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Loe raamatut: «Comment on construit une maison», lehekülg 2

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CHAPITRE II
AVEC UN PEU D’AIDE L’IDÉE DE M. PAUL SE DÉVELOPPE

En effet, de grand matin, Paul entrait dans la chambre de son cousin. Tout était préparé: planchette, T, équerres, compas et crayons.

«…Mettez-vous là, petit cousin, vous allez traduire sur le papier le résultat de nos méditations, puisque vous savez si bien vous servir de nos outils. Procédons méthodiquement. D’abord, vous connaissez sans doute le terrain sur lequel votre père entend faire bâtir la maison de campagne de madame votre sœur?

–Oui, c’est là-bas, au delà du bois, à trois kilomètres d’ici, ce petit vallon au fond duquel coule le ru qui fait tourner le moulin de Michaud.

–Montrez-moi un peu cela sur la carte du domaine… la voici.

–Vous voyez, mon cousin, c’est là. Sur le plateau, du côté sud, sont les terres labourées, puis le terrain descend un peu au nord vers le ru. Il y a ici une belle source d’eau vive qui sort du bois situé à l’ouest. Sur la pente du plateau et le fond du vallon sont des prairies avec quelques arbres.

–De quel côté est la vue la plus agréable?

–Vers le fond du vallon, au sud-est.

–Comment d’ici arrive-t-on à cette prairie?

–En traversant le bois; puis, on descend au fond du vallon par ce chemin; on traverse un pont qui est ici, puis on monte par le plateau obliquement par cette voie.

–Bien; donc il faut placer la maison presque au sommet de la pente faisant face au nord, en l’abritant des vents du nord-ouest sous le bois voisin. L’entrée devra faire face à la route qui monte; mais il faut que nous disposions les pièces principales de l’habitation du côté de l’exposition la plus favorable qui est celle du sud-est; de plus, nous devons profiter de la vue ouverte de ce même côté, et ne pas négliger la source d’eau vive qui descend sur la droite vers le fond du vallon; nous allons donc nous en approcher et planter la maison sur ce repos que la nature a disposé si favorablement pour nous, à quelques mètres en contre-bas du plateau. Nous serons ainsi passablement abrités des vents du sud-ouest et nous n’aurons pas devant la maison la plaine, assez triste, qui s’étend à perte de vue. Ceci arrêté, voyons le programme… Aucune dimension de pièce n’est indiquée; c’est donc à nous d’y songer. D’après ce que votre père m’a dit, il entend que cette maison doit être une demeure permanente, c’est-à-dire habitable l’été comme l’hiver, et contenir, par conséquent, tout ce qui convient à un grand propriétaire terrien. Il compte affecter à sa construction une somme de deux cent mille francs environ; c’est donc une affaire qui demande une étude sérieuse, d’autant que madame votre sœur et son mari tiennent au confort. J’ai été reçu chez eux, à Paris, et j’ai trouvé une maison admirablement tenue, mais où rien n’est donné à la vanité, au paraître. Nous pouvons donc partir de ces données.—Commençons par le plan du rez-de-chaussée… La pièce principale est le salon, le lieu de réunion de la famille. Nous ne pouvons lui donner moins de cinq mètres de largeur sur sept à huit mètres de longueur… Tracez d’abord le parallélogramme sur ces dimensions… Ah! mais non! pas comme cela, à vue de nez… Prenez une échelle1

Sur ce mot, le petit cousin regarda son maître d’un air interrogateur.

«J’oubliais! vous ne savez peut-être pas bien ce que l’on entend par échelle? Je vois en effet que votre plan ne paraît pas en avoir tenu compte. Écoutez-moi donc: quand on veut bâtir une maison, un édifice quelconque, on donne à l’architecte un programme, c’est-à-dire une liste complète de toutes les pièces et des services qui sont nécessaires. On ne se contente pas de cela, on dit: telle pièce aura tant de largeur sur tant de longueur, ou occupera une surface de… afin de pouvoir contenir tant de personnes. S’il s’agit, par exemple, d’une salle à manger, on dira qu’elle doit contenir 10, 15, 20, 25 personnes à table. S’il s’agit d’une chambre à coucher, on dira qu’elle doit, outre le lit, bien entendu, contenir tels meubles ou occuper une surface de 30 mètres, 36 mètres, etc. Or vous savez qu’une surface de 36 mètres est donnée par un carré de 6 mètres de côté ou par un parallélogramme de 7 mètres sur 5m,15 environ, ou de 9 mètres sur 4. Mais dans ce dernier cas cette pièce n’aurait plus les dimensions convenables à une chambre, mais bien celles d’une galerie. Donc, indépendamment de la surface nécessaire à une pièce, il faut qu’il y ait, entre sa largeur et sa longueur, certains rapports indiqués par la destination. Un salon, une chambre à coucher, peuvent être carrés; mais une salle à manger, du moment qu’elle est destinée à contenir plus de dix personnes à table, doit être plus longue que large, par la raison qu’une table augmente en longueur suivant le nombre des convives, mais non en largeur. Il faut donc mettre des rallonges à la salle comme on en met à la table. Comprenez-vous? Bien… Dès lors, l’architecte, pour dresser son plan, ne fût-il qu’une esquisse, adopte une échelle, c’est-à-dire qu’il divise, sur son papier, une ligne en parties égales, figurant chacune un mètre. Et, pour économiser le temps ou pour simplifier le travail, on prend, pour chacune de ces divisions, le deux-centième ou le centième ou le cinquantième d’un mètre. Dans le premier cas on dit: échelle de cinq millimètres ou d’un demi-centimètre pour mètre, ou échelle au deux-centième; dans le second, on dit: échelle de un centimètre pour mètre, ou échelle au centième; dans le troisième, on dit: échelle de deux centimètres pour mètre ou échelle au cinquantième. Ainsi vous dressez un plan deux cents, cent ou cinquante fois plus petit que ne sera l’exécution. Il n’est pas besoin d’ajouter qu’on peut faire des échelles dans des rapports proportionnels, à l’infini; d’un, de deux, de trois millimètres pour mètre comme pour 10 mètres, pour 100 mètres et 1 000 mètres, ce qui se fait lorsqu’il s’agit de dresser des cartes. De même qu’on donne des détails à l’échelle de 50 centimètres pour mètre ou à moitié de l’exécution; de 20 centimètres pour mètre ou au cinquième de l’exécution, etc. L’échelle adoptée, l’architecte donne ainsi à chaque partie du plan les dimensions relatives exactes. S’il a adopté l’échelle de un centimètre pour mètre et qu’il veuille indiquer une porte de 1m,30 de largeur, il prend 0m,013. Comprenez-vous bien cela? Je n’en suis pas certain; mais la pratique vous mettra au fait en quelques heures. Pour vous bien indiquer l’utilité de l’échelle, je prends votre plan. Votre salon est un parallélogramme. Je suppose qu’il ait 6 mètres sur 8, c’est à peu près la proportion relative des deux côtés. Un huitième du grand côté pris avec le compas est un mètre. Je reporte cette dimension sur votre façade et je trouve que votre rez-de-chaussée a 9 mètres de hauteur. Or, vous figurez-vous ce que ce serait, je ne dirai pas votre salon, mais votre vestibule qui n’a guère que 4 mètres de côtés avec une élévation2 de 9 mètres entre le pavé et le plafond? Ce serait un puits. Votre élévation n’est donc pas en rapport d’échelle avec votre plan. Prenez, pour le salon de votre sœur, vingt-huit millimètres sur cette règle graduée, ce qui donnera cinq mètres soixante centimètres à l’échelle de cinq millimètres pour mètre. Bien; voilà le petit côté du salon. Prenez maintenant quarante-un millimètres sur la même règle, ce qui donnera huit mètres vingt centimètres; ce sera le grand côté. Votre parallélogramme est tracé maintenant dans des dimensions relatives parfaitement exactes. Vous allez entourer cette pièce de murs3, car on ne peut guère donner aux planchers ordinaires une plus grande portée; il faut donc des murs pour recevoir les solives 4. Un mur en moellons dans lequel il faut faire passer des tuyaux de cheminée ne peut avoir moins d’un demi-mètre ou cinquante centimètres d’épaisseur. Votre salon se tiendra ainsi tout seul debout. Après le salon vient la salle à manger comme importance. Où allons-nous la placer? Il faut, surtout à la campagne, qu’on y entre directement du salon. Sera-ce à droite, sera-ce à gauche?… Vous n’en savez rien, ni moi non plus. Cependant le hasard ne peut trancher la question. Raisonnons donc un peu… Il est tout simple de mettre la cuisine à proximité de la salle à manger. Mais la cuisine est un service incommode. Quand on n’est pas à table, il ne faut ni sentir l’odeur des mets, ni entendre le bruit des personnes affectées à ce service. La cuisine doit donc être, d’une part, non loin de la salle à manger, d’autre part, assez éloignée de l’habitation pour qu’on n’ait point à en soupçonner l’existence. De plus, il faut, à proximité de la cuisine, la cour de service, les communs, le poulailler, un petit potager, des laveries, etc. Il importe aussi que la cuisine ne soit pas placée à l’exposition du midi. N’oublions pas que madame votre sœur, qui s’entend à diriger une maison, a eu la précaution de dire dans le programme laconique qu’elle envoie: «Cuisine, pas sous-sol!» Elle a raison, les cuisines en sous-sol sont malsaines pour ceux qui s’y tiennent, difficilement surveillées et répandent leur odeur dans les rez-de-chaussée. Nous la placerons donc de plain-pied avec la salle à manger, mais sans communication directe avec celle-ci pour éviter l’odeur et le bruit. Examinons notre terrain, son orientation, ses vues. L’orientation la plus fâcheuse pour l’habitation et celle qui, dans le cas présent, offre la vue la moins agréable, est celle du nord-ouest. Nous planterons donc le salon ayant son angle extérieur vers le sud-est, et à la droite, nous placerons la salle à manger; à la suite, la cuisine qui sera ainsi vers le nord. Ne vous pressez pas de tracer ces services, car il faut savoir dans quels rapports ils devront se trouver soit avec le salon soit avec le vestibule. On nous demande une salle de billard. Elle sera bien, en pendant, vers le sud-est, avec la salle à manger. Il nous faut aussi le vestibule, un cabinet pour votre beau-frère à proximité de l’entrée. Si nous plantons la salle à manger et la salle de billard qui doivent avoir à peu près la dimension donnée au salon, juxtaposées dans la longueur avec celui-ci, ce salon ne sera éclairé que par un de ses petits côtés, car il nous faut en avant placer le vestibule. Or, ce salon sera triste et n’aura qu’une seule vue directe sur la campagne. Traçons donc la salle à manger et la salle de billard perpendiculairement au salon, en laissant déborder celui-ci du côté de la bonne orientation. Donnons à chacune de ces deux pièces sept mètres de longueur sur cinq mètres cinquante centimètres de largeur. Ce sont des dimensions convenables. Puis tracez en avant du salon un vestibule dont nous fixerons tout à l’heure la surface.

«Cherchons maintenant à donner aux murs de ces pièces la position exigée par la construction. Du salon, nous devons entrer dans la salle à manger et dans la salle de billard,—qui est aussi un lieu de réunion.—Il faut donc que l’ouverture du salon dans la salle de billard soit assez large pour que les personnes placées dans chacune de ces pièces soient réunies sans se gêner. Mais il faut aussi que de la salle de billard on puisse sortir dans le vestibule sans passer par le salon, et de même pour la salle à manger. Nous avons dit qu’il fallait des vues latérales au salon, qui a 8m,20c de longueur. Si nous prenons 2m,40c pour les vues latérales, plus 0m,50c pour l’épaisseur du mur de la salle de billard ou de la salle à manger, il restera 5m,30c jusqu’à la cloison d’entrée du salon; notre salle de billard comme la salle à manger ayant 5m,50c de largeur, ces pièces déborderont la cloison d’entrée du salon de 0m,20c. Cela ne fait rien… Traçons le second mur, toujours de 0m,50c d’épaisseur. Voilà les trois pièces principales plantées. Dans l’axe de la salle de billard, nous ferons une ouverture sur le salon, de 2m,60c. Sur le côté du mur séparatif de la salle à manger, nous ouvrirons une porte de 1m,30c sur la salle à manger, à 0m,20c de la cloison séparant le salon du vestibule. Ainsi entrerons-nous dans cette salle à manger, non dans l’axe, mais latéralement, ce qui est plus commode; car vous savez que, lorsqu’on se dirige vers la table ou qu’on sort de dîner, les messieurs offrent le bras aux dames. Il est donc bon qu’en sortant ou en entrant on n’ait pas un obstacle qui puisse entraver la marche de ces couples. La porte donnant du salon sur la salle à manger ne sera plus dans l’axe de l’ouverture donnant du salon dans la salle de billard; mais cela m’est égal. Cette porte sera en pendant avec la fenêtre s’ouvrant de ce côté sur le dehors, et au milieu nous placerons la cheminée. Du vestibule, nous ouvrirons une porte centrale sur le salon.

«En avant, le long du mur de la salle de billard, plaçons le cabinet de votre beau-frère avec une petite antichambre où il pourra faire attendre les personnes qui ont affaire à lui sans les laisser vaguer dans le vestibule. Cependant, du côté de la salle à manger, nous placerons l’office. Il faut que le cabinet de travail ait au moins 3m,90c de largeur. Nous ferons déborder un peu le vestibule pour former avant-corps.

«Il est une grosse question dans toute habitation: c’est l’escalier. L’escalier doit être proportionné à cette habitation; ni trop vaste, ni trop exigu. Il faut qu’il ne prenne pas une place inutile, qu’il donne un accès facile aux étages supérieurs et qu’il soit apparent. Si, dans votre vestibule, qui est très grand: 4m,90c sur 5m,50c, nous prenions une partie de notre escalier, celui-ci serait très apparent et nous gagnerions de la place. Il faut que l’emmarchement d’un escalier, pour une habitation de cette importance, ait au moins 1m,30c de largeur… Mais il faut aussi que du vestibule nous puissions communiquer directement à la salle à manger, à l’office et à tous les services placés du côté droit du plan. Réservons un couloir de 1m,30c et posons la première marche. La hauteur du rez-de-chaussée entre les deux sols doit être, en raison de la dimension des pièces, 4m,50c; ce qui donnera de vide 4m,20c, en réservant 0m,30c pour l’épaisseur du plancher du premier. Les marches d’un escalier facile doivent avoir environ 0m,15c de hauteur. Pour monter 4m,50c, il nous faut donc compter trente marches. Chaque marche doit avoir 0m,25c à 0m,30c de pas. Il faut donc que l’escalier nous fournisse un développement de 7m,50c pour des marches de 0m,25c de pas ou de 9m,00 pour des marches de 0m,30c, puisque nous comptons trente marches. Prenons une moyenne: soit 8m,25c. Il s’agit de trouver ce développement de 8m,25c au moins. Nous établirons donc un pavillon à l’angle du vestibule, assez saillant pour qu’en gironnant autour d’un noyau 5,—qui sera dans la prolongation du mur de droite du salon,—nous arrivions au premier étage en débouchant dans l’antichambre de ce premier étage… Je vous trace cet escalier sur lequel nous reviendrons. Les quinze premières marches viennent dans l’alignement du noyau et du mur, et nous permettent de placer, au-dessous de la dernière partie du giron6, les water-closets pour les maîtres à rez-de-chaussée.

«Sur le couloir à la suite, nous placerons l’office. Puis l’escalier de service en tour ronde; puis l’office de service, puis la cuisine en aile, un fournil et une laverie, une buanderie avec sortie pour la cuisine sur le potager. En retour, nous planterons une écurie pour trois chevaux, une remise pour deux voitures, une sellerie, et un petit escalier de service pour monter dans les logements du cocher, du palefrenier et dans le magasin à fourrages placés sous le comble. À côté de l’écurie, nous réserverons une descente directe à la cour et au garde-manger, puis des water-closets pour les gens.

«Nous allons séparer tous ces services de l’habitation par un mur d’appui avec treillage, au droit de l’escalier de service en tour ronde; ce qui nous donnera une cour pour la cuisine, l’écurie et les remises. En avant, nous allons réserver un espace pour la basse-cour, le poulailler, le trou à fumier…

«Maintenant que le plan de notre rez-de-chaussée est tracé, cherchons à l’améliorer dans ses détails.

«Il serait fort agréable d’avoir au bout du salon, sur le jardin, une loge fermée. Rien ne nous interdit d’en tracer une autre au bout de la salle de billard, avec un divan où les messieurs pourraient fumer, et une troisième au bout de la salle à manger, ce qui permettrait de recevoir les plats par un tour, de l’office de service, et de disposer les buffets et tables à découper.

«Nous utiliserons ces appendices au premier étage.

«Mais, du salon ou de la salle de billard, il faut pouvoir descendre directement dans le jardin. Je vous avoue que je ne suis pas très partisan de ces perrons, brûlants s’il fait soleil, et fort désagréables par le vent et la pluie; si donc, latéralement à la salle de billard, nous placions dans l’angle qu’elle forme avec le salon, une serre avec escalier intérieur, il me semble que ce serait là une assez bonne disposition? Ainsi, du salon ou de la salle de billard, on passerait dans cette serre où l’on pourrait prendre le café quand le temps est mauvais, et, à couvert, on descendrait dans le jardin. Quelques fleurs et arbustes placés le long de la partie vitrée donneraient de la gaîté à la salle de billard sans lui enlever du jour. Mais, en avant du vestibule, nous mettrons un vrai perron, que nous aurons le soin d’abriter; ce que la position de l’escalier nous permettra de faire en toute sécurité.

«Traçons tout cela, à peu près correctement; ce sera à revoir quand nous aurons étudié le premier étage dont les dispositions peuvent nous obliger à modifier quelques-unes de celles du rez-de-chaussée. (fig. 1)7.

Fig. 1.


Fig. 2.

Fig. 1—Plan du rez-de-chaussée.

Fig. 2—Plan du premier étage


«Comme les murs doivent monter de fond, vous allez poser, sur ce plan du rez-de-chaussée, un papier à calquer pour éviter une perte de temps. Vous aurez ainsi, sous les yeux et sous votre crayon, la construction sur laquelle il convient de s’établir, et nous verrons de suite s’il y a lieu de modifier quelques parties de ce plan inférieur.

«Voilà qui est fait. Traçons d’abord l’arrivée de l’escalier; la dernière des trente marches dont nous avons besoin s’aligne avec le mur de droite du vestibule; c’est la marche palière qui donnera dans l’antichambre placée au-dessus du vestibule. Au-dessus du salon, nous disposerons la chambre de la maîtresse du logis; mais, comme cette chambre serait trop vaste, nous profiterons de l’espace qui nous est donné pour établir une deuxième cloison, ce qui donnera doubles portes et un bel espace pour placer des armoires, dont les dames n’ont jamais de trop. Pour donner du jour dans cet espace, nous vitrerons une partie haute de la cloison qui clôt l’antichambre. Ces doubles portes feront que Madame sera plus retirée dans son appartement et n’entendra pas le bruit des allants et des venants. De plus, cette seconde antichambre privée nous permettra d’établir une communication directe avec l’appartement de Monsieur, que nous placerons du côté de la belle orientation, c’est-à-dire au-dessus de la salle de billard.

«Comme aussi cette surface est trop grande, nous prendrons, aux dépens de l’espace libre, un cabinet de toilette pour Madame, avec baignoire; et nous entrerons chez Monsieur directement de l’antichambre par un couloir privé qui s’ouvrira en même temps dans le cabinet de toilette de Madame, dans celui de Monsieur, placé au-dessus du cabinet de travail, dans la chambre à coucher et dans les deux water-closets réservés à ces deux appartements. Ainsi, les deux portes donnant sur l’antichambre, fermées, les maîtres de la maison seront complètement chez eux. Répétant le corridor du rez-de-chaussée à droite, nous établirons une communication de l’antichambre avec l’escalier de service, avec la lingerie (grave affaire) que nous placerons au-dessus de la cuisine, avec une grande garde-robe pour Madame à droite de sa chambre, et une chambre d’enfants (car il faut tout prévoir), laquelle, ainsi que la garde-robe, seront placées au-dessus de la salle à manger. La loge ou bretêche8 du rez-de-chaussée nous fera un beau cabinet de toilette pour cette chambre d’enfants ou d’amis au premier étage, et celle de la salle de billard fera une annexe fort agréable à la chambre de Monsieur. Quant à la loge du salon, nous la couvrirons par une terrasse, ce qui donnera à la chambre de Madame un beau balcon où l’on pourra placer en été une banne et des fleurs (fig. 2)9.

«Vous voyez, petit cousin, que notre plan commence à s’ordonner. Voici bientôt l’heure du déjeuner, allez faire un tour de promenade, et, dans l’après-midi, nous reprendrons notre travail, c’est-à-dire que nous passerons aux élévations.»

En descendant au jardin, M. Paul examinait la maison paternelle avec une attention toute nouvelle. Il n’avait jamais songé auparavant à observer les distributions de ce logis. Il supputait la place perdue par ces couloirs sans fin; il voyait, de ci et de là, des coins sombres et sans destination. L’escalier débouchait mal. Au rez-de-chaussée, il fallait connaître les êtres de l’habitation pour le trouver. La cuisine était à une distance énorme de la salle à manger, et, pour communiquer de l’une à l’autre, il fallait traverser un passage de voitures, descendre deux marches et en monter six. Cela lui parut barbare pour la première fois de sa vie. M. Paul, tout en se promenant et attendant le tintement de la cloche du déjeuner, se demandait si son père ne ferait pas bien aussi de démolir son vieux manoir pour bâtir une maison sur un plan nouveau composé par lui-même avec les conseils du grand cousin. Il énumérait une à une toutes les fautes de distribution de la maison paternelle, ses trop nombreux casse-cou. Il voyait le salon sombre, flanqué des deux côtés par les deux vieilles tours qui masquaient les vues latérales, le petit cabinet de son père éclairé par une fenêtre étroite et précédé d’une assez grande pièce sans emploi et qui servait de fruitier à l’automne; bien d’autres défauts encore…

«Eh bien, lui dit son père, dès qu’on fut à table, il paraît que vous avez déjà travaillé ce matin?»

M. Paul, tout pénétré de son sujet, fit une description assez exacte du plan dressé, mais ne put terminer sans se livrer à des appréciations critiques à l’endroit de l’habitation paternelle.

1.Échelle de proportion. Le texte explique suffisamment l’emploi de l’échelle dans le tracé architectonique, pour qu’il ne soit pas nécessaire de s’étendre sur l’utilité de ce moyen pratique. On entend aussi par échelle, les proportions relatives d’un édifice. Certains membres de l’architecture donnent l’échelle de l’ensemble. Ainsi, une balustrade ne pourrait dépasser la hauteur d’appui ou lui être inférieure; elle donne alors l’échelle de la bâtisse, c’est-à-dire qu’elle indique la dimension réelle de l’ensemble, en prenant pour point de comparaison la hauteur de l’homme.
2.Élévation. On désigne par ce mot, en architecture, le géométral d’une façade; en terme propre, la projection verticale.
3.Mur. On dit: mur goutterot, pour désigner celui qui porte un chéneau et reçoit la chute d’un comble; mur pignon, pour désigner celui qui clôt la charpente d’un comble; mur de refend, pour désigner celui qui, à l’intérieur d’un bâtiment, sépare les pièces, reçoit la portée des planchers et les tuyaux de cheminée.
4.Solive. Pièce de bois posée horizontalement pour former plancher et recevoir l’aire sur laquelle on pose les carrelages ou les parquets. Les solives de bois ne sauraient avoir, sans fléchir, une portée de plus de cinq mètres. Leur équarrissage et leur espacement sont déterminés par leur portée et la charge qu’elles doivent subir.
5.Noyau. Pile ou colonne autour de laquelle gironnent les marches de l’escalier.
6.Giron. Est la largeur d’une marche d’escalier. Giron droit. S’entend pour une marche d’égale largeur dans sa longueur. Giron triangulaire désigne une marche étroite au collet et s’élargissant du côté du mur de cage. On dit: les marches d’un escalier ont peu de giron, quand leur pas est court; ont beaucoup de giron, quand leur pas est long (voyez Pas).
7.A, vestibule; B, salon: C, salle à manger; D, salle de billard; E, cabinet de Monsieur; F, descente-serre; G, office; H, cuisine; I, desserte; K, L, fournil, laverie; M, cour de service; N, S, basse-cour; 0, écurie; P, remise; R, sellerie; a, escalier de service; b, descente aux caves; c, escalier des palefreniers; V, W, water-closets.
8.Bretêche. Ce mot désignait originairement un ouvrage de bois crénelé, dont on se servait pour attaquer et défendre les places fortes; mais, vers le quatorzième siècle, on désignait ainsi un balcon en encorbellement, fermé et couvert, une loge ayant des vues latérales, de face et formant saillie sur une façade. Le window si fréquemment adopté dans les habitations anglaises est une véritable bretêche.
9.A, antichambre; B, chambre de Madame; G, cabinet de toilette et bains; D, garde-robe; E, chambre de Monsieur; F, cabinet de toilette et bains; G, chambre; H, cabinet de toilette; I, lingerie; P, débarras; W, water-closets.