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Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V

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Le 27, le général Sacken se porta sur Meaux, et se présenta au pont placé à la sortie de Meaux sur le chemin de Nangis, qui avait été coupé. Il fut reçu avec de la mitraille. Quelques-uns de ses coureurs s'avancèrent jusqu'au pont de Lagny.

Cependant l'empereur partit de Troyes le 27, coucha le même jour au village d'Herbisse, le 28 au château d'Esternay, et le 1er mars à Jouarre.

L'armée de Silésie se trouvait ainsi fortement compromise; Elle n'eut d'autre parti à prendre que de passer la Marne. Elle jeta trois ponts, et se porta sur l'Ourcq.

Le général Kleist passa l'Ourcq et se portait sur Meaux par Varède. Le duc de Trévise le rencontra le 28 en position au village de Gué-à-Trême, sur la rive gauche de la Térouenne. Il l'aborda franchement. Le général Christiani, commandant une division de vieille garde, s'est couvert de gloire. L'ennemi a été poussé l'épée dans les reins pendant plusieurs lieues. On lui a pris quelques centaines d'hommes, et un grand nombre est resté sur le champ de bataille.

Dans le même temps, l'ennemi avait passé l'Ourcq à Lisy. Le duc de Raguse le rejeta sur l'autre rive.

Le mouvement de retraite de l'armée de Blücher fut prononcé. Tout filait sur la Ferté-Milon et Soissons.

L'empereur partit de la Ferté-sous-Jouarre le 3; son avant-garde fut le même jour à Rocourt.

Les ducs de Raguse et de Trévise poussaient l'arrière-garde ennemie; ils l'attaquèrent vivement le 3 à Neuilly-Saint-Front.

L'empereur arriva de bonne heure le 4 à Fismes. On fit des prisonniers et l'on prit beaucoup de voitures de bagages.

La ville de Soissons était armée de vingt pièces de canon et en état de se défendre. Le duc de Raguse et le duc de Trévise se portèrent sur cette ville pour y passer l'Aisne, tandis que l'empereur marchait sur Mezy. L'armée ennemie était dans la position la plus dangereuse; mais le général qui commandait à Soissons, par une lâcheté qu'on ne saurait définir, abandonna la place le 3, à quatre heures après midi, par une capitulation soi-disant honorable, en ce que l'ennemi lui permettait de sortir de la ville avec ses troupes et son artillerie, et se retira avec la garnison et son artillerie sur Villers-Cotterets. Au moment où l'armée ennemie se croyait perdue, elle apprit que le pont de Soissons lui appartenait et n'avait pas même été coupé. Le général qui commandait dans cette place et les membres du conseil de défense sont traduits à une commission d'enquête. Ils paraissent d'autant plus coupables, que pendant toutes les journées du 2 et du 3, on avait entendu de la ville la canonnade de notre armée qui se rapprochait de Soissons, et qu'un bataillon de la Vistule qui était dans la place, et qui ne la quitta qu'en pleurant, donnait les plus grands témoignages d'intrépidité.

Le général Corbineau, aide-de-camp de l'empereur, et le général de cavalerie Laferrière s'étaient portés sur Reims, où ils entrèrent le 5 à quatre heures du matin, en tournant un corps ennemi de quatre bataillons qui couvrait la ville, et dont les troupes furent faites prisonnières. Tout ce qui se trouvait dans Reims fut pris.

Le 5, l'empereur coucha à Bery-au-Bac. Le général Nansouty passa de vive force le pont de Bery, mit en déroute une division de cavalerie qui le couvrait, s'empara de ses deux pièces de canon, et prit trois cents cavaliers, parmi lesquels s'est trouvé le colonel prince Gagarin, qui commandait une brigade.

L'armée ennemie s'était divisée en deux parties. Les huit divisions russes de Sacken et de Witzingerode avaient pris position sur les hauteurs de Craonne, et les corps prussiens sur les hauteurs de Laon.

L'empereur vint coucher le 6 à Corbeni. Les hauteurs de Craonne furent attaquées et enlevées par deux bataillons de la garde. L'officier d'ordonnance Caraman, jeune officier d'espérance, à la tête d'un bataillon, tourna la droite. Le prince de la Moskowa marcha sur la ferme d'Urtubie. L'ennemi se retira, et prit position sur une hauteur, qu'on reconnut le 7 à la pointe du jour. C'est ce qui donna lieu à la bataille de Craonne.

Cette position était très-belle, l'ennemi ayant sa droite et sa gauche appuyées à deux ravins, et un troisième ravin devant lui. Il défendait le seul passage, d'une centaine de toises de largeur, qui joignait sa position au plateau de Craonne.

Le duc de Bellune se porta, avec deux divisions de la jeune garde, à l'abbaye de Vauclerc, où l'ennemi avait mis le feu. Il l'en chassa, et passa le défilé que l'ennemi défendait avec soixante pièces de canon. Le général Drouot le franchit avec plusieurs batteries. Au même instant, le prince de la Moskowa passa le ravin de gauche et débouchait sur la droite de l'ennemi. Pendant une heure, la canonnade fut très-forte. Le général Grouchy, avec sa cavalerie, déboucha. Le général Nansouty, avec deux divisions de cavalerie, passa le ravin sur la droite de l'ennemi. Une fois le défilé franchi et l'ennemi forcé dans sa position, il fut poursuivi pendant quatre lieues, et canonné par quatre-vingts pièces de canon à mitraille; ce qui lui a causé une très-grande perte. Le plateau par lequel il se retirait ayant toujours des ravins à droite et à gauche, la cavalerie ne put le déborder et l'entamer.

L'empereur porta son quartier-général à Bray.

Le lendemain 8, nous avons poursuivi l'ennemi jusqu'au delà du défilé d'Urcel, et le jour même nous sommes entrés à Soissons, où il a laissé un équipage de pont.

La bataille de Craonne est extrêmement glorieuse pour nos armes. L'ennemi y a perdu six généraux; il évalue sa perte de cinq à six mille hommes. La nôtre a été de huit cents hommes tués ou blessés.

Le duc de Bellune a été blessé d'une balle. Le général Grouchy, ainsi que le général Laferrière, officier de cavalerie d'une grande distinction, ont également été blessés en débouchant à la tête de leurs troupes.

Le général Belliard a pris le commandement de la cavalerie.

Le résultat de toutes ces opérations est une perte pour l'ennemi de dix à douze mille hommes, et d'une trentaine de pièces de canon.

L'intention de l'empereur est de manoeuvrer avec l'armée sur l'Aisne.

Le 12 mars 1814.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le lendemain de la bataille de Craonne (le 8), l'ennemi fut poursuivi par le prince de la Moskowa jusqu'au village d'Étouvelles. Le général Voronzoff, avec sept ou huit mille hommes, gardait cette position, qui était très-difficile à aborder, parce que la route qui y conduit chemine, pendant une lieue, entre deux marais impraticables.

Le baron Gourgault, premier officier d'ordonnance de S. M., et officier d'un mérite distingué, partit à onze heures du soir de Chavignon avec deux bataillons de la vieille garde, tourna la position, et se porta par Challevois sur Chivi. Il arriva à une heure du matin sur l'ennemi, qu'il aborda à la baïonnette. Les Russes furent réveillés par les cris de vive l'empereur! et poursuivis jusqu'à Laon. Le prince de la Moskowa déboucha par le défilé.

Le lendemain 9, à la pointe du jour, on reconnut l'ennemi, qui s'était réuni aux corps prussiens. La position qu'il occupait était telle, qu'on la jugea inattaquable. On prit position.

Le duc de Raguse, qui avait couché le 8 à Corbeni, parut à deux heures après midi à Veslud, culbuta l'avant-garde ennemie, attaqua le village d'Athies, qu'il enleva, et eut des succès pendant toute la journée. A six heures et demie, il prit position. A sept heures, l'ennemi fit un houra de cavalerie à une lieue sur les derrières, où le duc de Raguse avait un parc de réserve. Le duc de Raguse s'y porta vivement; mais l'ennemi avait eu le temps d'enlever dans ce parc quinze pièces de canon. Une grande partie du personnel s'est sauvée.

Le même jour, le général Charpentier, avec sa division de jeune garde, enleva le village de Clacy. Le lendemain, l'ennemi attaqua sept fois ce village, et sept fois il fut repoussé. Le général Charpentier fit quatre cents prisonniers. L'ennemi laissa les avenues couvertes de ses morts. Le quartier-général de l'empereur a été, le 9 et le 10, à Chavignon.

S. M. jugeant qu'il était impossible d'attaquer les hauteurs de Laon, a porté le 11 son quartier-général à Soissons. Le duc de Raguse a occupé le même jour Bery-au-Bac.

Le général Corbineau se louait à Reims du bon esprit de ses habitans.

Le 7, à onze heures du matin, le général Saint-Priest, commandant une division russe, s'est présenté devant la ville de Reims, et l'a sommée de se rendre. Le général Corbineau lui a répondu avec du canon. Le général Defrance arrivait alors avec sa division de gardes-d'honneur. Il fit une belle charge et chassa l'ennemi. Le général Saint-Priest a fait mettre le feu à deux grandes manufactures et à cinquante maisons de la ville qui se trouvent hors de son enceinte, conduite digne d'un transfuge; de tout temps, les transfuges furent les plus cruels ennemis de leur patrie.

Soissons a beaucoup souffert; les habitans se sont conduits de la manière la plus honorable. Il n'est point d'éloges qu'ils ne donnent au régiment de la Vistule, qui formait leur garnison; il n'est pas d'éloges que le régiment de la Vistule ne fasse des habitans. S. M. a accordé à ce brave corps trente décorations de la légion-d'honneur.

Le plan de campagne de l'ennemi paraît avoir été une espèce de houra général sur Paris. Négligeant toutes les places de Flandres, et n'observant Berg-op-Zoom et Anvers qu'avec des troupes inférieures en nombre de moitié aux garnisons de ces villes, l'ennemi a pénétré sur Avesnes. Négligeant les places des Ardennes, Mézières, Rocroy, Philippeville, Givet, Charlemont, Montmédy, Maestricht, Venloo, Juliers, il a passé par des chemins impraticables, pour arriver sur Avesnes et Rethel. Ces places communiquent ensemble, ne sont pas observées, et leurs garnisons inquiètent fortement les derrières de l'ennemi. Au même instant où le général Saint-Priest brûlait Reims, son frère était arrêté par les habitans et conduit prisonnier à Charlemont. Négligeant toutes les places de la Meuse, l'ennemi s'était avancé par Bar et Saint-Dizier. La garnison de Verdun est venue jusqu'à Saint-Mihiel. Auprès de Bar, un général russe resté quelques momens, avec une quinzaine d'hommes, après le départ de sa troupe, a été tué, ainsi que son escorte, par les paysans, en représailles des atrocités qu'il avait ordonnées. Metz pousse ses sorties jusqu'à Nancy. Strasbourg et les autres places de l'Alsace n'étant observées que par quelques partis, on y entre, on en sort librement, et les vivres y arrivent en abondance. Les troupes de la garnison de Mayence vont jusqu'à Spire. Les départemens s'étant empressés de compléter les cadres des bataillons qui sont dans toutes ces places, où on les a armés, équipés et exercés, on peut dire qu'il y a plusieurs armées sur les derrières de l'ennemi. Sa position ne peut que devenir tous les jours plus dangereuse. On voit, par les rapports que l'on a interceptés, que les régimens de cosaques dont la force était de deux cent cinquante hommes, en ont perdu plus de cent vingt, sans avoir été à aucune action, mais par la guerre que leur ont faite les paysans.

 

Le duc de Castiglione manoeuvre sur le Rhône, dans le département de l'Ain et dans la Franche-Comté. Les généraux Dessaix et Marchand ont chassé l'ennemi de la Savoie. Quinze mille hommes passent les Alpes pour venir renforcer le duc de Castiglione.

Le vice-roi a obtenu de grands succès a Borghetto, et a repoussé l'ennemi sur l'Adige.

Le général Grenier, parti de Plaisance le 2 mars, a battu l'ennemi sur Parme, et l'a jeté au-delà du Taro.

Les troupes françaises qui occupaient Rome, Civita-Vecchia, la Toscane, entrent en Piémont pour passer les Alpes.

L'exaspération des populations entières s'accroît chaque jour dans la proportion des atrocités que commettent ces hordes, plus barbares encore que leurs climats, qui déshonoreraient l'espèce humaine, et dont l'existence militaire a pour mobile, au lieu de l'honneur, le pillage et tous les crimes.

Les conférences de Lusigny, pour la suspension d'armes, ont échoué. On n'a pu s'arranger sur la ligne de démarcation. On était d'accord sur les points d'occupation au nord et à l'est; mais l'ennemi a voulu, non-seulement étendre sa ligne sur la Saône et le Rhône, mais en envelopper la Savoie. On a répondu à cette injuste prétention, en proposant d'adopter pour cette partie le statu quo, et de laisser le duc de Castiglione et le comte Bubna se régler sur la ligne de leurs avant-postes. Cette proposition a été rejetée. Il a donc fallu renoncer à une suspension d'armes de quinze jours, qui offrait plus d'inconvéniens que d'avantages. L'empereur n'a pas cru, d'ailleurs, avoir le droit de remettre de nombreuses populations sous le joug de fer dont elles avaient été délivrées. Il n'a pu consentir à abandonner nos communications avec l'Italie, que l'ennemi avait essayé tant de fois et vainement d'intercepter, lorsque nos troupes n'étaient pas encore réunies.

Le temps a été constamment très-froid. Les bivouacs sont fort durs dans cette saison; mais on en a ressenti également les souffrances de part et d'autre. Il parait même que les maladies font des ravages dans l'armée ennemie, tandis qu'il y eu a fort peu dans la nôtre.

Le 14 mars 1814.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le général Saint-Priest, commandant en chef le huitième corps russe, était depuis plusieurs jours en position à Châlons-sur-Marne, ayant une avant-garde à Sillery. Ce corps, composé de trois divisions qui devaient former dix-huit régimens et trente-six bataillons, n'était réellement que de huit régimens ou seize bataillons, faisant cinq à six mille hommes.

Le général Jagow, commandant la dernière colonne de la réserve prussienne, et ayant sous ses ordres quatre régimens de la landwehr de la Poméranie prussienne et des Marches, formant seize bataillons ou sept mille hommes qui avaient été employés au siége de Torgau et de Wittemberg, se réunit au corps du général Saint-Priest, dont les forces se trouvèrent être de quinze à seize mille hommes, cavalerie et artillerie comprises.

Le général Saint-Priest résolut de surprendre la ville de Reims, où était le général Corbineau, à la tête de la garde nationale et de trois bataillons de levée en masse, avec cent hommes de cavalerie et huit pièces de canon. Le général Corbineau avait placé la division de cavalerie du général Defrance à Châlons-sur-Vesle, à deux lieues de la ville.

Le 12, à cinq heures du matin, le général Saint-Priest se présenta aux différentes portes. Il fit sa principale attaque sur la porte de Laon, que la supériorité de son nombre lui donna le moyen de forcer. Le général Corbineau opéra sa retraite avec les trois bataillons de la levée en masse et ses cent hommes de cavalerie, et se replia sur Châlons-sur-Vesle. La garde nationale et les habitans se sont très-bien comportés dans cette circonstance.

Le 13, à quatre heures du soir, l'empereur était sur les hauteurs du Moulin-à-Vent, à une lieue de Reims. Le duc de Raguse formait l'avant-garde. Le général de division Merlin attaqua, cerna et prit plusieurs bataillons de landwehr prussienne. Le général Sébastiani, commandant deux divisions de cavalerie, se porta sur la ville. Une centaine de pièces de canon furent engagées, tant d'un côté que de l'autre. L'ennemi couronnait les hauteurs en avant de Reims. Pendant qu'elles étaient attaquées, on réparait les ponts de Saint-Brice, pour tourner la ville. Le général Defrance fit une superbe charge avec les gardes d'honneur, qui se sont couverts de gloire, notamment le général comte de Ségur, commandant le troisième régiment. Ils chargèrent entre la ville et l'ennemi, qu'ils jetèrent dans le faubourg, et auquel ils prirent mille cavaliers et son artillerie.

Sur ces entrefaites, le général comte Krasinski ayant coupé la route de Reims à Bery-au-Bac, l'ennemi abandonna la ville, en fuyant en désordre de tous côtés. Vingt-deux pièces de canon, cinq mille prisonniers, cent voitures d'artillerie et de bagages, sont les résultats de cette journée, qui ne nous a pas coûté cent hommes.

La même batterie d'artillerie légère qui a frappé de mort le général Moreau devant Dresde, a blessé mortellement le général Saint-Priest, qui venait à la tête des Tartares du désert, ravager notre belle patrie.

L'empereur est entré à Reims à une heure du matin, aux acclamations des habitans de cette grande ville, et y a placé son quartier-général. L'ennemi s'est retiré, partie sur Châlons, partie sur Rethel, partie sur Laon. Il est poursuivi dans toutes ces directions.

Le dixième régiment de hussards s'est, ainsi que le troisième régiment des gardes-d'honneur, particulièrement distingué.

Le général comte de Ségur a été blessé grièvement, mais sans danger pour sa vie.

Le 20 mars 1814.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le général Wittgenstein, avec son corps d'armée, était à Villenoxe. Il avait jeté des ponts à Pont, où il avait passé la Seine, et il marchait sur Provins.

Le duc de Tarente avait réuni ses troupes sur cette ville. Le 16, l'ennemi manoeuvrait pour déborder sa gauche. Le duc de Reggio engagea son artillerie, et toute la journée se passa en canonnade. Le mouvement de l'ennemi paraissait se prononcer sur Provins et sur Nangis.

D'un autre côté, le prince Schwartzenberg, l'empereur Alexandre et le roi de Prusse étaient à Arcis-sur-Aube.

Le corps du prince-royal de Wurtemberg s'était porté sur Villers-aux-Corneilles.

Le général Platow, avec trois mille barbares, s'était jeté sur Fère-Champenoise et Sézanne.

L'empereur d'Autriche venait d'arriver de Chaumont à Troyes.

Le prince de la Moskwa est entré le 16 a Châlons-sur-Marne.

L'empereur a couché le 17 à Épernay; le 18, à Fère-Champenoise, et le 19, à Plancy.

Le général Sébastiani, à la tête de sa cavalerie, a rencontré à Fère-Champenoise le général Platow, l'a culbuté et l'a poursuivi jusqu'à l'Aube, en lui faisant des prisonniers.

Le 19, après-midi, l'empereur a passé l'Aube à Plancy. A cinq heures du soir, il a passé la Seine à un gué, et a fait tourner Méry, qui a été occupé.

A sept heures du soir, le général Letort, avec les chasseurs de la garde, est arrivé au village de Châtre, coudant la route de Nogent à Troyes; mais l'ennemi était déjà partout en retraite. Cependant le général Letort a pu atteindre son parc de pontons, qui avait servi à faire le pont de Pont-sur-Seine; il s'est emparé de tous les pontons sur leurs haquets attelés, et d'une centaine de voitures de bagages; il a fait des prisonniers.

Dans la journée du 17, le général de Wrede avait rétrogradé rapidement sur Arcis-sur-Aube. Dans la nuit du 17 au 18, l'empereur de Russie s'était retiré sur Troyes. Le 18 les souverains alliés ont évacué Troyes, et se sont portés en toute hâte sur Bar-sur-Aube.

S. M. l'empereur est arrivé à Arcis-sur-Aube le 20 au matin.

Boulevent, le 25 mars 1814.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le quartier-général de l'empereur est ici. L'armée française occupe Chaumont, Brienne; elle est en communication avec Troyes, et ses patrouilles vont jusqu'à Langres. De tout côté, on ramène des prisonniers.

La santé de S. M. est très-bonne.

Le 29 mars 1814.
A S.M. l'impératrice-reine et régente

Le 26 de ce mois, S.M. l'empereur a battu à Saint-Dizier, le général Witzingerode, lui a fait deux mille prisonniers, lui a pris des canons et beaucoup de voitures de bagages. Ce corps a été poursuivi très-loin.

Le 31 mars 1814.
A S.M. l'impératrice-reine et régente

Le général de division Béré est entré à Chaumont le 25, et a ainsi coupé la ligne d'opération de l'ennemi; il a intercepté beaucoup de courriers et d'estafettes, et enlevé à l'ennemi des bagages, plusieurs pièces de canon, des magasins d'habillement et une grande partie des hôpitaux. Il a été parfaitement secondé par les habitans de la campagne, qui sont partout en armes et montrent la plus grande ardeur. M. le baron de Wissemberg, ministre d'Autriche en Angleterre, revenant de Londres avec le comte de Pulsy, son secrétaire de légation; le lieutenant-général suédois Sessiole de Brand, ministre de Suède auprès de l'empereur de Russie, avec un major suédois; le conseiller de guerre prussien, Peguilhen; MM. de Tolstoï et de Marcof, et deux autres officiers d'ordonnance russes, allant tous en mission aux différens quartiers-généraux des alliés, ont été arrêtés par les levées en masse, et conduits au quartier-général. L'enlèvement de ces personnages, et de leurs papiers, qui ont tous été pris, est d'une grande importance.

Le parc de l'armée russe et tous ses équipages étaient à Bar-sur-Aube. A la première nouvelle des mouvemens de l'armée, ils ont été évacués sur Bedfort; ce qui prive l'ennemi de ses munitions d'artillerie, de ses transports de vivres de réserve, et de beaucoup d'autres objets qui lui étaient nécessaires.

L'armée ennemie ayant pris le parti d'opérer entre l'Aube et la Marne, avait laissé le général russe Witzingerode à Saint-Dizier, avec huit mille hommes de cavalerie et deux divisions d'infanterie, afin de maintenir la ligne d'opérations, et faciliter l'arrivée de l'artillerie, des munitions et des vivres dont l'ennemi a le plus grand besoin.

La division de dragons du général Milhaud, et la cavalerie de la garde, commandée par le général Sébastiani, ont passé le gué de Valcoeur le 22 mars, ont marché sur cette cavalerie, et, après de belles charges, l'ont mise en déroute. Trois mille hommes de cavalerie russe; dont beaucoup de la garde impériale, ont été tués ou pris. Les dix-huit pièces de canon qu'avait l'ennemi, lui ont été enlevées, ainsi que ses bagages. L'ennemi, a laissé les bois et les prairies jonchés de ses morts. Tous les corps de cavalerie se sont distingués à l'envi les uns des autres. Le duc de Reggio a poursuivi l'ennemi jusqu'à Bar-sur-Ornain, où il est entré le 27. Le 29, le quartier-général de l'empereur était à Troyes. Deux convois de prisonniers, dont le nombre s'élève à plus de six mille hommes, suivent l'armée.

Dans tous les villages, les habitans sont sous les armes; exaspérés par la violence, les crimes et les ravages de l'ennemi, ils lui font une guerre acharnée, qui est pour lui du plus grand danger.

 
Le 1er avril 1814.

L'empereur qui avait porté son quartier-général à Troyes le 29, s'est dirigé à marches forcées par Sens sur la capitale. S. M. était le 31 à Fontainebleau; elle a appris que l'ennemi, arrivé vingt-quatre heures avant l'armée française, occupait Paris, après avoir éprouvé une forte résistance, qui lui a coûté beaucoup de monde.

Les corps des ducs de Trévise, de Raguse et celui du général Compans, qui ont concouru à la défense de la capitale, se sont réunis entre Essonne et Paris, où S.M. a pris position avec toute l'armée qui arrive de Troyes.

L'occupation de la capitale par l'ennemi est un malheur qui afflige profondément le coeur de S.M., mais dont il ne faut pas concevoir d'alarmes; la présence de l'empereur avec son armée, aux portes de Paris, empêchera l'ennemi de se porter à ses excès accoutumés, dans une ville si populeuse, qu'il ne saurait garder sans rendre sa position très-dangereuse.

Proclamation

L'empereur se porte bien et veille pour le salut de tous.

S.M. l'impératrice et le roi de Rome sont en sûreté.

Les rois frères de l'empereur, les grands dignitaires, les ministres, le sénat et le conseil d'état, se sont portés sur les rives de la Loire, où le centre du gouvernement s'établit provisoirement.

Ainsi l'action du gouvernement ne sera pas paralysée; les bons citoyens, les vrais Français, peuvent être affligés de l'occupation de la capitale; mais ils n'en doivent pas concevoir de trop vives alarmes; qu'ils se reposent sur l'activité de l'empereur, et sur son génie, du soin de notre délivrance! Mais qu'ils sentent bien que c'est dans ces grandes circonstances que l'honneur national, et nos intérêts bien entendus, nous commandent plus que jamais de nous rallier autour de notre souverain! Secondons ses efforts, et ne regrettons aucun sacrifice pour terminer enfin cette lutte terrible contre des ennemis qui, non contens de combattre nos armées, viennent encore frapper chaque citoyen dans ce qu'il a de plus cher, et ravager ce beau pays dont la gloire et la prospérité furent, dans tous les temps, l'objet de leur haine jalouse.

Malgré les succès que l'armée coalisée vient d'obtenir et dont elle ne s'enorgueillira pas long-temps, le théâtre de la guerre est encore loin de nous; mais si quelques coureurs, attirés par l'espoir du pillage, osaient se répandre dans vos campagnes, ils vous trouveraient armés pour défendre vos femmes, vos enfans, vos propriétés.

Blois, 3 avril 1814.
Proclamation de l'impératrice-reine et régente

Français,

Les événemens de la guerre ont mis la capitale au pouvoir de l'étranger.

L'empereur, accouru pour la défendre, est à la tête de ses armées si souvent victorieuses.

Elles sont en présence de l'ennemi, sous les murs de Paris. C'est de la résidence que j'ai choisie, et des ministres de l'empereur, qu'émaneront les seuls ordres que vous puissiez reconnaître.

Toute ville au pouvoir de l'ennemi cesse d'être libre; toute direction qui en émane est le langage de l'étranger, ou celui qu'il convient à ses vues hostiles de propager.

Vous serez fidèles à vos sermens, vous écouterez la voix d'une princesse qui fut remise à votre foi, qui fait sa gloire d'être Française, d'être associée aux destinées du souverain que vous avez librement choisi.

Mon fils était moins sûr de vos coeurs au temps de nos prospérités.

Ses droits et sa personne sont sous votre sauve-garde.

MARIE-LOUISE.
Discours de Napoléon à sa garde lorsqu'il apprit l'entrée des alliés à Paris

«Officiers, sous-officiers et soldats de la vieille garde! l'ennemi nous a dérobé trois marches, il est entré dans Paris. J'ai fait offrir à l'empereur Alexandre une paix achetée par de grands sacrifices: la France avec ses anciennes limites, en renonçant à ses conquêtes, et perdant tout ce que nous avons gagné depuis la révolution. Non-seulement il a refusé, il a fait plus encore; par les suggestions perfides d'hommes à qui j'ai accordé la vie, que j'ai comblés de bienfaits, il les autorise à porter la cocarde blanche, et bientôt il voudra la substituer à notre cocarde nationale.... Dans peu de jours, j'irai l'attaquer dans Paris. Je compte sur vous.... Ai-je raison? (Ici s'élevèrent des cris nombreux: vive l'empereur, oui, à Paris, à Paris).... Nous irons leur prouver que la nation française sait être maîtresse chez elle; que si elle l'a été souvent chez les autres, elle le sera toujours sur son sol, et qu'enfin elle est capable de défendre sa cocarde, son indépendance et l'intégrité de son territoire. Allez communiquer ces sentimens à vos soldats.»

Fontainebleau, 4 avril 1814.
Ordre du jour

L'empereur remercie l'armée pour l'attachement qu'elle lui témoigne, et principalement parce qu'elle reconnaît que la France est en lui, et non pas dans le peuple de la capitale. Le soldat suit la fortune et l'infortune de son général, son honneur et sa religion. Le duc de Raguse n'a pas inspiré ces sentimens à ses compagnons d'armes; il est passé aux alliés. L'empereur ne peut approuver la condition sous laquelle il a fait cette démarche; il ne peut accepter la vie ni la liberté de la merci d'un sujet. Le sénat s'est permis de disposer du gouvernement français; il a oublié qu'il doit à l'empereur le pouvoir dont il abuse maintenant; que c'est lui qui a sauvé une partie de ses membres de l'orage de la révolution, tiré de l'obscurité et protégé l'autre contre la haine de la nation. Le sénat se fonde sur les articles de la constitution, pour la renverser; il ne rougit pas de faire des reproches à l'empereur, sans remarquer que, comme le premier corps de l'état, il a pris part à tous les événemens. Il est allé si loin qu'il a osé accuser l'empereur d'avoir changé des actes dans la publication; le monde entier sait qu'il n'avait pas besoin de tels artifices: un signe était un ordre pour le sénat, qui toujours faisait plus qu'on ne désirait de lui. L'empereur a toujours été accessible aux sages remontrances de ses ministres, et il attendait d'eux dans cette circonstance, une justification la plus indéfinie des mesures qu'il avait prises. Si l'enthousiasme s'est mêlé dans les adresses et discours publics, alors l'empereur a été trompé; mais ceux qui ont tenu ce langage, doivent s'attribuer à eux-mêmes la suite funeste de leurs flatteries. Le sénat ne rougit pas de parler des libelles publiés contre les gouvernemens étrangers; il oublie qu'ils furent rédigés dans son sein. Si long-temps que la fortune s'est montrée fidèle à leur souverain, ces hommes sont restés fidèles, et nulle plainte n'a été entendue sur les abus du pouvoir. Si l'empereur avait méprisé les hommes, comme on le lui a reproché, alors le monde reconnaîtrait aujourd'hui qu'il a eu des raisons qui motivaient son mépris. Il tenait sa dignité de Dieu et de la nation; eux seuls pouvaient l'en priver: il l'a toujours considérée comme un fardeau, et lorsqu'il l'accepta, c'était dans la conviction que lui seul était à même de la porter dignement. Son bonheur paraissait être sa destination: aujourd'hui, que la fortune s'est décidée contre lui, la volonté de la nation seule pourrait le persuader de rester plus long-temps sur le trône. S'il se doit considérer comme le seul obstacle à la paix, il fait ce dernier sacrifice à la France: il a, en conséquence, envoyé le prince de la Moskwa et les ducs de Vicence et de Tarente à Paris, pour entamer les négociations. L'armée peut être certaine que son bonheur ne sera jamais en contradiction avec le bonheur de la France.

Au palais de Fontainebleau, le 11 avril 1814.
Acte d'abdication de l'empereur Napoléon

Les puissances alliées ayant proclamé que l'empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l'empereur Napoléon, fidèle à son serment, déclare qu'il renonce, pour lui et ses héritiers, aux trônes de France et d'Italie, et qu'il n'est aucun sacrifice personnel, même celui de la vie, qu'il ne soit prêt à faire à l'intérêt de la France.

Dernière allocution de Napoléon à sa garde

«Généraux, officiers, sous-officiers et soldats de ma vieille garde, je vous fais mes adieux: depuis vingt ans, je suis content de vous; je vous ai toujours trouvés sur le chemin de la gloire.