Tasuta

Avant qu’il ne tue

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Märgi loetuks
Avant qu’il ne tue
Avant qu’il ne tue
Tasuta audioraamat
Loeb Gabrielle Chiararo
Lisateave
Šrift:Väiksem АаSuurem Aa

« C’est regrettable, » dit-il.

« J’ai senti un léger changement ces derniers jours, » dit-elle. « Tout spécialement Porter qui a l’air de changer d’attitude avec moi. »

« Alors, on va résoudre cette affaire et les faire tous changer d’avis, » dit Ellington. « Peux-tu t’arranger pour faire envoyer toutes les photos des deux scènes de crime dans ton bureau ? »

« Oui, » dit-elle. « On se retrouve là-bas dans dix minutes. »

« OK. »

Mackenzie sut à ce moment-là qu’elle appréciait Jared Ellington probablement un petit peu plus qu’elle ne le devrait. Travailler avec lui durant les prochains jours allait être stimulant et intéressant pour d’autres raisons que l’enquête en cours.

CHAPITRE DOUZE

Mackenzie rentra chez elle un peu après dix-neuf heures ce soir-là, en se doutant bien qu’elle pouvait être rappellée à tout moment. Il y avait tellement de possibilités ouvertes, tellement de pistes différentes qui pouvaient potentiellement requérir son attention. Elle sentait que son corps était exténué. Elle n’avait pas bien dormi depuis la visite à la première scène de crime et elle savait que si elle ne s’accordait pas un peu de repos, elle finirait par faire des erreurs au travail.

En passant la porte, elle vit Zack assis sur le divan, une manette de Xbox en main. Une bière était posée sur la table devant lui et deux vidanges étaient alignées sur le sol. Elle savait qu’il avait eu un jour de repos au boulot et elle supposa que c’était ainsi qu’il l’avait passé. Elle le vit comme un enfant irresponsable et ce n’était pas ce qu’elle avait envie de voir en rentrant chez elle après un jour comme celui-ci.

« Salut, chérie, » dit Zack, en détournant à peine les yeux de la télé.

« Salut, » dit-elle sèchement, en se dirigeant vers la cuisine. En voyant la bière sur la table, elle avait eu soudainement envie d’en prendre une aussi. Mais honnêtement, se sentant exténuée et tendue, elle se décida plutôt pour un thé à la menthe.

En attendant que l’eau de la bouilloire soit chaude, Mackenzie se dirigea vers la chambre et changea de vêtements. Elle avait oublié de dîner et elle se rendit soudainement compte qu’il n’y avait pas grand-chose à manger dans la maison. Elle n’avait plus été faire de courses depuis quelques temps et elle était sûre que Zack n’avait certainement pas pensé à y aller.

Une fois qu’elle eut enfilé un short et un t-shirt, elle revint vers le sifflement de la bouilloire. Alors qu’elle versait l’eau chaude sur le sachet de thé, elle entendit des coups de feu assourdis venant du jeu de Zack. Curieuse et souhaitant au moins aborder le sujet pour voir comment il répondrait, elle ne parvint pas à cacher sa frustration.

« Qu’est-ce que tu as préparé pour dîner ? » demanda-t-elle.

« Je n’ai pas encore mangé, » dit-il, sans prendre la peine de détourner les yeux de la télé. « Tu allais préparer quelque chose ? »

Elle fixa sa nuque du regard et, durant un instant, se demanda ce qu’Ellington pouvait bien être occupé à faire. Elle doutait qu’il soit occupé à jouer à des jeux vidéos comme un pauvre minable enfermé dans son enfance. Elle attendit un instant, en laissant passer sa colère, puis elle fit un pas dans le salon.

« Non, je ne vais rien préparer. Qu’est-ce que tu as fait tout l’après-midi ? »

Elle l’entendit soupirer, même avec le bruit des explosions provenant du jeu. Zack fit pause et finit par tourner son regard vers elle. « Et qu’est-ce que cette question est supposée signifier ? »

« C’était juste une question, » dit-elle. « Je t’ai juste demandé ce que tu avais fait cet après-midi. Si tu n’avais pas été occupé à jouer à ton bête jeu, peut-être que tu aurais pu préparer à dîner. Ou au moins, aller chercher une pizza ou un truc dans le genre. »

« Je suis désolé, » dit-il sur un ton sarcastique et de manière forte. « Comment je suis supposé savoir l’heure à laquelle tu rentreras à la maison ? Tu ne me fais jamais part de ce genre d’informations. »

« Tu n’as qu’à m’appeler et demander, » explosa-t-elle.

« À quoi ça servirait ? » demanda Zack, en laissant tomber la manette et en se mettant debout. « Les quelques fois où j’ai essayé de t’appeler au boulot, je suis tombé directement sur ta boîte vocale et tu n’as jamais pris la peine de me rappeler. »

« C’est parce que je suis occupée à bosser, Zack, » dit-elle.

« Moi aussi, je travaille, » dit-il. « Je me casse le cul dans cette fichue usine. Tu n’as pas idée de combien je travaille dur. »

« Bien sûr que je le sais, » dit-elle. « Mais dis-moi, c’est quand la dernière fois où tu m’as vue assise à ne rien faire ? Je rentre à la maison et je me retrouve en général à devoir ranger tes vêtements sales qui traînent au sol ou la vaisselle sale que tu as laissée dans l’évier. Et tu sais quoi, Zack ? Moi aussi, je travaille dur. Je travaille vraiment dur et je vois tous les jours des trucs qui te feraient trembler. Je n’ai vraiment pas besoin de rentrer à la maison et de me retrouver confrontée à un petit garçon qui joue aux jeux vidéos et qui me demande ce qu’il y a pour dîner. »

« Petit garçon ? » dit-il, en hurlant.

Mackenzie n’avait pas eu l’intention d’en arriver si loin mais c’était fait. C’était la simple vérité et elle se retenait de lui dire depuis des mois mais maintenant que c’était dit, elle se sentait soulagée.

« C’est à quoi ça ressemble bien des fois, » dit-elle.

« Connasse. »

Mackenzie secoua la tête et recula d’un pas. « Tu as trois secondes pour retirer cette insulte, » dit-elle.

« Oh, va te faire foutre, » dit Zack, en faisant le tour du divan et en s’approchant d’elle. Elle voyait bien qu’il voulait lui faire face mais il savait aussi qu’il ne valait mieux pas. Il savait qu’il serait perdant s’il se battait avec elle. C’était quelque chose qu’il lui répétait souvent quand il se plaignait de tout ce qui n’allait pas dans leur relation.

« Pardon ? » demanda Mackenzie, espérant presque qu’il devienne aggressif et lui rentre dedans. Et au moment même où elle eut cette pensée, elle sut également autre chose avec clarté : leur relation était terminée.

« Tu m’as très bien entendu, » dit-il. « Tu n’es pas heureuse et je ne le suis pas non plus. Ça fait déjà un bout de temps que c’est comme ça, Mackenzie. Et franchement, j’en ai marre de supporter cette situation. J’en ai marre de venir toujours en second plan et je sais que je ne pourrai jamais rivaliser avec ton boulot. »

Elle resta silencieuse, ne souhaitant pas dire quelque chose qui pourrait le provoquer. Peut-être qu’elle aurait de la chance et que cette dispute serait bientôt terminée, les menant à une fin qu’ils souhaitaient tous les deux sans avoir à souffrir une longue bataille.

Tout ce qu’elle finit par dire fut : « Tu as raison. Je ne suis pas heureuse. Pour l’instant, je n’ai pas le temps pour un petit ami à résidence. Et je n’ai certainement pas le temps pour ce genre de disputes. »

« Oh pardon de te faire perdre ton temps, » dit calmement Zack. Il prit sa bière, but ce qu’il en restait et la redéposa avec force sur la table, tellement fort que Mackenzie crut que le verre allait se briser.

« Je pense que tu devrais partir, » dit Mackenzie. Elle maintint son regard, le fixant des yeux pour qu’il sache que ce n’était pas négociable. Ils s’étaient déjà disputés dans le passé et il avait déjà presque déménagé ses affaires. Mais cette fois-ci, il fallait que ça arrive. Cette fois-ci, elle veillerait à ce qu’il n’y ait plus d’excuses, plus de sexe de réconciliation, plus de discussions manipulatrices sur combien ils avaient besoin l’un de l’autre.

Zack finit par détourner son regard d’elle et lorsqu’il le fit, il eut l’air vraiment furieux. Il veilla cependant à laisser quelques centimètres de distance entre eux lorsqu’il passa à côté d’elle pour se rendre dans la chambre. Mackenzie l’entendit sortir alors qu’elle se trouvait debout dans la cuisine, à mélanger son thé.

Alors, c’est ça que je suis devenue ?, pensa-t-elle. Une fille seule, froide et dépourvue d’émotions ?

Elle fronça les sourcils, n’aimant pas beaucoup le côté inevitable de tout ça. Elle avait eu un mentor dans le passé qui l’avait prévenue à ce sujet. Il lui avait dit que si elle poursuivait une carrière ambitieuse dans les forces de police, sa vie deviendrait trop occupée et trop chaotique que pour être capable d’avoir un semblant de relation saine.

Après quelques minutes, Mackenzie entendit Zack grommeler dans sa barbe. Alors que des tiroirs s’ouvraient et se refermaient dans la chambre, elle entendit les mots connasse, obsédée par le boulot et putain de robot sans cœur.

Ces mots lui faisaient mal (elle n’essayait pas de se convaincre d’être insensible au point qu’ils ne lui fassent rien) mais elle les ignora. Au lieu de se focaliser sur eux, elle commença à ranger le désordre que Zack avait accumulé durant la journée. Elle rangea des vidanges, de la vaisselle sale et une paire de chaussettes pendant que l’homme responsable de ce désordre, un homme de qui elle était tombée un jour amoureuse, continuait à jurer et à l’injurier dans la chambre à coucher.

*

Zack s’en alla vers vingt heures trente et Mackenzie se mit au lit une heure plus tard. Elle consulta ses emails, vit que quelques rapports avaient été communiqués entre Nelson et d’autres officers mais il n’y avait rien qui demande son attention immédiate. Satisfaite à l’idée qu’elle pourrait même profiter de quelques heures de sommeil sans interruption, Mackenzie éteignit sa lampe de chevet et ferma les yeux.

Elle tendit la main et sentit l’espace vide de l’autre côté du lit. Que le côté de Zack soit vide n’était pas un bouleversement en soi car il était souvent absent lorsqu’elle se mettait au lit dû à ses horaires de travail à l’usine. Mais maintenant, en sachant qu’il était parti pour de bon, le lit avait l’air bien plus grand. Elle s’étendit de tout son long en profitant de l’espace vide et elle se demanda depuis quand elle n’était plus amoureuse de lui. Ça faisait au moins un mois, ça, elle en était sûre. Mais elle n’avait rien dit pour tenter que ce qui les avait uni puisse éventuellement refaire surface.

 

Mais au lieu de ça, la situation avait empiré. Elle avait souvent pensé que Zack avait dû se rendre compte qu’elle devenait plus distante au fur et à mesure que ses sentiments s’estompaient. Mais Zack n’était pas vraiment du genre à reconnaître ce type de chose. Il évitait le conflit à tout prix et bien qu’elle n’aime pas beaucoup l’admettre, elle était presque sûre qu’il serait resté aussi longtemps que possible pour la seule raison qu’il avait peur du changement et qu’il était trop paresseux pour déménager.

Alors qu’elle mettait de l’ordre dans ses pensées, son téléphone sonna. Super, pensa-t-elle, c’est mal parti pour une nuit de sommeil.

Elle ralluma sa lampe de chevet, s’attendant à voir le numéro de Nelson ou de Porter s’afficher sur son téléphone. Ou peut-être celui de Zack, l’appelant pour lui demander s’il pouvait revenir. Mais au lieu de ça, elle vit un numéro inconnu.

« Allô ? » dit-elle, en s’efforçant de ne pas avoir l’air fatiguée.

« Allô, détective White, » dit la voix d’un homme. « C’est Jared Ellington. »

« Oh, bonsoir. »

« Je n’appelle pas trop tard ? »

« Non, » dit-elle. « Qu’est-ce qu’il se passe ? Vous avez du neuf ? »

« Non, j’en ai bien peur. En fait, j’ai appris ce soir que nous ne recevrons pas les résultats d’analyse des échantillons de bois avant demain matin. »

« Au moins, on sait déjà comment on commencera la journée, » dit-elle.

« Tout à fait. Mais je voulais aussi savoir si vous pourriez me retrouver demain matin pour le petit-déjeuner, » dit-il. « J’aimerais repasser en revue avec vous certains détails de l’affaire. Je veux m’assurer qu’on soit bien sur la même longueur d’onde et qu’aucun détail, même minime, ne nous ait échappé. »

« Bien sûr, » dit-elle. « À quelle heure vous… »

Elle s’interrompit soudainement, en regardant vers la porte de la chambre.

Durant une fraction de seconde, elle avait entendu quelque chose bouger. Elle avait à nouveau entendu le grincement de ce satané plancher. Mais elle avait aussi entendu un bruit ressemblant à un froissement. Elle sortit lentement de son lit, tenant toujours le téléphone à son oreille.

« White, vous êtes toujours là ? » demanda Ellington.

« Oui, je suis là, » dit-elle. « Désolée. Donc, je vous demandais à quelle heure vous voudriez qu’on se retrouve. »

« Vers sept heures au café-restaurant Carol ? Vous savez où c’est ? »

« Oui, je connais, » dit-elle, en se dirigeant vers la porte de sa chambre. Elle jeta un coup d’œil à l’extérieur et ne vit que des ombres et de sombres contours voilés. « Et sept heures me semble parfait. »

« Super, » dit-il. « À demain alors. »

Elle l’entendit à peine alors qu’elle sortait de sa chambre et avançait dans le hall qui conduisait à la cuisine. Elle parvint tout de même à laisser échapper un « Parfait » avant de raccrocher.

Elle alluma la lumière du hall qui éclaira la cuisine en donnant un aspect glauque au salon. Tout comme il y avait quelques jours, il n’y avait absolument personne. Mais pour en être totalement sûre, elle se rendit jusqu’au salon et alluma les lampes.

Bien entendu, il n’y avait personne. La pièce n’offrait aucun endroit pour se cacher et la seule chose qui avait changé, c’était l’absence de la Xbox que Zack avait emportée avec lui en partant. Mackenzie fit encore une fois le tour de la pièce du regard, n’aimant pas beaucoup le fait d’avoir été effrayée aussi facilement. Elle marcha également à l’endroit où le plancher grinçait, comparant le son avec ce qu’elle avait entendu.

Elle vérifia la serrure de la porte d’entrée, puis retourna dans sa chambre. Elle se retourna encore une fois pour regarder derrière elle avant d’éteindre les lumières et de retourner au lit. Avant d’éteindre sa lampe de chevet, elle sortit son arme du tiroir de la table et la plaça sur le haut, à portée de main.

Elle regarda son arme dans l’obscurité de la chambre, en sachant qu’elle n’en aurait pas besoin mais se sentant plus en sécurité qu’elle soit là, juste à côté d’elle.

Mais qu’est-ce qu’il lui arrivait ?

CHAPITRE TREIZE

« Papa ? Papa, c’est moi. Réveille-toi »

Mackenzie entra dans la chambre et se prépara au choc à la vue de son père mort.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé, papa ? »

Sa sœur se trouvait également dans la chambre, debout de l’autre côté du lit, regardant leur père avec un air déçu.

« Steph, qu’est-ce qu’il s’est passé ? » demanda Mackenzie.

« Il t’a appelée et tu n’es pas venue. C’est de ta faute. »

« Non ! »

Mackenzie continua à avancer et bien qu’elle sache que c’était une folie, elle rampa sur le lit et se pelotonna contre son père. Elle savait que bientôt son corps serait froid et livide.

Mackenzie se réveilla en sursaut vers trois heures douze, bouleversée par le cauchemar et collée de transpiration. Elle se mit assise, la respiration difficile, et se mit à pleurer malgré elle.

Son père lui manquait tellement que ça faisait mal.

Elle était assise là, seule, en pleurs et en essayant de se rendormir.

Mais elle savait que ça prendrait des heures avant qu’elle ne se rendorme. Si elle y parvenait.

Bizarrement, elle mourait d’envie de se replonger dans l’enquête. Quelque part, c’était moins douloureux.

*

Quand Mackenzie arriva au café-restaurant Carol quelques heures plus tard, elle était bien réveillée et alerte. En regardant l’agent Ellington de l’autre côté de la table, elle se sentit gênée à l’idée de combien le cauchemar de cette nuit l’avait affectée et de la facilité avec laquelle elle avait été effrayée hier soir. Mais qu’est-ce qui ne tournait pas rond avec elle ?

Elle savait ce qui se passait. L’enquête l’affectait et réveillait de vieux souvenirs qu’elle pensait avoir enterrés. Ça l’affectait dans sa manière de vivre. Elle avait entendu que ce genre de choses était déjà arrivé à d’autres mais ça ne lui était jamais arrivé jusqu’à maintenant.

Elle se demanda si Ellington avait déjà vécu ce genre de choses. Elle l’observa de l’autre côté de la table. Il avait l’air très professionnel et raffiné, la réplique parfaite de ce à quoi un agent du FBI devait ressembler, selon l’idée que s’en faisait Mackenzie. Il avait un corps solide mais pas massif non plus. Il était sûr de lui sans être arrogant. Il était difficile de l’imaginer ébranlé par quoi que ce soit.

Il remarqua qu’elle le regardait et au lieu de détourner le regard de manière gênée, elle le regarda dans les yeux.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda-t-il.

« Rien, vraiment, » dit-elle. « Je me demandais juste ce que ça faisait de savoir qu’avec un simple coup de fil, vous pouvez demander au FBI de se pencher sur quelque chose pour laquelle il me faudrait des heures pour convaincre la police locale de le faire. »

« Ce n’est pas toujours aussi facile, » dit Ellington.

« Mais sur cette affaire, le Bureau a l’air d’être motivé, » souligna Mackenzie.

« La configuration rituelle de la scène de crime invoque qu’on a affaire à un tueur en série, » dit-il. « Et avec la découverte d’un autre corps, on dirait bien que c’est le cas. »

« Et est-ce que Nelson se montre conciliant ? » demanda-t-elle.

Ellington sourit et un charme subtil apparut sous son apparence posée. « Il essaie de l’être. Parfois il est difficile d’échapper à la mentalité de province. »

« Je suis bien placée pour le savoir, » dit Mackenzie.

La serveuse vint prendre leurs commandes. Mackenzie opta pour une omelette végétarienne et Ellington commanda un petit-déjeuner complet. Une fois qu’elle fut partie, Ellington joignit ses deux mains et se pencha en avant.

« OK, » dit-il. « Alors, on en est où ? »

Mackenzie savait qu’il lui donnait une opportunité de lui montrer comment elle travaillait. Elle le voyait à travers le ton de sa voix et le léger sourire qui touchait à peine le bord de ses lèvres. Il était rudement beau et Mackenzie était un peu mal à l’aise que son regard soit si souvent attiré par sa bouche.

« Pour l’instant, nous devons attendre des nouvelles des différentes pistes et les étudier de près, » dit-elle. « La dernière fois que nous avons pensé avoir trouvé une piste prometteuse, nous avions totalement tort. »

« Mais vous avez attrapé un type qui vendait de la pornographie infantile, » souligna Ellington. « C’était du beau travail. »

« C’est vrai, mais tout de même. Je suppose que vous avez remarqué la hiérarchie dans notre département de police locale. Si je ne résous pas ça rapidement, je resterai bloquée dans ma position pendant très longtemps. »

« Je n’en suis pas si sûr que ça. Nelson a une haute opinion de vous. Qu’il l’admette ou pas devant les autres hommes, ça, c’est une autre histoire. C’est pour ça qu’il veut que je vous aide. Il sait que vous êtes capable de résoudre cette affaire. »

Elle détourna son regard de lui pour la première fois. Elle n’était pas sûre de savoir comment résoudre cette affaire si elle ne cessait pas de sursauter à chaque bruit qu’elle entendait chez elle et de dormir avec son arme sur la table de nuit.

« Je pense qu’il faut commencer par les échantillons de bois, » dit-elle. « On va rendre visite à tous les fournisseurs de ce type de bois, jusqu’aux scieries si nécessaire. Si ça ne donne pas de résultats, il faudra qu’on commence à vraiment cuisiner les femmes avec lesquelles Hailey Lizbrook travaillait. Il est possible qu’on en arrive même à devoir examiner de près les caméras de sécurité du club où elle travaillait. »

« Ce sont toutes de bonnes idées, » dit-il. « Une autre idée que je vais présenter à Nelson, c’est d’avoir des officiers infiltrés sur place dans certains des clubs de strip-tease dans un rayon de cent cinquante kilomètres. On peut demander le renfort d’agents du bureau d’Omaha si nécessaire. En relisant le compte-rendu d’anciennes affaires, que vous aviez très bien épinglées durant une réunion antérieure selon Nelson, il est possible que nous soyons à la recherche d’un homme qui poursuit également des prostituées. On ne peut pas supposer qu’il s’agit seulement de strip-teaseuses. »

Mackenzie hocha de la tête, même si elle commençait à douter que l’affaire des années 80 dont elle s’était rappelée et où une prostituée avait été retrouvée attaché à un poteau, était vraiment liée à cette enquête. Mais tout de même, c’était agréable que ses efforts soient reconnus par une personne d’expérience.

« OK, » dit Ellington. « Maintenant, il faut que je vous demande. »

« Demander quoi ? »

« Il est clair qu’on vous discrédite au niveau local. Mais il est également clair que vous vous démenez à fond et que vous savez ce que vous faites. Même Nelson m’a dit que vous étiez l’un de ses détectives les plus prometteurs. J’ai consulté votre dossier, vous savez. Et tout ce que j’y ai fut était vraiment impressionnant. Alors pourquoi rester ici où vous êtes méprisée et où on ne vous donne pas vraiment votre chance alors que vous pourriez travailler comme détective partout ailleurs ? »

Mackenzie haussa les épaules. C’était une question qu’elle s’était posée de nombreuses fois et la réponse, bien que morbide, était simple. Elle soupira, ne souhaitant pas vraiment entrer dans le vif du sujet, mais en même temps elle ne voulait pas laisser passer l’occasion. Elle avait plusieurs fois parlé avez Zack, lorsqu’ils communiquaient encore, des raisons pour lesquelles elle voulait rester au niveau local. Et Nelson savait un peu de son histoire aussi. Mais elle ne se rappelait pas à quand datait la dernière fois que quelqu’un avait souhaité en parler avec elle.

« J’ai grandi en bordure d’Omaha, » dit-elle. « Mon enfance ne fut… pas la meilleure. Quand j’avais sept ans, mon père fut assassiné. C’est moi qui ai découvert son corps dans sa chambre à coucher. »

 

Ellington fronça les sourcils, avec un air de compassion.

« Je suis désolé, » dit-il doucement.

Elle soupira.

« Mon père était détective privé » ajouta-t-elle. « Mais il avait été agent de quartier durant cinq ans avant ça. »

Il soupira également.

« J’ai une théorie selon laquelle au moins un policier sur cinq souffre d’une forme de traumatisme non résolu dans leur passé et qui est lié à un crime, » dit-il. « C’est ce traumatisme qui les a poussé à vouloir entrer dans les forces de police. »

« Oui, » dit Mackenzie, ne sachant pas vraiment comment réagir au fait qu’Ellington venait de la jauger en moins de vingt secondes. « Ça tient la route. »

« Est-ce que l’assassin de votre père a été retrouvé ? » demanda Ellington.

« Non. Sur base des dossiers que j’ai lus et sur le peu que ma mère m’a raconté au sujet de ce qui s’est passé, il faisait une enquête sur un petit groupe qui faisait rentrer illégalement de la drogue depuis le Mexique quand il a été tué. L’affaire a été suivie pendant quelques temps, puis abandonnée dans les trois mois. Et ce fut tout. »

« Je suis désolé de l’entendre, » dit Ellington.

« Après ça, quand j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de travail bâclé dans le système judiciaire, j’ai voulu me consacrer à une carrière liée au maintien de l’ordre public, devenir détective pour être exacte. »

« Et vous avez atteint votre rêve à l’âge de vingt-cinq ans, » dit Ellington. « C’est impressionnant. »

Avant qu’elle ne puisse ajouter quoi que ce soit d’autre, la serveuse apparut avec leur nourriture. Elle disposa les assiettes et pendant que Mackenzie attaquait son omelette, elle fut surprise de voir Ellington fermer les yeux et faire une prière silencieuse avant de manger.

Elle ne parvint pas à s’empêcher de le fixer durant un instant pendant qu’il avait les yeux fermés. Elle n’avait pas imaginé qu’il pouvait être croyant et le fait de le voir prier avant de manger la toucha. Elle jeta un coup d’œil à sa main gauche et ne vit aucune alliance. Elle se demanda à quoi ressemblait sa vie. Est-ce qu’il vivait dans une garçonnière avec un frigo rempli de bières ou était-il plus du genre à avoir une cave à vin et une étagère IKEA remplie de littérature classique et moderne ?

Elle se trouvait face à un livre ouvert. Encore plus intéressant, c’était de savoir comment il était devenu agent du FBI. Elle se demanda à quoi il ressemblait durant une interrogation ou dans le feu de l’action, au moment où on dégaine son arme et où un suspect est sur le point de se rendre ou d’ouvrir le feu. Elle ne savait aucune de ces choses concernant Ellington et c’était vraiment excitant.

Quand il ouvrit les yeux et commença à manger, Mackenzie regarda ailleurs en retournant à son assiette. Après un moment, elle ne put plus se retenir.

« Alors, et vous ? » demanda-t-elle. « Qu’est-ce qui vous a poussé vers une carrière au FBI ? »

« Je suis un enfant des années 80, » dit Ellington. « Je voulais être John MacClane et l’inspecteur Harry, mais en un peu plus raffiné. »

Mackenzie sourit. « D’assez bons modèles à suivre. Dangereux mais risqué. »

Il était sur le point d’ajouter quelque chose quand son téléphone sonna.

« Excusez-moi, » dit-il, en mettant la main dans la poche de sa veste et en en sortant le téléphone.

Mackenzie n’entendit qu’une partie de la conversation qui fut assez brève. Après quelques réponses affirmatives et un rapide Merci, il raccrocha et regarda son assiette tristement.

« Tout va bien ? » demanda-t-elle.

« Oui, » dit-il. « Mais on va devoir prendre nos plats à emporter. Les résultats des analyses du bois sont arrivés. »

Il la regarda fixement.

« L’entrepôt à bois dont il provient se trouve à moins d’une demi-heure d’ici. »