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Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V

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Les batailles de Smolensk et de la Moskwa enchaînèrent l'activité de la Suède; elle reçut quelques subsides, fit quelques préparatifs, mais ne commença aucune hostilité. Les événemens de l'hiver de 1812 arrivèrent, les troupes françaises évacuèrent Hambourg. La situation du Danemarck devint périlleuse; en guerre avec l'Angleterre, menacée par la Suède et par la Russie, la France paraissait impuissante pour le soutenir. Le roi de Danemarck, avec cette loyauté qui le caractérise, s'adressa à l'empereur pour sortir de cette situation. L'empereur, qui veut que sa politique ne soit jamais à charge à ses alliés, répondit que le Danemarck était maître de traiter avec l'Angleterre pour sauver l'intégrité de son territoire, et que son estime et son amitié pour le roi ne recevraient aucun refroidissement des nouvelles liaisons que la force des circonstances obligeait le Danemarck à contracter. Le roi témoigna toute sa reconnaissance de ce procédé.

Quatre équipages de très-bons matelots avaient été fournis par le Danemarck, et montaient quatre vaisseaux de notre flotte de l'Escaut. Le roi de Danemarck ayant témoigné, sur ces entrefaites, le désir que ces marins lui fussent rendus, l'empereur les lui renvoya avec la plus scrupuleuse exactitude, en témoignant aux officiers et aux matelots la satisfaction qu'il avait de leurs bons services.

Cependant les événemens marchaient.

Les alliés pensaient que le rêve de Burke était réalisé. L'empire français, dans leur imagination, était déjà effacé du globe, et il faut que cette idée ait prédominé à un étrange point, puisqu'ils offraient au Danemarck, en indemnité de la Norwège, nos départemens de la trente-deuxième division militaire, et même toute la Hollande, afin de recomposer dans le Nord une puissance maritime qui fît système avec la Russie.

Le roi de Danemarck, loin de se laisser surprendre à ces appâts trompeurs, leur dit: «Vous voulez donc me donner des colonies en Europe, et cela au détriment de la France?»

Dans l'impossibilité de faire partager au roi de Danemarck une idée aussi folle, le prince Dolgorouki fut envoyé à Copenhague pour demander qu'on fit cause commune avec les alliés, et moyennant ce, les alliés garantissaient l'intégrité du Danemarck et même de la Norwège.

L'urgence des circonstances, les dangers imminens que courait le Danemarck, l'éloignement des armées françaises, son propre salut firent fléchir la politique du Danemarck. Le roi consentit, moyennant la garantie de l'intégrité de ses états, à couvrir Hambourg, et à tenir cette ville à l'abri même des armées françaises, pendant toute la guerre. Il comprit tout ce que cette stipulation pouvait avoir de désagréable pour l'empereur; il y fit toutes les modifications de rédaction qu'il était possible d'y faire, et même ne la signa qu'en cédant aux instances de tous ceux dont il était entouré, qui lui représentaient la nécessité de sauver ses états; mais il était loin dépenser que c'était un piège qu'on venait là de lui tendre. On voulait le mettre ainsi en guerre avec la France, et après lui avoir fait perdre de cette façon son appui naturel dans cette circonstance, on voulait lui manquer de parole; et l'obliger de souscrire à toutes les conditions honteuses qu'on voudrait lui imposer.

M. de Bernstorf se rendit à Londres; il croyait y être reçu avec empressement et n'avoir plus qu'à renouveler le traité consenti avec le prince Dolgorouki: mais quel fut son étonnement, lorsque le prince régent refusa de recevoir la lettre du roi, et que lord Castlereagh lui fit connaître qu'il ne pouvait y avoir de traité entre le Danemarck et l'Angleterre, si, au préalable, la Norwège n'était cédée à la Suède. Peu de jours après, le comte de Bernstorf reçut ordre de retourner en Danemarck.

Au même moment, on tint le même langage au comte de Moltke, envoyé de Danemarck auprès de l'empereur Alexandre. Le prince Dolgorouki fut désavoué comme ayant dépassé ses pouvoirs, et pendant ce temps les Danois faisaient leur notification à l'armée française, et quelques hostilités avaient lieu!

C'est en vain qu'on ouvrirait les annales des nations pour y voir une politique plus immorale. C'est au moment que le Danemarck se trouve ainsi engagé dans un état de guerre avec la France, que le traité auquel il croit se conformer est à la fois désavoué à Londres et en Russie, et qu'on profite de l'embarras où cette puissance est placée, pour lui présenter comme ultimatum, un traité qui l'engageait à reconnaître la cession de la Norwège!

Dans ces circonstances difficiles le roi montra la plus grande confiance dans l'empereur; il déclara le traité nul. Il rappela ses troupes de Hambourg, Il ordonna que son armée marcherait avec l'armée française, et enfin il déclara qu'il se considérait toujours comme allié de la France, et qu'il s'en reposait sur la magnanimité de l'empereur.

Le président de Kaas fut envoyé au quartier-général français avec des lettres du roi.

En même temps le roi fit partir pour la Norwège le prince héréditaire de Danemarck, jeune prince de la plus grande espérance, et particulièrement aimé des Norvégiens. Il partit déguisé en matelot, se jeta dans une barque de pêcheur et arriva en Norwège le 22 mai.

Le 30 mai les troupes françaises entrèrent à Hambourg, et une division danoise, qui marchait avec nos troupes, entra à Lubeck.

Le baron de Kaas se trouvant à Altona, eut à essuyer une autre scène de perfidie égale à la première.

Les envoyés des alliés vinrent à son logement et lui firent connaître que l'on renonçait à la cession de la Norwège, et que sous la condition que le Danemarck fit cause commune avec les alliés, il n'en serait plus question; qu'ils le conjuraient de retarder son départ. La réponse de M. de Kaas fut simple: «J'ai mes ordres, je dois les exécuter.» On lui dit que les armées françaises étaient défaites; cela ne l'ébranla pas davantage, et il continua sa route.

Cependant, le 31 mai une flotte anglaise parut dans la rade de Copenhague; un des vaisseaux de guerre mouilla devant la ville, et M. Thornton se présenta. Il fit connaître que les alliés allaient commencer les hostilités, si, dans quarante-huit heures, le Danemarck ne souscrivait à un traité, dont les principales conditions étaient de céder la Norwège à la Suède, en remettant sur-le-champ en dépôt la province de Drontheim, et de fournir vingt-cinq mille hommes pour marcher avec les alliés contre la France, et conquérir les indemnités qui devaient être la part du Danemarck. On déclarait en même temps que les ouvertures faites à M. de Kaas, à son passage à Altona, étaient désavouées et ne pouvaient être considérées que comme des pourparlers militaires. Le roi rejeta avec indignation cette injurieuse sommation.

Cependant le prince royal arrivé en Norvège, y avait publié la proclamation suivante:

«Norwégiens!

«Votre roi connaît et apprécié votre fidélité inébranlable pour lui et la dynastie des rois de Norwège et de Danemarck, qui, depuis des siècles, règne sur vos pères et sur vous. Son désir paternel est de resserrer encore davantage le lien indissoluble de l'amitié fraternelle et de l'union qui lie les peuples des deux royaumes. Le coeur de Frédéric VI est toujours avec vous, mais ses soins pour toutes les branches de l'administration de l'état le privent de se voir entouré de son peuple norwégien. C'est pour cela qu'il m'envoie près de vous, comme gouverneur, pour exécuter ses volontés comme s'il était présent; ses ordres seront mes lois. Mes efforts seront de gagner votre confiance. Votre estime et votre amitié seront ma récompense. Peut-être que des épreuves plus dures nous menacent … Mais ayant confiance dans la Providence, j'irai sans crainte au-devant d'elles, et avec votre aide, fidèles Norwégiens; je vaincrai tous les obstacles. Je sais que je puis compter sur votre fidélité pour le roi, que vous voulez conserver l'ancienne indépendance de la Norwège, et que la devise qui nous réunit est: Pour Dieu, le roi et la patrie!

Signé CHRISTIAN-FRÉDÉRIC.

La confiance que le roi de Danemarck a eue dans l'empereur se trouve entièrement justifiée, et tous les liens entre les deux peuples ont été rétablis et resserrés.

L'armée française est à Hambourg: une division danoise en suit les mouvements, pour la soutenir. Les Anglais ne retirent de leur politique que honte et confusion; les voeux de tous les gens de bien accompagnent le prince héréditaire de Danemarck en Norwège. Ce qui rend critique la position de la Norwège, c'est le manque de subsistances; mais la Norwège restera danoise; l'intégrité du Danemarck est garantie par la France.

Le bombardement de Copenhague, pendant qu'un ministre anglais était encore auprès du roi, l'incendie de cette capitale et de la flotte sans déclaration de guerre, sans aucune hostilité préalable, paraissaient devoir être la scène la plus odieuse de l'histoire moderne; mais la politique tortueuse qui porte les Anglais à demander la cession d'une province, heureuse depuis tant d'années sous le sceptre de la maison de Holstein, et la série d'intrigues dans laquelle ils descendent pour arriver à cet odieux résultat, seront considérées comme plus immorales et plus outrageantes encore que l'incendie de Copenhague. Ou y reconnaîtra la politique dont les maisons de Timor et de Sicile ont été victimes, et qui les a dépouillées de leurs états. Les Anglais se sont accoutumés dans l'Inde à n'être jamais arrêtés par aucune idée de justice. Ils suivent cette politique en Europe.

Il paraît que dans tous les pourparlers que les alliés ont eus avec l'Angleterre, les puissances les plus ennemies de la France ont été soulevées par l'exagération des prétentions du gouvernement anglais. Les bases même de la paix de Lunéville, les Anglais les déclaraient inadmissibles comme trop favorables à la France. Les insensés! ils se trompent de latitude, et prennent les Français pour des Hindous!

 
Le 21 juin 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le huitième corps commandé par le prince Poniatowski, qui a traversé la Bohême, est arrivé à Zittau en Lusace. Ce corps est fort de dix-huit mille hommes, dont six mille de cavalerie. Tous les ordres ont été donnés pour compléter son habillement, et pour lui fournir tout ce qui pourrait lui manquer.

S. M. a été le 20 à Pirna et à Koenigstein.

Le président de Kaas, envoyé par le roi de Danemarck, a reçu son audience de congé, et est parti de Dresde.

Les corps francs prussiens levés à l'instar de celui de Schill, ont continué, depuis l'armistice, à mettre des contributions, et à arrêter les hommes isolés. On leur a fait signifier l'armistice dès le 8; mais ils ont déclaré faire la guerre pour leur compte; et comme ils continuaient la même conduite, on a fait marcher contre eux plusieurs colonnes. Le capitaine Lutzow, qui commandait une de ces bandes, a été tué; quatre cents des siens ont été tués ou pris, et le reste dispersé. On ne croit pas que cent de ces brigands soient parvenus à repasser l'Elbe. Une autre bande, commandée par un capitaine Colombe, est entièrement cernée, et on a l'espoir que sous peu de jours la rive gauche de l'Elbe sera tout-à-fait purgée de la présence de ces bandes, qui se portaient à toute espèce d'excès envers les malheureux habitans.

L'officier envoyé à Custrin est de retour. La garnison de cette place est d'environ cinq mille hommes, et n'a que cent cinquante malades. La place est dans le meilleur état, et est approvisionnée pour six mois en blé, riz, légume, viandes fraîches, et tous les objets nécessaires.

La garnison a toujours été maîtresse des dehors de la place jusqu'à mille toises. Pendant ces quatre mois, le commandant n'a pas cessé de travailler à augmenter les moyens de son artillerie et les fortifications de la place.

Toute l'armée est campée; ce repos fait le plus grand bien à nos troupes. Les distributions régulières de riz contribuent beaucoup à entretenir la santé du soldat.

Le 25 juin 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le 24, l'empereur a dîné chez le roi de Saxe. Le soir, la comédie française a donné sur le théâtre de la cour une représentation d'une pièce de Molière, à laquelle LL. MM. ont assisté.

Le roi de Westphalie est venu à Dresde, voir l'empereur.

Le 25, l'empereur a parcouru les différens débouchés des forêts de Dresde, et a fait une vingtaine de lieues. S. M., partie à cinq heures après midi, était de retour à dix heures du soir.

Deux ponts ont été jetés sur l'Elbe, vis-à-vis la forteresse de Koenigstein. Le rocher de Silienstein, qui est sur la rive droite, à une demi-portée de canon de Koenigstein, a été occupé et fortifié. Des magasins et autres établissemens militaires sont préparés dans cette intéressante position. Un camp de soixante mille hommes, appuyé ainsi à la forteresse de Koenigstein, et pouvant manoeuvrer sur les deux rives, serait inattaquable par quelque force que ce fût.

Le roi de Bavière a établi autour de Nymphenbourg, près de Munich, un camp de vingt-cinq mille hommes.

L'empereur a donné au duc de Castiglione le commandement du corps d'observation de Bavière. Cette armée se réunit à Wurtzbourg. Elle est composée de six divisions d'infanterie et de deux de cavalerie.

Le vice-roi réunit entre la Piave et l'Adige l'armée d'Italie, composée de trois corps. Le général Grenier en commande un.

Le nouveau corps qui vient d'être formé à Magdebourg, sous le commandement du général Vandamme, compte déjà quarante bataillons et quatre-vingt pièces d'artillerie.

Le prince d'Eckmühl est à Hambourg. Son corps a été renforcé par des troupes venant de France et de Hollande, de sorte que sur ce point il y plus de troupes qu'il n'y en a jamais eu. La division danoise qui est réunie au corps du prince d'Eckmühl est de quinze mille hommes.

Le deuxième corps, que commande le duc de Bellune, n'avait qu'une division pendant la campagne qui vient de finir; ce corps a été complété, et le duc de Bellune commande aujourd'hui les trois divisions.

Les circonstances étaient si urgentes au commencement de la campagne, que les bataillons d'un même régiment se trouvaient disséminés dans différens corps. Tout a été régularisé, et chaque régiment a réuni ses bataillons. Chaque jour il arrive une grande quantité de bataillons de marche qui passent l'Elbe à Magdebourg, à Wittemberg, à Torgau, à Dresde. S. M. passe tous les jours la revue de ceux qui arrivent par Dresde.

Les équipages militaires de l'armée ont aujourd'hui, soit en caissons d'ancien modèle, soit en caissons du nouveau modèle (dit no. 2), soit en voitures à la comtoise, de quoi transporter des vivres pour toute l'armée pour un mois. S. M. a reconnu que les voitures à la comtoise, ainsi que les caissons d'ancien modèle, ont des inconvéniens, et elle a prescrit que désormais les équipages, au fur et à mesure des remplacemens, fussent établis sur les modèles des caissons no. 2, attelés de quatre chevaux et qui portent facilement vingt quintaux.

L'armée est pourvue de moulins portatifs pesant seize livres, et faisant chaque jour cinq quintaux de farine. On a distribué trois de ces moulins par bataillon.

On travaille avec la plus grande activité à augmenter les fortifications de Glogau.

On travaille également à augmenter les fortifications de Wittemberg. S. M. veut faire de cette ville une place régulière; et comme le tracé en est défectueux, elle a ordonné qu'on la fit couvrir par trois couronnes en suivant à peu près la même méthode que le sénateur Chasseloup Laubat a mise en pratique à Alexandrie.

Torgau est en bon état.

On travaille aussi avec une grande activité à fortifier Hambourg. Le général du génie Haxo s'y est rendu pour tracer la citadelle et les ouvrages à établir dans les îles pour lier Harbourg avec Hambourg. Les ingénieurs des ponts et chaussées y construisent deux ponts volans dans le même système que ceux d'Anvers, un pour la marée montante, l'autre pour la marée descendante.

Une nouvelle place sur l'Elbe a été tracée par le général Haxo du côté de Verden, à l'embouchure de la Havel.

Les forts de Cuxhaven, qui étaient en état de soutenir un siége, mais qu'on avait abandonnés sans raison, et que l'ennemi avait rasés, se rétablissent. On y travaille avec activité; ce ne seront plus de simples batteries fermées, mais un fort qui, comme le fort impérial de l'Escaut, protégera l'arsenal de construction et le bassin, dont l'établissement est projeté sur l'Elbe, depuis que l'ingénieur Beaupré, qui a employé deux ans à sonder ce fleuve, a reconnu qu'il avait les mêmes propriétés que l'Escaut, et que les plus grandes escadres pouvaient y être construits et réunies dans ses rades.

La troisième division de la jeune garde, que commande le général Laborde, officier d'un mérite consommé, est campée dans les bois en avant de Dresde, sur la rive droite de l'Elbe.

La quatrième division de la jeune garde, que commande le général Friant, débouche par Wurtzbourg. Des régimens de cette division ont déjà dépassé cette ville, et se portent sur Dresde.

La cavalerie de la garde compte déjà plus de neuf mille chevaux. L'artillerie a déjà plus de deux cents pièces de canon. L'infanterie forme cinq divisions, dont quatre de la jeune garde et une de la vieille.

Le septième corps, que commande le général Reynier, composé de la division Durutte, qui est une division française, et de deux divisions saxonnes, reçoit son complément. Ce corps est campé en avant de Goerlitz. Toute la cavalerie légère saxonne y est réunie, et va être également complétée. Le roi de Saxe porte aussi ses deux beaux régimens de cuirassiers à leur complet.

S. M. a été extrêmement satisfaite des rois et des grands-ducs de la confédération. Le roi de Wurtemberg s'est particulièrement distingué. Il a fait, proportion gardée, des efforts égaux à ceux de la France, et son armée, infanterie, cavalerie et artillerie, a été portée au grand complet. Le prince Émile de Hesse-Darmstadt, qui commande le contingent de Hesse-Darmstadt, s'est constamment fait distinguer dans la campagne passée et dans celle-ci par beaucoup de sang-froid et beaucoup d'intrépidité. C'est un jeune prince d'espérance, que l'empereur, affectionne Beaucoup. Les seuls princes de Saxe sont en arrière pour le contingent.

Non-seulement la citadelle d'Erfurt est en bon état et parfaitement approvisionnée, mais les fortifications ont été relevées; elles sont couvertes par des ouvrages avancés, et désormais Erfurt sera une place forte de première importance.

Le congrès n'est pas encore réuni: on espère pourtant qu'il le sera sous quelques jours. Si on a perdu un mois, la faute n'en est pas a la France.

L'Angleterre, qui n'a pas d'argent, n'a pu en fournir aux coalisés; mais elle vient d'imaginer un expédient nouveau. Un traité a été conclu entre l'Angleterre, la Russie et la Prusse, moyenant lequel il sera créé pour plusieurs centaines de millions d'un nouveau papier garanti par les trois puissances. C'est sur cette ressource que l'on compte pour faire face aux frais de la guerre.

Dans les articles séparés, l'Angleterre garantit le tiers de ce papier, de sorte qu'en réalité, c'est une nouvelle dette ajoutée à la dette anglaise. Il reste à savoir dans quel pays on émettra ce nouveau papier. Lorsque cette idée lumineuse a été conçue, on espérait probablement que cette émission aurait lieu aux dépens de la confédération du Rhin et même de la France, notamment dans la Hollande, dans la Belgique et dans les départemens du Rhin. Cependant le traité n'en a pas moins été ratifié depuis l'armistice. La Russie fait la dépense de son armée avec du papier, que les habitans de la Prusse sont obligés de recevoir; la Prusse elle-même fait son service avec du papier: l'Angleterre aussi a son papier. Il paraît que chacun de ces papiers isolé n'a plus le crédit suffisant, puisque ces puissances prennent le parti d'en créer un en commun. C'est aux négocians et aux banquiers à nous faire connaître s'il faut multiplier le crédit du nouveau papier par le crédit des trois puissances, ou bien si ce crédit doit être le quotient.

La Suède seule paraît avoir reçu de l'argent de l'Angleterre, à peu près cinq à six cent mille livres sterling.

La garnison de Modlin est en bon état; les fortifications sont augmentées. On déchiffrait au quartier-général les rapports des gouverneurs de Modlin et de Zamosc. Les garnisons de ces deux places sont restées maîtresses du pays à une lieue autour d'elles, les troupes qui les bloquaient n'étant que des milices mal armées et mal équipées.

L'empereur a pris à sa solde l'armée du prince Poniatowski, et lui a donné une nouvelle organisation. Des ateliers sont établis pour fournir à ses besoins. Avant vingt jours, elle sera équipée à neuf et remise en bon état.

Quelque brillante que soit cette situation, et quoique S. M. ait réellement plus de puissance militaire que jamais, elle n'en désire la paix qu'avec plus d'ardeur.

L'administration a fait acheter une grande quantité de riz, afin que pendant toute la grande chaleur cette denrée entre pour un quart dans les rations du soldat.

A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le comte de Metternich, ministre d'état et des conférences de S. M. l'empereur d'Autriche, est arrivé à Dresde, et a déjà eu plusieurs conférences avec le duc de Bassano.

La Russie vient d'obtenir du roi de Prusse que le papier russe ait un cours forcé dans les états prussiens, et comme le papier prussien perd déjà soixante-dix pour cent, cette ordonnance ne semble pas propre à relever le crédit de la Prusse.

La ville de Berlin est tourmentée de toutes les manières, et chaque jour les vexations s'y font sentir davantage. Cette capitale compare déjà sa situation à celle de plusieurs villes de France en 1793.

S. M. l'empereur a fait le 28 une course de huit à dix heures aux environs de Dresde.

On a reçu des nouvelles de Modlin et de Zamosc. Ces places sont dans la meilleure situation, soit pour les vivres et les munitions de guerre, soit pour les fortifications.

Magdebourg, le 12 juillet 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

L'empereur est arrivé aujourd'hui ici à sept heures du matin. S. M. est aussitôt montée à cheval, et a visité les fortifications, qui rendent Magdebourg une des plus fortes places de l'Europe.

 

S. M. est partie de Dresde le 10, à trois heures du matin. Elle a déjeuné à Torgau, a visité les fortifications de cette place, et y a vu la brigade de troupes saxonnes commandée par le général Lecocq. A six du soir, elle est arrivée à Wittemberg, et en a visité les fortifications.

Le 11, à cinq heures du matin, S. M. a passé en revue trois divisions (les cinquième, sixième et sixième bis) arrivant de France; elle a nommé aux emplois vacans, et a accordé des récompenses à plusieurs officiers et soldats.

Parti de Wittemberg à trois heures après-midi, l'empereur est arrivé à six heures à Dessau, où S. M. a vu la division du général Philippon.

S. M. a quitté Dessau à deux heures du matin, et dès cinq heures elle se trouvait à Magdebourg, où sont campées les trois divisions du corps du général comte Vandamme.

Dresde, le 15 juillet 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

L'empereur est parti de Magdebourg le 13, après avoir vu les divisions du corps du général Vandamme, et s'est rendu à Leipsick.

Le 14, à cinq heures du matin, S. M. a vu le troisième corps de cavalerie, que commande le duc de Padoue.

Dans l'après-midi, S. M. a vu sur la grande place de Leipsick le reste des troupes du duc de Padoue, qu'elle n'avait pas pu voir le matin. Elle est montée ensuite en voiture, à cinq heures du soir, pour Dresde, où elle est arrivée à une heure après minuit.

A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le duc de Vicence, grand-écuyer, et le comte de Narbonne, ambassadeur de France à Vienne, ont été nommés par l'empereur ses ministres plénipotentiaires à Prague.

Le comte de Narbonne était parti le 9.

On croit que le duc de Vicence partira le 18.

Le conseiller intime d'Anstett, plénipotentiaire de l'empereur de Russie, était arrivé le 12 juillet à Prague.

Une convention avait été signée à Neumarkt pour la prolongation de l'armistice jusqu'à la mi-août.

De notre camp impérial de Dresde, le 14 août 1813.
Lettre de l'empereur au duc de Massa, grand-juge ministre de la justice

«Monsieur le duc de Massa, notre grand-juge ministre de la justice,

«Nous avons appris avec la plus grande peine la scène scandaleuse qui vient de se passer à Bruxelles, aux assises de la cour impériale. Notre bonne ville d'Anvers, après avoir perdu plusieurs millions par la déprédation publique et avouée des agens de l'octroi, a perdu son procès et a été condamnée aux dépens. Le jury, dans cette circonstance, n'a pas répondu à la confiance de la loi, et plusieurs jurés, trahissant leur serment, se sont livrés publiquement à la plus honteuse corruption. Dans cette circonstance, quoiqu'il soit dans nos principes et dans notre volonté que nos tribunaux administrent la justice avec la plus grande indépendance, cependant, comme ils l'administrent en notre nom et à la décharge de notre conscience, nous ne pouvons pas ignorer et tolérer un pareil scandale, ni permettre que la corruption triomphe et marche tête levée dans nos bonnes villes de Bruxelles et d'Anvers.

«Notre intention est qu'à la réception de la présente lettre, vous ayez à ordonner à notre procureur impérial près la cour de Bruxelles de réunir les juges qui ont présidé la session des assises, et de dresser procès-verbal en forme d'enquête de ce qui est à leur connaissance, et de ce qu'ils pensent relativement à la scandaleuse déclaration du jury dans l'affaire dont il s'agit. Notre intention est que vous fassiez connaître à notre procureur impérial près la cour de Bruxelles, que le jugement de la cour rendu en conséquence de ladite déclaration du jury, doit être regardé comme suspendu; qu'en conséquence les prévenus doivent être remis sous la main de la justice, et le séquestre réapposé sur leurs biens. Enfin notre intention est qu'en vertu du paragraphe 4 de l'article 55 du titre 5 des constitutions de l'empire, vous nous présentiez, dans un conseil privé que nous autorisons à cet effet la régente, notre chère et bien-aimée épouse, à présider, un projet de sénatus-consulte pour annuler le jugement de la cour d'assises de Bruxelles y et envoyer cette affaire à notre cour de cassation qui désignera une cour impériale pardevant laquelle la procédure sera recommencée et jugée, les chambres réunies et sans jury. Nous désirons que si la corruption est active à éluder l'effet des lois, les corrupteurs sachent que les lois, dans leur sagesse, ont su pourvoir à tout. Notre intention est aussi que vous donniez des instructions à notre procureur impérial, qui sera à cet effet autorisé par un article du sénatus-consulte, pour qu'il poursuive ceux des jurés que la clameur publique accuse d'avoir cédé à la corruption dans cette affaire. Nous espérons que notre bonne ville d'Anvers sera consolée par cette juste décision souveraine, et qu'elle y verra la sollicitude que nous portons à nos peuples, même au milieu des camps et des circonstances de la guerre.

«Sur ce, nous prions Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.»

NAPOLÉON.
Le 20 août 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Les ennemis ont dénoncé l'armistice le 11, à midi, et ont fait connaître que les hostilités commenceraient le 19 après minuit.

En même temps, une note de M. le comte de Metternich, ministre des relations extérieures d'Autriche, adressée à M. le comte de Narbonne, lui fait connaître que l'Autriche déclarait la guerre à la France.

Le 17 au matin, les dispositions des deux armées étaient les suivantes:

Les quatrième, douzième et septième corps, sous les ordres du duc de Reggio, étaient à Dahme.

Le prince d'Eckmühl, avec son corps, auquel les Danois étaient réunis, campait devant Hambourg, son quartier-général étant à Bergedorf.

Le troisième corps était à Liegnitz, sous les ordres du prince de la Moskwa.

Le cinquième corps était à Goldberg, sous les ordres du général Lauriston.

Le onzième corps était à Loewenberg, sous les ordres du duc de Tarente.

Le sixième corps, commandé par le duc de Raguse, était à Bunzlau.

Le huitième corps, aux ordres du prince Poniatowski, était à Zittau.

Le maréchal Saint-Cyr était, avec le quatorzième corps, la gauche appuyée à l'Elbe, au camp de Koenigstein et à cheval sur la grande chaussée de Prague à Dresde, poussant des corps d'observation jusqu'aux débouchés de Marienberg.

Le premier corps arrivait à Dresde, et le deuxième corps à Zittau.

Dresde, Torgau, Wittemberg, Magdebourg et Hambourg avaient chacun leur garnison, et étaient armés et approvisionnés.

L'armée ennemie était, autant qu'on en peut juger, dans la position suivante:

Quatre-vingt mille Russes et Prussiens étaient entrés, dès le 10 au matin, en Bohême, et devaient arriver vers le 21 sur l'Elbe. Cette armée est commandée par l'empereur Alexandre et le roi de Prusse, les généraux russes Barclay de Tolly, Wittgenstein et Miloradowitch, et le général prussien Kleist. Les gardes russe et prussienne en font partie; ce qui, joint à l'armée du prince Schwartzenberg, formait la grande armée et une force de deux cent mille hommes. Cette armée devait opérer sur la rive gauche de l'Elbe, en passant ce fleuve en Bohême.

L'armée de Silésie, commandée par les généraux prussiens Blucher et Yorck, et par les généraux russes Sacken et Langeron, paraissait se réunir à Breslau; elle était forte de cent mille hommes.

Plusieurs corps prussiens, suédois et des troupes d'insurrection couvraient Berlin, et étaient opposés à Hambourg et au duc de Reggio. L'on portait la force de ces armées qui couvraient Berlin, à cent dix mille hommes.

Toutes les opérations de l'ennemi étaient faites dans l'idée que l'empereur repasserait sur la rive gauche de l'Elbe.

La garde impériale partie de Dresde, se porta le 15 à Bautzen, et le 18 à Goerlitz.

Le 19, l'empereur se porta à Zittau, fit marcher sur-le-champ les troupes du prince Poniatowski, força les débouchés de la Bohême, passa la grande chaîne des montagnes qui séparent la Bohême de la Lusace, et entra à Gobel, pendant le temps que le général Lefèvre-Desnouettes, avec une division d'infanterie et de cavalerie de la garde, s'emparait de Hambourg, franchissait le col des montagnes à Georgenthal, et que le général polonais Reminski s'emparait de Friedland et de Reichenberg.