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Loe raamatut: «Œuvres complètes de lord Byron, Tome 11», lehekülg 26

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LETTRE CCCXXXV

A M. MURRAY

Ravenne, 1er août 1819.

(Adressez cependant votre réponse à Venise.)

«N'ayez pas peur, – vous verrez que je me défendrai gaîment, c'est-à-dire si je me trouve d'humeur à le faire, non dans le sens que vous attribueriez à ce mot, mais comme un boule-dogue qui se sent pressé, ou comme un taureau à la première piqûre; – c'est alors que le jeu devient intéressant; et comme les sensations produites en moi par une attaque, offrent probablement l'heureux mélange de la force réunie de ces aimables animaux, vous verrez peut-être, comme dit Marral «un spectacle curieux» avec force coups et sang répandu pendant le cours de la dispute; – mais il faut d'abord que je sois monté pour cela, et je crains d'être un peu éloigné pour pouvoir me mettre dans un accès de fureur convenable à la circonstance, – et puis je me suis laissé amollir et énerver depuis deux ans par l'amour et le climat.

»J'ai écrit à M. Hobhouse l'autre jour, et lui ai prédit que Juan tomberait ou réussirait complètement, qu'il n'y aurait pas de milieu. Les apparences ne sont pas favorables; mais comme vous écrivez le lendemain de la publication, on ne peut guère dire encore quelle est l'opinion qui prévaudra. Vous paraissez avoir peur, et c'est sans doute avec raison; – cependant, quoi qu'il arrive, je ne flatterai jamais d'aucune manière l'hypocrisie de la foule. Je ne sais si les circonstances peuvent quelquefois m'avoir placé dans une position à diriger l'opinion publique, mais l'opinion publique ne me dirigea et ne me dirigera jamais. Je ne monterai pas sur un trône avili; – ainsi placez-y s'il vous plaît Mrs ***, ou ***, ou Tom Moore, ou ***, ils seront tous enchantés de leur couronnement............ ..............................

»P. S. La comtesse Guiccioli est beaucoup mieux. – Je vous ai envoyé, avant mon départ de Venise, l'esquisse originale du Vampire, l'avez-vous reçue?»

Cette lettre, comme la plupart de celles qu'il écrivait en Angleterre à cette époque, était évidemment destinée à être montrée, et l'ayant lue ainsi que quelques autres, je ne manquai pas, dans la première que j'adressai à Lord Byron, de lui reprocher le passage qui me concernait, le seul, que je sache, qui soit jamais échappé à la plume de mon noble ami pendant notre intimité, et dans lequel il ait parlé de moi autrement que dans les termes de la plus franche bienveillance et des éloges les moins mérités. Ayant transcrit ses propres paroles en tête de ma lettre, j'ajoutai au-dessous: «Est-ce ainsi que vous parlez de vos amis?» Peu de tems après, lorsque je le vis à Venise, je me rappelle avoir fait de cette circonstance le sujet d'une innocente plaisanterie; mais il me déclara avec assurance qu'il n'avait aucun souvenir d'avoir écrit de telles paroles, et que si elles existaient, il fallait qu'il fût à moitié endormi en les traçant.

Je n'ai parlé de cet incident que pour faire observer, qu'avec une sensibilité si facile à blâmer sur tant de points, et sous l'influence d'une imagination depuis si long-tems exercée à lui créer des tourmens, il est étonnant que, s'occupant toujours, comme ses lettres le prouvent, de ses amis éloignés, et ne recevant presque d'aucun, ou du moins d'un bien petit nombre, les mêmes marques de souvenir, il est étonnant, dis-je, qu'il ne lui soit pas échappé plus souvent des sarcasmes de cette espèce contre les absens et ceux qui gardaient le silence. Quant à moi, tout ce que je puis dire, c'est que du moment où je commençai à deviner son caractère, les expressions les plus amères et les plus injurieuses qu'il eût pu proférer contre moi dans un accès d'humeur, n'auraient pas plus changé mon opinion à son égard ou altéré mon amitié pour lui, que le nuage passager qui obscurcit un moment un ciel brillant, ne peut laisser dans l'esprit d'impression triste après qu'il a disparu.

LETTRE CCCXXXVI

A M. MURRAY

Ravenne, 9 août 1819.

.....................

«En parlant de bévue, cela me fait penser à l'Irlande, à l'Irlande de Moore. Qu'est-ce que je vois donc dans Galignani à propos de Bermude, d'agent, de député, etc., etc.? – qu'est-ce que cela veut dire? – Y a-t-il quelque chose en quoi ses amis puissent lui être utiles? – Informez m'en, je vous prie.

»Quant à Don Juan, vous ne m'en parlez plus, mais les papiers ne me paraissent pas si terribles que la lettre que vous m'avez envoyée semblait le faire craindre, autant que j'en puis juger du moins par les extraits rapportés dans le journal de Galignani. Je n'ai jamais vu des gens de votre espèce. – Que de peines prises pour disculper le modeste éditeur; – il a fait toutes les représentations possibles. – Eh bien! moi, je ferai une préface qui vous disculpera complètement sur ce point vous et ***; mais en même tems je vous arrangerai comme vous méritez de l'être. – Vous n'avez pas plus d'ame que le comte de Caylus, qui assurait à ses amis, sur son lit de mort, qu'il n'en avait pas, et qu'il devait le savoir mieux que personne; et vous n'avez pas plus de sang dans les veines qu'un melon d'eau! Je vois qu'il y a eu des astérisques, et ce que Perry appelait de maudites coupures et mutilations… Mais n'importe.

»J'écris à la hâte. – Demain je pars pour Bologne; je vous écris au milieu du tonnerre, des éclairs, et de tous les vents des cieux sifflant à travers les cheveux, et qui pis est, au milieu de tous les préparatifs d'un départ prochain. «-Ma maîtresse chérie, qui a nourri mon amour de sourires et de nectar» depuis deux mois, part avec son mari pour Bologne ce matin, – et il paraît que je dois la suivre le lendemain à trois heures après minuit. Je ne puis pas trop dire comment notre roman finira, mais jusqu'à présent il s'est filé le plus amoureusement du monde. – Que de dangers et d'échappées périlleuses! – Celles de Don Juan ne sont que des jeux d'enfans en comparaison. – Les sots croient que mes poèmes font toujours allusion à mes propres aventures, eh bien! j'en ai eu quelquefois dans ma vie, tous les jours de la semaine, de meilleures, de plus extraordinaires, de plus périlleuses et de plus agréables que toutes celles-là, s'il m'était permis de les dire; – mais cela ne peut-jamais être.......

»J'espère que Mme M*** est accouchée.

»Votre, etc.»

LETTRE CCCXXXVII

A M. MURRAY

Bologne, 12 août 1819.

«Je ne sais pas jusqu'à quel point je serai en état de répondre à votre lettre, ne me portant pas très-bien aujourd'hui; hier au soir j'ai assisté à une représentation de la Mirra d'Alfieri, dont les deux derniers actes m'ont donné des convulsions. Je ne veux pas dire par-là des attaques de nerfs comme une femme; mais j'ai éprouvé le supplice des larmes qui ne voulaient pas couler, et des sanglots étouffés, chose qui ne m'est pas arrivée souvent à cause d'une fiction. Ce n'est que la seconde fois que je me trouve dans ce cas pour quelque chose qui n'appartient pas à la réalité. – La première, ce fut en voyant jouer à Kean le rôle de sir Giles Overreach. Le pis est que la dame dans la loge de laquelle j'étais, s'évanouissait d'un autre côté, plus par peur, je crois, que par tout autre sentiment d'intérêt, au moins pour la pièce; – quoi qu'il en soit, elle se trouva mal, et je me trouvai mal, et nous voilà tous deux très-languissans et très-mélancoliques ce matin, après une grande consommation de sel volatil 107. Mais revenons à votre lettre du 23 juillet.

Note 107: (retour) La dame avec laquelle il assistait à cette représentation décrit ainsi l'effet qu'elle eut sur lui. «On jouait Mirra. Les acteurs, et surtout l'actrice chargée de ce rôle, secondaient avec beaucoup de succès les intentions de notre grand tragique. Lord Byron prenait un vif intérêt à la représentation, et paraissait profondément affecté. A la fin, on arriva à un point de la pièce où il lui fut impossible de contenir son émotion, et ses sanglots l'empêchant de rester plus long tems dans la loge, il se leva et quitta le théâtre. Je l'ai vu affecté de la même manière à une représentation du Philippe d'Alfieri, à Ravenne.»

»Vous avez raison, Gifford a raison, Hobhouse a raison, vous avez tous raison, et moi seul j'ai tort; mais du moins laissez-moi cette satisfaction, – coupez-moi tout, branches et racines, mutilez-moi dans le Quarterly Review, dispersez au loin mes disjecti membra poetæ, comme ceux de la concubine du Lévite; faites de moi, si vous voulez, un spectacle pour les hommes et pour les anges; mais ne me demandez point de rien changer, car je ne le veux pas; je suis obstiné et paresseux, voilà la vérité.

»Malgré cela je répondrai à votre ami P***, qui trouve à redire à ces passages subits du plaisant au sérieux, comme si, dans ce cas, le sérieux n'était pas fait pour augmenter le plaisant. Sa métaphore est que nous ne sommes jamais brûlés et mouillés en même tems; honneur à son expérience! Faites-lui ces questions à ce sujet: – n'a-t-il jamais joué à cricket, ou fait un mille pendant la chaleur? ne lui est-il jamais arrivé, en présentant une tasse de thé à sa belle, de se la jeter sur lui, au grand dommage de son pantalon de nankin? n'a-t-il jamais nagé dans la mer en plein midi, le soleil lui dardant dans les yeux et sur la tête, sans que toute l'écume de l'océan en pût tempérer l'ardeur? n'a-t-il jamais retiré son pied d'une eau trop brûlante, en maudissant sa précipitation et son domestique?.. Ne tomba-t-il jamais dans une rivière ou un lac étant à pêcher, et ne resta-t-il pas dans le bateau ses habits mouillés sur le corps, brûlé et trempé tout-à-la-fois, en véritable amateur des plaisirs champêtres? Oh! que n'ai-je des poumons pour continuer! Au surplus faites-lui mes complimens. – C'est un habile homme, malgré tout cela, un très-habile homme.

»Vous me demandez le plan de Don Juan. – Je n'ai pas de plan; mais j'avais, ou j'ai, des matériaux, quoique en vérité, comme dit Tony Lumpkin: «Si je dois être ainsi gourmandé toutes les fois que je suis en gaîté,» le poème ne sera plus rien, et l'auteur redeviendra sérieux: s'il ne prend pas, je le laisserai là avec tout le respect que je dois au public; mais si je le continue, il faut que ce soit à ma manière. Autant vaudrait faire jouer à Hamlet ou à Diggory le rôle de fou avec le corset de l'hôpital, que de vouloir restreindre ma bouffonnerie, si je dois être bouffon; – leurs gestes et mes pensées ainsi contraintes seraient du ridicule le plus pitoyable. – Eh quoi donc! mon cher, l'ame de ces sortes d'écrits n'est-elle pas la licence? – du moins la liberté de cette licence, si on veut en profiter, non pourtant qu'on doive en abuser; – c'est comme le jugement par jury, la pairie et l'habeas corpus, de très-belles choses sans doute, mais seulement en principe général; personne ne se souciant d'être jugé pour l'unique plaisir de prouver qu'il jouit de ce privilége.

»Mais trêve à ces réflexions. Vous mettez trop d'importance, et vous occupez avec trop de gravité d'un ouvrage qui ne fut jamais destiné à être sérieux; – croyez-vous que j'aie pu avoir d'autre intention que de rire et de faire rire? C'est une satire assez gaie, et aussi peu poétique que possible, que j'ai voulu faire; – et quant à l'indécence, lisez, je vous prie, dans Boswell, ce que Johnson, ce moraliste sévère, dit de Prior et de Paulo Purgante.

»Voulez-vous me rendre un service? vous le pouvez, au moyen de vos amis ministériels, Croker, Canning, ou mon vieux camarade Peel, et moi je ne puis. Voici ce dont il s'agit: – Voulez-vous leur demander de nommer (sans rétribution ou appointemens quelconques) un noble Italien, que je vous ferai connaître plus tard, au consulat ou au vice-consulat de Ravenne? C'est un homme d'une grande fortune, et qui est titré; mais il désire avoir la protection de l'Angleterre en cas de changement. Ravenne est près de la mer. Il n'a besoin d'émolumens d'aucun genre. Je sais à quel point il pourrait être utile dans cette place; car j'ai envoyé dernièrement, de Ravenne à Triate, un pauvre diable de matelot anglais qui était resté dans cette ville, où on l'avait débarqué en 1814, malade, chagrin et sans le sou, faute d'un agent accrédité qui pût ou voulût le renvoyer dans sa patrie. Voulez-vous m'obtenir ceci? si vous le voulez, je vous enverrai le nom et le rang de la personne, qu'on sera toujours à tems de refuser si, une fois connue, on ne l'approuvait pas.

»Je sais que, dans le Levant, vous prenez continuellement les consuls et les vice-consuls parmi les étrangers. Cet homme est patricien, et a douze mille livres sterling de rente. Son seul motif est de s'assurer la protection des Anglais en cas de nouvelles invasions. – Ne pensez-vous pas que Croker nous obtiendrait cela? A la vérité, je jouis d'un crédit rare! mais peut-être un confrère, bel esprit du côté tory, ne refuserait-il pas d'accorder un service à la requête d'un whig aussi inoffensif que moi, et absent depuis si long-tems, d'autant plus qu'il n'y aurait aucune charge, aucun salaire attaché à cette place.

»Je puis vous assurer que je regarderais cela comme une grande obligation; mais, hélas! cette circonstance-là même sera peut-être cause que je ne réussirai pas, et je sens que cela doit être; mais du moins je me suis toujours montré ennemi franc et ouvert. Parmi vos brillantes liaisons ministérielles, ne pouvez-vous pas, croyez-vous, obtenir un consulat pour notre Bibulus ou pour moi, afin que j'en fasse mon vice-consul? – Vous pouvez être assuré, qu'en cas d'événemens en Italie, ce ne serait pas un faible adjoint, et vous n'en douteriez pas si vous connaissiez sa fortune.

»Que veut dire toute cette histoire au sujet de Tom Moore? – «Mais pourquoi le demandai-je, moi, puisque l'état de mes affaires ne me permettrait pas de lui être utile, quoiqu'elles se soient beaucoup améliorées depuis 1816, et qu'avec encore un peu de bonheur et de prudence, je puisse parvenir à les débrouiller.» Il paraît que les réclamans sont des négocians américains. – Voilà un tour de Némésis: – Moore a dit du mal de l'Amérique; – cela finit toujours ainsi. – Le tems vengeur… Vous avez vu tous les agresseurs foulés aux pieds à leur tour, depuis Bonaparte jusqu'au plus obscur individu. Vous fûtes témoin comment il y en eut qui se vengèrent sur moi, malgré mon peu d'importance, et comment, à son tour *** paya son atrocité. C'est un drôle de monde que celui-ci; mais, après tout, c'est une montre qui a son grand ressort.

»Votre, etc., etc.»

Vers la fin d'août, le comte Guiccioli, accompagné de sa femme, alla passer quelque tems dans ses propriétés de la Romagne, et Lord Byron resta seul à Bologne. Là, l'ame attendrie par le sentiment qui s'en était emparé, il paraît s'être abandonné, pendant cet intervalle de solitude, à une foule de pensées mélancoliques et passionnées qui lui rendirent momentanément les illusions des premiers jours de sa jeunesse. Ce fond de tendresse naturel à son cœur, que le monde et lui-même avaient vainement tenté de glacer ou d'éteindre, semblait se ranimer avec quelque chose de sa première fraîcheur. Il savait de nouveau ce que c'était que d'aimer et d'être aimé, trop tard, il est vrai, pour son bonheur, et d'une manière trop illégitime pour que son repos n'en fût pas troublé; mais du moins trouvait-il assez de dévoûment dans l'objet de son amour, pour satisfaire sa soif ardente d'affection; et de son côté, livré à de tristes présages, il s'attachait d'autant plus passionnément à ce lien, qu'il sentait intérieurement que ce serait le dernier.

Une circonstance qu'il racontait lui-même, et qui eut lieu à cette époque, prouvera à quel point il se laissait dominer par la mélancolie. Il prenait plaisir, en l'absence de Mme Guiccioli, à aller tous les jours chez elle, à l'heure où il avait coutume de lui rendre visite, et là, faisant ouvrir son appartement, il parcourait ses livres, et écrivait dedans 108. Il descendait ensuite dans les jardins, où il passait des heures entières à rêver, et ce fut dans une de ces occasions, tandis qu'absorbé dans la foule de ses pensées, il fixait d'un œil distrait une de ces fontaines si communes dans les jardins italiens, que son esprit fut tout-à-coup frappé d'images si désolantes, de présages si funestes du malheur qu'il pouvait attirer sur l'objet de sa tendresse, en vertu de cette destinée qui (comme il l'a dit quelque part lui-même) attache tant de fatalité à l'amour, qu'accablé par ces affreuses idées, il ne put retenir un torrent de larmes.

Note 108: (retour) Voici une de ces notes, écrite à la fin du 5e chap. de Corinne, livre 18e. (Fragmens des Pensées de Corinne.) «J'ai beaucoup connu Mme de Staël, mieux qu'elle ne connaissait l'Italie; mais je ne croyais guère qu'un jour il m'arriverait de penser avec ses pensées dans un pays où elle a placé le théâtre de la plus attrayante de ses productions. Elle a quelquefois raison, quelquefois tort, en parlant de l'Italie et de l'Angleterre; mais elle est toujours vraie dans la peinture du cœur, qui n'est que d'un seul pays, ou plutôt de tous.

»BYRON.

»Bologne, 23 août 1819.»

Ce fut dans ce même tems qu'il écrivit, sur la dernière page d'un exemplaire de Corinne appartenant à Mme Guiccioli, cette note remarquable:

«Ma bien-aimée Thérésa, – j'ai lu ce livre dans votre jardin; – vous étiez absente, mon ange, autrement cela ne m'eût pas été possible. C'est un de vos ouvrages favoris, et l'auteur était une de mes amies. Vous ne comprendrez pas ces mots écrits en anglais, et d'autres ne les comprendront pas non plus, c'est pourquoi je les ai griffonnés en italien; mais vous reconnaîtrez l'écriture de celui qui vous aime passionnément, et vous devinerez facilement que, sur un livre qui vous appartient, il n'a pu songer qu'à l'amour. Dans ce mot si doux en tous les langages, mais surtout dans le vôtre, amor mio, est comprise toute mon existence présente et future. Je sens que j'existe ici, et je crains d'exister au-delà. – Dans quel but? Vous en déciderez; – ma destinée dépend de vous, de vous qui n'avez que dix-huit ans, et qui, depuis deux années seulement, avez quitté le couvent. – Je voudrais de tout mon cœur que vous y fussiez restée, ou du moins ne vous avoir jamais connue mariée.

»Mais tout cela vient trop tard. Je vous aime et vous m'aimez, du moins vous le dites et vous agissez comme si cela était, ce qui est toujours une grande consolation; mais moi, je fais plus que vous aimer, et ce sentiment ne peut jamais s'éteindre.

»Pensez à moi quelquefois quand les Alpes et l'océan nous sépareront; – mais cela ne sera que si vous le voulez.

»BYRON.

»Bologne, 25 août 1819.»

LETTRE CCCXXXIX 109

A M. MURRAY

Bologne, 24 août 1819.

«.......................

Gardez l'anonyme, dans tous les cas, cela rend la chose plus plaisante; mais si l'affaire devenait sérieuse à l'égard de Don Juan, et que votre position et la mienne devinssent équivoques, avouez que j'en suis l'auteur, je ne reculerai jamais; et si vous le faisiez, je pourrais toujours vous répondre comme Gnatimozin à son maître 110. Nous serons chacun sur des charbons ardens.

Note 109: (retour) La lettre 338e n'offrant rien d'intéressant, a été supprimée.

Note 110: (retour) «Et moi reposé-je sur un lit de fleurs?»

»Je voudrais avoir été mieux disposé, mais je suis de mauvaise humeur, j'ai les nerfs malades et, de tems en tems, je crains que ma tête ne le soit aussi. Voilà tout ce que je dois à l'Italie, et non à l'Angleterre: je vous défie tous, vous et votre climat, qui plus est, de me rendre fou; mais si jamais je le deviens réellement, et que je porte le corset de force, que l'on me ramène alors parmi vous, vos gens seront alors la société qu'il me faudra.

»Je vous assure que tout ce que j'éprouve en ce moment n'a rien de commun avec l'Angleterre, sous un point de vue personnel ou littéraire. Tous mes plaisirs et tous mes tourmens actuels sont aussi italiens que l'opéra. Et, après tout, ce ne sont là que des bagatelles: – tout cela vient de ce que madame est à la campagne pour trois jours, à Capo-Fiume; mais comme je n'ai jamais pu vivre que pour un seul être à la fois (et je vous assure que cet être n'est pas moi, comme les événemens doivent vous l'avoir prouvé, car les égoïstes prospèrent toujours), je me sens isolé et malheureux.

»J'ai envoyé chercher ma fille à Venise; je monte à cheval tous les jours, et me promène dans un jardin, sous un dais pourpré de raisins. – Quelquefois je m'assieds auprès d'une fontaine, et je cause avec le jardinier de ses instrumens de jardinage, qui me paraissent plus grands que ceux d'Adam, et avec sa femme, et la femme de son fils, la plus jeune de nous tous, et celle qui, des trois, parle le mieux. Puis je vais faire des visites au Campo-Santo, et à mon ami le sacristain, qui a deux filles; mais une surtout, qui est la plus jolie créature imaginable. Je m'amuse intérieurement à mettre en contraste ce beau et innocent visage de quinze ans, avec les crânes dont il a peuplé plusieurs cellules, et surtout avec celui qui porte la date de 1766, et qui offrit autrefois, suivant la tradition, les traits les plus charmans de Bologne. Il appartenait à une femme noble et riche. Lorsque je le regarde, et que mes yeux se reportent ensuite sur la jeune fille, – quand je songe à ce qu'il a été et à ce qu'elle sera, alors je… Mais, en vérité, mon cher Murray, je ne veux pas vous révolter, en vous exprimant les pensées qui me viennent en foule. Ce que nous pouvons devenir, nous autres hommes barbus, est de fort peu d'importance; mais je n'aime pas cette idée, qu'une belle femme dure moins qu'un bel arbre, moins que son portrait, que dis-je! moins que son ombre, qui ne change pas au soleil comme sa figure devant un miroir. – En voilà assez; la tête me fait un mal affreux. – Je n'ai jamais été tout-à-fait bien depuis la représentation de la Mirra d'Alfieri, il y a quinze jours.

»Votre à jamais, etc.»

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Ilmumiskuupäev Litres'is:
03 juuli 2017
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