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Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V

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Le général comte Lauriston, de Wurtzen, s'est mis en marche sur la grande route de Dresde.

Le prince de la Moskwa s'est porté sur l'Elbe pour débloquer le général Thielmann qui commande à Torgau, prendre position sur ce point et débloquer Wittemberg: il paraît que cette dernière place a fait une belle défense et repoussa plusieurs attaques qui ont coûté fort cher à l'ennemi.

Des prisonniers racontent que l'empereur Alexandre, voyant la bataille perdue, parcourait la ligne russe pour animer le soldat, en disant: «Courage, Dieu est pour nous.»

Ils ajoutent que le général prussien Blucher est blessé, et qu'il y a cinq généraux de division et de brigade prussiens tués ou blessés.

Le 6 mai au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le quartier-général de S. M. l'empereur et roi était à Waldheim; celui du vice-roi, à Ertzdorf; celui du général Lauriston était à Oschatz; celui du prince de la Moskwa, entre Leipsick et Torgau; celui du comte Bertrand, à Mittweyda; celui du duc de Reggio, à Penig.

L'ennemi avait brûlé à Waldheim un très-beau pont en bois d'une seule arche; ce qui nous avait retardé de quelques heures. Son arrière-garde avait voulu défendre le passage, mais s'était déployée sur Ertzdorf: la position de ce dernier point est fort belle; l'ennemi a voulu la tenir. Le pont étant brûlé, le vice-roi fit tourner le village par la droite et par la gauche. L'ennemi était placé derrière des ravins. Une fusillade et une canonnade assez vives s'engagèrent; aussitôt on marcha droit à l'ennemi, et la position fut enlevée: l'ennemi a laissé deux cents morts sur le champ de bataille.

Le général Vandamme avait, le 1er mai, son quartier-général à Harbourg. Nos troupes ont pris un cutter de guerre russe armée de vingt pièces de canon. L'ennemi a repassé l'Elbe avec tant de précipitation, qu'il a laissé sur la rive gauche une infinité de barques propres au passage et beaucoup de bagages. Les mouvemens de la grande armée étaient déjà connus, et causaient une grande consternation à Hambourg. Les traîtres de Hambourg voyaient que le jour de la vengeance était près d'arriver.

Le général Dumonceau était à Lunebourg.

A la bataille du 2, les officiers d'ordonnance Bérenger et Pretel ont été blessés, mais peu dangereusement.

En notre camp impérial de Goldit, le 6 mai 1813.
Lettre de l'empereur à la maréchale duchesse d'Istrie

«Ma cousine, votre mari est mort au champ d'honneur. La perte que vous faites et celle de vos enfans est grande sans doute, mais la mienne l'est davantage encore. Le duc d'Istrie est mort de la plus belle mort et sans souffrir. Il laisse une réputation sans tache; c'est le plus bel héritage qu'il ait pu léguer à ses enfans. Ma protection leur est acquise; ils hériteront aussi de l'affection que je portais à leur père. Trouvez dans toutes ces considérations des motifs de consolation pour alléger vos peines, et ne doutez jamais de mes sentimens pour vous. Cette lettre n'étant à autre fin, je prie Dieu qu'il vous ait, ma chère cousine, en sa sainte et digne garde.»

NAPOLÉON.
Le 9 mai au matin.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le 7, le quartier-général de S. M. l'empereur et roi était à Nossen.

Entre Nossen et Wilsdruf, le vice-roi a rencontré l'ennemi placé derrière un torrent et dans une belle position. Il l'en a déposté, lui a tué un millier d'hommes et fait cinq cents prisonniers.

Un cosaque qui a été arrêté, était porteur de l'ordre de brûler les bagages de l'arrière-garde russe. Effectivement, huit cents voitures russes ont été brûlées, des bagages et vingt pièces de canon ont été ramassés par nous sur les routes; plusieurs colonnes de cosaques sont coupées: on les poursuit.

Le 8, à midi, le vice-roi est entré à Dresde. L'ennemi, indépendamment du grand pont qu'il avait rétabli, avait jeté trois ponts sur l'Elbe. Le vice-roi ayant fait marcher des troupes dans la direction de ces ponts, l'ennemi y a mis le feu sur-le-champ; les trois têtes de pont qui les couvraient ont été enlevées.

Le même jour 8, à neuf heures du matin, le comte Lauriston était arrivé à Meissen. Il y a trouvé trois redoutes avec des blockhaus que les Prussiens y avaient construites: ils avaient brûlé le pont.

Toute la rive de l'Elbe est libre de l'ennemi.

S. M. l'empereur est arrivé à Dresde le 8, à une heure après-midi. L'empereur, en faisant le tour de la ville, s'est porté sur-le-champ au chantier de construction à la porte de Pirna, et de là au village de Prielsnitz, où S. M. a ordonné qu'on jetât un pont. S. M. est revenue à sept heures du soir de sa reconnaissance, au palais où elle est logée.

La vieille garde a fait son entrée à Dresde à huit heures du soir.

Le 9, à trois heures du matin, l'empereur a fait placer lui-même sur un des bastions qui domine la rive droite, une batterie qui a chassé l'ennemi de la position qu'il occupait de ce côté.

Le prince de la Moskwa marche sur Torgau.

La relation que l'ennemi a faite de la bataille de Lutzen n'est qu'une série de faussetés. On assure ici que l'ordre avait été donné de chanter un Te Deum, mais que des gens du pays qui leur étaient affidés ont fait sentir que ce serait ridicule; que ce qui pouvait être bon en Russie, serait par trop absurde en Allemagne.

L'empereur de Russie a quitté Dresde hier matin.

Le fameux Stein est l'objet du mépris de tous les honnêtes gens. Il voulait révolter la canaille contre les propriétaires. On ne revenait pas de surprise de voir des souverains comme le roi de Prusse, et surtout comme l'empereur Alexandre, que la nature a doués de belles qualités, prêter l'appui de leurs noms à des menées aussi criminelles qu'atroces.

Indépendamment des canons et des bagages pris à la poursuite de l'ennemi, nous avons fait à la bataille cinq mille prisonniers, et pris dix pièces de canon. L'ennemi ne nous a pris aucun canon; mais il a fait cent onze prisonniers. Le général en chef Koutouzow est mort à Bautzen, de la fièvre nerveuse, il y a quinze jours. Il a été remplacé dans le commandement en chef par le général Wittgenstein, qui a débuté par la perte de la bataille de Lutzen.

Le 10 mai au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le 9, le colonel Lasalle, directeur des équipages de pont, a commencé à faire établir des radeaux pour le pont qu'on jette au village de Prielsnitz. On y a établi également un va-et-vient. Trois cents voltigeurs ont été jetés sur la rive droite, sous la protection de vingt pièces de canon placées sur une hauteur.

A dix heures du matin, l'ennemi s'est avancé pour culbuter ces tirailleurs dans l'eau. Il a pensé qu'une batterie de douze pièces serait suffisante pour faire taire les nôtres; la canonnade s'est engagée: les pièces de l'ennemi ont été démontées; trois bataillons qu'il avait fait avancer en tirailleurs ont été écrasés sous notre mitraille: l'empereur s'y est porté; le général Dulauloy s'est placé avec le général Devaux et dix-huit pièces d'artillerie légère sur la gauche du village de Prielsnitz, position qui prend à revers toute la plaine de la rive droite: le général Drouet s'est porté avec seize pièces sur la droite: l'ennemi a fait avancer quarante pièces de canon; nous en avons mis jusqu'à quatre-vingts en batterie.

Pendant ce temps, on traçait un boyau sur la rive droite, en forme de tête de pont, où nos tirailleurs s'établissaient à couvert. Après avoir eu douze à quinze pièces démontées, et quinze à dix-huit cents hommes tués ou blessés, l'ennemi comprit la folie de son entreprise, et à trois heures de l'après-midi il s'éloigna.

On a travaillé toute la nuit au pont; mais l'Elbe a crû; quelques ancres ont dérivé; le pont ne sera terminé que ce soir.

Aujourd'hui 10, l'empereur a fait passer dans la ville neuve, en profitant du pont de Dresde, la division Charpentier. Ce soir, ce pont se trouve rétabli; toute l'armée y passe pour se porter sur la rive droite. Il paraît que l'ennemi se retire sur l'Oder.

Le prince de la Moskwa est à Wittemberg; le général Lauriston est à Torgau; le général Reynier a repris le commandement du septième corps, composé du contingent saxon et de la division Durutte.

Les quatrième, sixième, onzième et douzième corps passeront sur le pont de Dresde demain à la pointe du jour. La garde, jeune et vieille, est autour de Dresde. La deuxième division de la garde, commandée par le général Barrois, arrive aujourd'hui à Altenbourg.

Le roi de Saxe, qui s'était dirigé sur Prague, pour être plus près de sa capitale, sera rendu à Dresde dans la journée de demain. L'empereur a envoyé une escorte de cinq cents hommes de sa garde, avec son aide de camp le général Flahaut pour le recevoir et l'accompagner.

Deux mille hommes de cavalerie ennemie ont été coupés de l'Elbe, ainsi qu'un grand nombre de bagages, de patrouilles de troupes légères et de cosaques. Il paraît qu'ils se sont réfugiés en Bohême.

Le 11 mai au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le vice-roi s'était porté, avec le onzième corps, à Bischoffswerda; le général Bertrand, avec le quatrième corps, à Koenigsbruck; le duc de Raguse, avec le sixième corps, à Reichenbach; le duc de Reggio, à Dresde; la jeune et la vieille garde, à Dresde.

Le prince de la Moskwa est entré le 11 au matin à Torgau, et a pris position sur la rive droite, à une journée de cette place; le général Lauriston est arrivé le même jour à Torgau avec son corps, à trois heures de l'après-midi.

 

Le duc de Bellune, avec le deuxième corps, s'est mis en marche sur Wittemberg, ainsi que le corps de cavalerie du général Sébastiani.

Le corps de cavalerie commandé par le général Latour-Maubourg a passé le 11 sur le pont de Dresde, à trois heures après-midi.

Le roi de Saxe a couché à Sedlitz. Toute la cavalerie saxonne doit rejoindre dans la journée du 13 à Dresde. Le général Reynier a repris le commandement du septième corps à Torgau: ce corps est composé de deux divisions saxonnes, formant douze mille hommes.

S. M. a passé toute la journée sur le pont, à voir défiler ses troupes.

Le colonel du génie Bernard, aide-de-camp de l'empereur, a mis une grande activité dans la réparation du pont de Dresde.

Le général Rogniat, commandant en chef le génie de l'armée, a tracé les ouvrages qui vont couvrir la ville neuve, et servir de tête de pont.

On a intercepté un courrier du comte de Stackelberg, ex-ambassadeur de Russie à Vienne, au comte de Nesselrode, secrétaire d'état, accompagnant l'empereur de Russie à Dresde. On a aussi intercepté plusieurs estafettes venant de Berlin et de Prague.

Le 12 mai au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le 12, à dix heures du matin, la garde impériale a pris les armes, et s'est mise en bataille sur le chemin de Pirna jusqu'au Gross-Garten. L'empereur en a passé la revue. Le roi de Saxe, qui avait couché la veille à Sedlitz, est arrivé à midi. Les deux souverains sont descendus de cheval, et se sont embrassés, et ensuite sont entrés à la tête de la garde, dans Dresde, aux acclamations d'une immense population. Cela formait un très-beau spectacle.

A trois heures, l'empereur a passé la revue de la division de cavalerie du général Fresia, composée de trois mille chevaux, venant d'Italie. S. M. a été extrêmement satisfaite de cette cavalerie, dont la bonne tenue est due aux soins et à l'activité du ministre de la guerre du royaume d'Italie, Fontanelli, qui n'a rien épargné pour la mettre en bon état.

L'empereur a donné ordre au vice-roi de se rendre à Milan pour y remplir une mission spéciale. S. M. a été extrêmement satisfaite de la conduite que ce prince a tenue pendant toute la campagne: cette conduite a acquis au vice-roi un nouveau titre à la confiance de l'empereur.

Proclamation de l'empereur à l'armée

«Soldats,

Je suis content de vous! vous avez rempli mon attente! vous avez suppléé à tout par votre bonne volonté et par votre bravoure. Vous avez, dans la célèbre journée du 2 mai, défait et mis en déroute l'armée russe et prussienne commandée par l'empereur Alexandre et le roi de Prusse. Vous avez ajouté un nouveau lustre à la gloire de mes aigles; vous avez montré tout ce dont est capable le sang français. La bataille de Lutzen sera mise au-dessus des batailles d'Austerlitz, d'Jéna, de Friedland et de la Moskwa! Dans la campagne passée, l'ennemi n'a trouvé de refuge contre nos armes qu'en suivant la méthode féroce des barbares ses ancêtres. Des armées de Tartares ont incendié ses campagnes, ses villes, la sainte Moscou elle-même. Aujourd'hui ils arrivaient dans nos contrées, précédés de tout ce que l'Allemagne, la France et l'Italie ont de mauvais sujets et de déserteurs, pour y prêcher la révolte, l'anarchie, la guerre civile, le meurtre. Ils se sont faits les apôtres de tous les crimes. C'est un incendie moral qu'ils voulaient allumer entre la Vistule et le Rhin, pour, selon l'usage des gouvernemens despotiques, mettre des déserts entre nous et eux. Les insensés! ils connaissaient peu l'attachement à leurs souverains, la sagesse, l'esprit d'ordre et le bon sens des Allemands. Ils connaissaient peu la puissance et la bravoure des Français!

«Dans une seule journée, vous avez déjoué tous les complots parricides … Nous rejetterons ces Tartares dans leurs affreux climats qu'ils ne doivent pas franchir. Qu'ils restent dans leurs déserts glacés, séjour d'esclavage, de barbarie et de corruption, où l'homme est ravalé à l'égal de la brute. Vous avez bien mérité de l'Europe civilisée; soldats! l'Italie, la France, l'Allemagne vous rendent des actions de grâces!

«De notre camp impérial de Lutzen, le 3 mai 1813.»

NAPOLÉON.
Le 13 mai au matin.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

La place de Spandau a capitulé. Cet événement étonne tous les militaires. S. M. a ordonné que le général Bruny, le commandant de l'artillerie et le commandant du génie de la place, ainsi que les membres du conseil de défense qui n'auraient pas protesté, fussent arrêtés et traduits devant une commission de maréchaux, présidée par le prince vice-connétable.

S. M. a également ordonné que la capitulation de Thorn fût l'objet d'une enquête.

Si la garnison de Spandau a rendu sans siège une place forte environnée de marais, et a souscrit à une capitulation qui doit être l'objet d'une enquête et d'un jugement, la conduite qu'a tenue la garnison de Wittemberg a été bien différente. Le général Lapoype s'est parfaitement conduit, et a soutenu l'honneur des armes dans la défense de ce point important, qui du reste est une mauvaise place, n'ayant qu'une enceinte à moitié détruite, et qui ne pouvait devoir sa resistance qu'au courage de ses défenseurs.

Le baron de Montaran, écuyer de l'empereur, suivi d'un homme des écuries, s'était égaré le 6 mai, deux jours avant d'arriver à Dresde. Il est tombé dans une patrouille de cavalerie légère de trente hommes, et a été pris par l'ennemi.

Un nouveau courrier adressé de Vienne par M. de Stackelberg à M. de Nesselrode à Dresde, vient d'être intercepté. Ce qui est singulier, c'est que les dépêches sont datées du 8 au soir, et que pourtant elles contiennent des félicitations de M. Stackelberg à l'empereur Alexandre sur la victoire éclatante qu'il vient de remporter, et sur la retraite des Français au-delà de la Saale.

La grande-duchesse Catherine a reçu à Toeplitz une lettre de son frère l'empereur Alexandre, qui lui apprend cette grande victoire du 2. La grande duchesse, comme de raison, a donné lecture, de cette lettre à tous les buveurs d'eau de Toeplitz. Cependant le lendemain elle a appris que l'empereur Alexandre était revenu sur Dresde, et qu'elle-même devait se rendre à Prague. Tout cela a paru extrêmement ridicule en Bohême. On y a vu le nom d'un souverain compromis sans aucun motif que la politique pût justifier. Tout cela ne peut s'expliquer que comme une habitude russe, résultant de la nécessité qu'il y a en Russie d'en imposer à une populace ignorante, et de la facilité qu'on trouve à lui faire tout accroire. On aurait bien dû adopter un autre usage dans un pays civilisé comme l'Allemagne.

Le 14 mai au matin.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

L'armée de l'Elbe a été dissoute, et les deux armées de l'Elbe et du Mein n'en font plus qu'une seule.

Le duc de Bellune était le 13 au soir sur Wittemberg.

Le prince de la Moskwa partait de Torgau pour se porter sur Lukau.

Le comte Lauriston marchait de Torgau sur Dobrilugk.

Le comte Bertrand était à Koenigsbruck.

Le duc de Tarente, avec le onzième corps, était campé entre Bischoffswerda et Bautzen. Il avait dans les journées du 11 et du 12, poursuivi vivement l'armée ennemie. Le général Miloradowitch avec une arrière-garde de vingt mille hommes et quarante pièces de canon, a voulu, le 12, tenir les positions de Fischbach, de Capellenberg, et celle de Bischoffswerda, ce qui a donné lieu à trois combats successifs, dans lesquels nos troupes se sont conduites avec la plus grande intrépidité; la division Charpentier s'est distinguée à l'attaque de droite; l'ennemi a été tourné dans ses positions et débusqué sur tous les points; une de ses colonnes a été coupée. Nous lui avons fait cinq cents prisonniers. Il a eu plus de quinze cents hommes tués ou blessés. L'artillerie du onzième corps a tiré deux mille coups de canon dans ce combat.

Les débris de l'armée prussienne, conduite par le roi de Prusse, qui avaient passé à Meissen, se sont dirigés par Koenigsbruck sur Bautzen pour se réunir à l'armée russe.

Le corps du duc de Reggio a passé hier à midi le pont de Dresde.

L'empereur a passé la revue du corps de cavalerie et des beaux cuirassiers du général Latour-Maubourg.

On dit que les Russes conseillent aux Prussiens de brûler Potsdam et Berlin, et de dévaster toute la Prusse. Ils commencent eux-mêmes à donner l'exemple; ils ont brûlé de gaîté de coeur la petite ville de Bischoffswerda.

Le roi de Saxe a dîné le 13 chez l'empereur.

La deuxième division de la jeune garde, commandée par le général Barrois, est attendue demain 15 à Dresde.

Le 16 mai au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le 15, S. M. l'empereur et S. M. le roi de Saxe ont passé la revue de quatre régimens de cavalerie saxons (un de hussards, un de lanciers, et deux régimens de cuirassiers), qui font partie du corps du général Latour-Maubourg. Ensuite LL. MM. ont visité le champ de bataille et la tête de pont de Prielnitz.

Le duc de Tarente s'était mis en mouvement le 15, à cinq heures du matin, pour se porter vis-à-vis Bautzen.

Il a rencontré au débouché du bois l'arrière-garde ennemie; quelques charges de cavalerie ont été essayées contre notre infanterie, mais sans succès. L'ennemi ayant voulu tenir dans cette position, la fusillade s'est engagée, et il a été déposté.

Nous avons eu deux cent cinquante hommes tués ou blessés dans cette affaire d'arrière-garde. On estime la perte de l'ennemi de sept à huit cents hommes, dont deux cents prisonniers.

La deuxième division de la jeune garde, commandée par le général Barrois, est arrivée hier à Dresde.

Toute l'armée a passé l'Elbe.

Indépendamment du grand pont de Dresde, il a été établi un pont de bateaux en aval, et un autre en amont de la ville. Trois mille ouvriers travaillent à couvrir la nouvelle ville par une tête de pont.

La gazette de Berlin, du 8 mai, contenait le règlement de la landsturm. On ne peut pousser la folie plus loin; mais il est à prévoir que les habitans de la Prusse ont trop de sens, et sont trop attachés aux vrais principes de la propriété, pour imiter des barbares qui n'ont rien de sacré.

A la bataille de Lutzen, un régiment composé de l'élite de la noblesse prussienne, et qui se faisait appeler cosaques prussiens, a été presque entièrement détruit; il n'en reste pas quinze hommes; ce qui a mis en deuil toutes les familles.

Ces cosaques singeaient réellement les cosaques du Don. De pauvres jeunes gens délicats avaient à la main la lance, qu'ils soutenaient à peine, et étaient costumés comme de vrais cosaques.

Que dirait Frédéric, dont les ouvrages sont pleins d'expressions de mépris pour ces hideuses milices, s'il voyait que son petit-neveu y cherche aujourd'hui des modèles d'uniforme et de tenue!

Les cosaques sont mal vêtus; ils sont sur de petits chevaux presque sans selle et sans harnachement, parce que ce sont des milices irrégulières que les peuplades du Don fournissent, et qui s'établissent à leurs frais. Aller chercher là un modèle pour la noblesse de Prusse, c'est montrer à quel point est porté l'esprit de déraison et d'inconséquence qui dirige les affaires de ce royaume.

Le 18 mai 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

L'empereur était toujours à Dresde. Le 15, le duc de Trévise était parti avec le corps de cavalerie du général Latour-Maubourg et la division d'infanterie de la jeune garde du général Dumoutier.

Le 16, la division de la jeune garde commandée par le général Barrois partait également de Dresde.

Le duc de Reggio, le duc de Tarente, le duc de Raguse et le comte Bertrand étaient en ligne vis-à-vis Bautzen.

Le prince de la Moskwa et le général Lauriston arrivaient à Hoyers-Verda.

Le duc de Bellune, le général Sébastiani et le général Reynier marchaient sur Berlin. Ce qu'on avait prévu est arrivé: à l'approche du danger, les Prussiens se sont moqués du règlement du landsturm; une proclamation a fait connaître aux habitans de Berlin qu'ils étaient couverts par le corps de Bulow; mais que, dans tous les cas, si les Français arrivaient, il ne fallait pas prendre les armes, mais les recevoir suivant les principes de la guerre. Il n'est aucun Allemand qui veuille brûler ses maisons ou qui veuille assassiner personne. Cette circonstance fait l'éloge du peuple allemand. Lorsque des furibonds, sans honneur et sans principes, prêchent le désordre et l'assassinat, le caractère de ce bon peuple les repousse avec indignation. Les Schlegel, les Kotzbue et autres folliculaires aussi coupables, voudraient transformer en empoisonneurs et en assassins les loyaux Germains; mais la postérité remarquera qu'ils n'ont pu entraîner un seul individu, une seule autorité, hors de la ligne du devoir et de la probité.

 

Le comte Bubna est arrivé le 16 à Dresde. Il était porteur d'une lettre de l'empereur d'Autriche pour l'empereur Napoléon. Il est reparti le 17 pour Vienne.

L'empereur Napoléon a offert la réunion d'un congrès à Prague, pour une paix générale. Du côté de la France, arriveraient à ce congrès les plénipotentiaires de la France, ceux des États-Unis d'Amérique, du Danemarck, du roi d'Espagne, et de tous les princes alliés; et du côté opposé, ceux de l'Angleterre, de la Russie, de la Prusse, des insurgés espagnols et des autres alliés de cette masse belligérante. Dans ce congrès seraient posées les bases d'une longue paix. Mais il est douteux que l'Angleterre veuille soumettre ses principes égoïstes et injustes à la censure et à l'opinion de l'univers; car il n'est aucune puissance, si petite qu'elle soit, qui ne réclame au préalable les privilèges adhérens à sa souveraineté, et qui sont consacrés par les articles du traité d'Utrecht, sur la navigation maritime.

Si l'Angleterre, par ce sentiment d'égoïsme sur lequel est fondée sa politique, refuse de coopérer à ce grand oeuvre de la paix du monde, parce qu'elle veut exclure l'univers de l'élément qui forme les trois quarts de notre globe, l'empereur n'en propose pas moins la réunion à Prague de tous les plénipotentiaires des puissances belligérantes, pour régler la paix du continent. S. M. offre même de stipuler, au moment où le congrès sera formé, un armistice entre les différentes armées, afin de faire cesser l'effusion du sang humain.

Ces principes sont conformes aux vues de l'Autriche. Reste à voir actuellement ce que feront les cours d'Angleterre, de Russie et de Prusse.

L'éloignement des États-Unis d'Amérique ne doit pas être une raison pour les exclure; le congrès pourrait toujours s'ouvrir, et les députés des États-Unis auraient le temps d'arriver avant la conclusion des affaires, peur stipuler leurs droits et leurs intérêts.

Le 22 mai 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

L'empereur Alexandre et le roi de Prusse attribuaient la perte de la bataille de Lutzen à des fautes que leurs généraux avaient commises dans la direction des forces combinées, et surtout aux difficultés attachées à un mouvement offensif de cent cinquante à cent quatre-vingt mille hommes. Ils résolurent de prendre la position de Bautzen et de Hochkirch, déjà célèbre dans l'histoire de la guerre de sept ans; d'y réunir tous les renforts qu'ils attendaient de la Vistule et d'autres points en arrière; d'ajouter à celle position tout ce que l'art pourrait fournir de moyens, et là, de courir les chances d'une nouvelle bataille, dont toutes les probabilités paraissaient être en leur faveur.

Le duc de Tarente, commandant le onzième corps, était parti de Bischoffswerda, le 15, et se trouvait, le 15 au soir, à une portée de canon de Bautzen, où il reconnut toute l'armée ennemie. Il prit position.

Dès ce moment, les corps de l'armée française furent dirigés sur champ de Bautzen.

L'empereur partit de Dresde le 18; il coucha à Harta, et le 19, il arriva, à dix heures du matin, devant Bautzen. Il employa toute la journée à reconnaître les positions de l'ennemi.

On apprit que les corps russes de Barclai de Tolly, de Langeron et de Sass, et le corps prussien de Kleist avaient rejoint l'armée combinée, et que sa force pouvait être évaluée de cent cinquante à cent soixante mille hommes.

Le 19 au soir, la position de l'ennemi était la suivante: sa gauche était appuyée à des montagnes couvertes de bois, et perpendiculaires au cours de la Sprée, à peu près à une lieue de Bautzen. Bautzen soutenait son centre. Cette ville avait été crénelée, retranchée et couverte par des redoutes. La droite de l'ennemi s'appuyait sur des mamelons fortifiés qui défendent les débouchés de la Sprée, du côté du village de Nimschütz: tout son front était couvert sur la Sprée. Cette position très-forte n'était qu'une première position.

On apercevait distinctement, à trois mille toises en arrière, de la terre fraîchement remuée, et des travaux qui marquaient leur seconde position. La gauche était encore appuyée, aux mêmes montagnes, à deux mille toises en arrière de celles de la première position, et fort en avant du village de Hochkirch. Le centre était appuyé à trois villages retranchés, où l'on avait fait tant de travaux, qu'on pouvait les considérer comme des places fortes. Un terrain marécageux et difficile couvrait les trois quarts du centre. Enfin leur droite s'appuyait en arrière de la première position, à des villages et à des mamelons également retranchés.

Le front de l'armée ennemie, soit dans la première, soit dans la seconde position, pouvait avoir une lieue et demie.

D'après cette reconnaissance, il était facile de concevoir comment, malgré une bataille perdue comme celle de Lutzen, et huit jours de retraite, l'ennemi pouvait encore avoir des espérances dans les chances de la fortune. Selon l'expression d'un officier russe à qui on demandait ce qu'ils voulaient faire: Nous ne voulons, disait-il, ni avancer, ni reculer.Vous êtes maîtres du premier point, répondit un officier français; dans peu de jours, l'événement prouvera si vous êtes maîtres de l'autre. Le quartier-général des deux souverains était au village de Natchen.

Au 19, la position de l'armée française était la suivante:

Sur la droite était le duc de Reggio, s'appuyant aux montagnes sur la rive gauche de la Sprée, et séparé de la gauche de l'ennemi par cette vallée. Le duc de Tarente était devant Bautzen, à cheval sur la route de Dresde. Le duc de Raguse était sur la gauche de Bautzen, vis-à-vis le village de Niemenschütz. Le général Bertrand était sur la gauche du duc de Raguse, appuyé à un moulin à vent et à un bois, et faisant mine de déboucher de Jaselitz sur la droite de l'ennemi.

Le prince de la Moskwa, le général Lauriston et le général Reynier étaient à Hoyerswerda, sur la route de Berlin, hors de ligne et en arrière de notre gauche.

L'ennemi ayant appris qu'un corps considérable arrivait par Hoyerswerda, se douta que les projets de l'empereur étaient de tourner la position par la droite, de changer le champ de bataille, de faire tomber tous ses retranchemens élevés avec tant de peine, et l'objet de tant d'espérances. N'étant encore instruits que de l'arrivée du général Lauriston, il ne supposait pas que cette colonne fût de plus de dix-huit à vingt mille hommes. Il détacha donc contre elle, le 19 à quatre heures du matin, le général York, avec douze mille Prussiens, et le général Barclay de Tolly, avec dix-huit mille Russes. Les Russes se placèrent au village de Klix, et les Prussiens au village de Weissig.

Cependant le comte Bertrand avait envoyé le général Pery, avec la division italienne, à Koenigswartha, pour maintenir notre communication avec les corps détachés. Arrivé à midi, le général Pery fit de mauvaises dispositions; il ne fit pas fouiller la forêt voisine. Il plaça mal ses postes, et à quatre heures il fut assailli par un hourra qui mit du désordre dans quelques bataillons. Il perdit six cents hommes, parmi lesquels se trouve le général de brigade italien Balathier, blessé; deux canons et trois caissons; mais la division ayant pris les armes, s'appuya au bois, et fit face à l'ennemi.

Le comte de Valmy étant arrivé avec de la cavalerie, se mit à tête de la division italienne, et reprit le village de Koenigswartha. Dans ce même moment, le corps du comte Lauriston, qui marchait en tête du prince de la Moskwa pour tourner la position de l'ennemi, parti de Hoyerswerda, arriva sur Weissig. Le combat s'engagea, et le corps d'York aurait été écrasé, sans la circonstance d'un défilé à passer, qui fit que nos troupes ne purent arriver que successivement. Après trois heures de combat, le village de Weissig fut emporté, le corps d'York, culbuté fut rejeté sur l'autre côté de la Sprée.

Le combat de Weissig serait seul un événement important. Un rapport détaillé en fera connaître les circonstances.

Le 19, le comte Lauriston coucha donc sur la position de Weissig; le prince de la Moskwa à Mankersdorf, et le comte Reynier à une lieue en arrière. La droite de la position de l'ennemi se trouvait évidemment débordée.