Tasuta

L'Abbé de l'Épée: sa vie, son apostolat, ses travaux, sa lutte et ses succès

Tekst
iOSAndroidWindows Phone
Kuhu peaksime rakenduse lingi saatma?
Ärge sulgege akent, kuni olete sisestanud mobiilseadmesse saadetud koodi
Proovi uuestiLink saadetud

Autoriõiguse omaniku taotlusel ei saa seda raamatut failina alla laadida.

Sellegipoolest saate seda raamatut lugeda meie mobiilirakendusest (isegi ilma internetiühenduseta) ja LitResi veebielehel.

Märgi loetuks
Šrift:Väiksem АаSuurem Aa

XXXVIII

Pièces de vers auxquelles donne naissance l'inauguration de la statue de l'abbé de l'Épée, à Versailles. Improvisation poétique du sourd-muet Pélissier, avec épigraphe du sourd-muet Lenoir. – Le conseil municipal autorise le maire à accepter le monument, et adresse des remercîments aux commissaires, aux souscripteurs et au statuaire. – La commission sollicite en vain de M. le Ministre de l'intérieur, par l'intermédiaire de M. le préfet, une dernière subvention pour solder ses comptes. – Relevé définitif des recettes et dépenses. – Tribut de regret de la commission à quatre de ses membres décédés. – Ses remercîments à M. le préfet Aubernon. – Elle décerne une médaille au statuaire Michaut. – Désir des souscripteurs sourds-muets de voir leurs noms imprimés dans les journaux, afin de constater leur reconnaissance pour l'abbé de l'Épée. La commission ne peut que faire lithographier des listes générales. – Conclusion: sept vœux émis; trois encore à exaucer, une statue dans l'Institution, berceau de l'art d'élever les sourds-muets; deux inscriptions, l'une, sur la maison modeste où il naquit, à Versailles; l'autre, sur la maison modeste où il commença à enseigner, à Paris.

A l'occasion de l'inauguration de la statue, plusieurs pièces de vers, plus remarquables, en général, sous le rapport de l'intention que sous celui du talent, parurent dans les journaux de Seine-et-Oise.

Notre poëte sourd-muet, Pélissier105, voulut chanter, à son tour, cet envoyé du ciel, et, plus heureux, il réussit à le faire dans la véritable langue des dieux.

Ses vers ont pour épigraphe cette pensée d'un de nos frères:

Élever des statues aux grands hommes, c'est léguer à la postérité de sublimes leçons.

A. LENOIR.
 
Il est de certains noms consacrés par la gloire,
Ainsi que ces feux purs qui scintillent aux cieux,
Astres éblouissants qu'aux pages de l'histoire
Les siècles font éclore en jalons lumineux.
L'esprit de l'Évangile, en dépit de l'envie,
Fait rayonner leur front d'un éclat souverain,
Et l'artiste leur doit une seconde vie
Dans le granit ou dans l'airain.
 

M. le préfet, président d'honneur de la commission, adressa, le 16 septembre, à M. le baron de Fresquienne, expédition d'une délibération par laquelle le conseil municipal de Versailles autorisait M. le maire à accepter l'hommage fait à la ville du monument de l'abbé de l'Épée. Dans cette même délibération, le conseil municipal votait des remercîments aux commissaires, aux souscripteurs et à l'artiste désintéressé, auteur de la statue.

M. le préfet transmit, le 30 avril 1844, à M. le Ministre de l'intérieur, la demande formée par les membres de la commission, à l'effet d'obtenir une nouvelle subvention de 1,800 francs, pour acquitter la somme restant à payer aux entrepreneurs qui ont contribué à la construction et à l'érection du monument. Malgré la recommandation et les démarches personnelles de ce fonctionnaire, M. le Ministre ne put accueillir favorablement cette pétition, et voici en quels termes il l'en informa:

«J'aurais voulu, Monsieur le préfet, qu'il me fût possible de donner suite à votre demande, mais l'état des fonds dont je dispose pour encouragement aux beaux-arts ne m'en offre pas les moyens. Je vous en témoigne tous mes regrets.»

Le 25 juin 1845, les membres composant la commission ouvraient leur quatorzième et dernière séance chez M. le baron de Fresquienne, pour procéder à la clôture définitive de leurs opérations.

Lecture fut faite d'un rapport divisé en cinq paragraphes:

1º Compte-rendu des opérations depuis la première séance jusqu'au jour de l'inauguration;

2º Procès-verbal de la séance d'inauguration;

3º Compte-rendu des travaux jusqu'à ce jour, 25 juin 1845;

4º Examen des comptes de M. le trésorier, et rapport;

5º Inventaire des pièces écrites et imprimées de la commission.

COMPTES DE M. LE TRÉSORIER,

Recettes.


Dépenses.


Balance.


Quant à l'engagement pris de publier l'état des recettes et dépenses dans les trois mois de la clôture des travaux,

Attendu qu'il a été impossible de pourvoir plus tôt à cette obligation; que, d'un autre côté, la publication serait suffisante si elle était faite dans les journaux du département,

La commission arrête ce qui suit:

Il sera fait une seule publication dans l'un des journaux qui paraissent à Versailles; elle sera ainsi conçue:

«La commission des souscripteurs au monument de l'abbé de l'Épée, en terminant ses travaux, a arrêté le chiffre de ses recettes et de ses dépenses dans sa dernière séance du 25 juin, et, afin de se montrer fidèle à l'engagement qu'elle a pris dans ses prospectus, elle a fait la déclaration qui précède.»

L'excédant en recette de 2 francs fut versé à la caisse du bureau de bienfaisance.

La commission, en se séparant, crut devoir exprimer les vifs regrets qu'elle avait éprouvés de ce que quatre de ses membres les plus distingués, dont elle avait été à même d'apprécier le zèle et les lumières, n'avaient pu assister au terme de ses travaux.

La mémoire du marquis de Sémonville et du chevalier de Jouvencel, et les souvenirs si rapprochés encore de MM. Taphinon et Douchain, lui étaient précieux, et l'on savait combien leur concours avait été généreux et utile.

La commission voulut aussi témoigner sa vive reconnaissance à M. Aubernon, préfet de Seine-et-Oise, qui, en acceptant le titre de président d'honneur, avait facilité l'accomplissement de ses travaux.

Heureuse et flattée de son bienveillant patronage, elle aimait à renouveler à ce digne magistrat l'expression de sa profonde gratitude.

Après avoir pris l'avis de ses collègues, M. le président déclara les travaux terminés et la commission dissoute.

EXTRAIT DU COMPTE-RENDU DES OPÉRATIONS DU BUREAU
DEPUIS L'INAUGURATION

«Le conseil municipal, sur la proposition d'un de ses membres, étranger à la commission, a décerné, en 1843, à M. Michaut, notre statuaire, une médaille comme témoignage de sa reconnaissance pour son zèle désintéressé. Ce don, modeste en apparence, vous paraîtra néanmoins précieux, et honorer autant l'artiste qui s'en est rendu digne que le corps qui le lui a décerné.»

Les sourds-muets souscripteurs du monument avaient exprimé le vœu que leurs noms fussent publiés dans les journaux. Ce n'était pas orgueil de leur part, c'était le besoin impérieux de prouver à leurs frères, à leurs parents, à leurs amis, qu'ils avaient répondu, comme c'était, pour eux, un devoir, à l'appel d'une légitime reconnaissance. Certainement le plus vif désir de la commission Versaillaise eût été de se rendre à leur juste empressement; mais elle recula devant les dépenses auxquelles cet objet l'aurait entraînée. Il eût fallu payer les frais d'insertion 50 centimes la ligne, et il en aurait coûté 200 francs, au moins, pour obtenir cette publicité dans un seul grand journal de Paris; de plus, on eût dû envoyer un exemplaire de cette liste à chaque sourd-muet souscripteur. C'était, à 20 centimes l'un, 16 francs encore! non compris ceux qui avaient souscrit collectivement. La commission pensa qu'il valait mieux faire lithographier des listes de tous les souscripteurs, sans exception, lesquelles leur seraient distribuées, et permettraient d'en reproduire d'autres dans la suite. Ces listes, d'accord avec les quittances individuelles, appartiennent à chaque souscripteur, pour qui elles constituent comme un titre personnel106.

Sur les sept vœux émis dans cet ouvrage, quatre seulement sont exaucés:

Un monument s'élève dans l'église Saint-Roch, à Paris, près de l'autel où l'abbé de l'Épée célébrait la sainte messe, sur l'emplacement même où reposent ses dépouilles mortelles.

Sa statue orne le fronton de l'Hôtel de Ville de la capitale de la France.

Une autre statue du saint Vincent de Paule de nos frères d'infortune décore une des places de Versailles, sa patrie.

Son portrait a été inauguré au Musée national de cette ville.

Mais le berceau de son admirable création, mais l'Institution nationale des sourds-muets de Paris, attend encore sa statue, qui lui a été promise.

Mais rien ne signale même au respect public la maison modeste où il naquit à Versailles, la maison modeste où il commença à enseigner à Paris.

Paris, Versailles, la France, le monde entier, acquitteront-ils donc enfin ces trois dernières dettes de reconnaissance?

En douter un instant serait leur faire injure.

Nous attendons avec une pleine confiance la réalisation prochaine de nos trois derniers vœux.

 
FIN

NOTES

(A) L'orthographe du nom de l'abbé de l'Épée a été l'objet d'une discussion intéressante, à l'époque où l'on s'occupait de l'érection de sa statue à Versailles.

Lespée, c'est ainsi que ce nom est signé par son père dans l'extrait du registre de 1712 des actes de l'état civil de la ville de Versailles, que nous rapportons textuellement plus bas. Lespée, c'est ainsi qu'il est écrit encore au frontispice d'un petit livre pour étudier les règles du jeu de trictrac, qui porte le millésime de 1698, et qu'une des nièces du célèbre instituteur, madame la comtesse de Courcel, a bien voulu me communiquer il y a onze ou douze ans. Mais à cette orthographe nous opposons, non-seulement celle de la signature qu'on lit au bas d'une lettre autographe par lui adressée à l'abbé Salvan, son élève, et, comme lui, instituteur des sourds-muets, mais encore celle du nom de de l'Épée retrouvé sur un livre dont il fit don à Anne-Catherine Dessales, sourde-muette, pour récompense de la science dont elle avait donné des preuves dont un exercice public à Paris, le 8 août 1779.

D'ailleurs, n'avons-nous pas plus d'un exemple de ces altérations d'orthographe?

L'empereur Napoléon, qui s'appelait d'abord Buonaparte (un nom italien), ne signa-t-il pas Bonaparte dès qu'il se vit investi du commandement de l'armée d'Italie?

A la vue de la noble particule, précédant le nom de notre héros pacifique, quelqu'un osera-t-il accuser sa vanité? Mais qui donc ignore que son humilité était devenue proverbiale?

(3e Arrondissement de Seine-et-Oise. )
MAIRIE DE VERSAILLES
Extrait du registre des actes de naissance de la ville de
Versailles, pour l'année 1712

L'an mil sept cent douze, le vingt-six novembre, a été baptisé Charles-Michel né avant-hier, fils de Charles-François Lespée, expert ordinaire des bâtiments du roi, et de Françoise-Marguerite Varignon, son épouse, de cette paroisse. Le parrain a été Michel Varignon, oncle maternel; la marraine, Catherine Portier, veuve de Thomas Valleran, entrepreneur des bâtiments du roi, qui ont signé avec le père présent.

Signé: Michel Varignon, Catherine Portier, Lespée et Blaise, prêtre.

(B) Voici une note, concernant les formulaires, que nous devons à l'obligeance d'un de nos amis, M. Dupoux:

«Deux formulaires, ou actes d'adhésion, furent imposés aux catholiques, à l'occasion des disputes sur le jansénisme.

«Voici la traduction du premier, arrêté par l'Assemblée du clergé, en 1656, et sanctionné par une bulle d'Alexandre VII, du 16 octobre de la même année:

«Je me soumets entièrement à la Constitution de notre Saint Père le pape Innocent X, du 31 mai 1653, selon son véritable sens, expliqué par l'Assemblée de Messeigneurs les prélats de France, du 28 mars 1654, et confirmée, depuis, par le bref de Sa Sainteté, du 29 septembre de la même année. Je reconnais que je suis obligé, en conscience, d'obéir à cette Constitution, et je condamne, de cœur et de bouche, la doctrine des cinq propositions de Cornélius Jansenius, contenues dans son livre, intitulé Augustinius, que le pape et les évêques ont condamnées, laquelle doctrine n'est point celle de saint Augustin, que Jansenius a mal expliquée contre le vrai sens du saint docteur.»

«La signature pure et simple de ce premier formulaire fut ordonnée par l'Assemblée du clergé de 1660, et rendue obligatoire comme loi de l'État par une déclaration royale du 20 avril 1664.»

«Voici maintenant la traduction du second formulaire, appelé le formulaire d'Alexandre VII, parce qu'il fut imposé par ce souverain pontife, et inséré dans sa bulle du 15 février 1665.

«Je me soumets à la Constitution apostolique d'Innocent X, du 3 mai 1653, et à celle d'Alexandre VII, du 16 octobre 1656; et je rejette et condamne sincèrement les cinq propositions extraites du livre de Cornelius Jansenius, intitulé Augustinus, et dans le sens du même auteur, comme le Saint-Siége apostolique les a condamnées par les susdites Constitutions. C'est ce que j'assure: ainsi Dieu m'aide et les saints Évangiles!»

«Une déclaration du roi, promulguée le 25 avril 1666, ordonna à tous les archevêques et évêques du royaume de signer ou de faire signer ce formulaire par tous les ecclésiastiques séculiers et réguliers, par les religieuses et les maîtres d'écoles, sans aucune distinction, explication ou restriction.

«Il est présumable que le second formulaire, celui d'Alexandre VII, est le même qu'on proposa à l'abbé de l'Épée de signer, lorsqu'il se présenta pour entrer dans les ordres; car il ne paraît pas qu'il en ait été prescrit un troisième.

«La bulle de Clément XI, publiée en 1705, et qui commence par ces mots: vineam domini Sabaoth, se borne à condamner ce que l'on appelait le silence respectueux, c'est-à-dire la prétention des jansénistes, qui consistait à condamner les cinq propositions, mais sans reconnaître qu'elles fussent extraites du livre de Jansenius, sous le prétexte que, ce dernier point étant une question de fait non révélé, l'on n'était point, en conscience, tenu de le confesser, même sur l'ordre du pape.

«La bulle unigenitus du même pontife, en date du 8 septembre 1713, contient la condamnation du fameux livre du père Quesnel, intitulé: Réflexion morales sur le Nouveau Testament. Elle ne propose pas, non plus, de nouveau formulaire. C'est, du reste, le dernier acte relatif au jansénisme qui soit émané du Saint-Siége.

«Les querelles du jansénisme furent terminées par un ouvrage intitulé: Corps de doctrine, adopté, en 1720, par l'Assemblée du clergé de France. Je ne sache pas que cet ouvrage contienne un nouveau formulaire. On le vérifierait en se reportant aux procès-verbaux de l'Assemblée du clergé à cette époque.»

Désireux de ne conserver aucun doute à cet égard, et de savoir positivement si le formulaire imposé par Alexandre VII est bien celui qu'on voulut faire signer à l'abbé de l'Épée, lorsqu'à dix-sept ans, il demanda à être admis dans les ordres sacrés (dans le courant de 1729 à 30), je m'adressai au savant abbé Girard, sous-bibliothécaire de la Sorbonne, qui, avec un empressement que je n'oublierai de ma vie, se livra incontinent à d'actives recherches, relativement au fait qui me préoccupait. Il en résulta clairement qu'il n'avait été publié que deux formulaires, l'un, par le clergé de France, en 1656, l'autre, par le pape Alexandre VII, en 1665. C'est, à son avis, ce dernier dont l'approbation a été constamment exigée. Ce ne peut donc être, a-t-il ajouté, que celui-là auquel l'abbé de l'Épée aura été obligé d'apposer sa signature.

(C) Qu'on juge de l'étrange surprise que j'éprouvai en lisant en note ce qui suit, à la page 11 d'une brochure intitulée: Inauguration de la statue de l'abbé de l'Épée dans Versailles, sa ville natale.

«Jamais l'abbé de l'Épée n'a été avocat au parlement, ni même admis au stage. C'est ce qui résulte de recherches dues récemment à l'obligeance de M. Caubert, doyen du conseil de l'ordre des avocats à Paris.»

Or, cette déclaration est contraire au témoignage unanime de toutes les notices qui ont été publiées, jusqu'à ce jour, sur la vie de l'apôtre des sourds-muets.

Ayant tout lieu de présumer que les recherches en question n'avaient pas été faites aussi scrupuleusement qu'on aurait pu le désirer (loin de moi, d'ailleurs, la moindre pensée de douter de la bonne volonté qu'on y a apportée), ou, du moins, que les archives du Palais avaient dû souffrir de la révolution de 93, je me décidai à procéder moi-même à de nouvelles investigations à ce sujet, et je parvins enfin à savoir qu'aux Archives de la République existait l'acte de réception de M. l'abbé de l'Épée comme avocat, à la date du lundi 13 juillet 1733.

La preuve de son admission est consignée, en outre, dans une lettre de ce bienfaiteur de l'humanité à Me Élie de Beaumont, datée du 1er février 1779, laquelle commence par ces mots:

«Nous avons eu l'honneur, l'un et l'autre, d'être reçus avocats en la cour… Pour moi, l'état auquel je me suis consacré depuis 1731, ne me permet de défendre, comme avocat, que ceux que les canons des conciles appellent miserabiles personæ…»

(D) Réponse de M. l'abbé Coffinet, chanoine, secrétaire de l'évêché de Troyes, à M. de Sainte-James Gaucourt, secrétaire de la commission pour l'érection de la statue de l'abbé de l'Épée, en date du 21 août 1843:

21 août 1843:

«MONSIEUR,

«En recevant votre lettre, j'éprouvais d'abord la crainte de ne pouvoir répondre à votre désir; car les archives du secrétariat de l'évêché de Troyes ne remontent pas au-delà de 1802. Mais bientôt je me rappelai qu'à l'époque de 1793, quelques actes épiscopaux avaient été transférés à la Préfecture. Je m'empressai donc d'écrire à M. le préfet, pour le prier d'ordonner des recherches depuis 1712 jusqu'à 1737. Elles furent couronnées d'un plein succès. Elles fournirent même des renseignements imprévus. C'est avec un vif plaisir que je vous transmets l'extrait de ces documents, destinés a éclaircir, tout à la fois, une partie de la vie d'un homme justement illustre, et à donner toute la certitude désirable à un fragment de son histoire.

«Je dois les extraits ci-joints à l'obligeance de M. Ph. Guignard, archiviste de l'Aube. Ce jeune homme, aussi distingué par sa science que par sa piété, me demande, pour échange de son travail, un exemplaire de la notice que vous préparez sur l'abbé de l'Épée. Il vous prévient que, dans le cas où vous ne relateriez pas ces documents à la suite de votre ouvrage, il se propose de faire imprimer tout au long ces fragments précieux pour le nom de l'homme qu'ils concernent, dans la Bibliothèque de l'école des chartes.

«Si je ne craignais d'être indiscret, je vous prierais de m'adresser également un autre exemplaire de votre notice, que je conserverais avec soin dans mes archives.

«Agréez l'assurance des sentiments respectueux avec lesquels je suis, etc.»


ARCHIVES DU DÉPARTEMENT DE L'AUBE.

Registre des actes épiscopaux (titres de l'évêché de Troyes)
Inventaire Vallet. Registre nº 37, de 1731 à 1742, page 190

1736. Nomination de M. Charles-Michel de l'Épée à la cure de Feuges.

1e 23 mars 1736

fº 62, vº

Cura de Feugiis (Feuges.)

Jacobus Benignus Bossuet, permissione divinâ, Trecensis episcopus, dilecto nostro Magistro Carolo-Michæli l'Épée, clerico parisiensi, salutem in Domino! Curam, seu parochialem ecclesiam, sub invocatione sancti Benedicti de Feugiis (Feuges, arrondissement d'Arcis-sur-Aube), in nostrâ diœcesi, cujus, occurente vacatione, collatio, provisio et alia quævis dispositio ad nos, ratione nostræ dignitatis episcopalis, pleno jure, spectare et pertinere dignoscitur, proùt spectans et pertinens, liberam nunc et vacantem per desertionem Magistri Laurenti Cuchin presbyteri, illius ultimi et immediati possessoris pacifici, aut alio quovis modo et ex cujuscumque personâ, tibi presenti atque sufficienti, capaci et idoneo per prævium examen reperto, contulimus et donavimus, conferimusque et donamus, ac de illâ, illiusque juribus et pertinentiis universis providimus et providemus per presentes. – Quocircà Mandamus notario apostolico qui super hoc fuerit requisitus, quatenùs te, seu procuratorem tuum, ad hoc legitimè constitutum, nomine tuo et pro te, in possessionem corporalem, realem et actualem dictæ parochialis ecclesiæ, juriumque et pertinentium ejusdem universorum ponat et inducat, adhibitis solemnitatibus in talibus assuetis, jureque cujuslibet salvo.

Datum Trecis, sub signo vicarii nostri generalis, anno Domini millesimo septingentesimo trigesimo sexto, die verò mensis Martii vigesimâ tertiâ, presentibus ibidem Magistro Petro Noel et Daniele Lenoir, presbyterio Trecis respectivè commorantibus, testibus ad premissa vocatis, et in presenti minutâ, cum vicario nostro generali, subsignatis.

Signé: Noel, Philippe, vicarius generalis, Lenoir.

Promotion de Charles-Michel de l'Épée aux quatre ordres mineurs et au sous-diaconat

2e 31 mars

1736

même reg.

fº 63, rº.

Clericali tonsurâ initiati et promoti ad quatuor minores, subdiaconatûs, diaconatûs et presbiteratûs, ordines per nos Jacobum Benignum Bossuet, permissione divinâ, Trecensem episcopum, in sacello palatii nostri episcopalis Trecensis, anno Domini millesimo septingentesimo trigesimo sexto, die verò Sabbati Sancti mensis Martii ultimâ.

 
Ad quatuor minores ordines

M. Carolus-Michæl l'Épée, clericus parisiensis, pastor parochialis ecclesiæ de Feugiis, in nostrâ diœcesi.

Ad subdiaconatum

M. Carolus-Michæl l'Épée, acolytus parisiensis, pastor parochialis ecclesiæ de Feugiis, in nostrâ diœcesi, sub titulo patrimonii approbando.

Patrimoine de Charles-Michel de l'Épée trouvé suffisant pourqu'il puisse être promu aux ordres sacrés

3e 20 août

1736

même reg.

fº 65, vº.

Jacobus Benignus Bossuet, permissione divinâ, Trecensis episcopus, universis presentes litteras inspecturis notum facimus quod, viso quodam instrumento publico coràm Magistris Billeheu et Baptiste, notariis, Lutetiæ commorantibus, die quintâ mensis Maii proximè elapsi confecto, quo Carolus-Franciscus de l'Épée et Franscisca Margareta Varignon, prius uxor, Parisiis, in vico Ludovici magni, commorantes, summam ducentarum et quinquaginta librarum annui reditûs, dilecto nostro Magistro Carolo-Michæli de l'Épée, subdiacono parisiensi, pastori parochialis ecclesiæ de Feugiis, in nostrâ diœcesi, et ipsorum filio, in titulum patrimonii cujus ope ad sacros (etiam presbyteratûs) ordines promoveri possit, cessisse et donasse dignoscuntur; quam quidem summam 250 liv. ex tributis et vectigalibus, principatûs Dumbensis ad hoc oppigneratis ob collocatam quinque millium librarum summam, singulis annis percipiendi jus habebant, ipsi donatores juxtà instrumentum publicum hâc de re coràm Poncet, notario in ditione Dumbensi, die octavâ mensis Julii anni millesimi septingentesimi vigesimi septimi confectum; cujus quidem donationis sponsores existunt. Achilles Bellanger et Antonius Dionysius Goblain, Parisiis commorantes; nos, prœfatam summam 250 liv. annui reditûs sufficientem ut, ope hujusmodi tituli patrimonii, prœfatus Magister Carolus-Michæl de l'Épée ad sacros (etiam presbyteratûs) ordines promoveri possit et valeat, judicavimus et approbavimus, judicamusque et approbamus, cum hoc tamen vinculo quod dictus Magister de l'Épée, suum præditum reditum vendere, donare aut alio pacto alienare non poterit, absque nostrâ aut vicarii nostri generalis licentiâ, quod ei strictè sub pænis juris interdicimus.

Datum Trecis, sub signo vicarii nostri generalis, anno Domini millesimo septingentesimo trigesimo sexto, die verò mensis Augusti vigesimo.

Promotion de Charles de l'Épée au diaconat

4º 22 sept. 1736, même reg.

fº 66, rº et vº

Clericali tonsurâ initiati, etc… anno Domini 1736, die verò sabbati Quatuor Temporum septembris vigesimâ secundâ, per Jac. Ben. Bossuet.

Ad diaconatum

M. Carolus-Michæl l'Épée subdiaconus parisiensis, pastor parochialis ecclesiæ de Feugiis, in nostrâ diœcesi.

Nomination de Charles de l'Épée au canonicat de Pougy

5º 28 mars 1738, même reg.

fº 66, rº et vº

Jacobus Benignus Bossuet, permissione divinâ, Trecensis episcopus, dilecto nostro Magistro Carolo-Michæli l'Épée, diacono parisiensi, salutem in Domino! Canonicatum et præbendam collegiatæ ecclesiæ sancti Nicolai de Pugiaco (Pougy, – arrondissement d'Arcis-sur-Aube), in nostrâ diœcesi, quorum, occurente vacatione, collatio, presentatio et alia quævis dispositio ad nos, ratione nostræ dignitatis episcopalis, pleno jure, spectare et pertinere dignoscuntur, proùt spectans et pertinens, liberos nunc et vacantes per puram et simplicem resignationem Magistri Petri Lorin presbyteri, illorum ultimi et immediati possessoris pacifici, in manibus nostris spontè et liberè factam et per nos admissam, tibi presenti atque sufficienti, capaci et idoneo, contulimus et donavimus, conferimusque et donamus, ac de illis illorumque juribus et pertinentiis universis providimus et providemus per presentes. Quocircà Mandamus dilectis nostris canonicis et capitulo prœfatæ ecclesiæ collegiatæ de Pugiaco et in eorum recusationem, P., notario apostolico qui super hoc fuerit requisitus, quatenùs te, seu procuratorem tuum, ad hoc legitimè constitutum, nomine tuo et pro te, in possessionem corporalem, realem et actualem dictorum canonicatûs et præbendæ, juriumque et pertinentium eorumdem universorum, ponent et inducant, seu ponat et inducat, stallum in choro, locum et vocem in capitulo, tibi, vel dicto tuo procuratori, pro te, assignent, seu assignet, adhibitis solemnitatibus in talibus assuetis, jureque cujuslibet salvo.

Datum Trecis, sub signo vicarii nostri generalis, anno Domini millesimo septingentesimo trigesimo octavo, die verò mensis Martii vigesimâ octavâ, presentibus ibidem Magistro Petro Noel et Daniele Lenoir, presbyterio Trecis respectivè commorantibus, testibus ad præmissa vocatis et in presenti minutâ, cum vicario nostro générali, subsignatis.

Signé: Lefebvre, vicarius generalis; Lenoir, Noel
Promotion de Charles de l'Épée à la prêtrise

6º 5 avril 1738, même reg.

fº 84, vº et 85, rº.

Clericali tonsurâ initiati, etc… anno Domino millesimo septingentesimo trigesimo octavo, die verò Sabbati Sancti quintâ mensis Aprilis, per Jac. Ben. Bossuet.

Ad Presbyteratum

M. Carolus-Michæl l'Épée, diaconus parisiensis, canonicus ecclesiæ collegiatæ de Pugiaco, in diœcesi Trecensi.

Je soussigné, certifie que tous les documents ci-dessus sont très-authentiques. Ils ont été, sur ma demande, et d'après l'autorisation de M. le préfet, puisés par M. Ph. Guignard, archiviste de l'Aube, dans les Actes épiscopaux qui furent déposés à la Préfecture avant 1793.

Troyes, le 21 août 1843.

Signé: COFFINET,
Chanoine, secrétaire de l'évêché de Troyes.

(E) «Les agiographes, remarque M. l'abbé Bouchet, avec une sagacité impartiale qui l'honore, ont la sotte habitude, dans leurs vies des saints, de ne nous présenter que le beau côté de leurs héros, ce qui nuit à la vérité historique et en fausse les conséquences morales, car, avec de telles vies, les lecteurs s'imaginent toujours que les saints ne sont pas des hommes comme eux, et que, eux, lecteurs, étant hommes, ils ne peuvent pas être des saints.

«Quand même nous écririons la vie d'un saint, nous croirions de notre devoir d'historien de chercher et de montrer en lui quelque point vulnérable dans son existence. Si l'abbé de l'Épée n'est pas proprement un saint canonisé, c'est un homme de génie, et, ce qui vaut mieux encore qu'un homme de génie, un bienfaiteur, le plus grand bienfaiteur des sourds-muets.

«Son génie et sa bienfaisance ne l'ont malheureusement pas mis à l'abri des faiblesses humaines, et, loin d'atténuer ses fautes, nous les dirons aussi nettement que ses vertus, tout en gémissant de voir un homme aussi supérieur tomber formellement dans l'hérésie, et, loin de taxer l'Église catholique d'intolérance et de crier au rigorisme outré, nous préférons dire franchement que l'abbé de l'Épée a erré dans la foi et s'est attiré les rigueurs de l'Église, société divinement instituée pour garder le dépôt sacré des doctrines.

«Puis, dans le parti janséniste, aujourd'hui presque entièrement éteint, les bonnes œuvres étaient communément matière à ostentation; cependant, nous croyons que l'abbé de l'Épée fut toujours un homme profondément modeste, comme le sont presque tous les hommes de génie, et nous ne pouvons nous empêcher d'admirer la réponse qu'il fit au prêtre qui se crut obligé de lui refuser les cendres.

«Le jansénisme répand une large tache sur cette belle vie de l'abbé de l'Épée, et les éloges maladroits des historiens et des panégyristes ignorants ne parviendront jamais à l'effacer. Consolons-nous en disant: le soleil a ses taches. Et notre pénible fonction d'historien une fois remplie, nous ne persistons pas moins à croire que la question de bonne foi et l'immense charité de l'ami des sourds-muets lui auront fait trouver grâce devant celui qui est le Dieu de vérité, mais qui est aussi et surtout le Dieu de charité: Deus caritas est.

«Comme ami des sourds-muets, nous admirons le premier instituteur public des sourds-muets en France; mais, comme chrétien, nous aimons encore davantage l'Église catholique, dont, avant tout, il eût dû regretter de ne pas rester le ministre soumis.»

(F) Copie du certificat délivré par l'abbé de l'Épée à Mlle Blouïn

Je soussigné, instituteur gratuit des sourds-muets de Paris, certifie à tous ceux auxquels il appartiendra, que Mlle Charlotte-Louise-Jacqueline Blouïn, native d'Angers, m'ayant été adressée par feu Monsieur Ducluzel, intendant de Tours, pour que je lui apprisse à instruire les sourds-muets, cette demoiselle a fait, dans cet art, des progrès qui ont surpassé mon attente, et que le témoignage que j'en ai rendu, lorsqu'elle est retournée dans son pays, a engagé Monsieur l'intendant, quelques mois après, à m'écrire la lettre suivante, en date du 19 février 1782:

«Enfin, Monsieur, la demoiselle Blouïn, pour laquelle je vous avais demandé vos bontés, vient d'être autorisée à ouvrir un cours d'éducation pour les sourds-muets à Angers. Ses talents sont votre ouvrage: je ne dois mes succès qu'aux vôtres, dans l'art où vous avez daigné lui communiquer vos lumières: agréez-en le premier hommage. Ce n'est pas assez que la capitale vous admire, ma Généralité va jouir de vos bienfaits; je m'estime heureux d'avoir pu contribuer, avec vous, à diminuer les malheurs de l'humanité.

«J'ai l'honneur d'être…»

Signé: DUCLUZEL.

Mlle Blouïn, étant revenue à Paris pendant les vacances de 1782, vient d'y faire un second voyage sur la fin de celles de la présente année, où nous avions déjà repris nos leçons. Dès qu'elle y est entrée, j'ai cessé de les dicter par signes aux sourds-muets, pour lui en laisser faire la fonction, qu'elle a remplie parfaitement. Ses opérations lui ont attiré les applaudissements d'un grand nombre de personnes de différents pays, qui ne pouvaient se lasser d'admirer les talents que Dieu lui a donnés pour réussir dans cette œuvre. Je la crois donc capable de conduire ses élèves au degré d'instruction auquel sont parvenus ceux de nos sourds-muets qui en ont donné des preuves dans des exercices publics, et singulièrement dans celui du 13 août 1783, en présence de Monseigneur le nonce du pape, et de Monseigneur l'archevêque de Tours, accompagné de quelques-uns de ses illustres confrères.

105POÉSIES D'UN SOURD-MUET, avec une introduction par M. Laurent de Jussieu, à la librairie de Charles Gosselin, rue Jacob, 30.
106Voyez .