Tasuta

Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V

Tekst
iOSAndroidWindows Phone
Kuhu peaksime rakenduse lingi saatma?
Ärge sulgege akent, kuni olete sisestanud mobiilseadmesse saadetud koodi
Proovi uuestiLink saadetud

Autoriõiguse omaniku taotlusel ei saa seda raamatut failina alla laadida.

Sellegipoolest saate seda raamatut lugeda meie mobiilirakendusest (isegi ilma internetiühenduseta) ja LitResi veebielehel.

Märgi loetuks
Šrift:Väiksem АаSuurem Aa

La marche de Thielmann avait apporté quelques retards dans les communications d'Erfurth et de Leipsick.

L'armée ennemie de Berlin paraissait faire des préparatifs pour jeter un pont à Dessau.

Le prince de Neufchâtel est malade d'une fièvre bilieuse; il garde le lit depuis plusieurs jours.

S. M. ne s'est jamais mieux portée.

Le 29 septembre 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

L'empereur a donné le commandement d'un corps de la jeune garde au duc de Reggio.

Le duc de Castiglione s'est mis en marche avec son corps pour venir prendre position sur les débouchés de la Saale.

Le prince Poniatowski s'est porté avec son corps sur Penig.

Le général comte Bertrand a attaqué, le 26, le corps de l'armée ennemie de Berlin qui couvrait le pont jeté sur Wartenbourg, l'a forcé, lui a fait des prisonniers, et l'a mené battant jusque sur la tête de pont. L'ennemi a évacué la rive gauche et a coupé son pont. Le général Bertrand a sur-le-champ fait détruire la tête de pont.

Le prince de la Moskwa s'est porté sur Oranienbaum, et le septième corps sur Dessau. Une division suédoise qui était à Dessau s'est empressée de repasser sur la rive droite. L'ennemi a été également obligé de couper son pont, et on a rasé sa tête de pont.

L'ennemi a jeté des obus sur Wittenberg par la rive droite.

Dans la journée du 28, l'empereur a passé la revue du deuxième corps de cavalerie sur les hauteurs de Weissig.

Le mois de septembre a été très-mauvais, très-pluvieux, contre l'ordinaire de ce pays. On espère que le mois d'octobre sera meilleur.

La fièvre bilieuse du prince de Neufchâtel a cessé: le prince est en convalescence.

Le 4 octobre 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le général comte Lefèvre-Desnouettes a été attaqué le 28 septembre, à sept heures du matin, à Altenbourg par dix mille hommes de cavalerie et trois mille hommes d'infanterie. Il a fait sa retraite devant des forces aussi supérieures; il a opéré de belles charges, et a fait beaucoup de mal à l'ennemi. Il a perdu trois cents hommes de son infanterie; il est arrivé sur la Saale. L'ennemi était commandé par l'hetman Platow et le général Thielmann. Le prince Poniatowski s'est porté le 2 sur Altenbourg, par Nossan, Waldheim et Colditz. Il a culbuté l'ennemi, lui a fait plus de quatre cents prisonniers et l'a chassé en Bohême.

Le 27, le prince de la Moskwa s'est emparé de Dessau, qu'occupait une division, et a rejeté cette division sur sa tête de pont. Le lendemain, les Suédois sont arrivés pour reprendre la ville. Le général Guilleminot les a laissés avancer à portée de mitraille, a démasqué alors ses batteries, et les a repoussés en leur faisant beaucoup de mal.

Le 3 octobre, l'armée ennemie de Silésie s'est portée par Koenigsbruck et Elterswerda, sur Elster, a jeté un pont au coude que forme l'Elbe à Wartembourg, et a passé le fleuve. Le général Bertrand était placé sur l'isthme, dans une fort belle position, environnée de digues et de marais. Depuis neuf heures du matin, jusqu'à cinq heures du soir, l'ennemi a faits sept attaques et a toujours été repoussé. Il a laissé six mille morts sur le champ de bataille; notre perte a été de cinq cents hommes tués ou blessés. Cette grande différence est due à la bonne position que les divisions Morand et Fontanelli occupaient. Le soir, le général Bertrand voyant déboucher de nouvelles forces, jugea devoir opérer sa retraite, et prit position sur la Mulde avec le prince de la Moskwa.

Le 4 le prince de la Moskwa était sur la rive gauche de la Mulde à Dalitzch. Le duc de Raguse et le corps de cavalerie du général Latour-Maubourg étaient à Eulenbourg, le troisième corps était sur Torgau.

Deux cent cinquante partisans commandés par un général-major russe, se sont portés sur Mulhausen, et apprenant que Cassel était dégarni de troupes, ils ont tenté une surprise sur les portes de Cassel. Ils ont été repoussés; mais le lendemain les troupes westphaliennes s'étant dissoutes, les partisans entrèrent dans Cassel, ils livrèrent au pillage tout ce qui leur tomba sous la main, et peu de jours après en sortirent. Le roi de Westphalie s'était retiré sur le Rhin.

Paris, 7 octobre 1813.
Discours de l'impératrice au sénat 2

«Sénateurs,

»Les principales puissances de l'Europe, révoltées des prétentions de l'Angleterre, avaient, l'année dernière, réuni leurs armées aux nôtres pour obtenir la paix du monde et le rétablissement des droits de tous les peuples. Aux premières chances de la guerre, des passions assoupies se réveillèrent. L'Angleterre et la Russie ont entraîné la Prusse et l'Autriche dans leur cause. Nos ennemis veulent détruire nos alliés, pour les punir de leur fidélité. Ils veulent porter la guerre au sein de notre belle patrie, pour se venger des triomphes qui ont conduit nos aigles victorieuses au milieu de leurs états. Je connais, mieux que personne, ce que nos peuples auraient à redouter, s'ils se laissaient jamais vaincre.

Avant de monter sur le trône où m'ont appelée le choix de mon auguste époux et la volonté de mon père, j'avais la plus grande opinion du courage et de l'énergie de ce grand peuple. Cette opinion s'est accrue tous les jours par tout ce que j'ai vu se passer sous mes yeux. Associée depuis quatre ans aux pensées les plus intimes de mon époux, je sais de quels sentimens il serait agité sur un trône flétri et sous une couronne sans gloire.

«Français! votre empereur, la patrie et l'honneur vous appellent!»

Le 15 octobre 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le 7, l'empereur est parti de Dresde. Le 8, il a couché à Wurzen; le 9, à Eulenbourg, et le 10, à Duben.

L'armée ennemie de Silésie, qui se portait sur Wurzen, a sur-le-champ battu en retraite et repassé sur la rive gauche de la Mulde; elle a eu quelques engagemens où nous lui avons fait des prisonniers et pris plusieurs centaines de voitures de bagages.

Le général Reynier s'est porté sur Wittenberg, a passé l'Elbe, a marché sur Roslau, a tourné le pont de Dessau, s'en est emparé, s'est ensuite porté sur Aken et s'est emparé du pont. Le général Bertrand s'est porté sur les ponts de Wartenbourg et s'en est emparé. Le prince de la Moskwa s'est porté sur la ville de Dessau; il a rencontré une division prussienne; le général Delmas l'a culbutée, et lui a pris trois mille hommes et six pièces de canon.

Plusieurs courriers du cabinet, entr'autres le sieur Kraft, avec des dépêches de haute importance, ont été pris.

Après s'être ainsi emparé de tous les ponts de l'ennemi, le projet de l'empereur était de passer l'Elbe, de manoeuvrer sur la rive droite, depuis Hambourg jusqu'à Dresde; de menacer Potsdam et Berlin, et de prendre pour centre d'opération Magdebourg, qui, dans ce dessein, avait été approvisionné en munitions de guerre et de bouche. Mais le 13, l'empereur apprit à Deiben que l'armée bavaroise était réunie à l'armée autrichienne et menaçait le Bas-Rhin. Cette inconcevable défection fit prévoir la défection d'autres princes, et fit prendre à l'empereur le parti de retourner sur le Rhin; changement fâcheux, puisque tout avait été préparé pour opérer sur Magdebourg; mais il aurait fallu rester séparé et sans communication avec la France pendant un mois; ce n'avait pas d'inconvénient au moment où l'empereur avait arrêté ses projets; il n'en était plus de même lorsque l'Autriche allait se trouver avoir deux nouvelles armées disponibles: l'armée bavaroise et l'armée opposée à la Bavière. L'empereur changea donc avec ces circonstances imprévues, et porta son quartier-général à Leipsick.

Cependant le roi de Naples, qui était resté en observation à Freyberg, avait reçu le 7 l'ordre de faire un changement de front, et de se porter sur Gernig et Frohbourg, opérant sur Wurzen et Vittenberg. Une division autrichienne, qui occupait Angustusbourg, rendant difficile ce mouvement, le roi reçut l'ordre de l'attaquer, la défit, lui prit plusieurs bataillons, et après cela opéra sa conversion à droite. Cependant la droite de l'armée ennemie de Bohème, composée du corps russe de Wittgenstein, s'était portée sur Altenbourg, à la nouvelle du changement de front du roi de Naples. Elle se porta sur Frohbourg, et ensuite par la gauche sur Borna, se plaçant entre le roi de Naples et Leipsick. Le roi n'hésita pas sur la manoeuvre qu'il devait faire; il fit volte face, marcha sur l'ennemi, le culbuta, lui prit neuf pièces de canon, un millier de prisonniers, et le jeta au-delà de l'Elster, après lui avoir fait éprouver une perte de quatre à cinq mille hommes. Le 15, la position de l'armée était la suivante:

Le quartier-général de l'empereur était à Reidnitz, à une demi-lieue de Leipsick.

Le quatrième corps, commandé par le général Bertrand, était au village de Lindenau.

Le sixième corps était à Libenthal.

Le roi de Naples, avec les deuxième, huitième et cinquième corps, avait sa droite à Doelitz et sa gauche à Liberwolkowitz.

Les troisième et septième corps étaient en marche d'Eulenbourg pour flanquer le sixième corps.

La grande armée autrichienne de Bohême avait le corps de Giulay vis-à-vis Lindenau; un corps à Zwenckau, et le reste de l'armée, la gauche appuyée à Grobern, et la droite à Neuendorf.

 

Les ponts de Wurzen et d'Eulenbourg sur la Mulde, et la position de Taucha sur la Partha, étaient occupés par nos troupes. Tout annonçait une grande bataille.

Le résultat de nos divers mouvemens dans ces six jours, a été cinq mille prisonniers, plusieurs pièces de canon, et beaucoup de mal fait à l'ennemi. Le prince Poniatowski s'est dans ces circonstances couvert de gloire.

Le 16 octobre au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le 15, le prince de Schwartzenberg, commandant l'armée ennemie, annonça à l'ordre du jour, que le lendemain 16, il y aurait une bataille générale et décisive.

Effectivement le 16, à neuf heures du matin, la grande armée alliée déboucha sur nous. Elle opérait constamment pour s'étendre sur sa droite. On vit d'abord trois grosses colonnes se porter, l'une le long de la rivière de l'Elster, contre le village de Doelitz; la seconde contre le village de Wachau, et la troisième contre celui de Liberwolkowitz. Ces trois colonnes étaient précédées par deux cents pièces de canon.

L'empereur fit aussitôt ses dispositions.

A dix heures, la canonnade était des plus fortes, et à onze heures les deux armées étaient engagées aux villages de Doelitz, Wachau et Liberwolkowitz. Ces villages furent attaqués six à sept fois; l'ennemi fut constamment repoussé et couvrit les avenues de ses cadavres. Le comte Lauriston, avec le cinquième corps, défendait le village de gauche (Liberwolkowitz); le prince Poniatowski, avec ses braves Polonais, défendait le village de droite (Doelitz), et le duc de Bellune défendait Wachau.

A midi, la sixième attaque de l'ennemi avait été repoussée, nous étions maîtres des trois villages, et nous avions fait deux mille prisonniers.

A peu près au même moment, le duc de Tarente débouchait par Holzhausen, se portant sur une redoute de l'ennemi, que le général Charpentier enleva au pas de charge, en s'emparant de l'artillerie et faisant quelques prisonniers.

Le moment parut décisif.

L'empereur ordonna au duc de Reggio de se porter sur Wachau avec deux divisions de la jeune garde. Il ordonna également au duc de Trévise de se porter sur Liberwolkowitz avec deux autres divisions de la jeune garde, et de s'emparer d'un grand bois qui est sur la gauche du village. En même temps, il fit avancer sur le centre une batterie de cent cinquante pièces de canon, que dirigea le général Drouot.

L'ensemble de ces dispositions eut le succès qu'on en attendait. L'artillerie ennemie s'éloigna. L'ennemi se retira, et le champ de bataille nous resta en entier.

Il était trois heures après midi. Toutes les troupes de l'ennemi avaient été engagées. Il eut recours à sa réserve. Le comte de Merfeld qui commandait en chef la réserve autrichienne, releva avec six divisions toutes les troupes sur toutes les attaques, et la garde impériale russe, qui formait la réserve de l'armée russe, les releva au centre.

La cavalerie de la garde russe et les cuirassiers autrichiens se précipitèrent par leur gauche sur notre droite, s'emparèrent de Doelitz et vinrent caracoler autour des carrés du duc de Bellune.

Le roi de Naples marcha avec les cuirassiers de Latour-Maubourg, et chargea la cavalerie ennemie par la gauche de Wachau, dans le temps que la cavalerie polonaise et les dragons de la garde, commandés par le général Letort, chargeaient par la droite. La cavalerie ennemie fut défaite; deux régimens entiers restèrent sur le champ de bataille. Le général Letort fit trois cents prisonniers russes et autrichiens. Le général Latour-Maubourg prit quelques centaines d'hommes de la garde russe.

L'empereur fit sur-le-champ avancer la division Curial de la garde, pour renforcer le prince Poniatowski. Le général Curial se porta au village de Doelitz, l'attaqua à la baïonnette, le prit sans coup férir, et fit douze cents prisonniers, parmi lesquels s'est trouvé le général en chef Merfeld.

Les affaires ainsi rétablis à notre droite, l'ennemi se mit en retraite, et le champ de bataille ne nous fut pas disputé.

Les pièces de la réserve de la garde, que commandait le général Drouot, étaient avec les tirailleurs; la cavalerie ennemi vint les charger. Les canonniers rangèrent en carré leurs pièces, qu'ils avaient eu la précaution de charger à mitraille, et tirèrent avec tant d'agilité, qu'en un instant l'ennemi fut repoussé. Sur ces entrefaites, la cavalerie française s'avança pour soutenir ces batteries.

Le général Maison, commandant une division du cinquième corps, officier de la plus grande distinction, fut blessé. Le général Latour-Maubourg, commandant la cavalerie, eut la cuisse emportée d'un boulet. Notre perte, dans cette journée, a été de deux mille cinq cents hommes, tant tués que blessés. Ce n'est pas exagérer que de porter celle de l'ennemi à vingt-cinq mille hommes.

On ne saurait trop faire l'éloge de la conduite du comte Lauriston et du prince Poniatowski dans cette journée. Pour donner à ce dernier une preuve de sa satisfaction, l'empereur l'a nommé sur le champ de bataille maréchal de France, et a accordé un grand nombre de décorations aux régimens de son corps.

Le général Bertrand était en même temps attaqué au village de Lindenau par les généraux Giulay, Thielmann et Liechtenstein. On déploya de part et d'autre une cinquantaine de pièces de canon. Le combat dura six heures, sans que l'ennemi pût gagner un pouce de terrain. A cinq heures du soir, le général Bertrand décida la victoire en faisant une charge avec sa réserve, et non-seulement il rendit vains les projets de l'ennemi, qui voulait s'emparer des ponts de Lindenau et des faubourgs de Leipsick, mais encore il le contraignit à évacuer son champ de bataille.

Sur la droite de la Partha, à une lieue de Leipsick, et à peu près à quatre lieues du champ de bataille, où se trouvait l'empereur, le duc de Raguse fut engagé. Par une de ces circonstances fatales, qui influent souvent sur les affaires les plus importantes, le troisième corps, qui devait soutenir le duc de Raguse, n'entendant rien de ce côté, à dix heures du matin, et entendant au contraire une effroyable canonnade du côté où se trouvait l'empereur, crut bien faire de s'y porter, et perdit ainsi sa journée on marches. Le duc de Raguse, livré à ses propres forces, défendit Leipsick et soutint sa position pendant toute la journée, mais il éprouva des pertes qui n'ont point été compensées par celles qu'il a fait éprouver à l'ennemi, quelque grandes qu'elles fussent. Des bataillons de canonniers de la marine se sont faiblement comportés. Les généraux Compans et Frederichs ont été blessés. Le soir, le duc de Raguse, légèrement blessé lui-même, a été obligé de resserrer sa position sur la Partha. Il a dû abandonner dans ce mouvement plusieurs pièces démontées et plusieurs voitures.

Le 24 octobre 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

La bataille de Wachau avait déconcerté tous les projets de l'ennemi; mais son armée était tellement nombreuse, qu'il avait encore des ressources. Il rappela en toute hâte, dans la nuit, les corps qu'il avait laissés sur sa ligne d'opération et les divisions restées sur la Saale; et il pressa la marche du général Benigsen, gui arrivait avec quarante mille hommes.

Après le mouvement de retraite qu'il avait fait le 16 au soir et pendant la nuit, l'ennemi occupa une belle position à deux lieues en arrière. Il fallut employer la journée du 17 à le reconnaître et à bien déterminer le point d'attaque. Cette journée était d'ailleurs nécessaire pour faire venir les parcs de réserve et remplacer les quatre-vingt mille coups de canon qui avaient été consommés dans la bataille. L'ennemi eut donc le temps de rassembler ses troupes qu'il avait disséminées lorsqu'il se livrait à des projets chimériques, et de recevoir les renforts qu'il attendait.

Ayant eu avis de l'arrivée de ces renforts, et ayant reconnu que la position de l'ennemi était très-forte, l'empereur résolut de l'attirer sur un autre terrain. Le 18, à deux heures du matin, il se rapprocha de Leipsick de deux lieues, et plaça son armée, la droite à Connewitz, le centre à Probstheide, la gauche à Staetteritz, en se plaçant de sa personne au moulin de Ta. De son côté, le prince de la Moskwa avait placé ses troupes vis-à-vis l'armée de Silésie, sur la Partha; le sixième corps à Schoenfeld, et le troisième et le septième le long de la Partha à Neutsch et à Teckla. Le duc de Padoue avec le général Dombrowski, gardait la position et le faubourg de Leipsick, sur la route de Halle.

A trois heures du matin, l'empereur était au village de Lindenau. Il ordonna au général Bertrand de se porter sur Lutzen et Weissenfels, de balayer la plaine et de s'assurer des débouchés sur la Saale et de la communication avec Erfurt. Les troupes légères de l'ennemi se dispersèrent; et à midi, le général Bertrand était maître de Weissenfels et du pont sur la Saale.

Ayant ainsi assuré ses communications, l'empereur attendit de pied ferme l'ennemi.

A neuf heures, les coureurs annoncèrent qu'il marchait sur toute la ligne. A dix heures, la canonnade s'engagea.

Le prince Poniatowski et le général Lefol défendaient le pont de Connewitz. Le roi de Naples, avec le deuxième corps, était à Probstheide, et le duc de Tarente à Holzhausen.

Tous tes efforts de l'ennemi, pendant la journée, contre Connewitz et Probstheide, échouèrent. Le duc de Tarente fut débordé à Holzhausen. L'empereur ordonna qu'il se plaçât au village de Staetteritz. La canonnade fut terrible. Le duc de Castiglione qui défendait un bois sur le centre, s'y soutint toute la journée.

La vieille garde était rangée en réserve sur une élévation, formant quatre grosses colonnes dirigées sur les quatre principaux points d'attaque.

Le duc de Reggio fut envoyé pour soutenir le prince Poniatowski, et le duc de Trévise pour garder les débouchés de la ville de Leipsick.

Le succès de la bataille était dans le village de Probstheide. L'ennemi l'attaqua quatre fois avec des forces considérables, quatre fois il fut repoussé avec une grande perte.

A cinq heures du soir, l'empereur fit avancer ses réserves d'artillerie, et reploya tout le feu de l'ennemi, qui s'éloigna à une lieue du champ de bataille.

Pendant ce temps, l'armée de Silésie attaqua le faubourg de Halle. Ses attaques, renouvelées un grand nombre de fois dans la journée, échouèrent toutes. Elle essaya, avec la plus grande partie de ses forces, de passer la Partha à Schoenfeld et à Saint-Teekla. Trois fois elle parvint, à se placer sur la rive gauche, et trois fois le prince de la Moskwa la chassa et la culbuta à la baïonnette.

A trois heures après-midi, la victoire était pour nous de ce côté contre l'armée de Silésie, comme du côté où était l'empereur contre la grande armée. Mais en ce moment l'armée saxonne, infanterie, cavalerie et artillerie, et la cavalerie wurtembergeoise, passèrent toutes entières à l'ennemi. Il ne resta de l'armée saxonne que le général Zeschau, qui la commandait en chef, et cinq cents hommes. Cette trahison, non-seulement, mit le vide dans nos lignes, mais livra à l'ennemi le débouché important confié à l'armée saxonne, qui poussa l'infamie au point de tourner sur-le-champ ses quarante pièces de canon rentre la division Durutte. Un moment de désordre s'ensuivit; l'ennemi passa la Partha et marcha sur Reidnitz, dont il s'empara: il ne se trouvait plus qu'à une demi-lieue de Leipsick.

L'empereur envoya sa garde à cheval, commandée par le général Nansouty, avec vingt pièces d'artillerie, afin de prendre en flanc les troupes qui s'avançaient le long de la Partha pour attaquer Leipsick. Il se porta lui-même avec une division de la garde, au village de Reidnitz. La promptitude de ces mouvemens rétablit l'ordre, le village fut repris, et l'ennemi poussé fort loin.

Le champ de bataille resta en entier en notre pouvoir, et l'armée française resta victorieuse aux champs de Leipsick, comme elle l'avait été aux champs de Wachau.

A la nuit, le feu de nos canons avait, sur tous les points, repoussé à une lieue du champ de bataille le feu de l'ennemi.

Les généraux de division Vial et Rochambeau sont morts glorieusement. Notre perte dans cette journée peut s'évaluer à quatre mille tués ou blessés; celle de l'ennemi doit avoir été extrêmement considérable. Il ne nous a fait aucun prisonnier, et nous lui avons pris cinq cents hommes.

A six heures du soir, l'empereur ordonna les dispositions pour la journée du lendemain. Mais à sept heures, les généraux Sorbier et Dulauloy, commandant l'artillerie de l'armée et de la garde, vinrent à son bivouac lui rendre compte des consommations de la journée: on avait tiré quatre-vingt-quinze mille coups de canon: ils dirent que les réserves étaient épuisées, qu'il ne restait pas plus de seize mille coups de canon; que cela suffisait à peine pour entretenir le feu pendant deux heures, et qu'en suite on serait sans munitions pour les événemens ultérieurs; que l'armée, depuis cinq jours, avait tiré plus de deux cent vingt mille coups de canon, et qu'on ne pourrait se réapprovisionner qu'à Magdebourg ou à Erfurt.

 

Cet état de choses rendait nécessaire un prompt mouvement sur un de nos deux grands dépôts: l'empereur se décida pour Erfurt, par la même raison qui l'avait décidé à venir sur Leipsick, pour être à portée d'apprécier l'influence de la défection de la Bavière.

L'empereur donna sur-le-champ les ordres pour que les bagages, les parcs, l'artillerie, passassent les défilés de Lindenau; il donna le même ordre à la cavalerie et à différens corps d'armée; et il vint dans les faubourgs de Leipsick, à l'hôtel de Prusse, où il arriva à neuf heures du soir.

Cette circonstance obligea l'armée française à renoncer aux fruits des deux victoires où elle avait; avec tant de gloire, battu des troupes de beaucoup supérieures en nombre et les armées de tout le continent.

Mais ce mouvement n'était pas sans difficulté. De Leipsick à Lindenau, il y a un défilé de deux lieues, traversé par cinq ou six ponts. On proposa de mettre six mille hommes et soixante pièces de canon dans la ville de Leipsick, qui a des remparts, d'occuper cette ville comme tête de défilé, et d'incendier ses vastes faubourgs, afin d'empêcher l'ennemi de s'y loger, et de donner jeu à noire artillerie placée sur les remparts.

Quelque odieuse que fût la trahison de l'armée saxonne, l'empereur ne put se résoudre à détruire une des belles villes de l'Allemagne, à la livrer à tous les genres de désordre inséparables d'une telle défense, et cela sous les yeux du roi, qui, depuis Dresde, avait voulu accompagner l'empereur, et qui était si vivement affligé de la conduite de son armée. L'empereur aima mieux s'exposer à perdre quelques centaines de voitures que d'adopter ce parti barbare.

A la pointe du jour, tous les parcs, les bagages, toute l'artillerie, la cavalerie, la garde et les deux tiers de l'armée avaient passé le défilé.

Le duc de Tarente et le prince Poniatowski furent chargés de garder les faubourgs, de les défendre assez de temps pour laisser tout déboucher, et d'exécuter eux-mêmes le passage du défilé vers onze heures.

Le magistrat de Leipsick envoya, à six heures du matin, une députation au prince de Schwartzenberg, pour lui demander de ne pas rendre la ville le théâtre d'un combat qui entraînerait sa ruine.

A neuf heures, l'empereur monta à cheval, entra dans Leipsick et alla voir le roi. Il a laissé ce prince maître de faire ce qu'il voudrait, et de ne pas quitter ses états, en les laissant exposés à cet esprit de sédition qu'on avait fomenté parmi les soldats. Un bataillon saxon avait été formé à Dresde, et joint à la jeune garde. L'empereur le fit ranger à Leipsick, devant le palais du roi, pour lui servir de garde, et pour le mettre à l'abri du premier mouvement de l'ennemi.

Une demi-heure après, l'empereur se rendit à Lindenau, pour y attendre l'évacuation de Leipsick, et voir les dernières troupes passer les ponts avant de se mettre en marche.

Cependant l'ennemi ne tarda pas à apprendre que la plus grande partie de l'armée avait évacué Leipsick, et qu'il n'y restait qu'une forte arrière-garde. Il attaqua vivement le duc de Tarente et le prince Poniatowski; il fut plusieurs fois repoussé; et, tout en défendant les faubourgs, notre arrière-garde opéra sa retraite. Mais les Saxons restés dans la ville tirèrent sur nos troupes de dessus les remparts; ce qui obligea d'accélérer la retraite et mit un peu de désordre.

L'empereur avait ordonné au génie de pratiquer des fougasses sous le grand pont qui est entre Leipsick et Lindenau, afin de le faire sauter au dernier moment; de retarder ainsi la marche de l'ennemi, et de laisser le temps aux bagages de filer. Le général Dulauloy avait chargé le colonel Monfort de cette opération. Ce colonel, au lieu de rester sur les lieux pour la diriger et pour donner le signal, ordonna à un caporal et à quatre sapeurs de faire sauter le pont aussitôt que l'ennemi se présenterait. Le caporal, homme sans intelligence, et comprenant mal sa mission, entendant les premiers coups de fusil tirés des remparts de la ville, mit le feu aux fougasses, et fit sauter le pont: une partie de l'armée était encore de l'autre côté, avec un parc de quatre-vingt bouches à feu et de quelques centaines de voitures.

La tête de cette partie de l'armée, qui arrivait au pont, le voyant sauter, crut qu'il était au pouvoir de l'ennemi. Un cri d'épouvante se propagea de rang en rang: L'ennemi est sur nos derrières, et les ponts sont coupés!—Ces malheureux se débandèrent et cherchèrent à se sauver. Le duc de Tarente passa la rivière à la nage; le comte Lauriston moins heureux, se noya; le prince Poniatowski monté sur un cheval fougueux, s'élança dans l'eau et n'a plus reparu. L'empereur n'apprit ce désastre que lorsqu'il n'était plus temps d'y remédier; aucun remède même n'eût été possible. Le colonel Monfort et le caporal de sapeurs sont traduits à un conseil de guerre.

On ne peut encore évaluer les pertes occasionnées par ce malheureux événement; mais on les porte, par approximation, à douze mille hommes, et à plusieurs centaines de voitures. Les désordres qu'il a portés dans l'armée ont changé la situation des choses: l'armée française victorieuse arrive à Erfurt comme y arriverait une armée battue. Il est impossible de peindre les regrets que l'armée a donnés au prince Poniatowski, au comte Lauriston et à tous les braves qui ont péri par la suite de ce funeste événement.

On n'a pas de nouvelles du général Reynier; on ignore s'il a été pris ou tué. On se figurera facilement la profonde douleur de l'empereur, qui voit, par un oubli de ses prudentes dispositions, s'évanouir les résultats de tant de fatigues et de travaux.

Le 19, l'empereur a couché à Markraustaed; le duc de Reggio était resté à Lindenau.

Le 20, l'empereur a passé la Saale à Weissenfels.

Le 21, l'armée a passé l'Unstrut à Frybourg; le général Bertrand a pris position sur les hauteurs de Coesen.

Le 22, l'empereur a couché au village d'Ollendorf.

Le 23, il est arrivé à Erfurt.

L'ennemi, qui avait été consterné des batailles du 16 et du 18, a repris, par le désastre du 19, du courage et l'ascendant de la victoire. L'armée française, après de si brillans succès, a perdu son attitude victorieuse.

Nous avons trouvé à Erfurt, en vivres, munitions, habits, souliers, tout ce dont l'armée pouvait avoir besoin.

L'état-major publiera les rapports des différens chefs d'armée sur les officiers qui se sont distingués dans les grandes journées de Wachau et de Leipsick.

Le 31 octobre 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Les deux régimens de cuirassiers du roi de Saxe, faisant partie du premier corps de cavalerie, étaient restés avec l'armée française. Lorsque l'empereur eut quitté Leipsick, il leur fit écrire par le duc de Vicence, et les renvoya à Leipsick, pour servir de garde au roi.

Lorsqu'on fut certain de la défection de la Bavière, un bataillon bavarois était encore avec l'armée: S. M. a fait écrire au commandant de ce bataillon par le major-général.

L'empereur est parti d'Erfurt le 25.

Notre armée a opéré tranquillement son mouvement sur le Mein. Arrivé le 29 à Gelnhausen, on aperçut un corps ennemi de cinq à six mille hommes, cavalerie, infanterie et artillerie, qu'on sut par les prisonniers être l'avant-garde de l'armée autrichienne et bavaroise. Cette avant-garde fut poussée et obligée de se retirer. On rétablit promptement le pont que l'ennemi avait coupé. On apprit aussi par les prisonniers que l'armée autrichienne et bavaroise, annoncée forte de soixante à soixante-dix mille hommes, venant de Braunau, était arrivée à Hanau, et prétendait barrer le chemin à l'armée française.

Le 29 au soir, les tirailleurs de l'avant-garde ennemie furent poussés au-delà du village de Langensebolde; et à sept heures du soir, l'empereur et son quartier-général étaient dans ce village au château d'Issenbourg.

Le lendemain 30, à neuf heures du matin, l'empereur monta à cheval. Le duc de Tarente se porta en avant avec 5,000 tirailleurs sous les ordres du général Charpentier. La cavalerie du général Sébastiani, la division de la garde, commandée par le général Friant, et la cavalerie de la vieille garde, suivirent; le reste de l'armée était en arrière d'une marche.

2Nous insérons ce discours de Marie-Louise parce que personne n'ignore qu'il fut dicté par Napoléon.