Maubuisson), le 9 de juin 1312...»

Les murs de ce quai existaient encore en partie avant les travaux de canalisation du petit bras de la Seine. Ils étaient faits en belles assises réglées de roche de la plaine.

Sous François Ier et Henri II, on construisit à Paris des quais sur les deux rives de la Seine, depuis la vallée de Misère jusqu'à la porte Neuve en aval du Louvre 3, et depuis la porte Saint-Bernard jusqu'au bas de Saint-Victor 4.

La construction de ces quais ne différait pas de celle adoptée de nos jours; elle consistait en un mur très-épais en blocage revêtu extérieurement d'un parement de pierre de taille; quelquefois, si ces murs de soutènement avaient beaucoup de relief, on leur donnait de la résistance et de l'assiette par des contre-forts intérieurs noyés dans les remblais. La place étant rare, dans la plupart des villes du moyen âge, on cherchait à gagner sur la rivière au moyen d'encorbellements, sans rétrécir le chenal.


Mais ce mode de construction, dont nous donnons un exemple (fig. 1), avait l'inconvénient de présenter une suite d'obstacles au cours de l'eau dans les fortes crues, et on ne l'employa guère que si les murs de quais avaient un très-grand relief au-dessus de l'étiage. On préféra, dans certaines circonstances, laisser un chenal voûté sous le quai, en posant le mur extérieur sur des piles isolées réunies par des arcs. Quelques portions de quais avaient ainsi été construites à Paris, notamment le long de la Cité, côté nord. La ville de Lyon possédait d'assez belles parties de quais sur la rive droite de la Saône dès le XVe siècle, qui avaient été élevées pour garantir cette rive basse, le long des coteaux de Fourvières; contre les inondations de la rivière. Toutefois ces travaux, dans les grandes villes du moyen âge, manquaient d'ensemble; ils étaient fractionnés, laissaient des lacunes, des berges abandonnées. Il fallait, ou la puissance romaine, ou notre centralisation administrative moderne, avec ses moyens d'expropriation, pour pouvoir ordonner et mener à fin tout un système de quais le long des rives d'un fleuve traversant une ville populeuse. Ce n'est que de nos jours, en effet, qu'on a pu établir des lignes de quais continues dans des villes comme Paris, Lyon, Bordeaux, Nantes, Rouen, etc., et notre génération a vu encore, dans la plupart de ces grandes cités, les maisons, sur bien des points, baignées par les cours d'eau.



QUATREFEUILLE, s. m. Dans le langage des archéologues, c'est le nom que l'on donne à un membre d'architecture composé de quatre lobes circulaires. La figure 1 donne en A un quatrefeuille parfait, c'est-à-dire composé de quatre demi-cercles, dont les diamètres sont les quatre côtés d'un carré. Les quatrefeuilles sont parfois tracés de telle façon que les cercles ne se rencontrent pas, comme on le voit en a. Nous signalons aussi des ouvertures en quatrefeuille disposées comme le tracé B: sur les flancs des tours de la cathédrale de Paris, par exemple, et principalement dans des constructions du commencement du XIIIe siècle. On dit aussi quintefeuille pour désigner un membre composé de cinq lobes (voy. en C). Pendant le XIVe siècle, le quintefeuille est quelquefois tracé suivant la figure D, c'est-à-dire au moyen d'arcs brisés; toutefois cette forme est rarement adoptée. Ces figures géométriques remplissent habituellement (sauf celle B) les oeils supérieurs des fenêtres à meneaux; c'est un moyen de diminuer l'espace à vitrer et de maintenir les panneaux de verre. Les quatrefeuilles et quintefeuilles forment aussi des ornements sur des nus, et alors sont aveugles; les extrémités de redents sont fréquemment ornées de bouquets feuillus (voy. FENÊTRE, MENEAU, REDENT).

R

RECLUSOIR, s. m. Il était d'usage de pratiquer, auprès de certaines églises du moyen âge, de petites cellules dans lesquelles s'enfermaient des femmes renonçant pour jamais au monde. Ces reclusoirs avaient le plus souvent une petite ouverture grillée s'ouvrant sur l'intérieur de l'église. Le P. du Breuil 5 raconte qu'une certaine Alix la Bourgotte s'était fait enfermer ainsi dans un petit logis proche du grand portail de l'église des Innocents: «Et pour remarque, ajoute-t-il, se voit encore un treillis en une petite fenêtre qui a veuë dans l'église, par où elle entendoit la messe.» Un tombeau de bronze avait été élevé à cette recluse en la chapelle Notre-Dame, en 1466. Toutes les recluses n'étaient pas volontaires. «Renée de Vendomois ayant fait tuer son mari», dit l'abbé Lebeuf en parlant du reclusoir des saints Innocents «le roi, en considération du duc d'Orléans, lui fit grâce en 1485; et le parlement, entre autres punitions, la condamna à demeurer perpétuellement recluse et murée au cimetière des Innocents, en une petite maison qui lui devoit être faite... J'avois pensé, ajoute Lebeuf, que la turricule octogone et isolée que l'on voit dans ce cimetière auroit pu être la prison qu'on lui donna.» Mais l'édicule dont parle Lebeuf était bien plutôt une lanterne des morts, comme il était d'usage d'en élever dans presque tous les cimetières du moyen âge.

Le même auteur rapporte qu'en l'église Saint-Médard «avoit été fait, comme en plusieurs autres de Paris, au XIVe et XVe siècle un reclusoir, c'est-à-dire une cellule où vivoit une femme recluse pour le reste de ses jours.»

Il n'y avait jamais, dans chaque église, qu'une seule recluse à la fois, celles qui prétendaient lui succéder attendaient qu'elle fût morte. Cet usage était fort ancien, puisque dans l'ancienne abbaye de Saint-Victor, et avant sa reconstruction par Louis le Gros, une certaine Basilla, recluse, avait été ensevelie dans le reclusoir où elle avait passé sa vie 6.

 

On voit encore dans l'église du Mas-d'Azil (Ariége), proche du choeur et dans l'épaisseur du mur, une petite cellule dans laquelle il était d'usage d'enfermer un fou. Cette cellule très-exiguë ne prenait de jour et d'air que de l'intérieur de l'église. Il y avait bien là tout ce qu'il fallait pour rendre fou un homme sensé; nous n'avons pu savoir si c'était dans l'espoir de guérir ces malheureux qu'on les chartrait ainsi. Charles V fit élever un bel oratoire de boiseries à Saint-Merry, sa paroisse, pour une certaine Guillemette, qui passait pour sainte et se tenait constamment dans ce lieu, où on la pouvait voir en extase. Toute la cour avait grande foi en sa sainteté et se recommandait à ses prières.

REDENT, s. m. C'est ainsi qu'on nomme les découpures de pierre en forme de dents qui garnissent l'intérieur des compartiments des meneaux de fenêtres ou des intrados d'arcs, ou des gâbles de pignons (voy. FENÊTRE, MENEAU).



La figure 1 donne un redent. Quelquefois ces redents sont terminés par un ornement feuillu, comme aux fenêtres de la sainte Chapelle du palais à Paris.



Les redents sont simples ou redentés. La figure 1 présente un redent simple; la figure 2, des redents redentés de deux sortes. Le premier, A, est le plus ancien et apparaît déjà au commencement du XIIIe siècle; le second, B, ne se rencontre guère qu'à dater de 1240. Dans le premier de ces exemples, le double redent ne se compose que du même membre de profil. Dans le second, il y a deux membres de profils, l'un pour le redent principal, l'autre pour le redent secondaire. Quelques fenêtres hautes du transsept de la cathédrale d'Amiens montrent, dans les grands oeils de leurs meneaux, des redents composés comme celui A. L'architecture de Normandie de la fin du XIIIe siècle et du XIVe possède souvent des redents composés comme celui qui est figuré en B. Il est facile de reconnaître que ces portions des châssis de pierre sont combinées pour diminuer les dimensions des panneaux des vitraux. Les redents d'oeils les plus anciens sont enchâssés dans la moulure circulaire (voy. la section a). Plus tard ils font partie de l'appareil même des meneaux (voy. la section b). Les petits arcs brisés qui couronnent les méneaux verticaux des fenêtres, à dater de 1230, sont souvent armés de redents (voy. le tracé D, en d). C'est aux fenêtres de la sainte Chapelle du palais à Paris que l'on rencontre, peut-être pour la première fois, ces derniers redents, qui ont pour résultat de donner de la solidité et du nerf aux branches d'arcs e (voy. MENEAU).

Des redents sont posés aussi comme simple décoration, à dater du commencement du XIIIe siècle, soit à l'intrados d'arcs de porches ou de portes, soit sur des rampants de pignons ou sur des gâbles. C'est ainsi qu'on voit de très-beaux et grands redents border intérieurement l'archivolte d'entrée des trois avancées du portail de la cathédrale d'Amiens. Ces redents sont terminés par des bouquets de feuillage d'un bon style et bien composés, dont nous donnons (fig. 3) un échantillon.



En A, est tracé l'ensemble de cette découpure de pierre, maintenue à l'intrados de l'archivolte, d'abord par les coupes f et par des T de cuivre coulés en plomb. En B, est donnée la section des redents sur les branches courbes en ab et sur les intervalles en ac. Ces redents datent de 1240 environ.

Au lieu d'être fermée par des linteaux, la porte centrale du portail de la cathédrale de Bourges est terminée par deux arcs plein cintre ornés de redents richement sculptés qui se découpent sur le vide de la baie. La figure 4 est un de ces redents tenant au claveau de l'arc de structure et le renforçant. Cette décoration appartient aux constructions de la cathédrale de Bourges élevées entre 1240 et 1250.



Les articles GÂBLE, PIGNON, montrent l'application des redents aux rampants qui se détachent, soit sur des nus, soit sur le ciel. Il est utile d'observer, à ce sujet, combien ces détails sont généralement bien mis à l'échelle de l'architecture qu'ils couronnent, et comme, lorsqu'ils sont destinés à se découper sur le ciel, ils prennent juste la valeur relative qu'ils doivent avoir. Nous citerons, parmi les redents les plus heureusement mis en proportion, ceux qui couronnent le pignon du transsept nord de la cathédrale de Paris, redents dont des morceaux entiers ont été retrouvés sous les combles, et qui ont été replacés depuis peu (voy. SCULPTURE).

RÉDUIT, s. m. Dernier refuge d'une forteresse. Les villes fortifiées du moyen âge avaient leur réduit, qui était le château; le château avait son réduit, qui était le donjon. Le donjon avait même parfois son réduit, dernière défense permettant d'obtenir une capitulation, ou de prendre le temps d'évacuer la place par des souterrains ou des poternes masquées. La défense des places et des postes était si bien divisée pendant le moyen âge, qu'elle pouvait se prolonger pour chaque poste, pour chaque tour. Elle était à outrance au besoin; de telle sorte qu'une poignée d'hommes déterminés tenait en échec, à l'occasion, un corps d'armée. C'est ainsi que nous voyons de puissants seigneurs, à la tête de troupes nombreuses, obligés d'assiéger pendant des mois une petite garnison d'une centaine d'hommes. On prenait un ouvrage, il fallait recommencer. On prenait une partie d'un donjon, il fallait prendre l'autre. On s'emparait d'une porte; la tour voisine, réduit de cette défense, tenait encore.

La ténacité est certainement, dans l'art de la guerre et surtout dans la guerre de siéges, une qualité supérieure. La féodalité nous a été une dure école pour acquérir cette qualité. Nous la possédions, et nous avons montré que nous la possédons encore, à la guerre du moins. Soyons donc plus équitables lorsqu'il s'agit de porter un jugement sur cette vieille institution contre laquelle il n'est pas besoin de tant invectiver, puisqu'elle est bien morte et que nous avons recueilli le meilleur et le plus pur de son héritage. Qui oserait dire que dans les veines de ces petits fantassins abandonnés dans un blockaus ou dans quelque village, pivot d'une grande manoeuvre, et qui brûlent jusqu'à leur dernière cartouche, sans espoir d'être secourus, il n'y a pas un peu de ce sang traditionnel des vieilles garnisons féodales, défendant pied à pied chaque tour, chaque étage d'une tour, s'ingéniant à accumuler les obstacles et à retarder la chute d'un poste, ne fût-ce que d'une heure! Nous avons décrit ailleurs les défenses générales ou particulières des places et châteaux; il n'y a pas lieu d'y revenir ici à propos des réduits, qui ne sont qu'un point relatif de ces défenses, aussi nos lecteurs voudront-ils recourir aux articles: ARCHITECTURE MILITAIRE, CHÂTEAU, DONJON, SIÉGE, TOUR.

RÉFECTOIRE, s. m. (refretouer). Salle destinée à la réfection des membres d'une communauté. Les maisons conventuelles possédaient leur réfectoire; les religieux réguliers prenaient leurs repas en commun dans une salle spacieuse, bien aérée et donnant sur le cloître (VOY. ARCHITECTURE MONASTIQUE). Habituellement l'église longeait l'un des portiques du cloître, le réfectoire était accolé au portique opposé.

Un des plus anciens documents qui nous restent sur les réfectoires des maisons religieuses du moyen âge est certainement le plan manuscrit de l'abbaye de Saint-Gall, adressé à un abbé. Ce plan, que Mabillon attribue à l'abbé Eginhard, est certainement de l'époque carlovingienne (820 environ) 7. Il indique le long du cloître, à l'opposite de l'église, le réfectoire.



Nous donnons (fig. 1) le fac-simile de cette portion du plan manuscrit. En A, est le portique qui longe le réfectoire G; en B, le portique qui longe le chauffoir des moines; en C, celui qui s'ouvre sur les cellules, et en D, celui qui est planté latéralement à l'église. Ce plan est intéressant en ce qu'il indique la place réservée à chaque portion des membres de la communauté. En a, est marquée la communication détournée du réfectoire avec la cuisine F; en d, les tables des moines, avec leurs bancs adossés aux murs; en c, la chaire du lecteur; en b, le buffet contenant la vaisselle; en e, la table de l'abbé et des dignitaires; en f, la table des hôtes. Le couloir H communique avec le bâtiment réservé aux provisions.

Ces dispositions générales se retrouvent dans toutes les grandes abbayes. Le réfectoire est toujours en communication directe avec la cuisine. Il affecte la forme barlongue, est habituellement voûté, à dater de la fin du XIIe siècle, soit d'une seule volée par travées, soit sur une épine de colonnes. Une chaire est réservée au lecteur sur l'un des grands côtés du parallélogramme. À proximité du réfectoire, et même parfois sur l'un de ses côtés, se trouve placé le lavabo 8 pour les ablutions des moines. Lorsque le lavabo n'est point disposé dans un édicule séparé, il consiste en une cuve barlongue placée le long des murs du cloître ou dans le réfectoire même. Un enfoncement ménagé dans la maçonnerie la reçoit. On voit encore des niches de lavabo à l'abbaye de la Luzerne, près Avranches, et à l'abbaye de Beaufort (Normandie). Un des plus beaux réfectoires d'abbayes est celui qui fut construit au commencement du XIIIe siècle, dans le prieuré clunisien de Saint-Martin des Champs, à Paris. Cette salle, dont la composition est attribuée à tort à Pierre de Montereau, puisque, lorsqu'elle fut élevée, ce maître des oeuvres devait être encore enfant, se compose de deux rangs de voûtes posant sur des colonnes très-délicates de pierre de liais. De belles fenêtres à rosaces l'éclairent latéralement et par les bouts. Celles-ci sont percées dans des pignons. La porte de ce réfectoire, d'un style admirable, donnait sur le cloître, en face du lavabo, placé dans un des angles de ce cloître. Une chaire de lecteur s'ouvre sur l'un des côtés (voy. CHAIRE, fig. 3) 9. L'abbaye de Sainte-Geneviève (aujourd'hui lycée Napoléon) conserve encore son ancien réfectoire du XIIIe siècle: c'est une grande salle voûtée en arcs ogives sans épine de colonnes.

Le réfectoire de l'abbaye Saint-Germain des Prés, à Paris, était une des oeuvres remarquables de Pierre de Montereau. Bâti vers 1240, par l'abbé Simon, ce réfectoire avait cent quinze pieds de long sur trente-deux de largeur (40 mètres sur 10). Il n'avait pas d'épine de colonnes au milieu, et la clef des voûtes s'élevait à près de 16 mètres au-dessus du sol. Seize fenêtres décorées de vitraux l'éclairaient, huit de chaque côté. Sa construction, au dire de D. Bouillart, était d'une apparence très-déliée. La chaire du lecteur, très-ouvragée et soutenue sur un cul-de-lampe de pierre dure, se composait de deux assises décorées d'un cep de vigne ajouré 10. Le réfectoire de l'abbaye royale de Poissy, bâti par Philippe le Bel, était plus vaste encore; il avait dans oeuvre 47 mètres de longueur sur 12 de largeur, et les clefs de voûtes étaient posées à 20 mètres au-dessus du sol. C'était une admirable construction du XIVe siècle, qui subsista jusque sous le premier empire. Ce réfectoire n'avait pas d'épines de colonnes.

 

Contrairement à l'usage, le réfectoire de l'abbaye royale de Poissy était planté perpendiculairement à l'église, à l'extrémité sud du transsept, donnant d'ailleurs sur un des côtés du cloître.

Sauf quelques détails, tels que les lavabo et les chaires de lecteurs, les réfectoires rentrent dans les programmes ordinaires des salles. Nous ne croyons pas devoir en donner ici des figures, qui trouvent leur place dans l'article spécialement destiné aux salles. C'est donc à cet article que nous renvoyons nos lecteurs.

Les réfectoires des communautés du moyen âge n'ont plus d'analogues dans nos édifices, tels que lycées, séminaires. Il faut passer la Manche, et aller en Angleterre pour trouver encore dans les vieilles universités de Cambridge et d'Oxford les dispositions vastes, saines, bien entendues, qui rappellent celles de nos anciens réfectoires d'établissements français. Encore les réfectoires des communautés d'Angleterre sont-ils couverts par des charpentes lambrissées et bien rarement voûtés en maçonnerie. Les réfectoires de nos grands établissements français sont aujourd'hui des salles mal aérées, basses sous plafond, surmontées d'étages, tristes, s'imprégnant d'une odeur nauséabonde, et font regretter les dispositions si larges et bien étendues du moyen âge. En cela, nous aurions quelque chose à leur prendre.

Les châteaux n'avaient pas, à proprement parler, de réfectoires. Si l'on réunissait un grand nombre de convives, la grand'salle était transformée en réfectoire, mais cela n'avait lieu qu'à l'occasion de certaines solennités. Les garnisons, divisées par postes, prenaient leurs repas séparément dans chacun de ces postes, et le seigneur se faisait servir avec sa famille dans le donjon ou dans ses appartements. (Voy. SALLE.)

REMPART, s. m.--Voy. ARCHITECTURE MILITAIRE, CHÂTEAU, COURTINE, CRÉNEAU, HOURD, MÂCHICOULIS, SIÉGE.

REPOSOIR, s. m. Il ne s'agit point ici de ces ouvrages provisoires en tentures, que l'on élève pour permettre aux processions de la Fête-Dieu de stationner pendant quelques instants, mais de petits édifices que l'on élevait sur le bord des grandes routes pour offrir un abri aux voyageurs, un asile et un lieu de prière. On rencontre encore beaucoup de ces édicules le long des voies publiques en Italie, mais ils sont devenus très-rares en France. On a pensé qu'ils étaient avantageusement remplacés par les brigadiers de gendarmerie, ce qui est certain. Mais il n'était pas nécessaire pour cela de les détruire.

Quelques-uns de ces monuments ont été convertis en chapelles, et les contrées du centre de la France en conservent encore sous ce titre. Ce ne sont plus toutefois des refuges ouverts pendant la tempête, mais des sacraires où, à certaines occasions, le prêtre le plus voisin vient dire une messe. Nous ne connaissons qu'un seul de ces édicules ayant la double destination de refuge et de lieu de prière, conservé dans le nord de la France. Il est situé près de Fismes, sur le bord de l'ancienne voie romaine allant de Reims à Soissons. Encore le couronnement de ce petit monument a-t-il été refait à la fin du XVIe siècle. Il fut bâti par Enguerrand de Courcelles, en 1265. Nous en donnons le plan (fig. 1).



Un autel remplit le fond de la cellule. Une piscine est ménagée dans le mur de droite. Une voûte en arc d'ogives ferme cette cellule, et le mur du devant est percé d'une porte et de deux claires-voies. Nous traçons en A le détail du jambage de la porte avec une des claires-voies. La porte n'était fermée qu'au loquet, afin d'empêcher les bestiaux d'entrer dans la cellule. Les claires-voies n'étaient pas vitrées, mais munies de barres de fer verticales, comme l'indique le détail A.




La figure 2 donne la coupe de ce reposoir, et la figure 3, son élévation perspective, avec le couronnement restauré 11. Six grands arbres séculaires et probablement replantés à la même place, forment un ombrage sur le monument, lequel était couvert, semblerait-il, par des dalles, afin d'offrir un abri plus sûr et d'éviter des réparations.

Les deux niches latérales, refaites au XVIe siècle, sont veuves de leurs statues, et le crucifix que nous avons replacé sous le pignon n'existe plus. Mais au-dessus du linteau de cette porte on voit encore la petite niche carrée qui était destinée à contenir un falot. Un mur de soutènement, avec deux degrés, borde la voie publique, et laisse une terrasse en avant de l'édicule.

RESTAURATION, s. f. Le mot et la chose sont modernes. Restaurer un édifice, ce n'est pas l'entretenir, le réparer ou le refaire, c'est le rétablir dans un état complet qui peut n'avoir jamais existé à un moment donné. Ce n'est qu'à dater du second quart de notre siècle qu'on a prétendu restaurer des édifices d'un autre âge, et nous ne sachions pas qu'on ait défini nettement la restauration architectonique. Peut-être est-il opportun de se rendre un compte exact de ce qu'on entend ou de ce qu'on doit entendre par une restauration, car il semble que des équivoques nombreuses se sont glissées sur le sens que l'on attache ou que l'on doit attacher à cette opération.

Nous avons dit que le mot et la chose sont modernes, et en effet aucune civilisation, aucun peuple, dans les temps écoulés, n'a entendu faire des restaurations comme nous les comprenons aujourd'hui.

En Asie, autrefois comme aujourd'hui, lorsqu'un temple ou un palais subissait les dégradations du temps, on en élevait ou l'on en élève un autre à côté. On ne détruit pas pour cela l'ancien édifice; on l'abandonne à l'action des siècles, qui s'en emparent comme d'une chose qui leur appartient, pour la ronger peu à peu. Les Romains restituaient, mais ne restauraient pas, et la preuve, c'est que le latin n'a pas de mot qui corresponde à notre mot restauration, suivant la signification qu'on lui donne aujourd'hui. Instaurare, reficere, renovare, ne veulent pas dire restaurer, mais rétablir, refaire à neuf. Lorsque l'empereur Adrien prétendit remettre en bon état quantité de monuments de l'ancienne Grèce ou de l'Asie Mineure, il procéda de telle façon qu'il soulèverait contre lui aujourd'hui toutes les sociétés archéologiques de l'Europe, bien qu'il eût des prétentions aux connaissances de l'antiquaire. On ne peut considérer le rétablissement du temple du Soleil, à Baalbek, comme une restauration, mais comme une reconstruction, suivant le mode admis au moment où cette reconstruction avait lieu. Les Ptolémées eux-mêmes, qui se piquaient d'archaïsme, ne respectaient pas absolument les formes des monuments des vieilles dynasties de l'Égypte, mais les restituaient suivant la mode de leur temps. Quant aux Grecs, loin de restaurer, c'est-à-dire de reproduire exactement les formes des édifices qui avaient subi des dégradations, ils croyaient évidemment bien faire en donnant le cachet du moment à ces travaux devenus nécessaires. Élever un arc de triomphe comme celui de Constantin, à Rome, avec les fragments arrachés à l'arc de Trajan, ce n'est ni une restauration, ni une reconstruction; c'est un acte de vandalisme, une pillerie de barbares. Couvrir de stucs l'architecture du temple de la Fortune virile, à Rome, ce n'est pas non plus ce qu'on peut considérer comme une restauration; c'est une mutilation.

Le moyen âge n'eut pas plus que l'antiquité le sentiment de la restauration; loin de là. Fallait-il dans un édifice du XIIe siècle remplacer un chapiteau brisé, c'était un chapiteau du XIIIe, du XIVe ou du XVe siècle que l'on posait à sa place. Sur une longue frise de crochets du XIIIe siècle, un morceau, un seul, venait-il à manquer, c'était un ornement dans le goût du moment qu'on incrustait. Aussi est-il arrivé bien des fois, avant que l'étude attentive des styles fût poussée à ses dernières limites, qu'on était entraîné à considérer ces modifications comme des étrangetés, et qu'on donnait une date fausse à des fragments que l'on eût dû considérer comme des interpolations dans un texte.

On pourrait dire qu'il y a autant de danger à restaurer en reproduisant en fac-simile tout ce que l'on trouve dans un édifice, qu'en ayant la prétention de substituer à des formes postérieures celles qui devaient exister primitivement. Dans le premier cas, la bonne foi, la sincérité de l'artiste peuvent produire les plus graves erreurs, en consacrant, pour ainsi dire, une interpolation; dans le second, la substitution d'une forme première à une forme existante, reconnue postérieure, fait également disparaître les traces d'une réparation dont la cause connue aurait peut-être permis de constater la présence d'une disposition exceptionnelle. Nous expliquerons ceci tout à l'heure.

Notre temps, et notre temps seulement depuis le commencement des siècles historiques, a pris en face du passé une attitude inusitée. Il a voulu l'analyser, le comparer, le classer et former sa véritable histoire, en suivant pas à pas la marche, les progrès, les transformations de l'humanité. Un fait aussi étrange ne peut être, comme le supposent quelques esprits superficiels, une mode, un caprice, une infirmité, car le phénomène est complexe. Cuvier, par ses travaux sur l'anatomie comparée, par ses recherches géologiques, dévoile tout à coup aux yeux des contemporains l'histoire du monde avant le règne de l'homme. Les imaginations le suivent avec ardeur dans cette nouvelle voie. Des philologues, après lui, découvrent les origines des langues européennes, toutes sorties d'une même source. Les ethnologues poussent leurs travaux vers l'étude des races et de leurs aptitudes. Puis enfin viennent les archéologues, qui, depuis l'Inde jusqu'à l'Égypte et l'Europe, comparent, discutent, séparent les productions d'art, démasquent leurs origines, leurs filiations, et arrivent peu à peu, par la méthode analytique, à les coordonner suivant certaines lois. Voir là une fantaisie, une mode, un état de malaise moral, c'est juger un fait d'une portée considérable un peu légèrement. Autant vaudrait prétendre que les faits dévoilés par la science, depuis Newton, sont le résultat d'un caprice de l'esprit humain. Si le fait est considérable dans son ensemble, comment pourrait-il être sans importance dans ses détails? Tous ces travaux s'enchaînent et se prêtent un concours mutuel. Si l'Européen en est arrivé à cette phase de l'esprit humain, que tout en marchant à pas redoublés vers les destinées à venir, et peut-être parce qu'il marche vite, il sente le besoin de recueillir tout son passé, comme on recueille une nombreuse bibliothèque pour préparer des labeurs futurs, est-il raisonnable de l'accuser de se laisser entraîner par un caprice, une fantaisie éphémère? Et alors les retardataires, les aveugles, ne sont-ils pas ceux-là même qui dédaignent ces études, en prétendant les considérer comme un fatras inutile? Dissiper des préjugés, exhumer des vérités oubliées, n'est-ce pas, au contraire, un des moyens les plus actifs de développer le progrès?

Notre temps n'aurait-il à transmettre aux siècles futurs que cette méthode nouvelle d'étudier les choses du passé, soit dans l'ordre matériel, soit dans l'ordre moral, qu'il aurait bien mérité de la postérité. Mais nous le savons de reste; notre temps ne se contente pas de jeter un regard scrutateur derrière lui: ce travail rétrospectif ne fait que développer les problèmes posés dans l'avenir et faciliter leur solution. C'est la synthèse qui suit l'analyse.

11 Le Théâtre des antiquités de Paris, édit. de 1612, p. 772.
22 Le quai Conti.
33 Corrozet, Antiquités de Paris, p. 160.
44 Du Breuil, p. 771.
55 Théâtre des antiq. de Paris, édit. de 1612, p. 837.--Hist. du dioc. de Paris, l'abbé Lebeuf, t. I, p. 80.
66 Hist. du dioc. de Paris, l'abbé Lebeuf, t II, p. 542.
77 Archives de l'abbaye de Saint-Gall.--Voyez l'ensemble de ce plan, ARCHITECTURE MONASTIQUE (fig. 1), et l'Architecture monastique par M. Albert Lenoir.
88 Voy. LAVABO.--Voyez l'article LAVOIR, Dictionnaire du mobilier français.
99 La monographie complète du réfectoire de Saint-Martin des Champs est gravée dans la Statistique monumentale de Paris, sur les dessins de feu Lassus. Ce réfectoire sert aujourd'hui de bibliothèque au Conservatoire des arts et métiers.
1010 Voyez l'Hist. de Saint-Germain des Prés, par D. Bouillart, p. 123.
1111 M. Leblan, architecte, a bien voulu relever pour nous ce curieux reposoir.