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LETTRE XXXV

À l'Impératrice, à Munich
Austerlitz, 14 frimaire an xiv (4 décembre 1805).

J'ai conclu une trêve. Les Russes s'en vont. La bataille d'Austerlitz est la plus belle de toutes celles que j'ai données: quarante-cinq drapeaux, plus de cent cinquante pièces de canon, les étendards de la garde de Russie, vingt généraux, trente mille prisonniers, plus de vingt mille tués; spectacle horrible!

L'empereur Alexandre est au désespoir et s'en va en Russie. J'ai vu hier à mon bivouac l'empereur d'Allemagne; nous causâmes deux heures; nous sommes convenus de faire vite la paix.

Le temps n'est pas encore très mauvais. Voilà enfin le repos rendu au continent, il faut espérer qu'il va l'être au monde: les Anglais ne sauraient nous faire front.

Je verrai avec bien du plaisir le moment qui me rapprochera de toi.

Il court un petit mal d'yeux qui dure deux jours, je n'en ai pas encore été atteint.

Adieu, ma bonne amie, je me porte assez bien et suis fort désireux de t'embrasser.

Napoléon.

LETTRE XXXVI

À l'impératrice, à Munich
Schoenbrunn, 29 frimaire an xiv (20 décembre 1803).

Je reçois ta lettre du 25. J'apprends avec peine que tu es souffrante; ce n'est pas là une bonne disposition pour faire cent lieues dans cette saison. Je ne sais ce que je ferai: je dépends des événements; je n'ai pas de volonté; j'attends tout de leur issue. Reste à Munich, amuse-toi; ce n'est pas difficile, lorsqu'on a tant de personnes aimables et dans un si beau pays. Je suis, moi, assez occupé. Dans quelques jours je serai décidé.

Adieu, mon amie; mille choses aimantes et tendres.

Napoléon.

LETTRE XXXVII

À l'Impératrice, à Mayence
Géra, le 13, à 2 heures du matin, 1806.

Je suis aujourd'hui à Géra, ma bonne amie; mes affaires vont fort bien et tout comme je pouvais l'espérer. Avec l'aide de Dieu, en peu de jours cela aura pris un caractère bien terrible, je crois, pour le pauvre roi de Prusse, que je plains personnellement, parce qu'il est bon. La reine est à Erfurt avec le roi. Si elle veut voir une bataille, elle aura ce cruel plaisir. Je me porte à merveille; j'ai déjà engraissé depuis mon départ; cependant je fais, de ma personne, vingt et vingt-cinq lieues par jour, à cheval, en voiture, de toutes les manières. Je me couche à huit heures et suis levé à minuit; je songe quelquefois que tu n'es pas encore couchée.

Tout à toi,

Napoléon.

LETTRE XXXVIII

À l'Impératrice, à Mayence
1er novembre, 2 heures du matin, 1806.

Talleyrand arrive et me dit, mon amie, que tu ne fais que pleurer. Que veux-tu donc? Tu as ta fille, tes petits-enfants, et de bonnes nouvelles; voilà bien des moyens d'être contente et heureuse.

Le temps est ici superbe; il n'a pas encore tombé de toute la campagne une seule goutte d'eau. Je me porte fort bien, et tout va au mieux.

Adieu, mon amie; j'ai reçu une lettre de M. Napoléon; je ne crois pas qu'elle soit de lui, mais d'Hortense.

Mille choses à tout le monde.

Napoléon.

LETTRE XXXIX

À l'Impératrice, à Mayence
Le 6 novembre, à 9 heures du soir, 1806.

J'ai reçu ta lettre où tu me parais fâchée du mal que je dis des femmes; il est vrai que je hais les femmes intrigantes au delà de tout. Je suis accoutumé à des femmes bonnes, douces et conciliantes; ce sont celles que j'aime. Si elles m'ont gâté, ce n'est pas ma faute, mais la tienne. Au reste, tu verras que j'ai été fort bon pour une qui s'est montrée sensible et bonne, Mme d'Hatzfeld. Lorsque je lui montrai la lettre de son mari, elle me dit en sanglotant, avec une profonde sensibilité, et naïvement: Ah! c'est bien là son écriture! Lorsqu'elle lisait, son accent allait à l'âme; elle me fit peine. Je lui dis: Eh bien! madame, jetez cette lettre au feu, je ne serai plus assez puissant pour faire punir votre mari. Elle brûla la lettre et me parut bien heureuse. Son mari est depuis fort tranquille: deux heures plus tard, il était perdu. Tu vois donc que j'aime les femmes bonnes, naïves et douces; mais c'est que celles-là seules te ressemblent.

Adieu, mon amie, je me porte bien.

Napoléon.

LETTRE XL

À l'Impératrice, à Mayence
Le 18 novembre 1806.

Je reçois ta lettre du 11 novembre. Je vois avec satisfaction que mes sentiments te font plaisir. Tu as tort de penser qu'ils puissent être flattés; je t'ai parlé de toi comme je te vois. Je suis affligé de penser que tu t'ennuies à Mayence. Si le voyage n'était pas si long, tu pourrais venir jusqu'ici, car il n'y a plus d'ennemis, ou il est au delà de la Vistule, c'est-à-dire à plus de cent vingt lieues d'ici. J'attendrai ce que tu en penses. Je serai bien aise aussi de voir M. Napoléon.

Adieu, ma bonne amie.

Tout à toi,

Napoléon.

J'ai ici encore trop d'affaires pour que je puisse retourner à Paris.

LETTRE XLI

À l'Impératrice, à Mayence
Le 22 novembre, à 10 heures du soir, 1806.

Je reçois ta lettre. Je suis fâché de te voir triste; tu n'as cependant que des raisons d'être gaie. Tu as tort de montrer tant de bonté à des gens qui s'en montrent indignes. Mme L… est une sotte, si bête que tu devrais la connaître et ne lui prêter aucune attention. Sois contente, heureuse de mon amitié, de tout ce que tu m'inspires. Je me déciderai dans quelques jours à t'appeler ici ou à t'envoyer à Paris.

Adieu, mon amie; tu peux actuellement aller, si tu veux, à Darmstadt, à Francfort; cela te dissipera.

Mille choses à Hortense.

Napoléon.

LETTRE XLII

À l'Impératrice, à Mayence
Posen, le 2 décembre 1806.

C'est aujourd'hui l'anniversaire d'Austerlitz. J'ai été à un bal de la ville. Il pleut. Je me porte bien. Je t'aime et te désire. Mes troupes sont à Varsovie. Il n'a pas encore fait froid. Toutes ces Polonaises sont Françaises; mais il n'y a qu'une femme pour moi. La connaîtrais-tu? Je te ferais bien son portrait, mais il faudrait trop le flatter pour que tu te reconnusses; cependant, à dire vrai, mon cœur n'aurait que de bonnes choses à en dire. Ces nuits-ci sont longues, tout seul.

Tout à toi,

Napoléon.

LETTRE XLIII

À l'Impératrice, 4 Mayence
Le 3 décembre, à midi, 1806.

Je reçois ta lettre du 26 novembre, j'y vois deux choses: tu me dis que je ne lis pas tes lettres; cela est mal pensé. Je te sais mauvais gré d'une si mauvaise opinion. Tu me dis que ce pourrait être par quelque rêve de la nuit et tu ajoutes que tu n'es pas jalouse. Je me suis aperçu depuis longtemps que les gens colères soutiennent toujours qu'ils ne sont pas colères, que ceux qui ont peur disent souvent qu'ils n'ont pas peur; tu es donc convaincue de jalousie: j'en suis enchanté! Du reste, tu as tort; je ne pense à rien moins et dans les déserts de la Pologne l'on songe peu aux belles… J'ai eu hier un bal de la noblesse de la province d'assez belles femmes, assez riches, assez mal mises, quoique à la mode de Paris.

Adieu, mon amie; je me porte bien.

Tout à toi,

Napoléon.

LETTRE XLIV

À l'Impératrice, à Mayence
Posen, le 3 décembre, à 6 heures du soir.

Je reçois ta lettre du 27 novembre, où je vois que ta petite tête s'est montée. Je me suis souvenu de ce vers:

Désir de femme est un feu qui dévore

Il faut cependant te calmer. Je t'ai écrit que j'étais en Pologne, que lorsque les quartiers d'hiver seraient assis, tu pourrais venir; il faut donc attendre quelques jours. Plus on est grand et moins on doit avoir de volonté; l'on dépend des événements et des circonstances. Tu peux aller à Francfort et à Darmstadt. J'espère sous peu de temps t'appeler; mais il faut que les événements le veuillent. La chaleur de ta lettre me fait voir que vous autres jolies femmes vous ne connaissez pas de barrières; ce que vous voulez doit être; mais moi, je me déclare le plus esclave des hommes: mon maître n'a pas d'entrailles, et ce maître c'est la nature des choses.

Adieu, mon amie; porte-toi bien. La personne dont j'ai voulu te parler est Mme L… dont tout le monde dit bien du mal: l'on m'assure qu'elle était plus Prussienne que Française. Je ne le crois pas; mais je la crois une sotte qui ne dit que des bêtises.

 
Napoléon.

LETTRE XLV

À l'Impératrice, à Mayence
Le 10 décembre, 5 heures du soir, 1806.

Un officier m'apporte un tapis de ta part; il est un peu court et étroit; je ne t'en remercie pas moins. Je me porte assez bien. Le temps est fort variable. Mes affaires vont assez bien. Je t'aime et te désire beaucoup.

Adieu, mon amie; je t'écrirai de venir avec au moins autant de plaisir que tu voudras.

Tout à toi,

Napoléon.

Un baiser à Hortense, à Stéphanie et à Napoléon.

LETTRE XLVI

À l'Impératrice, à Mayence
Pultusk, le 31 décembre 1806.

J'ai bien ri en recevant tes dernières lettres. Tu te fais des belles de la Pologne une idée qu'elles ne méritent pas. J'ai eu deux ou trois jours de plaisir d'entendre Paër et deux chanteuses qui m'ont fait de très bonne musique. J'ai reçu ta lettre dans une mauvaise grange, ayant de la boue, du vent et de la paille pour tout lit. Je serai demain à Varsovie. Je crois que tout est fini pour cette année. L'armée va entrer en quartiers d'hiver. Je hausse les épaules de la bêtise de Mme de L…; tu devrais cependant te fâcher et lui conseiller de n'être pas si sotte. Cela perce dans le public et indigne bien des gens.

Quant à moi, je méprise l'ingratitude comme le plus vilain défaut du cœur. Je sais qu'au lieu de te consoler ils t'ont fait de la peine.

Adieu, mon amie; je me porte bien. Je ne pense pas que tu doives aller à Cassel; cela n'est pas convenable. Tu peux aller à Darmstadt.

Napoléon.

LETTRE XLVII

À l'Impératrice, à Mayence
Varsovie, le 3 janvier 1807.

J'ai reçu ta lettre, mon amie. Ta douleur me touche; mais il faut bien se soumettre aux événements. Il y a trop de pays à traverser depuis Mayence jusqu'à Varsovie; il faut donc que les événements me permettent de me rendre à Berlin pour que je t'écrive d'y venir. Cependant l'ennemi battu s'éloigne, mais j'ai bien des choses à régler ici. Je serais assez d'opinion que tu retournasses à Paris, où tu es nécessaire. Renvoie ces dames qui ont leurs affaires; tu gagneras d'être débarrassée de gens qui ont dû bien te fatiguer.

Je me porte bien; il fait mauvais. Je t'aime de cœur.

Napoléon.

LETTRE XLVIII

À l'Impératrice, à Mayence
Varsovie, 7 Janvier 1807.

Mon amie, je suis touché de tout ce que tu me dis; mais la saison froide, les chemins très mauvais, peu sûrs, je ne puis donc consentir à t'exposer à tant de fatigues et de dangers. Rentre à Paris pour y passer l'hiver. Va aux Tuileries, reçois et fais la même vie que tu as l'habitude de mener quand j'y suis; c'est là ma volonté. Peut-être ne tarderai-je pas à t'y rejoindre, mais il est indispensable que tu renonces à faire trois cents lieues dans cette saison, à travers des pays ennemis, et sur les derrières de l'armée. Crois qu'il m'en coûte plus qu'à toi de retarder de quelques semaines le bonheur de te voir, mais ainsi l'ordonnent les événements et le bien des affaires.

Adieu, ma bonne amie; sois gaie et montre du caractère.

Napoléon.

LETTRE XLIX

À l'Impératrice, à Mayence
Varsovie, le 8 janvier 1807.

Ma bonne amie, je reçois ta lettre du 27 avec celles de M. Napoléon et d'Hortense qui y étaient jointes. Je t'avais priée de rentrer à Paris. La saison trop mauvaise, les chemins peu sûrs et détestables, les espaces trop considérables pour que je permette que tu viennes jusqu'ici où mes affaires me retiennent. Il te faudrait au moins un mois pour arriver. Tu y arriveras malade; il faudrait peut-être repartir alors; ce serait donc folie. Ton séjour à Mayence est trop triste; Paris te réclame; vas-y, c'est mon désir. Je suis plus contrarié que toi; j'eusse aimé à partager les longues nuits de cette saison avec toi, mais il faut obéir aux circonstances.

Adieu, mon amie.

Tout à toi,

Napoléon.

LETTRE L

À l'Impératrice, à Mayence
Varsovie, le 11 Janvier 1807.

J'ai reçu ta lettre du 27, où je vois que tu étais un peu inquiète sur les événements militaires. Tout est fini, comme je te l'ai mandé à ma satisfaction, mes affaires vont bien. L'éloignement est trop considérable pour que je permette que, dans cette saison, tu viennes si loin. Je me porte fort bien, un peu ennuyé quelquefois de la longueur des nuits.

Je vois ici, jusqu'à cette heure, assez peu de monde.

Adieu, mon amie; je désire que tu sois gaie et que tu donnes un peu de vie à la capitale. Je voudrais fort y être.

Tout à toi,

Napoléon.

J'espère que la reine est allée à La Haye avec M. Napoléon.

LETTRE LI

À l'Impératrice, à Mayence
Le 16 Janvier 1807.

Ma bonne amie, j'ai reçu ta lettre du 5 janvier; tout ce que tu me dis de ta douleur me peine. Pourquoi des larmes, du chagrin? N'as-tu donc plus de courage? Je te verrai bientôt; ne doute jamais de mes sentiments et, si tu veux m'être plus chère encore, montre du caractère et de la force d'âme. Je suis humilié de penser que ma femme puisse se méfier de mes destinées.

Adieu, mon amie; je t'aime, je désire te voir et veux te savoir contente et heureuse.

Napoléon.

LETTRE LII

À l'Impératrice, à Mayence
Varsovie, le 18 janvier 1807.

Je crains que tu n'aies bien du chagrin de notre séparation qui doit encore se prolonger de quelques semaines et de ton retour à Paris. J'exige que tu aies plus de force. L'on me dit que tu pleures toujours: fi! que cela est laid! Ta lettre du 7 janvier me fait de la peine. Sois digne de moi et prends plus de caractère. Fais à Paris la représentation convenable et surtout sois contente.

Je me porte très bien et je t'aime beaucoup; mais, si tu pleures toujours, je te croirai sans courage et sans caractère; je n'aime pas les lâches, une impératrice doit avoir du cœur.

Napoléon.

LETTRE LIII

À l'Impératrice, à Mayence
Varsovie, le 19 janvier 1807.

Mon amie, je reçois ta lettre; j'ai ri de ta peur du feu. Je suis désespéré du ton de tes lettres et de ce qui me revient. Je te défends de pleurer, d'être chagrine et inquiète; je veux que tu sois gaie, aimable et heureuse.

Napoléon.

LETTRE LIV

À l'Impératrice, à Mayence
Le 23 janvier 1807.

Je reçois ta lettre du 15 janvier. Il est impossible que je permette à des femmes un voyage comme celui-ci: mauvais chemins, chemins peu sûrs et fangeux. Retourne à Paris, sois-y gaie, contente; peut-être y serai-je aussi bientôt. J'ai ri de ce que tu me dis que tu as pris un mari pour être avec lui; je pensais, dans mon ignorance, que la femme était faite pour le mari, le mari pour la patrie, la famille et la gloire; pardon de mon ignorance, l'on apprend toujours avec nos belles dames.

Adieu, mon amie; crois qu'il m'en coûte de ne pas te faire venir; dis-toi: c'est une preuve combien je lui suis précieuse.

Napoléon.