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Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V

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L'empereur ordonna au général Grouchy de se porter sur Champ-Aubert à une lieue sur les derrières de l'ennemi. En effet, l'ennemi continuant sa retraite, arriva sur ce point à la nuit. Il était entouré de tous côtés, et tout aurait été pris si le mauvais état des chemins avait permis à douze pièces d'artillerie légère de suivre la cavalerie du général Grouchy. Toutefois, et quoique la nuit fût obscure, trois carrés de cette infanterie furent enfoncés, tués ou pris, et les autres poursuivis vivement jusqu'à Étoges; la cavalerie s'empara aussi de trois pièces de canon. L'arrière-garde ennemie était faite par la division russe; elle fut attaquée par le premier régiment de marine du duc de Raguse, abordée à la baïonnette, rompue, et on lui fit mille prisonniers, avec le lieutenant-général Ouroussoff qui la commandait, et plusieurs colonels.

Les résultats de cette brillante journée sont dix mille prisonniers, dix pièces de canon, dix drapeaux et un grand nombre d'hommes tués à l'ennemi.

Notre perte n'excède pas trois ou quatre cents hommes tués ou blessés; ce qui est dû à la manière franche dont les troupes ont abordé l'ennemi et à la supériorité de notre cavalerie qui le décida, aussitôt qu'il s'en aperçut, à mettre son artillerie en retraite; de sorte qu'il a marché constamment sous la mitraille de soixante bouches à feu, et que des soixante pièces de canon qu'il avait, il ne nous en a opposé que deux ou trois.

Le prince de Neufchâtel, le grand-maréchal du palais, comte Bertrand, le duc de Dantzick et le prince de la Moskwa, ont constamment été à la tête des troupes.

Le général Grouchy fait le plus grand éloge des divisions de cavalerie Saint-Germain et Doumerc. La cavalerie de la garde s'est couverte de gloire; rien n'égale son intrépidité. Le général Lion, de la garde, a été légèrement blessé. Le duc de Raguse fait une mention particulière du premier régiment de marine; le reste de l'infanterie, soit de la garde, soit de la ligne, n'a pas tiré un coup de fusil.

Ainsi, cette armée de Silésie, composée des corps russes de Sacken et de Langeron, des corps prussiens d'Yorck et de Kleist, et forte de près de quatre-vingt mille hommes, a été, en quatre jours, battue, dispersée, anéantie, sans affaire générale, et sans occasionner aucune perte proportionnée à de si grands résultats.

Le 17 février au matin.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

L'empereur, en partant de Nogent le 9, pour manoeuvrer sur les corps ennemis qui s'avançaient par la Ferté et Meaux sur Paris, laissa les corps du duc de Bellune et du général Gérard en avant de Nogent; le septième corps du duc de Reggio, à Provins, chargé de la défense des ponts de Bray et de Montereau, et le général Pajol sur Montereau et Melun.

Le duc de Bellune, ayant eu avis que plusieurs divisions de l'armée autrichienne avaient marché de Troyes dans la journée du 10, pour s'avancer sur Nogent, fit repasser la Seine à son corps de l'armée, laissant le général Bourmont avec douze cents hommes à Nogent pour la défense de la ville.

L'ennemi se présenta le 11 pour entrer dans Nogent. Il renouvela ses attaques toute la journée, et toujours en vain; il fut vivement repoussé, avec perte de quinze cent hommes tués ou blessés.

Le général Bourmont avait barricadé les rues, crénelé les maisons, et pris toutes ses mesures pour une vigoureuse défense. Ce général, qui est un officier de distinction, fut blessé au genou; le colonel Ravier le remplaça. L'ennemi renouvela l'attaque le 12, mais toujours infructueusement. Nos jeunes troupes se sont couvertes de gloire.

Ces deux journées ont coûté à l'ennemi plus de deux mille hommes.

Le duc de Bellune, ayant appris que l'ennemi avait passé à Bray, jugea convenable de faire couper le pont de Nogent, et se porta sur Nangis. Le duc de Reggio ordonna de faire sauter les ponts de Montereau et de Melun, et se retira sur la rivière d'Yères.

Le 16, l'empereur est arrivé sur l'Yères, et a porté son quartier-général à Guignes.

Le soir de la bataille de Vauchamp (le 14), le duc de Raguse fit attaquer l'ennemi à huit heures sur Etoges; il lui a pris neuf pièces de canon, et il a achevé la destruction de la division russe: on a compté sur ce seul point, au champ de bataille, treize cents morts.

Les succès obtenus à la bataille de Vauchamp ont été beaucoup plus considérables qu'on ne l'a annoncé.

L'exaspération des habitans de la campagne est à son comble. Les atrocités commises par les cosaques surpassent tout ce que l'on peut imaginer. Dans leur féroce ivresse, ils ont porté leurs attentats sur des femmes de soixante ans et sur des jeunes filles de douze; ils ont ravagé et détruit les habitations. Les paysans, ne respirant que la vengeance, conduits par des vieux militaires réformés, et armés avec des fusils de l'ennemi ramassés sur le champ de bataille, battent les bois, et font main-basse sur tout ce qu'ils rencontrent: on estime déjà à plus de deux mille hommes ceux qu'ils ont pris; ils en ont tué plusieurs centaines. Les Russes épouvantés se rendent à nos colonnes de prisonniers, pour y trouver un asile. Les mêmes causes produiront les mêmes effets dans tout l'empire; et ces armées, qui entraient, disaient-elles, sur notre territoire pour y porter la paix, le bonheur, les sciences et les arts, y trouveront leur anéantissement.

A. S. l'impératrice-reine et régente

L'empereur a fait marcher, le 18 au matin, sur les ponts de Bray et de Montereau.

Le duc de Reggio s'est porté sur Provins.

S. M. étant informée que le corps du général de Wrede et des Wurtembergeois était en position à Montereau, s'y est porté avec les corps du duc de Bellune et du général Gérard, la garde à pied et à cheval.

De son côté, le général Pajol marchait de Melun sur Montereau.

L'ennemi a défendu la position.

Il a été culbuté et si vivement, que la ville et les ponts sur l'Yonne et la Seine ont été enlevés de vive force; de sorte que ces ponts sont intacts, et nous les passons pour suivre l'ennemi.

Nous avons dans ce moment environ trois mille prisonniers bavarois et wurtembergeois, dont un général et cinq pièces de canon.

Le 19 février 1814.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le duc de Raguse marchait sur Châlons lorsqu'il apprit qu'une colonne de la garde impériale russe, composée de deux divisions de grenadiers, se portait sur Montmirail. Il fit volte-face, marcha à l'ennemi, lui prit trois cents hommes, le repoussa sur Sézanne, d'où les mouvemens de l'empereur ont obligé ce corps à se porter à marches forcées sur Troyes.

Le comte Grouchy, avec la division d'infanterie du général Leval et trois divisions du deuxième corps de cavalerie, passait à la Ferté-sous-Jouarre.

Les avant postes du duc de Trévise étaient entrés à Soissons.

Le 17, à la pointe du jour, l'empereur a marché de Guignes sur Nangis. Le combat de Nangis a été des plus brillans.

Le général en chef russe Wittgenstein était à Nangis avec trois divisions qui formaient son corps d'armée.

Le général Pahlen, commandant les troisième et quatorzième divisions russes et beaucoup de cavalerie, était à Mormant.

Le général de division Gérard, officier de la plus haute espérance, déboucha au village de Mormant sur l'ennemi. Un bataillon du trente-deuxième régiment d'infanterie, toujours digne de son ancienne réputation, qui le fit distinguer il y a vingt ans par l'empereur aux batailles de Castiglione, entra dans le village au pas de charge. Le comte de Valmy, à la tête des dragons du général Treilhard venant d'Espagne, et qui arrivaient à l'armée, tourna le village par sa gauche. Le comte Milhaud, avec le cinquième corps de cavalerie, le tourna par sa droite. Le comte Drouot s'avança avec de nombreuses batteries. Dans un instant tout fut décidé. Les carrés formés par les divisions russes furent enfoncés. Tout fut pris, généraux et officiers: six mille prisonniers, dix mille fusils, seize pièces de canon et quarante caissons sont tombés en notre pouvoir. Le général Wittgenstein a manqué d'être pris: il s'est sauvé en toute hâte sur Nogent. Il avait annoncé au sieur Billy, chez lequel il logeait à Provins, qu'il serait le 18 à Paris. En retournant, il ne s'arrêta qu'un quart d'heure, et eut la franchise de dire à son hôte: «J'ai été bien battu; deux de mes divisions ont été prises; dans deux heures vous verrez les Français.»

Le comte de Valmy se porta sur Provins, avec le duc de Reggio; le duc de Tarente sur Donnemarie.

Le duc de Bellune marcha sur Villeneuve-le-Comte. Le général de Wrede, avec ses deux divisions bavaroises, y était en position. Le général Gérard les attaqua et les mit en déroute. Les huit ou dix mille hommes qui composaient le corps bavarois étaient perdus, si le général L'héritier, qui commande une division de dragons, avait chargé comme il le devait; mais ce général, qui s'est distingué dans tant d'occasions, a manqué celle qui s'offrait à lui. L'empereur lui en a fait témoigner son mécontentement. Il ne l'a pas fait traduire à un conseil d'enquête, certain que, comme à Hoff en Prusse et à Znaïm en Moravie, où il commandait le dixième régiment de cuirassiers, il méritera des éloges, et réparera sa faute.

S. M. a témoigné sa satisfaction au comte de Valmy, au général Treilhard et à sa division, au général Gérard et à son corps d'armée.

L'empereur a passé la nuit du 17 au 18 au château de Nangis.

Le 18, à la pointe du jour, le général Château s'est porté sur Montereau. Le duc de Bellune devait y arriver le 17 au soir. Il s'est arrêté à Salins: c'est une faute grave. L'occupation des ponts de Montereau aurait fait gagner à l'empereur un jour, et permis de prendre l'armée autrichienne en flagrant délit.

 

Le général Château arriva devant Montereau à dix heures du matin; mais dès neuf heures le général Bianchi, commandant le premier corps autrichien, avait pris position avec deux divisions autrichiennes et la division wurtembergeoise, sur les hauteurs en avant de Montereau, couvrant les ponts et la ville. Le général Château l'attaqua; n'étant pas soutenu par les autres divisons du corps d'armée, il fut repoussé. Le sieur Lecouteulx, qui avait été envoyé le matin en reconnaissance, ayant eu son cheval tué, a été pris. C'est un intrépide jeune homme.

Le général Gérard soutint le combat pendant toute la matinée. L'empereur s'y porta au galop. A deux heures après-midi, il fit attaquer le plateau. Le général Pajol, qui marchait par la route de Melun, arriva sur ces entrefaites, exécuta une belle charge, culbuta l'ennemi et le jeta dans la Seine et dans l'Yonne. Les braves chasseurs du septième débouchèrent sur les ponts, que la mitraille de plus de soixante pièces de canon empêcha de faire sauter, et nous obtînmes le double résultat de pouvoir passer les ponts au pas de charge, de prendre quatre mille hommes, quatre drapeaux, six pièces de canon, et de tuer quatre à cinq mille hommes à l'ennemi.

Les escadrons de service de la garde débouchèrent dans la plaine. Le général Duhesme, officier d'une rare intrépidité et d'une longue expérience, déboucha sur le chemin de Sens; l'ennemi fut poussé dans toutes les directions, et notre armée défila sur les ponts. La vieille garde n'eut qu'à se montrer: l'ardeur des troupes du général Gérard et du général Pajol l'empêcha de participer à l'affaire.

Les habitans de Montereau n'étaient pas restés oisifs; des coups de fusil tirés par les fenêtres augmentèrent les embarras de l'ennemi. Les Autrichiens et les Wurtembergeois jetèrent leurs armes. Un général wurtembergeois a été tué. Un général autrichien a été pris, ainsi que plusieurs colonels, parmi lesquels se trouve le colonel du régiment de Collorédo, pris avec son état-major et son drapeau.

Dans la même journée, les généraux Charpentier et Alix débouchèrent de Melun, traversèrent la forêt de Fontainebleau et en chassèrent les cosaques et une brigade autrichienne. Le général Alix arriva à Moret.

Le duc de Tarente arriva devant Bray.

Le duc de Reggio poursuivit les partis ennemis de Provins sur Nogent.

Le général de brigade Montbrun, qui avait été chargé avec dix-huit cents hommes, de défendre Moret et Fontainebleau, les avait abandonnés et s'était retiré sur Essonne. Cependant la forêt de Fontainebleau pouvait être disputée pied à pied.

Le major-général a ordonné la suspension du général Montbrun et l'a envoyé devant un conseil d'enquête.

Une perte qui a sensiblement affecté l'empereur est celle du général Château. Ce jeune officier, qui donnait les plus grandes espérances, a été blessé mortellement sur le pont de Montereau, où il était avec les tirailleurs. S'il meurt, et le rapport des chirurgiens donne peu d'espoir, il mourra du moins accompagné des regrets de toute l'armée, mort digne d'envie et bien préférable à l'existence, pour tout militaire qui ne la conserverait qu'en survivant à sa réputation, et en étouffant les sentimens que doivent lui inspirer dans ces grandes circonstances la défense de la patrie et l'honneur du nom français.

Le palais de Fontainebleau a été conservé. La général autrichien Hardeck, qui est entré dans la ville, y avait placé des sentinelles pour le défendre des excès des cosaques, qui sont cependant parvenus à piller des portiers et à enlever des couvertures dans les écuries. Les habitans ne se plaignent point des Autrichiens, mais de ces Tartares, monstres qui déshonorent le souverain qui les emploie et les armées qui les protègent. Ces brigands sont couverts d'or et de bijoux. On a trouvé jusqu'à huit et dix montres sur ceux que les soldats et les paysans ont tués: ce sont de véritables voleurs de grands chemins.

L'empereur a rencontré dans sa marche les gardes nationales de Brest et du Poitou. Il les a passées en revue: «Montrez, leur dit-il, de quoi sont capables les hommes de l'Ouest; ils furent de tout temps les fidèles défenseurs de leur pays, et les plus fermes appuis de la monarchie.»

S. M. a passé la nuit du 19 au château de Surville, situé sur les hauteurs de Montereau.

Les habitans se plaignent beaucoup des vexations du prince royal de Wurtemberg.

Ainsi, l'armée de Schwartzenberg se trouve entamée par la défaite de Kleist, ce corps en ayant toujours fait partie, par la défaite de Wittgenstein, par celle du corps bavarois, de la division wurtembergeoise et du corps du général Bianchi.

L'empereur a accordé aux trois divisions de la vieille garde à cheval cinq cents décorations de la légion-d'honneur; il en a accordé également à la vieille garde à pied. Il en a donné cent à la cavalerie du général Treilhard, et un pareil nombre à celle du général Milhaud.

On a recueilli une grande quantité de décorations de Saint-Georges, de Saint-Wladimir, de Sainte-Anne, prises sur les hommes qui couvrent les différens champs de bataille.

Notre perte dans les combats de Nangis et de Montereau ne s'élève pas à plus quatre cents hommes tués ou blessés, ce qui, quoique invraisemblable, est pourtant l'exacte vérité.

La ville d'Épernay ayant eu connaissance des succès de notre armée, a sonné le tocsin, barricadé ses rues, refusé le passage à une colonne de deux mille hommes et fait des prisonniers. Que cet exemple soit imité partout, et il est à présumer que bien peu d'hommes des armées ennemies repasseront le Rhin.

Les villes de Guise et de Saint-Quentin ont aussi fermé leurs portes et déclaré qu'elles ne les ouvriraient que s'il se présentait devant elles des forces suffisantes et de l'infanterie. Elles n'ont pas fait comme Reims, qui a eu la faiblesse d'ouvrir ses portes à cent cinquante cosaques, et qui, pendant huit jours, les a complimentés et bien traités. Nos annales conserveront le souvenir des populations qui ont manqué à ce qu'elles devaient à elles-mêmes et à l'honneur. Elles exalteront, au contraire, celles qui, comme Lyon, Chalons-sur-Saône, Tournus, Sens, Saint-Jean-de-Losne, Vitry, Châlons-sur-Marne, ont payé leurs dettes envers la patrie, et se sont souvenues de ce qu'exigeait la gloire du nom français. La Franche-Comté, les Vosges et l'Alsace ne l'oublieront pas au moment du mouvement rétrograde des alliés. Le duc de Castiglione, qui a réuni à Lyon une armée d'élite, marche pour fermer la retraite aux ennemis.

Le 21 février 1814.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le baron Marulaz, commandant à Besançon, écrit ce qui suit:

Le 31 janvier, l'ennemi a fait une attaque du côté de Bréguille, dans la nuit; il a fait jouer sur la ville deux batteries d'obusiers et de canons, et il a tenté une attaque sur le fort de Chandonne: il a partout été repoussé, aux cris de vive l'empereur. Il a perdu plus de douze cents hommes. Quelque part que l'ennemi se présente, nous sommes en mesure de le bien recevoir.

Tous les cosaques qui s'étaient répandus jusqu'à Orléans, se reploient en toute hâte. Partout les paysans les poursuivent, et prennent et tuent un grand nombre. A Nogent, ces Tartares, qui n'ont rien d'humain, ont incendié des granges, auxquelles ils mettaient le feu à la main. Les habitans étant sortis pour venir l'éteindre, les cosaques les ont chargés et ont rallumé le feu. Dans un village de l'Yonne, les cosaques s'amusant à incendier une belle ferme, le tocsin sonna, et les habitans en jetèrent une trentaine dans les flammes.

L'empereur Alexandre a couché le 17 à Bray; il avait fait marquer son quartier-général pour le jour suivant à Fontainebleau. L'empereur d'Autriche n'a pas quitté Troyes.

L'empereur Napoléon a eu le 20 au soir son quartier-général à Nogent.

Toute l'armée entière se dirige sur Troyes.

Le général Gérard est arrivé avec son corps et la division de cavalerie du général Roussel, à Sens; il a son avant-garde à Villeneuve-l'Archevêque. L'avant-garde du duc de Reggio est à moitié chemin de Nogent à Troyes, à Châtres et à Mesgrigny; celle du duc de Tarente est à Pavillon. Le duc de Raguse est à Sézanne, observant les mouvemens du général Wintzingerode, qui, ayant quitté Soissons, s'est porté par Reims sur Châlons, pour se réunir au débris de général Blücher. Le duc de Raguse tomberait sur son flanc gauche s'il s'engageait de nouveau.

Soissons est une place à l'abri d'un coup de main. Le général Wintzingerode, à la tête de quatre à cinq mille hommes de troupes légères, la somma de se rendre. Le général Rusca répondit comme il devait. Wintzingerode mit ses douze pièces de canon en batterie; malheureusement le premier coup tua le général Rusca. Mille hommes de gardes nationales étaient la seule garnison qu'il y eût dans la place; ils s'épouvantèrent, et l'ennemi entra à Soissons, où il commit toutes les horreurs imaginables. Les généraux qui se trouvaient dans la place, et qui devaient prendre le commandement à la mort du général Rusca, seront traduits à un conseil d'enquête; car cette ville ne devait pas être prise.

Le duc de Trévise à réoccupé Soissons le 19, et en a réorganisé la défense.

Le général Vincent écrit de Château-Thierry que deux cent cinquante coureurs ennemis étant revenus à Fère-en-Tardenoy, M. d'Arbaud-Missun s'est porté contre eux, avec soixante chevaux du troisième régiment des gardes-d'honneur qu'il a réunis, et avec le secours des gardes nationaux des villages, il a battu ces coureurs, en a tué plusieurs, et a chassé le reste.

Le général Milhaud a rencontré l'ennemi à Saint-Martin-le Bosnay, sur la vieille route de Nogent à Troyes. L'ennemi avait huit cents chevaux environ. Il l'a fait attaquer par trois cents hommes, qui l'ont culbuté, lui ont fait cent soixante prisonniers, tué une vingtaine d'hommes et pris une centaine de chevaux. Il a poursuivi l'ennemi et le poursuit encore l'épée dans les reins.

Le duc de Castiglione part de Lyon avec un corps d'armée considérable, composé de troupes d'élite, pour se porter en Franche-Comté et en Suisse.

Le congrès de Châtillon continue toujours, mais l'ennemi y porte toute espèce d'entraves. Les cosaques arrêtent à chaque pas les courriers, et leur font faire des détours tels, que, quoiqu'on ne soit qu'à trente lieues de Châtillon en ligne droite, les courriers n'arrivent qu'après quatre à cinq jours de course. C'est la première fois qu'on viole ainsi le droit des gens. Chez les nations les moins civilisées, les courriers des ambassadeurs sont respectés, et aucun empêchement n'est mis aux communications des négociateurs avec leur gouvernement.

Les habitans de Paris devaient s'attendre aux plus grands malheurs, si, l'ennemi parvenant à leurs portes, ils lui eussent livré leur ville sans défense. Le pillage, la dévastation et l'incendie auraient fini les destinées de cette belle capitale.

Le froid est extrêmement vif. Cette circonstance a été favorables à nos ennemis, puisqu'elle leur a permis d'évacuer leur artillerie et leurs bagages par tous les chemins. Sans cela, plus de la moitié de leurs voitures seraient tombées en notre pouvoir.

Le 24 février 1814.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

L'empereur s'est rendu le 22, à deux heures après midi, dans la petite ville de Mery-sur-Seine.

Le général Boyer a attaqué à Mery les débris des corps des généraux Blücher, Sacken et Yorck, qui avaient passé l'Aube pour rejoindre l'armée du prince de Schwartzenberg à Troyes. Le général Boyer a poussé l'ennemi au pas de charge, l'a culbuté et s'est emparé de la ville. L'ennemi, dans sa rage, y a mis le feu avec tant de rapidité, qu'il a été impossible de traverser l'incendie pour le poursuivre. Nous avons fait une centaine de prisonniers.

Du 22 au 23, l'empereur a eu son quartier-général au petit bourg de Châtres.

Le 23, le prince Wenzel-Lichtenstein est arrivé au quartier-général. Ce nouveau parlementaire était envoyé par le prince Schwartzenberg pour proposer un armistice.

Le général Milhaud, commandant la cavalerie du cinquième corps, a fait prisonniers deux cents hommes à cheval, entre Pavillon et Troyes.

Le général Gérard, parti de Sens et marchant par Ville-neuve-l'Archevêque, Villemont et Saint-Liebaut, a rencontré l'arrière-garde du prince Maurice de Lichtenstein, lui a pris six pièces de canon et six cents hommes montés, qui ont été entourés par la brave division de cavalerie du général Roussel.

Le 23, nos troupes investissaient Troyes de tous côtés. Un aide-de-camp russe est venu aux avant-postes, pour demander le temps d'évacuer la ville, sans quoi elle serait brûlée. Cette considération a arrêté les mouvemens de l'empereur.

 

La ville a été évacuée dans la nuit, et nous y sommes entrés ce matin.

Il est impossible de se faire une idée des vexations auxquelles les habitans ont été en proie pendant les dix-sept jours de l'occupation de l'ennemi. On se peindrait aussi difficilement l'enthousiasme et l'exaltation des sentimens qu'ils ont montrés à l'arrivée de l'empereur. Une mère qui voit ses enfans arrachés à la mort, des esclaves qui voient briser leurs fers après la captivité la plus cruelle, n'éprouvent pas une joie plus vive que celle que les habitans de Troyes ont manifestée. Leur conduite a été honorable et digne d'éloges. Le théâtre a été ouvert tous les soirs, mais aucun homme, aucune femme, même des classes inférieures, n'a voulu y paraître.

Le sieur Gau, ancien émigré, et le sieur Viderange, ancien garde-du-corps, se sont prononcés en faveur de l'ennemi, et ont porté la croix de Saint-Louis. Ils ont été traduits devant une commission prévôtale et condamnés à mort. Le premier a subi son jugement; le deuxième a été condamné par contumace.

La population entière demande à marcher. «Vous aviez bien raison, s'écriaient les habitans, en entourant l'empereur, de nous dire de nous lever en masse. La mort est préférable aux vexations, aux mauvais traitemens, aux cruautés que nous avons éprouvés pendant dix-sept jours.»

Dans tous les villages, les habitans sont en armes; ils font partout main-basse sur les ennemis qu'ils rencontrent. Les hommes isolés, les prisonniers se présentent d'eux-mêmes aux gendarmes, qu'ils ne regardant plus comme des gardiens, mais comme des protecteurs.

Le général Vincent écrit de Château-Thierry, le 22, que l'ennemi ayant voulu frapper des réquisitions sur les communes de Bazzy, Passi et Vincelle, les gardes nationaux se sont réunis et ont repoussé l'ennemi, après lui avoir pris et blessé plusieurs hommes. Le même général écrit à la même date, qu'un parti de cavalerie russe et prussienne s'étant approché de Château-Thierry, il l'a fait attaquer par un détachement du troisième régiment des gardes-d'honneur, commandé par le chef d'escadron d'Andlaw, et soutenu par les gardes nationales de Château-Thierry, et des communes de Blesmes et Cruzensi. L'ennemi a été chassé et mis en déroute; douze cosaques et quatorze chevaux ont été pris. Les gardes nationaux étaient à la recherche du reste de cette troupe, qui s'est sauvée dans les bois. S. M. a accordé trois décorations de la légion-d'honneur au détachement du troisième régiment des gardes-d'honneur, et un pareil nombre aux gardes nationaux.

Le comte de Valmy s'est dirigé, aujourd'hui 24, sur Bar-sur-Seine. Arrivé à Saint-Paar, il a trouvé l'arrière-garde du général Giulay, l'a fait charger, l'a mise en déroute et lui a fait douze cents prisonniers. Il est probable que le comte de Valmy sera ce soir à Bar-sur-Seine.

Le général Gérard est parti du pont de la Guillotière, soutenu par le duc de Reggio; il s'est porté sur Lusigny, et a passé la Barce. Le général Duhesme a pris position à Montieramey, près Vandoeuvre.

Le comte Flahaut, aide-de-camp de l'empereur Napoléon, le comte Ducca, aide-de-camp de l'empereur d'Autriche, le comte Schouvaloff, aide-de-camp de l'empereur de Russie, et le général de Rauch, chef du corps du génie du roi de Prusse, sont réunis à Lusigny, pour traiter des conditions d'une suspension d'armes.

Ainsi, dans la journée du 24, la capitale de la Champagne a été délivrée, et nous avons fait environ deux mille prisonniers, dont un bon nombre d'officiers. On a de plus trouvé dans les hôpitaux de la ville un millier de blessés, officiers et soldats, abandonnés par l'ennemi.

Le 27 février 1814.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le 26, le quartier-général était à Troyes.

Le duc de Reggio était à Bar-sur-Aube, avec le général Gérard, et le second corps de cavalerie, commandé par le comte de Valmy.

Le duc de Tarente avait son quartier-général à Mussy-l'Evêque, et ses avant-postes à Châtillon; il marchait sur l'Aube et sur Clairvaux.

Le duc de Castiglione, qui a sous ses ordres une armée de quarante mille hommes, dont une grande partie se compose de troupes d'élite, était en mouvement.

Le général Marchand était à Chambéry, le général Dessaix sous les murs de Genève, et le général Meusnier était entré à Mâcon.

Bourg et Nantua étaient également en notre pouvoir; le général autrichien Bubna, qui avait menacé Lyon, était en retraite de tous côtés; dès le 20, on évaluait sa perte, sur différens points, à quinze cents hommes, dont six cents prisonniers.

Le prince de la Moskwa est à Arcis-sur-Aube, le duc de Bellune à Plancy, le duc de Padoue à Nogent; on marchait sur les derrières des corps de Blücher, Sacken, Yorck et Kleist, qui avaient reçu des renforts de Soissons, et qui manoeuvraient sur le corps du duc de Raguse, qui se trouvait à la Ferté-Gaucher.

Le général Duhesme a enlevé Bar-sur-Aube à la baïonnette, et en faisant des prisonniers, parmi lesquels sont plusieurs officiers bavarois.

Le 5 mars 1814.
A S.M. l'impératrice-reine et régente

S.M. l'empereur et roi avait, le 5, son quartier-général à Bery-le-Bac, sur l'Aisne.

L'armée ennemie de Blücher, Sacken, Yorck, Winzingerode et de Bulow était en retraite; sans la trahison du commandant de la ville de Soissons, qui a livré ses portes, cette armée était perdue.

Le général Corbineau est entré, le 5, à Reims, à quatre heures du matin.

Nous avons battu l'ennemi aux combats de Lisy-sur-Ourcq et de May.

Le résultat des diverses affaires, est: quatre mille prisonniers, six cents voitures de bagages, plusieurs pièces de canon, et la délivrance de la ville de Reims.

Craonne, le 7 mars 1814.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Il y a eu aujourd'hui ici une bataille très-glorieuse pour les armées françaises.

S. M. l'empereur et roi a battu les corps des généraux ennemis Witzingerode, Woronzoff et Langeron, réunis aux débris du corps du général Sacken.

Nous avons déjà deux mille prisonniers et plusieurs pièces de canon.

Notre armée est à la poursuite de l'ennemi sur la route de Laon.

Le 9 mars 1814.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

L'armée du général Blücher, composée des débris des corps des généraux Sacken, Kleist et Yorck, se retira, après les batailles de Montmirail et de Vauchamp, par Reims, sur Châlons. Elle y reçut les deux dernières divisions du corps du général Langeron, qui étaient encore restées devant Mayence, et elle y reforma ses cadres. Sa perte avait été telle, qu'elle fut obligée de les réduire à moitié, quoiqu'il lui fût arrivé plusieurs convois de recrues de ses réserves.

L'armée dite du nord, composée de quatre divisions russes, sous les ordres des généraux Witzingerode, Woronzoff et Strogonow, et d'une division prussienne sous les ordres du général Bulow, remplaçait, à Châlons et à Reims, l'armée de Silésie.

Celle-ci passa l'Aube à Arcis, pendant que le prince de Schwartzenberg bordait la droite de la Seine, et, par suite des combats de Nangis et de Montereau, évacuait tout le pays entre la Seine et l'Yonne.

Le 22 février, le général Blücher se présenta devant Méry. Il avait déjà passé le pont lorsque le général de division Boyer marcha sur lui à la baïonnette, le culbuta et le rejeta de l'autre côté de la rivière; mais l'ennemi mit le feu au pont et à la petite ville de Méry, et l'incendie fut si violent, que pendant quarante-huit heures il fut impossible de passer.

Le 24, le corps du duc de Reggio se porta sur Vandoeuvre, et celui du duc de Tarente sur Bar-sur-Seine.

Il paraît que l'armée de Silésie s'était portée sur la gauche de l'Aube, pour se réunir à l'armée autrichienne et donner une bataille générale; mais l'ennemi ayant renoncé à ce projet, le général Blücher repassa l'Aube le 24, et se porta sur Sézanne.

Le duc de Raguse observa ce corps, retarda sa marche, et se retira devant lui sans éprouver aucune perte. Il arriva le 25 à la Ferté-Gaucher, et fit le 26, à la Ferté-sous-Jouarre, sa jonction avec le duc de Trévise, qui observait la droite de la Marne et les corps de l'armée dite du nord qui étaient à Châlons et à Reims.