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Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V

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Le 20, à huit heures de matin l'empereur se porta sur la hauteur en arrière de Bautzen. Il donna ordre au duc de Reggio de passer la Sprée, et d'attaquer les montagnes qui appuyaient la gauche de l'ennemi; au duc de Tarente de jeter un pont sur chevalets sur la Sprée, entre Bautzen et les montagnes; au duc de Raguse de jeter un autre pont sur chevalets sur la Sprée, dans l'enfoncement que ferme cette rivière sur la gauche, à une demi-lieue de Bautzen; au duc de Dalmatie, auquel S. M. avait donné le commandement supérieur du centre, de passer la Sprée pour inquiéter la droite de l'ennemi; enfin, au prince de la Moskwa, sous les ordres duquel étaient le troisième corps, le comte Lauriston et le général Reynier, de s'approcher sur Klix, de passer la Sprée, de tourner la droite de l'ennemi, et de se porter sur son quartier-général de Wurtchen, et de là sur Weissemberg.

A midi, la canonnade s'engagea. Le duc de Tarente n'eut pas besoin de jeter son pont sur chevalets: il trouva devant lui un pont de pierre, dont il força le passage. Le duc de Raguse jeta son pont; tout son corps d'armée passa sur l'autre rive de la Sprée. Après six heures d'une vive canonnade et plusieurs charges que l'ennemi fit sans succès, le général Compans fit occuper Bautzen; le général Bonnet fit occuper le village de Niedkayn, et enleva au pas de charge un plateau qui le rendit maître de tout le centre de la position de l'ennemi; le duc de Reggio s'empara des hauteurs, et à sept heures du soir, l'ennemi fut rejeté sur sa seconde position. Le général Bertrand passa un des bras de la Sprée; mais l'ennemi conserva les hauteurs qui appuyaient sa droite, et par ce moyen se maintint entre le corps du prince de la Moskwa et notre armée.

L'empereur entra à huit heures du soir à Bautzen, et fut accueilli par les habitans et les autorités avec les sentimens que devaient avoir des alliés, heureux de se voir délivrés des Stein, des Kotzbue et des cosaques. Cette journée qu'on pourrait appeler, si elle était isolée, la bataille de Bautzen, n'était que le prélude de la bataille de Wurtchen.

Cependant l'ennemi commençait à comprendre la possibilité d'être forcé dans sa position. Ses espérances n'étaient plus les mêmes, et il devait avoir dès ce moment le présage de sa défaite. Déjà toutes ses dispositions étaient changées. Le destin de la bataille ne devait plus se décider derrière ses retranchemens. Ses immenses travaux, et trois cents redoutes devenaient inutiles. La droite de sa position, qui était opposée au quatrième corps, devenait son centre, et il était obligé de jeter sa droite, qui formait une bonne partie de son armée, pour l'opposer au prince de la Moskwa, dans un lieu qu'il n'avait pas étudié et qu'il croyait hors de sa position.

Le 21, à cinq heures du matin, l'empereur se porta sur les hauteurs, à trois quarts de lieue en avant de Bautzen.

Le duc de Reggio soutenait une vive fusillade sur les hauteurs que défendait la gauche de l'ennemi. Les Russes qui sentaient l'importance de cette position, avaient placé là une forte partie de leur armée, afin que leur gauche ne fût pas tournée. L'empereur ordonna aux ducs de Reggio et de Tarente d'entretenir le combat, afin d'empêcher la gauche de l'ennemi de se dégarnir et de lui masquer la véritable attaque dont le résultat ne pouvait pas se faire sentir avant midi ou une heure.

A onze heures, le duc de Raguse marcha à mille toises en avant de sa position, et engagea une épouvantable canonnade devant les redoutes et tous les retranchemens ennemis.

La garde et la réserve de l'armée, infanterie et cavalerie, masqués par un rideau, avaient des débouchés faciles pour se porter en avant par la gauche ou par la droite, selon les vicissitudes que présenterait la journée. L'ennemi fut tenu ainsi incertain sur le véritable point d'attaque.

Pendant ce temps, le prince de la Moskwa culbutait l'ennemi au village de Klix, passait la Sprée, et menait battant ce qu'il avait devant lui jusqu'au village de Preilitz. A dix heures il enleva le village; mais les réserves de l'ennemi s'étant avancées pour couvrit le quartier-général, le prince de la Moskwa fut ramené et perdit le village de Preilitz. Le duc de Dalmatie commença à déboucher à une heure après-midi. L'ennemi qui avait compris tout le danger dont il était menacé par la direction qu'avait prise la bataille, sentit que le seul moyen de soutenir avec avantage le combat contre le prince de la Moskwa, était de nous empêcher de déboucher. Il voulut s'opposer à l'attaque du duc de Dalmatie. Le moment de décider la bataille se trouvait dès-lors bien indiqué. L'empereur, par un mouvement à gauche, se porta, en vingt minutes, avec la garde, les quatre divisions du général Latour-Maubourg et une grande quantité d'artillerie, sur le flanc de la droite de la position de l'ennemi, qui était devenue le centre de l'armée russe.

La division Morand et la division wurtembergeoise enlevèrent le mamelon dont l'ennemi avait fait son point d'appui. Le général Devaux établit une batterie dont il dirigea le feu sur les masses qui voulaient reprendre la position. Les généraux Dulauloy et Drouot, avec soixante pièces de batterie de réserve, se portèrent en avant. Enfin, le duc de Trévise, avec les divisions Dumoutier et Barrois de la jeune garde, se dirigea sur l'auberge de Klein-Baschwitz, coupant le chemin de Wurtchen à Baugen.

L'ennemi fut obligé de dégarnir sa droite pour parer à cette nouvelle attaque. Le prince de la Moskwa en profita et marcha en avant. Il prit le village de Preisig, et s'avança, ayant débordé l'armée ennemie, sur Wurtchen. Il était trois heures après midi, et lorsque l'armée était dans la plus grande incertitude du succès, et qu'un feu épouvantable se faisait entendre sur une ligne de trois lieues, l'empereur annonça que la bataille était gagnée.

L'ennemi voyant sa droite tournée se mit en retraite, et bientôt sa retraite devint une fuite.

A sept heures du soir, le prince de la Moskwa et le général Lauriston arrivèrent à Wurtchen. Le duc de Raguse reçut alors l'ordre de faire un mouvement inverse de celui que venait de faire la garde, occupa tous les villages retranchés, et toutes les redoutes que l'ennemi était obligé d'évacuer, s'avança dans la direction d'Hochkirch, et prit ainsi en flanc toute la gauche de l'ennemi, qui se mit alors dans une épouvantable déroute. Le duc de Tarente, de son côté, poussa vivement cette gauche et lui fit beaucoup de mal.

L'empereur coucha sur la route au milieu de sa garde à l'auberge de Klein-Baschwitz. Ainsi, l'ennemi, forcé dans toutes ses positions, laissa en notre pouvoir le champ de bataille couvert de ses morts et de ses blessés, et plusieurs milliers de prisonniers.

Le 22, à quatre heures du matin, l'armée française se mit en mouvement. L'ennemi avait fui toute la nuit par tous les chemins et par toutes les directions. On ne trouva ses premiers postes qu'au-delà de Weissemberg, et il n'opposa de résistance que sur les hauteurs en arrière de Reichenbach. L'ennemi n'avait pas encore vu notre cavalerie.

Le général Lefèvre-Desnouettes, à la tête de quinze cents chevaux lanciers polonais et des lanciers rouges de la garde, chargea, dans la plaine de Reichenbach, la cavalerie ennemie, et la culbuta. L'ennemi, croyant qu'ils étaient seuls, fit avancer une division de cavalerie, et plusieurs divisions s'engagèrent successivement. Le général Latour-Maubourg, avec ses quatorze mille chevaux et les cuirassiers français et saxons, arriva à leur secours, et plusieurs charges de cavalerie eurent lieu. L'ennemi, tout surpris de trouver devant lui quinze à seize mille hommes de cavalerie, quand il nous en croyait dépourvus, se retira en désordre. Les lanciers rouges de la garde se composent en grande partie des volontaires de Paris et des environs. Le général Lefèvre-Desnouettes et le général Colbert, leur colonel, en font le plus grand éloge.

Dans cette affaire de cavalerie, le général Bruyères, général de cavalerie légère de la plus haute distinction, a eu la jambe emportée par un boulet.

Le général Reynier se porta avec le corps saxon sur les hauteurs au-delà de la Reichenbach, et poursuivit l'ennemi jusqu'au village de Hotterndorf. La nuit nous prit à une lieue de Goerlitz. Quoique la journée eût été extrêmement longue, puisque nous nous trouvions à huit lieues du champ de bataille, et que les troupes eussent éprouvé tant de fatigues, l'armée française aurait couché à Goerlitz; mais l'ennemi avait placé un corps d'arrière-garde sur la hauteur en avant de cette ville, et il aurait fallu une demi-heure de jour de plus pour la tourner par la gauche. L'empereur ordonna donc qu'on prît position.

Dans les batailles des 20 et 21, le général wurtembergeois Franquemont et le général Lorencez ont été blessés. Notre perte dans ces journées peut s'évaluer à onze ou douze mille hommes tués ou blessés. Le soir de la journée du 22, à sept heures, le grand-maréchal duc de Frioul, étant sur une petite éminence à causer avec le duc de Trévise et le général Kirgener, tous les trois pied à terre et assez éloignés du feu, un des derniers boulets de l'ennemi rasa de près le duc de Trévise, ouvrit le bas-ventre au grand-maréchal, et jeta roide mort le général Kirgener. Le duc de Frioul se sentit aussitôt frappé à mort; il expira douze heures après.

Dès que les postes furent placés et que l'armée eut pris ses bivouacs, l'empereur alla voir le duc de Frioul. Il le trouva avec toute sa connaissance, et montrant le plus grand sang-froid. Le duc serra la main de l'empereur, qu'il porta sur ses lèvres. Toute ma vie, lui dit-il, a été consacrée à votre service, et je ne la regrette que par l'utilité dont elle pouvait vous être encore!Duroc, lui dit l'empereur, il est une autre vie! C'est là que vous irez m'attendre, et que nous nous retrouverons un jour!Oui, sire; mais ce sera dans trente ans, quand vous aurez triomphé de vos ennemis, et réalisé toutes les espérances de notre patrie.......J'ai vécu en honnête homme; je ne me reproche rien. Je laisse une fille, V. M. lui servira de père.

 

L'empereur serrant de la main droite le grand-maréchal, resta un quart-d'heure la tête appuyée sur la main gauche dans le plus profond silence. Le grand-maréchal rompit le premier ce silence. Ah! sire, allez-vous-en! ce spectacle vous peine! L'empereur, s'appuyant sur le duc de Dalmatie et sur le grand-écuyer, quitta le duc de Frioul sans pouvoir lui dire autre chose que ces mots, adieu donc, mon ami! S. M. rentra dans sa tente, et ne reçut personne pendant toute la nuit.

Le 23, à neuf heures du matin, le général Régnier entra dans Goerlitz. Des ponts furent jetés sur la Neiss, et l'armée se porta au-delà de cette rivière.

Au 23, au soir, le duc de Bellune était sur Botzemberg; le comte Lauriston avait son quartier-général à Hochkirch, le comte Reynier en avant de Trotskendorf sur le chemin de Lauban, et le comte Bertrand en arrière du même village; le duc de Tarente était sur Schoenberg; l'empereur était à Goerlitz.

Un parlementaire, envoyé par l'ennemi, portait plusieurs lettres, où l'on croit qu'il est question de négocier un armistice.

L'armée ennemie s'est retirée, par Banalau et Laubau, en Silésie. Toute la Saxe est délivrée de ses ennemis, et dès demain 24, l'armée française sera en Silésie.

L'ennemi a brûlé beaucoup de bagages, fait sauter beaucoup de parcs, disséminé dans les villages une grande quantité de blessés. Ceux qu'il a pu emmener sur des charrettes n'étaient pas pansés; les habitans en portent le nombre à dix-huit mille. Il en est resté plus de dix mille en notre pouvoir.

La ville de Goerlitz, qui compte huit à dix mille habitans, a reçu les Français comme des libérateurs.

La ville de Dresde et le ministère saxon ont mis la plus grande activité à approvisionner l'armée, qui jamais n'a été dans une plus grande abondance.

Quoiqu'une grande quantité de munitions ait été consommée, les ateliers de Torgau et de Dresde, et les convois qui arrivent, par les soins du général Sorbier, tiennent notre artillerie bien approvisionnée.

On a des nouvelles de Glogau, Custrin et Stettin. Toutes ces places étaient dans un bon état.

Ce récit de la bataille de Wurtchen ne peut être considéré que comme une esquisse. L'état-major-général recueillera les rapports qui feront connaître les officiers, soldats et les corps qui se sont distingués.

Dans le petit combat du 22, à Reichenbach, nous avons acquis la certitude que notre jeune cavalerie est, à nombre égal, supérieure à celle de l'ennemi.

Nous n'avons pu prendre de drapeaux; l'ennemi les retire toujours du champ de bataille. Nous n'avons pris que dix-neuf canons, l'ennemi ayant fait sauter ses parcs et ses caissons. D'ailleurs l'empereur tient sa cavalerie en réserve; et jusqu'à ce qu'elle soit assez nombreuse, il veut la ménager.

Le 25 mai au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le prince de la Moskwa, ayant sous ses ordres les corps du général Lauriston et du général Reynier, avait forcé, le 24 mai, le passage de la Neiss, et le 25 au matin, le passage de la Queiss, et était arrivé à Buntzlau. Le général Lauriston avait son quartier-général à mi-chemin de Buntzlau à Haynau.

Le quartier-général de l'empereur était, le 25 au soir, à Buntzlau.

Le duc de Bellune était à Wehrau, sur la Queiss.

Le général Bertrand était entré, le 24, à Lauban, et le 25 il avait suivi l'ennemi.

Le duc de Tarente, après avoir passé la Queiss, avait eu un combat avec l'arrière-garde ennemie. L'ennemi, encombré de charrettes de blessés et de bagages, voulut tenir. Le duc de Tarente eut ses trois divisions engagées. Le combat fut vif; l'ennemi souffrit beaucoup. Le duc de Tarente avait, le 25 au soir, son quartier-général à Stegkigt.

Le duc de Raguse était à Ottendorf.

Le duc de Reggio était parti de Bautzen, marchant sur Berlin par la route de Luckau.

Nos avant-postes n'étaient plus qu'à une marche de Glogau.

C'est à Buntzlau que le général russe Koutouzow est mort, il y a six semaines. Nos armées n'ont trouvé dans ce pays aucune exaltation. Les esprits y sont comme à l'ordinaire. La landwehr, la landsturm n'ont existé que dans les journaux, du moins dans ce pays-ci; et les habitans sont bien loin d'adhérer au conseil des Russes, de brûler leurs maisons et de dévaster leur pays.

Le général Durosnel est resté en qualité de gouverneur à Dresde. Il commande toutes les troupes et garnisons françaises en Saxe.

Plusieurs corps français se dirigent sur Berlin, où il paraît que l'on déménage, et où l'on s'attend depuis quelques jours à voir arriver l'armée.

Le 27 mai au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le 26, le quartier-général du comte Lauriston était à Haynau. Un bataillon du général Maison a été chargé inopinément, à cinq heures du soir, par trois mille chevaux, et a été obligé de se reployer sur un village. Il a perdu deux pièces de canon et trois caissons qui étaient sous sa garde. La division a pris les armes. L'ennemi a voulu charger sur le cent cinquante-troisième régiment; mais il a été chassé du champ de bataille, qu'il a laissé couvert de morts. Parmi les tués, se trouvent le colonel et une douzaine d'officiers des gardes-du-corps de Prusse, dont on a apporté les décorations.

Le 27, le quartier-général de l'empereur était à Liegnitz, où se trouvaient la jeune et la vieille garde, et les corps du général Lauriston et du général Reynier. Le corps du prince de la Moskwa était à Haynau; celui du duc de Bellune manoeuvrait sur Glogau. Le duc de Tarente était à Goldberg. Le duc de Raguse et le comte Bertrand étaient sur la route de Goldberg à Liegnitz.

Il paraît que toute l'armée ennemie a pris la direction de Jauer et de Schweidnitz.

On ramasse bon nombre de prisonniers. Les villages sont pleins de blessés ennemis.

Liegnitz est une assez jolie ville, de dix mille habitans. Les autorités l'avaient quittée par ordres exprès; ce qui mécontente fort les habitans et les paysans du cercle. Le comte Daru a été en conséquence chargé de former de nouvelles magistratures.

Tous les gens de la cour et toute la noblesse qui avaient évacué Berlin, s'étaient retirés à Breslau; aujourd'hui ils évacuent Breslau, et une partie se retire en Bohême.

Les lettres interceptées ne parlent que de la consternation de l'ennemi et des pertes énormes qu'il a faites à la bataille de Wurtchen.

Le 29 mai au matin.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le duc de Bellune s'est porté sur Glogau. Le général Sébastiani a rencontré près de Sprottau un convoi ennemi, l'a chargé, lui a pris vingt-deux pièces de canon, quatre-vingts caissons et cinq cents prisonniers.

Le duc de Raguse est arrivé le 28 au soir à Jauer, poussant l'arrière-garde ennemie, dont il avait tourné la position sur ce point. Il lui a fait trois cents prisonniers. Le duc de Tarente et le comte Bertrand étaient arrivés à la hauteur de cette ville.

Le 28, à la pointe du jour, le prince de la Moskwa, avec les corps du comte Lauriston et du général Reynier, s'était porté sur Neumarck. Ainsi, notre avant-garde n'est plus qu'à sept lieues de Breslau.

Le 29 mai, à dix heures du matin, le comte Schouvaloff, aide-de-camp de l'empereur de Russie, et le général Kleist, général de division prussien, se sont présentés aux avant-postes. Le duc de Vicence a été parlementer avec eux. On croit que cette entrevue est relative à la négociation de l'armistice.

On a des nouvelles de nos places, qui sont toutes dans la meilleure situation.

Les ouvrages qui défendaient le champ de bataille de Wurtchen sont très-considérables; aussi l'ennemi avait-il dans ses retranchemens la plus grande confiance. On peut s'en faire une idée, quand on saura que c'était le travail de dix mille ouvriers pendant trois mois; car c'est depuis le mois de février que les Russes travaillaient à cette position qu'ils considéraient comme inexpugnable.

Il paraît que le général Wittgenstein a quitté le commandement de l'armée combinée: c'est le général Barclay de Tolly qui la commande.

L'armée est ici dans le plus beau pays possible; la Silésie est un jardin continu, où l'armée se trouve dans la plus grande abondance de tout.

Le 30 mai 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Un convoi d'artillerie d'une cinquantaine de voitures, parti d'Augsbourg, s'est éloigné de la route de l'armée, et s'est dirigé d'Augsbourg sur Bayreuth; les partisans ennemis ont attaqué ce convoi entre Zwickau et Chemnitz, ce qui a occasionné la perte de deux cents hommes et de trois cents chevaux qui ont été pris; de sept à huit pièces de canon, et de plusieurs voitures qui ont été détruites; les pièces ont été reprises. S. M. a ordonné de faire une enquête pour savoir qui a pris sur soi de changer la route de l'armée. Que ce soit un général ou un commissaire des guerres, il doit être puni selon la rigueur des lois militaires, la route de l'armée ayant été ordonnée d'Augsbourg par Wurtzbourg et Fulde.

Le général Poinsot, venant de Brunswick avec un régiment de marche de cavalerie, fort de quatre cents hommes, a été attaqué par sept à huit cents hommes de cavalerie ennemie près Halle; il a été fait prisonnier avec une centaine d'hommes; deux cents hommes sont revenus à Leipsick.

Le duc de Padoue est arrivé à Leipsick, où il réunit sa cavalerie pour balayer toute la rive gauche de l'Elbe.

Le 31 mai au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le duc de Vicence, le comte de Schouvaloff et le général Kleist ont eu une conférence de dix-huit heures, au couvent de Watelstadt, près de Liegnitz. Ils se sont séparés hier 30, à cinq heures après-midi. Le résultat n'est pas encore connu. On est convenu, dit-on, du principe d'un armistice, mais on ne paraît pas d'accord sur les limites qui doivent former la ligne de démarcation. Le 31, à six heures du soir, les conférences ont recommencé du côté de Striegau.

Le quartier-général de l'empereur était à Neumarck; celui du prince de la Moskwa, ayant sous ses ordres le général Lauriston et le général Reynier, était à Lissa. Le duc de Tarente et le comte Bertrand étaient entre Jauer et Striegau. Le duc de Raguse était entre Moys et Neumarkt. Le duc de Bellune était à Steinau sur l'Oder. Glogau était entièrement débloqué. La garnison a eu constamment du succès dans ses sorties. Cette place a encore pour sept mois de vivres.

Le 28, le duc de Reggio ayant pris position à Hoyerswerda, fut attaqué par le corps du général Bulow, fort de quinze à dix-huit mille hommes. Le combat s'engagea; l'ennemi fut repoussé sur tous les points et poursuivi l'espace de deux lieues.

Le 22 mai, le lieutenant-général Vandamme s'est emparé de Wilhelmsburg, devant Hambourg.

Le 24, le quartier-général du prince d'Eckmülh était à Harbourg. Plusieurs bombes étaient tombées dans Hambourg, et les troupes russes paraissant évacuer cette ville, les négociations s'étaient ouvertes pour la reddition de cette place; les troupes danoises faisaient cause commune avec les troupes françaises.

Il devait y avoir, le 25, une conférence avec les généraux danois, pour régler le plan d'opérations. M. le comte de Kaas, ministre de l'intérieur du roi de Danemarck, et chargé d'une mission auprès de l'empereur, était parti pour se rendre au quartier-général.

Le 2 juin 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le quartier-général de l'empereur était toujours à Neumarkt; celui du prince de la Moskwa était à Lissa; le duc de Tarente et le comte Bertrand étaient entre Jauer et Striegau; le duc de Raguse au village d'Eisendorf; le troisième corps, au village de Titersdorf; le duc de Bellune entre Glogau et Liegnitz.

Le comte de Bubna était arrivé à Liegnitz, et avait des conférences avec le duc de Bassano.

Le général Lauriston est entré à Breslau le 1er juin, à six heures du matin. Une division prussienne de six à sept mille hommes qui couvrait cette ville en défendant le passage de la Lohe, a été enfoncée au village de Neukirchen.

 

Le bourgmestre et quatre députés de la ville de Breslau ont été présentés à l'empereur, à Neumarkt, le 1er juin, à deux heures après-midi.

S. M. leur a dit qu'ils pouvaient rassurer les habitans; que quelque chose qu'ils eussent faite pour seconder l'esprit d'anarchie que les Stein et les Scharnhorss voulaient exciter, elle pardonnait à tous.

La ville est parfaitement tranquille, et tous les habitans y sont restés. Breslau offre de très-grandes ressources.

Le duc de Vicence et les plénipotentiaires russe et prussien, le comte Schouvaloff et le général de Kleist, avaient échangé leurs pleins-pouvoirs, et avaient neutralisé le village de Peicherwitz. Quarante hommes d'infanterie et vingt hommes de cavalerie, fournis par l'armée française, et le même nombre d'hommes fournis par l'armée alliée, occupaient respectivement les deux entrées du village. Le 2 au matin, les plénipotentiaires étaient en conférence pour convenir de la ligne qui, pendant l'armistice, doit déterminer la position des deux armées. En attendant, des ordres ont été donnés des deux quartiers-généraux afin qu'aucunes hostilités n'eussent lieu. Ainsi, depuis le 1er juin, à deux heures de l'après-midi, il n'a été commis aucune hostilité de part ni d'autre.

Le 4 juin au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

L'armistice a été signé le 4, à deux heures après midi.

S. M. l'empereur part le 5, à la pointe du jour, pour se rendre à Liegnitz. On croit que pendant la durée de l'armistice, S. M. se tiendra une partie du temps à Glogau, et la plus grande partie à Dresde, afin d'être plus près de ses états.

Glogau est approvisionné pour un an.

Le 6 juin 1813.
A. S. M. l'impératrice-reine et régente

Le quartier-général de l'empereur était, le 6, à Liegnitz.

Le prince de la Moskwa était toujours à Breslau.

Les commissaires nommés par l'empereur de Russie, pour l'exécution de l'armistice, étaient le comte de Schouvaloff, aide-de-camp de l'empereur, et M. de Koutousoff, major-général, aide-de-camp de l'empereur. Les commissaires nommés de la part de la France, sont le général de division Dumoutier, commandant une division de la garde, et le général de brigade Flahaut, aide-de-camp de l'empereur.—Ces commissaires se tiennent à Neumarkt.

Le duc de Trévise porte son quartier-général à Glogau, avec la jeune garde. La vieille garde retourne à Dresde, où l'on croit que S. M. va porter son quartier-général.

Les différens corps d'armée se sont mis en marche, pour former des camps dans les différentes positions de Goldberg, de Loewenberg, de Buntzlau, de Liegnitz, de Sprottau, de Sagan, etc.

Le corps polonais du prince Poniatowski, qui traverse la Bohême, est attendu à Zittau le 10 juin.

Le 7 juin 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le quartier-général de S. M. l'empereur était à Buntzlau. Tous les corps d'armée étaient en marche pour se rendre dans leurs cantonnemens. L'Oder était couvert de bateaux qui descendaient de Breslau à Glogau, chargés d'artillerie, d'outils, de farine et d'objets de toute espèce pris à l'ennemi.

La ville de Hambourg a été reprise le 30 mai, de vive force. Le prince d'Eckmülh se loue spécialement de la conduite du général Vandamme. Hambourg avait été perdu, pendant la campagne précédente, par la pusillanimité du général Saint-Cyr: c'est à la vigueur qu'a déployée le générai Vandamme, du moment de son arrivée dans la trente-deuxième division militaire, qu'on doit la conservation de Brême, et aujourd'hui la prise de Hambourg. On y a fait plusieurs centaines de prisonniers. On a trouvé dans la ville deux ou trois cents pièces de canon, dont quatre-vingts sur les remparts. On avait fait des travaux pour mettre la ville en état de défense.

Le Danemarck marche avec nous: le prince d'Eckmülh avait le projet de se porter sur Lubeck. Ainsi, la trente-deuxième division militaire et tout le territoire de l'empire sont entièrement délivrés de l'ennemi.

Des ordres ont été donnés pour faire de Hambourg une place forte: elle est environnée d'un rempart bastionné, ayant un large fossé plein d'eau, et pouvant être couvert en partie par des inondations. Les travaux sont dirigés de manière que la communication avec Hambourg se fasse par les îles, en tout temps.

L'empereur a ordonné la construction d'une autre place sur l'Elbe, à l'embouchure du Havel. Koenigstein, Torgau, Wittemberg, Magdebourg, la place du Havel et Hambourg, compléteront la défense de la ligne de l'Elbe.

Les ducs de Cambridge et de Brunswick, princes de la maison d'Angleterre, sont arrivés à temps à Hambourg, pour donner plus de relief au succès des Français. Leur voyage se réduit à ceci: ils sont arrivés, et se sont sauvés.

Les derniers bataillons des cinq divisions du prince d'Eckmülh, lesquelles sont composées de soixante-douze bataillons au grand complet, sont partis de Wesel.

Depuis le commencement de la campagne, l'armée française a délivré la Saxe, conquis la moitié de la Silésie, réoccupé la trente-deuxième division militaire, confondu les espérances de nos ennemis.

Le 10 juin 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

L'empereur était arrivé le 10, à quatre heures du matin, à Dresde. La garde à cheval y était arrivée à midi. La garde à pied y était attendue le lendemain 11.

S. M., arrivée au moment où on s'y attendait le moins, avait ainsi rendu inutiles les préparatifs faits pour sa réception.

A midi, le roi de Saxe est venu voir l'empereur, qu'on a logé au faubourg, dans la belle maison Marcolini, où il y a un grand appartement au rez-de-chaussée et un beau parc; le palais du roi, qu'habitait précédemment l'empereur, n'ayant pas de jardin.

A sept heures du soir, l'empereur a reçu M. de Kaas, ministre de l'intérieur et de la justice du roi de Danemarck.

Une brigade danoise de la division auxiliaire mise sous les ordres du prince d'Eckmülh, avait pris, le 2 juin, possession de Lubeck.

Le prince de la Moskwa était, le 10, à Breslau; le duc de Trévise, à Glogau; le duc de Bellune, à Crossen; le duc de Reggio, sur les frontières de la Prusse, du côté de Berlin. L'armistice avait été publié partout. Les troupes faisaient des préparatifs pour asseoir leurs baraques et camper dans leurs positions respectives, depuis Glogau et Liegnitz, jusqu'aux frontières de la Bohême et à Goerlitz.

Le 14 juin au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Toutes les troupes sont arrivées dans leurs cantonnemens. On élève des baraques et l'on forme les camps.

L'empereur a paradé tous les jours à dix heures.

Quelques partisans ennemis sont encore sur les derrières. Il y en a qui font la guerre pour leur compte, à la manière de Schill, et qui refusent de reconnaître l'armistice. Plusieurs colonnes sont en mouvement pour les détruire.

Le 15 juin 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le baron de Kaas, ministre de l'intérieur de Danemarck, et envoyé avec des lettres du roi, a été présenté à l'empereur.

Après les affaires de Copenhague, un traité d'alliance fut conclu entre la France et le Danemarck: par ce traité, l'empereur garantissait l'intégrité du Danemarck.

Dans le courant de 1811, la cour de Suède fit connaître à Paris le désir qu'elle avait de réunir la Norwège à la Suède, et demanda l'assistance de la France. L'on répondit que, quelque désir qu'eût la France de faire une chose agréable à la Suède, un traité d'alliance ayant été conclu avec le Danemarck, et garantissant l'intégrité de cette puissance, S. M. ne pouvait jamais donner son consentement au démembrement du territoire de son allié.

Dès ce moment, la Suède s'éloigna de la France, et entra en négociation avec ses ennemis.

Depuis, la guerre devint imminente entre la France et la Russie. La cour de Suède proposa de faire cause commune avec la France, mais en renouvelant sa proposition relative à la Norwège. C'est en vain que la Suède fit entrevoir que des ports de Norwège une descente en Écosse était facile; c'est en vain que l'on fit valoir toutes les garanties que l'ancienne alliance de la Suède donnerait à la France de la conduite qu'on tiendrait avec l'Angleterre. La conduite du cabinet des Tuileries fut la même: on avait les mains liées par le traité avec le Danemarck.

Dès ce moment, la Suède ne garda plus de mesures; elle contracta une alliance avec l'Angleterre et la Russie; et la première stipulation de ce traité fut l'engagement commun de contraindre le Danemarck à céder la Norwège à la Suède.