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Solutions mondiales, partenariats internationaux

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PRENEZ DES RISQUES

Un partenariat de financement innovant avec le Luxembourg permet de soutenir des fonds pour le climat dans les pays en développement en réduisant les risques pour les investisseurs privés

Certains pays n’ont ni les structures ni les capacités de financement nécessaires pour soutenir les entreprises qui s’intéressent aux énergies de substitution, à l’efficacité énergétique ou à l’utilisation durable des sols. Pour combler le déficit de financement, il est essentiel de mobiliser des financements privés et d’atténuer les risques inhérents aux projets dans les pays en développement.

La plateforme du financement climatique Luxembourg-BEI représente un modèle novateur canalisant des investissements privés qui, parallèlement aux financements de la BEI, sont déployés en vue de relever ces défis. Créée par la Banque européenne d’investissement et le Luxembourg en 2017, la plateforme a mis en place des processus décisionnels rapides et des critères clairs pour le financement de l’action en faveur du climat. Ces critères découlent des priorités des donateurs et des investisseurs, ainsi que de l’expérience mondiale de la BEI en matière de financement climatique, de son savoir-faire technique interne qui s’appuie sur plus de 300 ingénieurs et économistes, de l’harmonisation avec d’autres institutions financières internationales, de normes d’investissement de pointe dans le secteur, de normes environnementales et sociales rigoureuses et d’un cadre strict en matière de suivi et d’établissement de rapports. La plateforme vise à réduire les émissions de CO2, à accroître les économies d’énergie, à remettre les sols en état et à promouvoir les nouvelles technologies.

La plateforme procède à des investissements en fonds propres dans des tranches de rang inférieur de fonds multitranches, ce qui réduit les risques pour les entités du secteur privé investissant dans les tranches de premier rang. Ces fonds investissent ensuite dans des entreprises implantées dans des pays émergents qui participent à des projets d’atténuation des changements climatiques et d’adaptation à leurs effets. La plateforme exerce un effet multiplicateur, défini par le rapport entre l’investissement total dans les projets finals et l’engagement initial de la plateforme. Le montant de 20 millions d’euros investi par la plateforme, conjugué au financement de 166 millions d’euros mis à disposition par la BEI, mobilise ainsi 3,4 milliards d’euros d’investissements en faveur des projets.

La plateforme du financement climatique Luxembourg-BEI coopère actuellement avec quatre fonds.

Le Green for Growth Fund est un fonds d’investissement d’impact spécialisé dans l’atténuation des changements climatiques et la promotion d’une croissance économique durable, qui investit essentiellement dans des mesures réduisant la consommation d’énergie, l’utilisation des ressources et les émissions de CO2.

Le Land Degradation Neutrality Fund soutient des projets menés par le secteur privé qui favorisent la gestion durable des terres, principalement au moyen d’une agriculture et d’une foresterie durables.

Le Access to Clean Power Fund est un fonds qui soutient de petites entreprises fournissant des solutions en matière d’énergie renouvelable. Son but est de contribuer à des impacts économiques, sociaux et environnementaux positifs, en aidant les entreprises à se développer. Pour ce faire, il leur propose des fonds de roulement afin de leur permettre de payer leurs stocks et leurs créances, ainsi que des prêts visant à financer des volets spécifiques de leurs projets.

Le Climate Resilience Solutions Fund est le premier fonds d’investissement à se concentrer sur l’adaptation aux changements climatiques et le premier instrument d’investissement commercial à cibler les petites entreprises actives dans le domaine des services d’information sur le climat et des solutions en la matière pour les pays en développement (analyses de données relatives à l’agriculture).

PAS DE BOIS, PAS DE CHOCOLAT

L’augmentation de la demande de cacao met en péril les forêts des pays producteurs. En conséquence, une nouvelle législation européenne vise à lutter contre la « déforestation importée » et l’État ivoirien s’associe à la banque de l’UE pour réhabiliter ses forêts dégradées au profit des générations futures

Par Jane Feehan

La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao. Lorsque je me suis installée dans ce pays d’Afrique de l’Ouest en 2019, j’ai pu constater de mes propres yeux à quel point le cacaoyer (Theobroma cacao), une espèce originaire d’Amérique du Sud, est devenu une partie intégrante de l’économie. Le cacao génère plus de 40 % des recettes d’exportation et la filière emploie environ 6 millions de personnes en Côte d’Ivoire.

Toutefois, le triste corollaire de cette augmentation de la production de cacao, c’est que la Côte d’Ivoire a perdu rien de moins que 60 % de ses forêts au cours des 25 dernières années. Les dernières forêts du pays se trouvent principalement dans des parcs nationaux et des réserves forestières, mais même là, la culture du cacao s’est frayé un chemin sur de vastes superficies. L’identité du pays s’articule autour de son capital et de son patrimoine naturels : ainsi, on retrouve partout l’emblème de l’éléphant, mais cet animal a presque disparu à l’état sauvage. La disparition des forêts est une perte environnementale aux répercussions encore plus profondes : ses lourdes conséquences touchent aussi bien la fertilité des sols que la gestion des bassins versants et la qualité de l’eau, la biodiversité, les stocks de carbone ou la perte du large éventail de biens et de services que les populations tirent des forêts et dont dépendent de nombreuses personnes pauvres en zone rurale.

Mais la situation est peut-être sur le point de changer, car une décennie de transformations s’annonce. Sous l’impulsion du pacte vert pour l’Europe, de la décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes et de la montée des préoccupations concernant les effets de la chaîne de valeur du cacao sur la perte de forêts et le bien-être des personnes qui travaillent dans cette filière, l’Union européenne propose deux nouveaux textes législatifs, qui devraient être approuvés en milieu d’année. De plus, l’État ivoirien s’associe à la Banque européenne d’investissement pour financer un projet de reconstitution des forêts du pays.

Une demande de cacao en hausse

La Côte d’Ivoire figure parmi les pays les moins avancés. Elle se classe 162e sur les 189 pays de l’indice de développement humain du PNUD, près d’un tiers de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Elle se définit aujourd’hui par les revenus qu’elle tire du cacao, ainsi que des noix de cajou, des bananes et du café.

La consommation de cacao est en hausse, malgré les répercussions de la pandémie de COVID-19 comme la réduction de la demande de produits de chocolaterie artisanale ou de luxe, associée aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement dues aux restrictions liées à la crise sanitaire. À plus long terme, le marché mondial des fèves de cacao devrait enregistrer un taux de croissance annuel composé de 7,3 % sur la période 2019-2025 pour atteindre 16,32 milliards de dollars. Le marché de détail du chocolat affichait une valeur de 106,19 milliards de dollars en 2017 et devrait atteindre 189,89 milliards de dollars d’ici 2026. Sur le plan purement économique, c’est bon pour la Côte d’Ivoire, qui représente 42 % de la production mondiale de cacao. Mais cela s’accompagne d’un grave péril pour les forêts du pays. Au rythme actuel, toutes les forêts naturelles de Côte d’Ivoire auront disparu d’ici 20 ans.

Les projets de l’UE peuvent avoir une incidence importante, car la région est la plus grande importatrice de cacao produit en Côte d’Ivoire.

Nouveaux financements de la BEI et nouvelle législation de l’UE

C’est pourquoi le premier des deux nouveaux textes législatifs européens revêt une importance capitale. Il porte sur la déforestation importée. Avec ses importations de produits tels que le cacao, l’huile de palme, la viande, le maïs et le soja, l’Union européenne contribue indirectement à environ 10 % de la déforestation mondiale. Afin d’éviter que son pouvoir de marché considérable continue d’encourager la déforestation et la dégradation des forêts dans d’autres parties du monde, l’Union européenne entend imposer de nouvelles règles sur la provenance et la traçabilité d’une série de produits de base, dont le cacao. Le second texte législatif intègre la durabilité dans le cadre de gouvernance des entreprises de l’UE. Cela signifie des exigences contraignantes en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

Les projets de l’Union européenne peuvent avoir une incidence importante, la région étant la plus grande importatrice de cacao de Côte d’Ivoire puisqu’elle achète 67 % des fèves de cacao produites par le pays. Les partenaires de l’UE, dont la Banque européenne d’investissement, les États membres et les agences de développement, ont uni leurs forces pour mettre sur pied une initiative de l’équipe d’Europe visant à soutenir le cacao durable en Côte d’Ivoire.

Parallèlement, l’État ivoirien a élaboré une stratégie décennale pour protéger, remettre en état et replanter les forêts du pays.

À la suite d’une série de discussions d’orientation, notre équipe de spécialistes des forêts et des financements étudie le meilleur moyen pour la Banque de contribuer à la mise en œuvre et au financement du plan ambitieux et transformateur élaboré par les pouvoirs publics ivoiriens. Nous avons déjà mobilisé des fonds d’assistance technique pour la phase d’instruction du plan et la phase de préparation précédente. Notre financement se concentrerait sur des investissements structurels à forte intensité de capital, tels que les pépinières, les infrastructures, les équipements, les activités de boisement et de reboisement, ainsi que sur les activités d’appui essentielles telles que les études et inventaires et les plans de gestion des forêts.

 

La Banque européenne d’investissement apporte une perspective à long terme au projet qui coïncide avec le calendrier de la Côte d’Ivoire. Au moment où la chaîne de valeur du cacao fait l’objet d’un examen critique, notre financement aide la Côte d’Ivoire à sécuriser ses marchés européens. Il aide également la Côte d’Ivoire à restaurer son patrimoine naturel. Certaines des essences d’arbres qui vont être plantées aideront à répondre à la demande locale et régionale à court et à moyen terme pour les produits forestiers et dérivés du bois, ce qui réduira la pression exercée sur les forêts restantes. D’autres seront plantées pour les générations futures : les géants spectaculaires des forêts de la région, comme le grandiose fromager qui impressionne avec ses énormes racines arc-boutées et son envergure massive, ou des essences de bois d’œuvre de grande valeur comme le tiama et le fraké, qui sont devenues rares à l’état naturel. Plusieurs décennies seront nécessaires pour que ces essences emblématiques des transformations en cours parviennent à maturité. La croissance de ces forêts régénérées est un héritage en matière de développement que nous laisserons aux générations futures.

Jane Feehan est à la tête du bureau régional de la BEI pour l’Afrique de l’Ouest à Abidjan.

UN FLUX CRÉATIF

En Afrique, chaque projet représente un puzzle unique pour les ingénieurs hydrauliciens. Voici quelques solutions de développement créatives conçues pour répondre aux besoins en eau de l’Afrique et bâtir son indépendance à long terme

Par Caroline Ogutu

Il est faux de croire que les ingénieurs sont dotés de logique mais dépourvus de créativité. Face au défi que représentent les changements climatiques, les ingénieurs civils qui, comme moi, travaillent dans le développement ont besoin de se montrer tout aussi inventifs que s’ils exerçaient des professions faisant principalement appel à cette qualité.

La créativité est un besoin humain, un élément vital de notre évolution. Bien évidemment, c’est un besoin un peu moins essentiel que l’eau, mais le développement est une forme d’évolution des sociétés et des économies. Chaque fois que je suis confrontée à un nouveau défi en tant qu’ingénieure hydraulicienne, je dois trouver une solution adaptée pour apporter l’eau et l’assainissement à une population.

Dans le contexte africain, chaque projet concernant l’eau est unique et nous devons adopter différentes approches pour nous assurer que les projets sont durables et qu’ils répondent aux besoins de la population.

Des solutions de développement créatives en Tanzanie

Le projet relatif à l’eau et à l’assainissement de Mwanza et de ses villes satellites de Lamadi, Misungwi et Magu, ainsi que de Bukoba et Musoma, sur les rives tanzaniennes du lac Victoria, a nécessité une bonne dose de réflexion créative, sans oublier un travail approfondi sur le terrain.

L’objectif de ce projet, lancé par la Banque européenne d’investissement en 2013, est de préserver la salubrité de l’environnement du lac, en apportant de meilleurs services d’eau et d’assainissement aux habitants de ces villes tanzaniennes. En effet, la pollution que ces villes génèrent participe à la dégradation générale de ce lac d’eau douce.

Bien évidemment, le fait que le projet apporte de l’eau potable à environ 1 million de personnes et améliore les services d’assainissement de quelque 100 000 habitants constitue bien plus qu’un bienfait secondaire.

Mais qu’est-ce que ce projet a de créatif ?

Tout d’abord, nous nous sommes servis de l’environnement local pour mettre en place une solution. Le système d’approvisionnement en eau de Lamadi, avec sa station d’épuration sur les rives du lac, nécessitait des moyens innovants pour l’ouvrage de prise d’eau. Il a été proposé de mettre en place des galeries filtrantes : l’eau du lac est d’abord filtrée à travers le lit de sable, avant de s’écouler dans un système de traitement à l’écart du rivage. Les galeries filtrantes sont des conduites perméables, horizontales ou inclinées, dans lesquelles l’eau peut s’infiltrer depuis une source sus-jacente ou voisine, dans ce cas, le lac. Le sable filtre les sédiments et les matières en suspension, à savoir les polluants, comme si l’on passait l’eau à travers un tamis. L’eau est ainsi nettoyée et peut être chlorée ou traitée par d’autres moyens. La filtration permet d’éviter les maladies d’origine hydrique. En outre, elle repose entièrement sur l’utilisation de l’environnement local.

Dans le contexte africain, chaque projet concernant l’eau est unique et nous devons adopter différentes approches pour nous assurer que les projets sont durables et répondent aux besoins de la population.

De toute évidence, cela ne pourrait pas fonctionner dans toutes les situations, et c’est pourquoi il a fallu être créatif.

De la créativité à haute et basse altitudes

Toutefois, l’aspect le plus créatif du projet Mwanza concerne la gestion des quartiers informels, qui ne bénéficiaient d’aucun service d’assainissement. Ces quartiers sont en grande partie tributaires d’installations d’assainissement sur site, comme des latrines à fosse. Il n’est pas rare de trouver des quartiers mieux organisés sur les hauteurs, tandis que les quartiers informels se situent majoritairement sur des terrains à faible altitude. Étrangement, la situation est inversée à Mwanza. Sur les pentes des collines entourant Mwanza se trouvent principalement des quartiers informels densément peuplés, dépourvus d’infrastructures et de réseaux routiers organisés, ce qui pose de grandes difficultés pour les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement.

Sans tout-à-l’égout, les eaux usées des quartiers informels s’écoulent librement à flanc de colline. Ces quartiers ne bénéficiaient pas non plus d’un approvisionnement en eau régulier en raison de raccordements inadaptés et de l’incapacité des habitants à payer les frais de raccordement.

L’idée que nous avons mise au point : des égouts simplifiés.

Voici comment nous avons procédé. La solution des égouts simplifiés a été conçue en sensibilisant et en mobilisant massivement la population locale. En partenariat avec ONU-Habitat, nous avons constitué, dans les communautés respectives des quartiers informels, des groupes de suivi, des forums regroupant différentes parties prenantes. Ces forums sont composés de membres bénévoles de la communauté, d’agents administratifs et de responsables sanitaires. L’objectif principal est de mobiliser les membres de la communauté et de les sensibiliser à l’importance de la salubrité de l’environnement, et plus précisément de les inciter à raccorder leurs toilettes au réseau d’égouts. Les forums jouent aussi un rôle de médiation pour la résolution des conflits qui surviennent au cours des travaux de construction.

Comment le réseau d’égouts simplifiés est-il construit ? Le forum répartit la communauté en groupements de dix foyers, par exemple, qui seront chargés de leur propre assainissement. Chaque groupement a pour mission de raccorder ses propres toilettes et foyers à un point de collecte. Ensuite, MWAUWASA, l’organisme local chargé des services collectifs, installe une canalisation principale et des conduites latérales qui recueillent les eaux usées des points de collecte et les déversent dans le réseau d’égouts conventionnels existant.

Mais la communauté locale n’est pas livrée à elle-même. La solution des égouts simplifiés est vraiment construite autour de la composante de l’engagement communautaire. Le forum et nos consultants expliquent à la population – au moyen de fréquentes réunions de sensibilisation – l’importance d’assainir les eaux usées, de disposer de meilleures toilettes et de les utiliser, sans oublier les techniques d’entretien des raccordements. Nous finançons également les travaux de construction et d’entretien, tandis que l’organisme de services collectifs fournit les matériaux pour installer les raccordements. Un maître d’ouvrage intervient pour réaliser la construction. Une personne du groupement de résidents est nommée pour diriger le groupe et veiller à l’entretien des raccordements.

La population participe. Elle adhère au projet, grâce aux nombreuses réunions et aux activités de sensibilisation approfondies organisées en coopération avec ONU-Habitat. Elle prend part aux décisions sur la construction et supervise tout. Bien évidemment, elle n’est pas la seule à en profiter. L’organisme de services collectifs trouve en quelque sorte un moyen de pénétrer dans ces quartiers informels densément peuplés. De plus, il tire des revenus de ces raccordements. Les autres habitants de la ville en bénéficient aussi, car les eaux usées des populations installées sur les collines ne ruissellent plus jusqu’à leur porte.

L’une des caractéristiques du projet a aujourd’hui une résonance particulière : les points d’eau, les installations de lavage des mains et les actions de sensibilisation en matière d’hygiène organisées régulièrement dans les écoles et parmi les populations locales dans le cadre de ce projet ont augmenté le niveau de sensibilisation et la préparation aux situations d’urgence, telles que la menace posée par la pandémie de COVID-19 dans la région.

La population participe. Elle adhère au projet.

D’un coût de 104 millions d’euros, le projet a été financé au moyen d’un prêt de 45 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement, de 45 millions d’euros mis à disposition par l’Agence française de développement et de 14,5 millions d’euros du gouvernement tanzanien. La Banque européenne d’investissement a également apporté une assistance technique financée par des aides non remboursables de l’Union européenne.

Cette assistance technique a été déterminante. Avant même le début du projet, nous avons financé un plan directeur pour analyser la demande et les besoins en eau de la population à l’avenir. Nous avons aussi élaboré un plan directeur pour l’assainissement. Par conséquent, du point de vue du financement, nous savions ce qu’il y avait à faire et nous avons pu l’adapter aux besoins futurs de la population. C’est ce qui rend cette solution durable.

La créativité de Kampala

Un autre projet dans la région du lac Victoria pour lequel il a fallu faire preuve de créativité est l’amélioration de l’approvisionnement en eau de Kampala, capitale de l’Ouganda.

Les réseaux d’approvisionnement en eau de Kampala constituaient un enchevêtrement de canalisations. Dépourvus d’une bonne planification en amont, ils ont été construits à diverses époques de manière fragmentaire, de sorte que tout le monde a été raccordé à partir de nombreuses directions différentes. En conséquence, le système présentait de nombreuses inefficacités, comme des pertes liées à l’utilisation de canalisations de la mauvaise taille ou des fuites, par exemple, au niveau des nombreux raccordements mal conçus entre les différentes parties du réseau. Entre la station de traitement et le robinet, près de la moitié de l’eau se perdait. Pour l’organisme de services collectifs, cela signifiait n’être payé que pour la moitié de l’eau traitée.

Afin d’augmenter l’approvisionnement en eau, nous avons décidé d’améliorer les infrastructures d’adduction. Plus précisément, nous avons pu augmenter l’approvisionnement en eau à partir des installations de traitement existantes rien qu’en améliorant les raccordements et en les remettant en état. Grâce à cela, nous avons pu apporter l’eau – qui était auparavant perdue – à des personnes qui n’étaient jusqu’alors pas desservies. Avec ses partenaires de l’Agence française de développement et de la banque allemande de développement, KfW, la Banque européenne d’investissement a également modernisé la station de traitement de l’eau, qui a permis de porter la production journalière de 150 000 à 240 000 m³. Nous avons entamé les travaux de construction d’une nouvelle station de traitement de l’eau dans la partie orientale de Kampala pour approvisionner des quartiers qui n’ont jamais été desservis.

 

Des solutions pour les quartiers informels de Kampala

La solution générale que nous avons adoptée pour Kampala n’était pas celle que nous avions retenue pour Mwanza. Dans le même ordre d’idées, la solution pour les quartiers informels de Kampala devait être différente de celle mise au point pour ceux de Mwanza.

Les Africains doivent réfléchir à leurs propres solutions et se les approprier. C’est alors qu’elles deviendront véritablement durables.

Tout d’abord, les quartiers informels de Kampala sont situés sur des terrains à faible altitude, et non sur des collines comme à Mwanza. Nous devions néanmoins réduire la quantité d’eau non traitée dans ces quartiers, réduire l’incidence des maladies d’origine hydrique et apporter des services d’assainissement à 200 000 habitants.

Cette fois, la solution créative faisait appel à des blocs sanitaires.

Voici comment nous avons procédé. Nous avons construit des installations sanitaires dans un espace public. Nous avons proposé leur rattachement à un restaurant ou à un magasin situé à proximité, par exemple. L’opérateur privé de l’installation sanitaire en assure l’entretien et demande aux résidents des quartiers informels une somme modique pour son utilisation. Néanmoins, l’exploitation de l’installation sanitaire est subventionnée par le commerce adjacent. L’opérateur est incité à bien entretenir les installations et à y maintenir des tarifs bas pour pouvoir attirer des personnes dans le commerce adjacent et y enregistrer plus de bénéfices. Afin de conserver la licence du commerce adjacent, l’opérateur doit aussi prouver aux inspecteurs du conseil municipal qu’il entretient les blocs sanitaires. Cette solution garantit l’entretien du bloc sanitaire sur le long terme.

C’est un remède à un problème fréquent en matière de développement, dans lequel une entité extérieure investit beaucoup d’argent dans la construction d’un bloc sanitaire, qui finit par se détériorer faute d’entretien sur le long terme. En quelques années, l’absence de gestion et d’entretien conduit à des dysfonctionnements, voire à des actes de vandalisme. Les blocs sanitaires de Kampala sont une façon créative d’offrir un avenir durable à ce type d’installation, sans que d’autres ressources importantes soient nécessaires pour les maintenir en état.

La créativité est essentielle au développement

Ces projets sont déterminants pour assurer le développement efficace de l’Afrique. Si nous importons une solution unique, la durabilité ne sera jamais au rendez-vous. Il faut que les infrastructures soient entretenues, que les équipements soient facilement accessibles, et qu’ils puissent être achetés. Les Africains doivent réfléchir à leurs propres solutions et se les approprier. C’est alors qu’elles deviendront véritablement durables.

Basée à Nairobi, Caroline Ogutu est ingénieure hydraulicienne dans la division Sécurité et résilience de l’eau de la Banque européenne d’investissement.