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Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 5

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Godetz Desmarets, évêque de Chartres, toucha ce point avec une grande délicatesse, dans une réponse à madame de Maintenon sur une de ses redditions, qui étaient des confessions écrites, plus explicites, plus confidentielles que les confessions ordinaires. Elle lui avait dit qu'elle croyait commettre un péché chaque fois que, cédant aux désirs du roi, elle cessait d'être son amie pour devenir son épouse.—Il lui répond:

«C'est une grande pureté de préserver celui qui vous est confié des impuretés et des scandales où il pourrait tomber. C'est en même temps un acte de soumission de patience et de charité..... Malgré votre inclination, il faut rentrer dans la sujétion que votre vocation vous a prescrite..... Il faut servir d'asile à une âme qui se perdrait sans cela. Quelle grâce que d'être l'instrument des conseils de Dieu, et de faire par pure vertu ce que tant d'autres font sans mérite ou par passion!» (LA BEAUMELLE, t. VI, p. 79-82.)

Elle avait bien choisi son directeur. Godetz-Desmarets n'était pas un évêque de cour, c'était un saint homme; ses lettres à madame de Maintenon et toute sa conduite le prouvent. A lui seul elle s'était confiée, et il se pourrait bien que ce fût lui qui bénit en secret, et seul, le mariage sur lequel on fit tant de récits à la cour. Harlay était un homme de mauvaises mœurs, et que madame de Maintenon estimait peu; au lieu qu'elle ne cachait rien à l'évêque de Chartres. Celui-ci lui écrit: «Après ma mort, vous choisirez un directeur auquel vous donnerez vos redditions. Vous lui montrerez les écrits qu'on vous a donnés pour votre conduite. Vous lui direz vos liens.»

Page 217, ligne 2: Lui valurent d'être tenue sur les fonts de baptême par la femme du gouverneur.

Dans la notice historique sur madame de Maintenon par M. Monmerqué, placée en tête des Conversations inédites, in-18, Paris, Blaise, 1828, il est dit qu'elle naquit le 27 novembre 1635, fut baptisée par un prêtre catholique, et tenue sur les fonts par le duc de la Rochefoucauld, gouverneur de Poitou, et par Françoise Tiraqueau, comtesse de Neuillant, dont le mari était gouverneur de Niort. Le nouvel historien de Maintenon, 1848, in-8o, t. I, p. 73, copiant la Beaumelle (Mémoires pour servir à l'histoire de mad. de Maintenon; Amsterdam, 1755, in-12, t. I, p. 103), dit au contraire que la marraine fut Suzanne de Baudran, fille du baron de Neuillant. La Beaumelle cite les Mémoires mss. de mademoiselle d'Aumale; mais M. Monmerqué a vu aussi ces Mémoires. La Beaumelle remarque, en note, que Françoise d'Aubigné ne fut baptisée que le lendemain 28 novembre; circonstance omise par les deux historiens mentionnés ci-dessus.

Page 217, lignes 4 et 5: Sa mère, femme instruite, de courage et de vertu.

Les historiens de madame de Maintenon auraient bien dû éclaircir le vague qui règne dans l'histoire de madame d'Aubigné et dans celle des premières années de son illustre fille. Ils se sont contentés de se copier les uns après les autres. La Beaumelle cependant est plus précis et plus détaillé. Dans le tome VI de ses Mémoires, il a publié des extraits de pièces qui jettent quelque jour sur cette partie de l'histoire de Maintenon, et entre autres une lettre de madame d'Aubigné à madame de Villette, écrite de la Martinique, datée du 2 juin 1646 dans la copie, date que la Beaumelle croit fausse. (Voyez Mém. pour servir à l'histoire de Maintenon, t. VI, p. 34 à 38.) On eût trouvé surtout beaucoup de lumières sur l'histoire de la famille d'Aubigné dans les pièces du procès que la mère de madame de Maintenon eut à soutenir contre MM. de Nesmond-Sensac et de Caumont. (LA BEAUMELLE, Mém., t. I, p. 107.) Ces pièces sont probablement dans les nombreux portefeuilles de Noailles, ou dans les archives de Maintenon. Il faudrait surtout discuter le récit contenu dans les fragments de Mémoires sur la vie de la marquise de Maintenon, par le père Laguille, jésuite; récit erroné en quelques endroits, mais curieux, en ce que son auteur cite des témoins contemporains des faits. (Conférez Fragments de Mémoires sur la vie de la marquise de Maintenon, par le père Laguille, jésuite, dans les Archives littéraires, 12 vol., trim. d'octobre 1806, in-8o.) Ce morceau, défiguré par des fautes typographiques, et qui fut publié par Chardon de la Rochelle, n'a été, je crois, connu d'aucun des auteurs qui ont écrit sur madame de Maintenon, car ils n'en font pas mention. Laguille est né en 1658, et a été contemporain de madame de Maintenon. Il dit que, dans le Béarn et le Poitou, Théodore-Agrippa d'Aubigné passait pour fils bâtard de la reine Jeanne d'Albret et d'un de ses secrétaires; assertion que la Beaumelle a bien réfuté dans ses Mémoires de Maintenon, t. I, p. 10 et 14. (Conférez à ce sujet le Mercure galant de 1688 et de janvier 1705.)—Selon le récit d'un nommé Delarue, de Niort, madame d'Aubigné, mère de madame de Maintenon, alla d'abord à la Martinique et de là à la Guadeloupe, où elle resta deux ans dans l'habitation de Delarue. Elle se rendit ensuite à l'île Saint-Christophe, où elle mourut, attendant un bâtiment pour la transporter en France. Ses deux enfants, d'Aubigné et sa sœur Francine (madame de Maintenon), furent, par les soins d'une demoiselle, transportés à la Rochelle. Selon le père Duver, jésuite, doyen, mort à Nantes en 1703, le collége des jésuites de la Rochelle fournissait du pain et de la viande à d'Aubigné et à sa sœur. Ils furent conduits ensuite chez M. de Montabert, à Angoulême. Ce fut là qu'un jeune gentilhomme nommé d'Alens, voulut épouser la jeune Francine, et lui prédit, dit-on, sa grande fortune. (P. 369-370.) Le reste du récit de Laguille s'accorde assez bien avec ce que l'on sait de l'histoire de madame de Maintenon; mais il y a des fautes de copiste qu'il eût été facile à Chardon de la Rochette de corriger: ainsi le nom de Neuillans est tantôt converti en Noïailles et tantôt en Neuillians. Laguille dit, p. 376, que d'Aubigné fut d'abord placé comme page chez le marquis de Pardaillan, gouverneur du Poitou.

Page 217, ligne 20: Les détails les plus minutieux de l'économie domestique.

La Dauphine avait une forêt de cheveux, que madame de Maintenon démêlait sans douleur: elle régnait à la toilette. Louis XIV s'y rendait souvent. Cette dame disait depuis: «Vous ne sauriez croire combien le talent de bien peigner une tête a contribué à mon élévation.» (LA BEAUMELLE, tome II, p. 175.)

Page 218, ligne 10: De ne pouvoir parvenir «à l'écrasement de l'amour-propre

Madame de Maintenon a dit:

«On n'échappe à l'amour-propre que par l'amour de Dieu.» (Convers., t. I, p. 30.)

«Le bon esprit ne peut se distinguer de la sagesse et de la raison.» (Convers., t. I, p. 32.)

«La sagesse implique la dévotion; car que serait une abnégation de soi-même qui resterait sans récompense?» (Convers., t. I, p. 36.)

Page 218, ligne 23: Celui de paraître par le cœur au-dessus de la place qu'elle occupait.

«L'élévation des sentiments consiste à se rendre digne de tout, sans vouloir rien de disproportionné à ce que nous sommes.» (MAINTENON, Convers., 3e édit., p. 219, chap. XXVII.)

Page 222, lignes 1 et 2: Les Conversations, les Proverbes.

Le dialogue le plus ingénieux et le plus piquant de tous ceux que madame de Maintenon a composés pour ses élèves de Saint-Cyr, qu'elle leur faisait apprendre par cœur, et qui nous donne l'idée la plus nette de son caractère à la fois modéré et énergique, est celui sur les quatre vertus cardinales, parce qu'elle a su donner à une vérité incontestable l'apparence d'un paradoxe. (T. I, p. 63-73.)

Elle fait parler la Justice, la Prudence, la Force et la Tempérance, pour prouver que cette dernière vertu est la première de toutes, la plus essentielle; et par la tempérance elle n'entend pas seulement la sobriété, mais la modération en toutes choses.

La Force fait à la Tempérance cette objection: «Ne peut-on point être trop modéré?—Non, répond la Tempérance; cela ne serait plus la modération, car elle ne souffre ni le trop ni le trop peu.»

La Tempérance dit: «Je détruis la gourmandise et le luxe; je m'oppose à tout mal, et je règle le bien. Sans moi, la justice serait insupportable à la faiblesse des hommes; la force les mettrait au désespoir, la prudence perdrait son temps à tout peser.»

Page 223, ligne 18: Un gentilhomme de sa province. Et note 485: Conférez MÉRÉ.

On n'a imprimé, que je sache, aucun vers de Méré: il en faisait cependant, et voici une jolie épigramme de lui que je tire du recueil de Duval de Tours (Nouveau choix de pièces choisies; la Haye, 1715, p. 185):

 
Au temps heureux où régnait l'innocence,
On goûtait en aimant mille et mille douceurs,
Et les amants ne faisaient de dépense
Qu'en soins et qu'en tendres ardeurs.
Mais aujourd'hui, sans opulence,
Il faut renoncer aux plaisirs.
Un amant qui ne peut dépenser qu'en soupirs
N'est plus payé qu'en espérance.
 

Page 224, ligne 16: Écrivant selon l'occasion et le besoin, facilement, agréablement.

C'est ce dont il se vante et avec juste raison (t. I, p. 130), dans cette ode de héros burlesque, en style qui n'est nullement burlesque:

 
On peut écrire en vers, en prose,
Avec art, avec jugement;
Mais écrire avec agrément,
Mes chers maîtres, c'est autre chose.
 
 
Les vers ont aussi leur destin:
Un poëme de genre sublime
Que son auteur lime et relime,
Ne vit quelquefois qu'un matin.
 
 
Cependant des auteurs comiques,
Des meilleurs, dont il est fort peu,
Ne sont pas bons à mettre au feu,
Au jugement des héroïques.
 
 
J'en sais de ceux au grand collier,
Des plus adroits à l'écritoire,
Qui pensent aller à la gloire,
Et ne vont que chez l'épicier.
 
 
Ce n'est pas dans une ruelle,
Devant de célestes beautés
Ou des partisans apostés,
Qu'on met un livre à la coupelle:
 
 
C'est au palais, chez les marchands,
Où la vente, mauvaise ou bonne,
A tous ouvrages ôte ou donne
Le nom de bons et de méchants.
 

Page 225, ligne 21: Elle avait bien raison de se comparer à la cane qui regrette sa bourbe901.

 

Le 25 janvier 1702, elle écrit, de Saint-Cyr, au duc d'Ayen, depuis duc de Noailles: «Il y aura demain quinze jours que je suis enrhumée, et en spectacle aux courtisans, aux médecins, aux princes, caressée, ménagée, blâmée, chicanée, tourmentée, considérée, accablée, dorlotée, contrariée, tiraillée.» MAINTENON, Lettres, t. V, p. 27, édit. d'Amst., 1756, in-8o.

Dans une lettre datée de Marly le 27 avril 1705, elle dit au comte d'Ayen:

«Si j'habite encore longtemps la chambre du roi, je deviendrai paralytique. Il n'y a ni porte ni fenêtre qui ferme; on y est battu d'un vent qui me fait souvenir des ouragans d'Amérique.» (Lettres, t. V, p. 47, édit. 1756.)—Louis XIV avait un tempérament de fer, et n'aimait pas les appartements trop renfermés et trop chauds.

Le 19 avril 1717, deux ans avant sa mort, elle écrit à madame de Caylus:

«On rachète bien les plaisirs et l'enivrement de la jeunesse. Je trouve, en repassant ma vie, que depuis l'âge de trente-deux ans (cette date nous reporte à 1675-1676, qui est celle du chapitre XI et de ceux qui le précèdent et le suivent), qui fut le commencement de ma fortune, je n'ai pas été un moment sans peines, et qu'elles ont toujours augmenté.»

Page 226, lignes 2 à 4: Elle jouissait alors de l'amitié de tous, sans rien perdre de l'estime, de la considération et du respect qui lui étaient dus.

Elle a dit de l'heureux temps de sa jeunesse:

«Je ne voulais point être aimée en particulier de qui que ce fût: je voulais l'être de tout le monde, faire prononcer mon nom avec admiration, avec respect. Je me contrariais dans tous mes goûts. Il n'est rien que je n'eusse été capable de souffrir pour conquérir le nom de femme forte. Je ne me souciais point de richesses; j'étais élevée de cent piques au-dessus de l'intérêt: je voulais de l'honneur.—Oh! dites-moi, ma fille, y a-t-il rien de plus opposé à la vraie vertu que cet orgueil dans lequel j'ai usé ma jeunesse?» (Entretiens de madame DE MAINTENON, dans LA BEAUMELLE, Mémoires, t. VI, p. 176 et 177, édit. d'Amsterdam, 1756, in-12.)

Page 229, lignes 2 et 3: Il désira vivement mettre, dans la galerie de celles dont il avait triomphé, etc.

Madame de Caylus, dont la conduite a été loin d'être régulière, quoiqu'elle ait été l'élève chérie de madame de Maintenon, se montre persuadée en ses Mémoires que, dans la liaison de sa tante avec Villarceaux, il ne s'est rien passé de contraire à la vertu. Mais, en rapportant le mot malin de la marquise de Sussay à ce sujet, elle semble vouloir établir un doute.

Il y a dans Gueroult, poëte du seizième siècle, une pièce de vers charmante. Ce sont des stances qui expriment les sentiments d'un peintre devenu amoureux fou d'une grande dame en faisant son portrait. Il n'osa pas lui déclarer son amour; mais il fit en secret une copie de ce portrait, et à cette charmante tête il ajouta un corps nu, aussi parfait que celui de la Vénus de Médicis.—La grande dame surprit le peintre au moment où il terminait son travail: courroucée, elle demande à l'artiste pourquoi il a fait un portrait si mensonger, et comment il a eu l'audace de peindre ce qu'il n'a jamais vu? «Cela est juste, lui dit le peintre; mais, en voyant un visage si beau et si parfait, je n'ai jamais douté que tout le reste du corps ne fût semblable; et, sans espérance de pouvoir contempler tant d'appas, j'ai voulu, par mon art, en posséder l'image.» D'après l'assertion de la Beaumelle, Villarceaux, irrité des refus de madame de Maintenon, l'aurait fait peindre comme sortant du bain, devant un génie noir et laid qui tient un miroir où se réfléchissent les plus secrets appas de la beauté. (LA BEAUMELLE, Mémoires sur madame de Maintenon, t. I, p. 198, Amsterdam, 1756, liv. II, ch. XVI.) Quoique la Beaumelle ne cite aucune autorité, le fait est possible. Mais cette basse vengeance, que Girodet a imitée de nos jours à l'égard de madame Simons (autrefois mademoiselle Lange, jolie actrice, si j'ai bonne mémoire), prouve plutôt l'échec de Villarceaux que son triomphe. Ceux qui avouent que Françoise d'Aubigné, après avoir résisté à ses nombreux adorateurs, n'a été faible qu'avec Villarceaux, oublient la juste réflexion de la Rochefoucauld: «Qu'il est plus difficile de trouver une femme qui n'a eu qu'un seul amant, qu'une femme qui n'en eut jamais.»

Page 230, avant-dernière ligne: Le nom de l'auteur de la Mazarinade.

Cette satire montre bien à quels excès on peut se laisser aller dans les temps de divisions politiques. Scarron, qui n'était pas méchant, accuse Mazarin d'avoir empoisonné le président Barillon, d'avoir volé les diamants de la reine d'Angleterre, après l'avoir laissée mourir de faim. Il lui souhaite le destin du maréchal d'Ancre; il veut que l'on vende ses meubles à l'encan (ce qui fut fait), et il l'apostrophe ainsi:

 
Va, va-t'en dans Rome étaler
Les biens qu'on t'a laissé voler;
Va, va-t'en, gredin de Calabre,
 

Puis viennent d'ignobles gravelures qu'on ne saurait lire sans dégoût, et dont les parlementaires se réjouissaient. Enfin il conclut en disant:

 
On te reverra dans Paris;
Et là, comme au trébuchet pris,
Et de la rapine publique,
Et de ta fausse politique,
Et de ton sot gouvernement,
Au redoutable parlement,
Dont tu faisais si peu de compte,
Ultramontain, tu rendras compte;
Puis, après ton compte rendu,
Cher Jules, tu seras pendu
Au bout d'une vieille potence,
Sans remords et sans repentance,
Sans le moindre mot d'examen,
Comme un incorrigible. Amen.
 

Page 236, note 521: Œuvres diverses d'un auteur de sept ans, ou recueil des ouvrages de M. le duc DU MAINE, qu'il a faits pendant l'année 1677 et dans le commencement de l'année 1678902.

A la page 207 des Nouvelles de la république des lettres (février 1685, Amsterdam, 1686, 2e édition), il est dit que c'est Benserade qui a fait présent de ce rare volume au journaliste, qui était, je crois, le Clerc, et non Bayle. On ajoute: «Selon toutes les apparences, c'est madame de Maintenon qui a fait l'épître dédicatoire.» Puis en note il est dit: «On a su depuis qu'elle a été composée par M. Racine; mais c'était pour madame de Maintenon.» Racine, qui depuis a su prêter à l'enfance, dans Athalie, un langage divin, ne composait pas les lettres de madame de Maintenon; et s'il avait eu à faire parler le jeune duc du Maine dans une épître dédicatoire, il l'aurait fait autrement que madame de Maintenon. Mais il est tout naturel qu'un savant hollandais ne sût pas cela, et ne soupçonnât pas en Françoise d'Aubigné le talent d'écrivain. Le grand roi le connaissait bien, lui, qui, après avoir lu les instructions données à la duchesse de Bourgogne par madame de Maintenon, et trouvées dans la cassette de cette princesse après sa mort, voulut qu'il en fût fait des copies. Madame de Maintenon s'y opposait; mais Louis XIV insista et dit: «C'est pour mes enfants; il faut bien que ma famille ait quelque chose de vous.»

Qu'il me soit permis de faire remarquer que ces instructions religieuses, sous le rapport des pensées, de la religion et du style même, qui est vif et concis, sont bien supérieures à celles qui ont été données par l'archevêque de Cambrai à madame de Maintenon elle-même, et à sa demande. Il y a dans ces dernières une forte dose de mysticisme, qui aurait pu avoir une influence fâcheuse sur un esprit faible903. Fénelon s'y abandonne trop à sa rancune amère contre Louis XIV, qui, avec juste raison, n'avait pu goûter ses chimériques systèmes de gouvernement. Il dit durement à cette femme que le roi (son mari alors) ne pratique pas ses devoirs, et qu'il n'en a aucune idée (t. III, p. 224). Enfin, tout en blâmant la règle qu'elle s'était faite de ne s'occuper en rien des affaires d'État et de la politique, il lui reproche son indifférence à cet égard, et, au nom de la religion, il l'exhorte à s'en mêler, et cherche à la jeter par la flatterie dans les intrigues de cour, en lui disant: «Il me paraît que votre esprit naturel et acquis a bien plus d'étendue que vous ne lui en donnez.» (T. III, p. 219.)

C'est le contraire qui était vrai. Madame de Maintenon avait un excellent jugement, un esprit fin, délié, ferme et éclairé, dans le cercle où elle s'était renfermée; mais ce cercle était resserré: elle n'aimait pas à en sortir. Elle n'exprimait son avis sur les affaires d'État que par un signe d'approbation ou de désapprobation, et encore parce que Louis XIV l'y forçait. Une fois seulement, elle dressa un mémoire sur la grande affaire de la révocation de l'édit de Nantes. Elle y fut amenée par tout le clergé et par les ministres eux-mêmes, qui, dans les circonstances difficiles où l'on se trouvait, avaient le droit d'exiger le secours de ses lumières.—Le style de madame de Maintenon est plus pur et plus régulier que celui de madame de Sévigné. Ses lettres même sont mieux composées; elles ont toujours un motif, un but qu'elles atteignent parfaitement. Il n'y a aucun désordre, aucune inconséquence dans les idées, aucune contradiction dans les jugements; mais on n'y retrouve pas l'imagination et le coloris de madame de Sévigné. Les lettres de madame de Maintenon, c'est de l'histoire générale ou particulière; celles de madame de Sévigné sont des feuilletons pour amuser madame de Grignan.

Page 238, lignes 27 et 28: Elle détermina le vieux duc de Villars-Brancas à demander sa main.

Cette seconde proposition d'un mariage pour madame Scarron paraît résulter des récits comparés de madame du Pérou, que nomme positivement la Beaumelle, qui semble avoir eu des mémoires plus circonstanciés sur ce fait que les dames de Saint-Cyr; car il dit, t. II, p. 110:

«Elle (madame de Montespan) avait jeté les yeux sur le duc de V… B…, qu'une jeunesse passée dans les plaisirs, une vieillesse malsaine, et deux femmes assez méchantes, n'avaient pas dégoûté du mariage.» Et en note il ajoute que ce duc de V.. B.. était fils de George B…, et frère de la princesse d'…, morte en 1679. Ce que dit Saint-Simon sur le titre de duc donné au Brancas, fils de Villars (Mémoires complets et authentiques, t. XIV, p. 201), semble confirmer que la Beaumelle a voulu désigner ici le duc de Villars-Brancas, père de Brancas le distrait.—Le duc de Brancas, né en 1663, mort en 1739, marié à sa cousine germaine, fille de Brancas le distrait, et qui a fait le premier un si juste éloge des lettres de madame de Sévigné (voyez t. XII, p. 450 de l'édition de Gault de S.-G.), était peut-être le fils de celui qui se proposa pour épouser la veuve Scarron. (Conférez Lettres de SÉVIGNÉ, tome VI, p. 240 et 379 de l'édit. Monmerqué, 1820, in-8o, et TALLEMANT DES RÉAUX, Historiettes, t. II, p. 139 de l'édit. in-8o.)

 

Page 241, ligne 16: Plus énergique.

Elle écrit au cardinal de Noailles pour lui apprendre qu'elle avait sacrifié les intérêts de sa propre nièce, la maréchale de Noailles:

«Eh bien, voilà les dames nommées, voilà la maréchale désespérée! Mon état et ma destinée est d'affliger et de desservir tout ce que j'aime. J'en souffre beaucoup, mais je ne varierai point dans la loi que je me suis faite, de sacrifier mes amis à la vérité et au bien.»

Page 242, ligne 2: Auquel elle rendait compte dans des lettres qui quelquefois avaient huit ou dix pages.

Ces lettres, si on les possédait, pourraient seules servir de pièces de comparaison avec celles de madame de Sévigné. Tout ce qui nous reste de cette dame est uniquement relatif ou aux personnes à qui elle écrit, ou à elle-même, et, par cette raison, offre peu de variété dans le fond comme dans la forme. Mais madame de Maintenon savait que Louis XIV aimait à trouver, dans la lecture des lettres bien écrites, une distraction agréable. Elle dut donc, pendant son voyage à Baréges, chercher, comme madame de Sévigné, à plaire autant qu'à informer; mais ces lettres, moins riches de ces expressions heureuses qui jaillissent d'une vive imagination, devaient être mieux rédigées et surtout plus correctes. Madame de Maintenon est, pour le style épistolaire, un modèle plus achevé que madame de Sévigné. Presque toujours celle-ci n'écrit que par le besoin qu'elle éprouve de s'entretenir avec sa fille, avec les personnes qu'elle aime; enfin, de tout dire, de tout raconter. Madame de Maintenon, au contraire, a toujours, en écrivant, un objet distinct et déterminé. La clarté, la mesure, l'élégance, la justesse des pensées, la finesse des réflexions, lui font agréablement atteindre le but où elle vise. Sa marche est droite et soutenue; elle suit sa route sans battre les buissons, sans s'écarter ni à droite ni à gauche. En un mot, madame de Maintenon était en garde contre le danger de commettre ces indiscrétions qui donnent tant d'esprit aux lettres de madame de Sévigné, et elle tâchait d'en prémunir ses élèves de Saint-Cyr en les détournant de l'envie d'écrire sans nécessité.

Page 243, ligne dernière, et 244, lig. 1: «Et qui souvent sont chassées par un clin d'œil qu'on fait à la femme de chambre.» Et note 532, lig. 3: Dans toutes les autres éditions, sans exception, le texte de cet important passage est faux ou défiguré. Les notes de ces éditions doivent disparaître.

Cela provient du premier éditeur de 1726; tous les autres ont copié. Mais ce qui est plus fâcheux, c'est qu'on ait reproduit, dans les éditions les plus récentes et les meilleures, l'absurde commentaire que Grouvelle a fait sur le texte: d'où il résulterait que Louis XIV, connu par son respect pour les convenances, la dignité de ses manières, son attachement pour la reine, l'aurait traitée avec indignité et mépris dans l'habitude de la vie. Je ferai remarquer que dans ce passage il n'y a pas Quanto comme dans toutes les autres éditions, mais que le nom de Montespan est en toutes lettres; ce qui démontre qu'il n'y a ni sous-entendu ni déguisement dans la mention de la femme de chambre. Madame la duchesse de Richelieu, qu'on fait obéir par un clin d'œil à madame de Montespan, était alors dame d'honneur de la reine; et la marquise de Montespan n'était encore inscrite que la quatrième sur le tableau. (Voyez l'État de la France, 1678, in-12, p. 326.)

Page 245, lignes 12 à 14: La naissance de mademoiselle de Tours, morte jeune, venue à terme au mois de janvier 1676.

Et c'est alors même que Louis XIV manifestait publiquement ses sentiments religieux et sa soumission à l'Église, qu'il communiait en public, qu'il permettait qu'on mît plus souvent dans la gazette officielle son exactitude à remplir ses devoirs de piété. On lit dans le volume du Recueil des gazettes, imprimé en 1677, p. 280, cet article:

«Avril 1676

«Saint-Germain en Laye

«Le 4 de ce mois, veille de la Résurrection, le roi, qui avait assisté à tous les offices de la semaine sainte, communia dans l'église paroissiale par les mains du cardinal de Bouillon, grand aumônier de France, monseigneur le Dauphin tenant la serviette.»

Page 245, lignes 28 et 29: On savait que la nature de sentiments exempts de toute faiblesse que lui inspirait madame de Maintenon, etc.

Ce ne fut qu'après la mort de la reine, après celle de Fontanges, après la disgrâce de Montespan, que l'opinion des gens de cour et du public changea, et que l'intimité toujours croissante de Louis XIV et de madame de Maintenon fit travailler les imaginations, et convertir en passion amoureuse un attachement constant et pieux, fondé, de la part de Louis XIV, sur le respect pour la piété, les vertus et les qualités de celle qu'il s'était choisie pour compagne; et, de la part de madame de Maintenon, sur l'admiration que lui avaient inspirée les qualités du grand roi.

CHAPITRE XII

Page 247, ligne 6: Près du village de Sasbach, dans l'État de Bade.

Il faut écrire Sasbach, et non Salzbach et Saspach, comme a fait Ramsay (Histoire du vicomte de Turenne, maréchal général des armées du roi; Paris, 1735, in-4o, p. 581). Ce lieu se trouve près d'Achern, sur la route d'Offenburg à Bade, au sud de Steinbach. La carte de l'atlas de Ramsay, insérée dans l'édition de 1735, in-4o, à la page 581, intitulée Plan des différents camps du vicomte de Turenne et du comte Montecuculli dans l'Ortnaw, dessinée et gravée par Cocquart, est fautive, et trop mauvaise pour qu'on y puisse suivre les opérations militaires de Turenne dans cette campagne; il faut consulter la carte intitulée STRASBOURG, dans l'atlas des Mémoires militaires des guerres de Louis XIV, 1836, grand in-folio, exécuté sous la direction du général Pelet.

Page 252, ligne 19: «Et qu'elle y avait mille affaires.»

Une de ces affaires était celle de la terre de Meneuf, vendue à Jean du Bois-Geslin, reçu président de Bretagne le 13 juin 1653, et fait depuis conseiller d'État. Madame de Sévigné lui vendit cette terre en 1674; et comme elle avait garanti les droits seigneuriaux, elle eut des difficultés qui furent levées, car elle toucha son argent en décembre 1675. (SÉVIGNÉ, Lettres, 17 novembre, 15 et 29 décembre 1675; t. IV, p. 209, 250 et 279, édit. G.)

Page 254, ligne 13: Elle avait alors quarante-neuf ans.

Ce fut son âge critique. Par son tempérament fort et sanguin, madame de Sévigné avait assez fréquemment recours à la saignée. Cette doctrine médicale était fortement controversée au temps de Louis XIV, comme elle l'a été de nos jours du vivant du docteur Broussais. Gui Patin, conséquent avec ses principes, se fit saigner sept fois dans un rhume (voir sa lettre du 10 mars 1648, t. I, p. 375; 1846, in-8o), et fit pratiquer vingt saignées sur son fils.—A l'âge de trois ans, le fils de madame de Grignan tomba malade: on le saigna. Madame de Sévigné ne put s'empêcher de témoigner à sa fille des craintes au sujet de cette saignée: «Je reçois votre lettre, qui m'apprend la maladie du pauvre petit marquis. J'en suis extrêmement en peine; et pour cette saignée, je ne comprends pas qu'elle puisse faire du bien à un enfant de trois ans, avec l'agitation qu'elle lui donne: de mon temps, on ne savait ce que c'était que de saigner un enfant.» (SÉVIGNÉ, Lettres, 26 juin 1675, t. III, p. 436, édit. G.)—Gui Patin pensait tout différemment; car en 1648, au sujet d'un médecin allemand nommé Sennertus, dont il avait lu l'ouvrage, il écrit: «Il n'entend rien à la saignée des enfants; ce misérable me fait pitié! Si l'on faisait ainsi à Paris, tous nos malades mourraient bien vite. Nous guérissons nos malades après quatre-vingts ans par la saignée, et saignons aussi heureusement les enfants de deux et trois mois, sans aucun inconvénient… Il ne se passe pas de jour à Paris que nous ne fassions saigner plusieurs enfants à la mamelle et plusieurs septuagénaires, qui singuli feliciter inde convalescunt.» (GUI PATIN, Lettres, 13 août 1648), t. II, p. 419, édit. 1846, in-8o.

Page 254, lignes 20 à 22: Bourdelot, ce célèbre médecin des Condé et de la reine Christine.

Le haineux et satirique Gui Patin (Lettres, édit. 1846, in-8o, t. I, p. 513) a tracé de ce médecin un portrait qui nous en donne une idée bien différente de celle que présente l'article Pierre Michon du savant M. Weiss, dans la Biographie universelle (t. XXVIII, p. 596). Bourdelot fut d'abord le précepteur du grand Condé avant d'être son médecin (GUI PATIN, t. II, p. 5). Il revint de Suède en 1653. Il n'allait faire ses visites qu'avec de grands habits à longue queue, en chaise à porteurs ou en carrosse, et suivi de trois laquais. Il devint riche par l'obtention de l'abbaye de Macé en Berri, et par les bienfaits de la reine de Suède. On a oublié dans la Biographie de mentionner le plus curieux de ses écrits: c'est la Relation des assemblées faites à Versailles dans le grand appartement du Roi durant le carnaval de 1683, in-12. Bourdelot réunissait chez lui, chaque jour de la semaine, un certain nombre de ses confrères, médecins et hommes de lettres; cette réunion avait pris le titre d'Académie de Bourdelot; et lorsque madame de Sévigné se confia à ses soins, un auteur nommé le Gallois venait de publier un ouvrage intitulé Conversations académiques tirées de l'Académie de Bourdelot; Paris, 1674, 2 vol. in-12. Ce livre est dédié à Huet; il contient des dialogues uniquement relatifs à la médecine, et, à propos de médecine, des excursions sur la métaphysique et la philosophie de Descartes, qui alors faisait irruption dans tout.

Page 258, lignes 6 à 9: Le ridicule que madame de Grignan versait sur madame de la Charce et sur Philis, sa fille aînée, la faisait rire aux larmes.

Philis de la Tour du Pin de la Charce était l'amie de mademoiselle d'Alerac (Françoise-Julie Grignan), cette belle-fille de madame de Grignan, qu'elle aimait si peu. (Voyez, sur cette courageuse demoiselle, le livre intitulé Histoire de mademoiselle de la Charce, de la maison de la Tour du Pin en Dauphiné, ou Mémoire de ce qui s'est passé sous le règne de Louis XIV; Paris, chez Pierre Gaudouin, 1731, p. 11, 36: c'est une espèce de roman, dont l'auteur est inconnu. Conférez madame de Genlis dans Mademoiselle de la Fayette, ou le siècle de Louis XIII; 2e édit., 1813, t. I, p. 42, note 4.) On lit dans la Gazette de France, du 23 juin 1703, que Philis de la Tour du Pin de la Charce, nouvelle convertie, mourut à Nions en Dauphiné, âgée de cinquante-huit ans. Ainsi cette demoiselle avait trente ans lorsqu'elle était le sujet des sarcasmes de madame de Grignan.—En relisant la note où j'ai parlé de mademoiselle de la Charce (4e partie de ces Mémoires, p. 354), je m'aperçois que j'ai attribué à madame Deshoulières des vers qui sont de sa fille, et que l'on a placés à la suite de ceux de la mère dans l'édition que je cite (1695, in-8o). L'épître et les madrigaux de M. Cazes sont adressés à mademoiselle Deshoulières, p. 257 et 278. Les poésies de cette demoiselle, non mentionnées sur le titre, commencent à la page 218. Cette édition des poésies de madame Deshoulières a été donnée par sa fille, ainsi qu'elle le dit dans l'avertissement du second volume; et la lettre de M. Cazes, datée de Bois-le-Vicomte le 4 octobre 1689, qui se trouve dans l'édition des œuvres de madame et de mademoiselle Deshoulières (1764, in-12, t. II, p. 204), est adressée à cette dernière. Les détails sur la mort de M. Cazes (datés de 1692), page 238 de cette même édition, sont de mademoiselle Deshoulières.

901Ou plutôt: à de petits poissons qui regrettent leur bourbe.
902Ce long titre indique une réimpression. Un exemplaire de l'édition originale, imprimé sur vélin, relié en maroquin rouge aux armes de Mortemart, et inscrit sous le no 1435 dans un catalogue de vente des bibliothèques du feu roi Louis-Philippe, Paris, Potier, 1852, porte seulement pour titre Œuvres diverses d'un auteur de sept ans. Cet exemplaire a été adjugé à la somme de 700 francs.
903Lettres de MAINTENON, édit. 1756, in-12, t. III, p. 221: «Au reste, il faut tellement sacrifier à Dieu le moi, qu'on ne le recherche plus, ni pour la réputation, ni pour la consolation du témoignage qu'on se rend à soi-même sur ses bonnes qualités ou sur ses bons sentiments. Il faut mourir à tout sans réserve, et ne posséder pas même sa vertu par rapport à soi.»