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Loe raamatut: «Œuvres complètes de lord Byron, Tome 11», lehekülg 25

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LETTRE CCCXXX

A M. HOPPNER

Bologne, 6 juin 1819.

«Je suis enfin à Bologne où me voilà établi, et où je serai grillé comme une saucisse si le tems continue. Remerciez, je vous prie, de ma part, Mengaldo pour la connaissance que je lui dois à Ferrare et qui m'a été très-agréable. J'y suis resté deux jours, et j'ai été enchanté du comte Morti et du peu que ce court espace de tems m'a permis de voir de sa famille. Je suis allé à une conversazione chez lui qui m'a paru bien supérieure à toutes celles de Venise. Les femmes y étaient presque toutes jeunes, quelques-unes jolies, et les hommes polis et en bonne tenue. La dame de la maison, qui est jeune, nouvellement mariée, et enceinte, m'a paru fort jolie aux lumières; je ne l'ai pas vue au jour: ses manières sont agréables et distinguées. – Elle paraît aimer beaucoup son mari, qui est aimable et plein de talens. Il a passé deux ou trois ans en Angleterre, et il est à la fleur de l'âge. Sa sœur, une comtesse aussi, dont j'oublie le nom (elles sont toutes deux des Maffei et Véronnaises), est une femme plus brillante; – elle chante et joue du piano comme une divinité; mais j'ai trouvé que cela durait diablement long-tems. Elle ressemble à Mme Flahaut (ci-devant miss Mercer) d'une manière vraiment extraordinaire.

»Je n'ai vu cette famille qu'en passant, et probablement ne la reverrai plus; mais je suis très-obligé à Mengaldo de me l'avoir fait connaître. Quand il m'arrive par hasard de rencontrer dans le monde quelque chose d'agréable, j'en suis si surpris et si content (quand mes passions ne se trouvent pas en jeu d'une manière quelconque) que je ne cesse d'y penser avec étonnement pendant toute une semaine. J'ai éprouvé aussi une grande admiration pour les bas rouges du cardinal légat.

»J'ai remarqué dans le cimetière de la Chartreuse, deux épitaphes qui m'ont frappé. – En voici une:

MARTINI LUIGI

IMPLORA PACE.

»Voici l'autre:

LUCREZIA PICCINI

IMPLORA ETERNA QUIETE.

»C'est là tout; mais il me semble que ces deux ou trois mots comprennent tout ce qu'on peut dire sur un tel sujet; – et puis en italien, c'est de la véritable musique. Ils expriment le doute, l'espoir et l'humilité: rien de plus touchant que implora et la modestie de cette requête. – Ils ont eu assez de la vie, ils n'ont besoin que de repos; il l'implorent, et un repos éternel, eterna quiete. Cela ressemble à une inscription grecque dans quelque ancien cimetière payen. Si je dois être enterré de votre tems dans le cimetière de Lido, donnez-moi pour épitaphe l'implora pace et pas autre chose; je n'ai jamais rien rencontré chez les anciens ou les modernes qui me plût la dixième partie autant.

»Un jour ou deux après la réception de cette lettre, je vous prierai d'ordonner à Edgecombe de tout préparer pour mon retour. Je reviendrai à Venise avant de m'établir sur la Brenta. Je ne passerai que peu de jours à Bologne. Je vais voir ce qu'il y a ici de curieux, et ne présenterai mes lettres d'introduction que lorsque j'aurai parcouru la ville et les galeries de tableaux; et peut-être même, si les objets m'occupent assez pour pouvoir me passer des habitans, ne les reverrai-je pas du tout. Ensuite je partirai pour Venise, où vous pouvez m'attendre vers le 11, peut-être plus tôt. Faites agréer, je vous prie, mes remerciemens à Mengaldo; mes respects à madame et à M. Scott.

»J'espère que ma fille se porte bien.

»Toujours et sincèrement tout à vous.

»P. S. J'ai parcouru le manuscrit d'Ariosto à Ferrare, et puis encore le château, la prison, la maison, etc., etc.

»Un Ferrarais m'a demandé si je connaissais Lord Byron, une de ses connaissances, maintenant à Naples. – Je lui ai répondu que non, ce qui était vrai des deux manières; car je ne connais pas cet imposteur, et personne ne se connaît soi-même. – Il ouvrit de grands yeux quand je lui dis que j'étais «le véritable Simon Pure.» Un autre me demanda si je n'avais pas traduit Tasso. – Vous voyez ce que c'est que la renommée; comme elle est étendue, comme elle est véridique! Je ne sais pas quelle est la manière de sentir des autres, mais je me trouve toujours plus léger et crois être mieux vu, quand je me suis débarrassé de ma célébrité: – elle me va comme l'armure que porte le champion du lord-maire. Je me suis donc empressé de me débarrasser de toute cette enveloppe littéraire, et de tout le bavardage qui en aurait été la suite, en lui répondant que ce n'était pas moi qui avais traduit le Tasse, mais quelqu'un de mon nom; et, grâce à Dieu, je ressemblais si peu à un poète, que tout le monde m'a cru.»

LETTRE CCCXXXI

A M. MURRAY

Bologne, 7 juin 1819.

«Dites à M. Hobhouse que je lui ai écrit, il y a quelques jours, de Ferrare. Ce sera donc en vain que lui ou vous attendriez des réponses ou des renvois d'épreuves de Venise, ayant ordonné qu'on ne m'envoyât pas mes lettres d'Angleterre. La publication peut continuer sans cela, et je suis déjà las de vos remarques, qui, je pense, ne méritent aucune attention.

»J'ai été admirer ce matin les tableaux du fameux Dominiquin et de Guido, qui tous deux sont de la plus grande supériorité. Je suis allé ensuite dans le beau cimetière de Bologne, au-delà des murs, et j'ai trouvé dans ce superbe lieu de repos un original de gardien qui m'a rappelé un des fossoyeurs d'Hamlet. Il a une collection de crânes de capucins, avec des étiquettes au front. – Il en prit un et me dit: «Celui-ci a appartenu au frère Desiderio Berro, mort à quarante ans: – c'était un de mes meilleurs amis. J'ai demandé sa tête à ses frères, après son décès, et ils me l'ont donnée. – Je l'ai mise dans de la chaux, et puis l'ai fait bouillir; la voilà avec toutes ses dents, dans un excellent état de conservation. C'était l'homme le plus gai, le plus spirituel que j'aie jamais connu. – Il portait la joie partout où il allait; et lorsque quelqu'un était triste, il lui suffisait de le voir pour reprendre sa gaîté. Il marchait d'un pas si leste, que vous l'auriez pris pour un danseur; – il riait, – plaisantait: – ah! je n'ai jamais vu un frate qui lui fût comparable, et n'en reverrai jamais!»

»Il me dit qu'il avait planté lui-même tous les cyprès du cimetière; qu'il y était fort attaché, ainsi qu'à ses morts; que, depuis 1801, il avait enterré cinquante-trois mille personnes. Parmi quelques anciens monumens qu'il me montra, se trouve celui d'une jeune Romaine de vingt ans, avec un buste par Bernini: c'était une princesse Barlorini, morte il y a deux siècles. Il dit qu'en ouvrant sa tombe on lui avait trouvé tous ses cheveux, et blonds comme de l'or.

»Avant de quitter Venise, je vous avais renvoyé les dernières feuilles de Don Juan: – adressez-moi toujours vos lettres dans cette ville. Je ne sais rien encore de mes mouvemens; je puis y retourner dans quelques jours, ou n'y pas revenir de quelque tems: tout cela dépend des circonstances. – J'ai laissé M. Hoppner en bonne santé, ainsi que ma petite fille Allegra, qui devient jolie: – ses cheveux brunissent, et elle a les yeux bleus. M. Hoppner dit qu'elle me ressemble de caractère et de manières, aussi bien que pour les traits; – dans ce cas, ce sera une jeune personne bien facile à conduire.

»Je n'ai rien appris d'Ada, la petite Électre de ma *** Mycéenne: – mais il viendra un jour où tous les comptes seront réglés; et ne dussé-je pas vivre pour le voir, en attendant j'ai vu du moins se briser ***, un de mes assassins. Quand cet homme faisait tous ses efforts pour détruire ma famille jusque dans ses racines, arbre, branches et rejetons; quand, après avoir détourné de moi mes amis, il attira la désolation sur mes foyers, et la destruction sur mes dieux domestiques, s'imaginait-il que, moins de trois ans après, par l'effet d'un événement naturel, d'une calamité domestique grave, mais ordinaire et prévue, son corps se trouverait exposé sur un chemin de traverse, et son nom flétri d'un arrêt de folie? – Et lui (déjà sexagénaire), réfléchit-il un seul instant à ce que j'éprouverais, lorsque je me verrais forcé de sacrifier femme, enfant, sœur, nom, gloire et patrie sur son autel? et cela, dans un moment où ma santé déclinait, où ma fortune était embarrassée, où mon esprit venait d'être affaibli par de nombreux chagrins, et lorsque, jeune encore, j'aurais pu réformer ce que ma conduite pouvait avoir de blâmable, et réparer le désordre de mes affaires; – mais il est dans la tombe, et… Quelle longue lettre j'ai griffonnée!

»Votre, etc.

»P. S. Ici, comme en Grèce, on jonche les tombeaux de fleurs. J'ai vu une grande quantité de feuilles de roses, et des roses même, sur les tombes de Ferrare: – cela produit l'effet le plus agréable qu'on puisse imaginer.»

Pendant qu'il restait à Bologne, dans cette irrésolution, la comtesse Guiccioli avait été atteinte d'une fièvre intermittente, dont la violence l'avait empêchée de lui écrire. A la fin cependant, désirant lui éviter le chagrin de la trouver ainsi malade à son arrivée, elle venait de commencer une lettre pour lui, dans laquelle elle le priait de rester à Bologne jusqu'au moment où elle y viendrait elle-même, lorsqu'un ami étant entré annonça l'arrivée d'un lord anglais à Ravenne. Elle ne douta pas un moment que ce ne fût son illustre amant: c'était lui, en effet, qui, malgré sa déclaration à M. Hoppner, de retourner immédiatement à Venise, avait entièrement changé de projet avant le départ de sa lettre, comme le prouvent ces mots écrits à l'extérieur: «Je pars pour Ravenne, ce 8 juin 1819; – j'ai changé d'avis ce matin, et me suis décidé à continuer ma route.»

Mais pour augmenter l'intérêt de cette narration, nous la donnerons au lecteur dans les termes de Mme Guiccioli elle-même.

«A mon départ de Venise, il m'avait promis de venir me voir à Ravenne. Le tombeau du Dante, le bois de sapins classique, les débris de l'antiquité qu'on trouve encore dans cette ville, étaient un prétexte suffisant pour moi de l'engager à y venir, et pour lui d'accepter cette invitation. Il vint en effet au mois de juin, et arriva à Ravenne le jour de la fête du Corpus Domini, et au moment où, attaquée d'une consomption qui avait commencé lors de mon départ de Venise, on me croyait à l'article de la mort. – L'arrivée d'un étranger de distinction à Ravenne, ville si éloignée des routes que parcourent ordinairement les voyageurs, était un événement qui fit beaucoup parler. On y discuta les motifs d'un pareil voyage, et lui-même les divulgua involontairement; car, s'étant informé s'il pourrait me rendre visite, sur la réponse qu'on lui fit qu'il était peu probable qu'il me revît jamais, il s'écria que, si les choses en étaient là, il espérait mourir aussi, circonstance qui, ayant été répétée, trahit le but de son voyage. Le comte Guiccioli, qui connaissait Lord Byron, alla le voir; et dans l'espoir que sa société pourrait m'amuser et m'être utile dans l'état où je me trouvais, il l'engagea à me rendre visite. Il vint le lendemain. Il est impossible de décrire l'inquiétude qu'il témoigna et les attentions délicates qu'il eut pour moi. Pendant long-tems il ne cessa de consulter des livres de médecine; et ne se fiant pas à mes médecins, il obtint du comte Guiccioli d'envoyer chercher un très-habile docteur de ses amis dans lequel il avait la plus grande confiance. – Les soins du docteur Aglietti, c'est le nom de ce célèbre Italien, joints au calme et au bonheur inexprimable que je goûtais dans la société de Lord Byron, eurent un si bon effet sur ma santé, que, deux mois après, je fus en état d'accompagner mon mari dans une tournée qu'il fut obligé de faire pour aller visiter ses différens domaines.»

LETTRE CCCXXXII

A M. HOPPNER

Ravenne, 20 juin 1819.

.....................

«Je vous ai écrit de Padoue et de Bologne, puis ensuite de Ravenne. Ma situation ici est fort agréable, mais mes chevaux me manquent beaucoup, car les environs sont très-favorables pour la promenade à cheval. – Je ne puis fixer l'époque de mon retour à Venise; ce peut être bientôt, ou dans long-tems, ou peut-être pas du tout: – tout cela dépend de la donna que j'ai trouvée sérieusement malade au lit, toussant et crachant le sang, tous symptômes qui ont disparu........... ...............................

J'ai trouvé tout le monde ici fermement persuadé qu'elle n'en reviendrait jamais: on se trompait pourtant.

»Mes lettres m'ont été utiles pour le peu d'usage que j'en ai fait. – J'aime également cette ville et ses habitans, quoique j'importune ces derniers le moins possible. Elle mène tout cela fort adroitement. ......

Cependant, je ne serais pas étonné de m'en revenir un beau soir avec un coup de stilet dans le ventre. Je ne puis du tout deviner le comte; il vient me voir souvent, et me fait sortir avec lui (comme Whittington, le lord-maire) dans un carrosse à six chevaux. Le fait est, je crois, qu'il se laisse entièrement gouverner par elle; et, quant à cela, je suis dans le même cas 104. Les gens d'ici ne peuvent comprendre ce que cela veut dire, car il avait la réputation d'être jaloux de ses autres femmes: celle ci est la troisième. C'est, à ce qu'on dit, l'homme le plus riche de Ravenne, mais il n'y est pas aimé.

Note 104: (retour) J'ai déjà dit qu'il était plus facile de le gouverner qu'on n'aurait pu le croire à la première vue de son caractère, et je citerai, à l'appui de ceci, la remarque de son domestique, fondée sur une observation de vingt ans. Il disait, en parlant du sort que son maître avait eu en ménage: «Une chose bien étrange, c'est que je n'ai pas encore rencontré une femme qui n'ait su mener milord, excepté la sienne.»

»........................

Envoyez, je vous prie, sans faute et sans délai, Augustin avec le carrosse et les chevaux à Bologne, où je perdrai le peu qui me reste de sens-commun. N'oubliez pas ceci: mon départ, mon séjour ici, enfin tous mes mouvemens dépendent entièrement d'elle, comme Mme Hoppner, à qui je présente mes hommages, l'a prophétisé dans le véritable esprit féminin.

»Vous êtes un vilain homme de ne m'avoir pas écrit plus tôt.

»Je suis bien sincèrement votre, etc.»

LETTRE CCCXXXIII

A M. MURRAY

Ravenne, 29 juin 1819.

«Vos lettres m'ont été envoyées de Venise, mais j'espère que vous n'aurez pas attendu d'autres changemens; – je n'en ferai aucun. – Vous me demandez d'épargner ***, demandez-le aux vers. – Sa cendre n'a rien à redouter que la vérité soit connue, autrement comment a-t-il pu en agir de la sorte avec moi? – Vous pouvez parler aux vents, qui porteront vos accens, et aux échos, qui les répéteront, mais non pas à moi au sujet d'un… qui m'outragea. – Qu'importe qu'il soit mort ou vivant!

»Je n'ai pas le tems de vous renvoyer les épreuves; – publiez toujours. – Je suis bien aise que vous trouviez les vers bons; et quant à l'effet que ce poème produira, n'y pensez pas, pensez plutôt à la vérité, et laissez-moi le soin de désarmer les porc-épics qui peuvent vous menacer de leurs dards.

»Je suis à Ravenne depuis quatre semaines (il y a un mois que j'ai quitté Venise). – Je suis venu voir mon amie la comtesse Guiccioli, qui a été malade et l'est encore… Elle n'a que vingt ans, mais elle n'est pas d'une forte constitution… ... Elle a une toux continuelle et une fièvre intermittente; cependant elle supporte tout cela avec un grand courage. Son mari, dont elle est la troisième femme, est le plus riche seigneur de Ravenne; mais il n'en est pas le plus jeune, car il a plus de soixante ans, quoiqu'il soit très-bien conservé. Tout ceci vous paraîtra assez étrange à vous qui ne connaissez pas les mœurs du Midi ni notre genre de vie en pareil cas; – et je ne puis maintenant vous en expliquer la différence, mais vous verriez que tout se passe partout à peu près ainsi dans ce pays. À Faenza, lord *** vit avec une fille d'opéra; et dans le même hôtel de la même ville est un prince napolitain qui est cavalier-servant de la femme du gonfalonier. – Vous voyez donc bien que je suis de service ici. -Cosi fan tutti e tutte.

»J'ai ici mes chevaux de selle et de carrosse, et je me promène à cheval ou en voiture dans la forêt la Pineta, où se passe le roman de Boccace et le conte d'Honoria de Dryden, etc., etc. – Je vois ma dama tous les jours, et je suis sérieusement inquiet de sa santé, qui est dans un état très-précaire. – En la perdant, je perdrais un être qui s'est beaucoup exposé pour moi, et que j'ai toutes espèces de raisons d'aimer; – mais ne pensons pas à la possibilité de cet événement. Je ne sais pas ce que je ferais si elle venait à mourir; je sais toutefois que mon devoir serait de me brûler la cervelle, et j'espère que je le remplirais. – Son mari est un personnage très-poli, mais je voudrais bien qu'il ne me promenât pas ainsi dans sa voiture à six chevaux comme Whittington et son chat.

»Vous me demandez si j'ai l'intention de continuer Don Juan. – Que sais-je? Quelle espèce d'encouragement me donnez-vous tous tant que vous êtes avec votre absurde pruderie? Publiez les deux chants, et puis nous verrons. – J'ai prié M. Kinnaird de vous dire deux mots au sujet d'une petite affaire: ou il ne vous en aura pas parlé, ou vous n'avez pas répondu. – Vous faites un joli couple, mais je vous revaudrai cela. Je vois que M. Hobhouse a été appelé en duel par le major Cartwright; est-il si habile à l'escrime? Pourquoi ne se sont-ils pas battus? ils le devaient.

»Votre etc.»

LETTRE CCCXXXIV

À M. HOPPNER

Ravenne, 2 juillet 1819.

«Grand merci de votre lettre et de celle de madame. – Vous rappelez-vous si je vous ai remis une ou deux quittances de loyer de Mme Moncenigo (je n'en suis pas bien sûr, quoique je sois porté à le croire; dans le cas contraire, elles seraient dans mes tiroirs)? Voulez-vous prier M. Dorville d'avoir la bonté de veiller à ce que Edgecombe tire des reçus de tous les paiemens qu'il a faits pour moi, et de s'assurer que je n'ai pas de dettes à Venise. – Sur votre réponse, j'enverrai un ordre pour le paiement des nouvelles sommes, afin de suppléer aux dépenses de ma maison, mon retour à Venise étant en ce moment un problème; – il peut avoir lieu, mais il n'a rien de positif, tout en moi étant doute et incertitude, excepté le dégoût que Venise m'inspire, quand je la compare avec toute autre ville de cette partie de l'Italie. Quand je dis Venise, je veux parler des Vénitiens. – La ville elle-même est superbe comme son histoire, mais les habitans sont ce que je ne les aurais jamais crus, s'ils ne m'avaient forcé eux-mêmes à les connaître.

»Le meilleur parti à prendre est de laisser Allegra à la femme d'Antonio jusqu'à ce que j'aie décidé quelque chose pour elle et pour moi. Mais je croyais que vous auriez eu réponse de Mme W*** 105. – Vous avez été ennuyé assez long-tems de moi et des miens.

Note 105: (retour) Une dame anglaise, veuve, et ayant une fortune considérable dans le nord de l'Angleterre, ayant vu la petite Allegra chez M. Hoppner, s'intéressa au sort de la pauvre enfant, et, n'étant pas mère elle-même, offrit d'adopter la petite fille et de se charger de sa fortune, si Lord Byron voulait renoncer à tous ses droits sur elle. Il ne parut pas d'abord très-éloigné d'entrer dans ses vues, c'est-à-dire qu'il consentit à ce qu'elle emmenât l'enfant en Angleterre avec elle pour l'y élever, mais il ne voulut jamais entendre parler de l'abandon de ses droits paternels; c'est pourquoi cette proposition n'eut jamais de résultat.(Note de Moore.)

»Je crains vivement que la Guiccioli ne tombe dans un état de consomption auquel sa constitution paraît tendre. Il en est ainsi de tous les objets pour lesquels j'éprouve quelque espèce d'attachement réel. – La guerre, – la mort ou la discorde les assiége. – Il suffirait que j'aimasse un chien et qu'il me fût attaché pour qu'il me fût impossible de le conserver. – Les symptômes de son mal sont une toux de poitrine obstinée et la fièvre de tems en tems, etc., etc. Il y a à tout cela une cause éloignée dans une éruption de peau qu'elle eut l'imprudence de faire rentrer il y a deux ans. – Mais je les ai décidés à exposer sa situation à Aglietti, et je l'ai supplié de venir, ne fût-ce qu'un jour ou deux, pour le consulter sur son état..............

»Si cela n'ennuyait pas trop M. Dorville, je le prierais d'avoir l'œil sur E*** et mes autres vauriens. J'aurais autre chose à dire, mais je suis absorbé par l'inquiétude que me cause la maladie de la Guiccioli. Je ne puis vous dire l'effet que cela produit sur moi. Les chevaux sont arrivés, etc., etc., et depuis je n'ai pas laissé passer un jour sans galopper dans la forêt de pins.

»Croyez-moi, etc.

»P. S. Mes bons souhaits à Mme Hoppner. – Puisse-t-elle faire un voyage agréable dans les Alpes Bernoises, et revenir sans accident. Vous devriez me ramener un Bernois platonique pour me convertir. – Si malheur arrive à mia amica, j'ai fini sans retour avec cette passion; – c'est mon dernier amour. – Quant au libertinage, je m'en suis fatigué, ce qui devait arriver à la manière dont j'y allais; mais j'ai au moins recueilli cet avantage du vice, c'est d'aimer dans le sens le plus pur du mot: ce sera là ma dernière aventure. Je ne puis plus espérer d'inspirer un nouvel attachement, et j'espère n'en plus éprouver.»

La conviction, que ne peuvent manquer de donner quelques passages de ces lettres, de la sincérité et de l'ardeur de son attachement pour Mme Guiccioli 106, serait encore fortifiée par la lecture de celles qu'il lui adressa à elle-même, et de Venise, et pendant son séjour à Ravenne; toutes portent la véritable empreinte de la tendresse et de la passion. Ces effusions, cependant, sont peu faites pour l'œil du public. Tout sentiment profond, par la répétition des mêmes idées, tend à la monotonie; et ces sermens réitérés, et ces expressions si tendres qui font le charme d'une lettre d'amour pour celui qui l'écrit ou la reçoit, doivent finir par rendre insipides aux autres les meilleures dans ce genre. Celles de Lord Byron à Mme Guiccioli, généralement écrites en italien, et avec une facilité et une pureté qu'un étranger parvient rarement à acquérir, roulent en grande partie sur les obstacles opposés à leurs entrevues, moins par le mari lui-même, qui semblait aimer et rechercher la société de Lord Byron, que par la surveillance d'autres parens, et la crainte qu'éprouvaient les amans eux-mêmes qu'une imprudence de leur part n'éveillât les inquiétudes du comte Gamba, père de la jeune dame, et au caractère estimable duquel tous ceux qui le connaissent se plaisent à rendre justice.

Note 106: (retour) «Pendant ma maladie, dit Mme Guiccioli, dans ses Souvenirs sur cette époque, il était toujours à mes côtes, me prodiguant les attentions les plus aimables; et quand je fus en convalescence, il ne me quittait pas davantage. En société, au théâtre, dans nos promenades à cheval ou à pied, il ne se séparait jamais de moi. Étant alors privé de ses livres, de ses chevaux et de tout ce qui l'occupait à Venise, je le priai de m'accorder la satisfaction d'écrire quelque chose sur le Dante, et avec sa facilité et sa rapidité ordinaires, il composa la Prophétie

Lord Byron prévit le danger d'une nouvelle séparation dans le départ prochain de la jeune comtesse pour Bologne; et dans le chagrin que lui causait cette perspective, renonçant à cette prudence qui, par égard pour elle, semblait avoir été sa pensée dominante, il lui proposa alors, avec cet emportement de la passion qui décide souvent du sort de toute la vie, d'abandonner son mari pour fuir avec lui: -C' è uno solo rimedio efficace, dit-il, cio è d'andar via insieme. – Mais une femme italienne, qui se permet presque tout, recule devant un tel pas. La proposition de son noble amant parut donc à la jeune comtesse une espèce de sacrilége; et l'agitation de son esprit, flottant entre l'horreur d'une telle démarche et le désir ardent de tout sacrifier à celui qu'elle aimait, se peignit vivement dans sa réponse. – Dans une lettre subséquente, cette femme exaltée propose même, pour éviter la honte d'un enlèvement, de se faire passer pour morte comme Juliette, en l'assurant qu'il y avait des moyens faciles de mettre à exécution cette supercherie.

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Ilmumiskuupäev Litres'is:
03 juuli 2017
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