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Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I

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C'est-à-dire que ces cinq peuples étaient aussi des hommes noirs de race kushite, ou éthiopienne-abissine: il s'agit de trouver leur emplacement.

Bochart veut que Saba soit le pays de Mareb, appelé synonymement par les Arabes, Saba-Mareb; mais l'identité ne peut s'admettre, parce que ces mêmes Arabes placent à Mareb la reine de Saba qui visita Salomon, et que les Hébreux, en parlant de cette femme, ne la disent point reine de Saba par s (ou Sameck), tel qu'est écrit notre Saba kushite; mais reine de Sheba par sh (ou Shin), tel qu'ils écrivent Sheba, fils de Ieqtan, qui, à ce moyen, est le Saba homérite des Arabes; et remarquez que Saba par s n'a point dans l'arabe moderne, le sens de lier et faire captif, que les Arabes disent lui appartenir, tandis que Sheba par Shin a ce sens dans l'hébreu; ce qui prouve que la véritable orthographe est Sheba-Mareb. Une meilleure représentation nous semble se trouver dans une autre ville de Saba, située au pays de Téhama, laquelle nous est désignée par les Grecs, comme l'entrepôt ancien et très-actif du commerce de l'or et des aromates de l'Arabie. La circonstance d'être placée sur l'une des éminences qui bornent le plat pays de Téhama, nous fait reconnaître cette ville dans celle que les Arabes modernes nomment encore Sabbea: si, comme tant d'autres cités de l'Orient, elle est réduite à un état presque misérable, l'on en trouve les causes palpables dans la dérivation qu'a subie le commerce de l'Inde, et dans les ensablements qui, sur cette place, repoussent la mer à près de 1,200 toises par siècle.

Sabtah n'en fut pas éloigné, si, comme nous le pensons, il est le Sabbatha-metropolis de Ptolomée158, placé par le géographe nubien Edrissi, entre Damar et Sanaa159.

Sabtaka est rejeté par Josèphe dans l'Éthiopie abissine, par Bochart dans la Caramanie persique, sous prétexte de rassembler à Samydake: ces deux hypothèses nous paraissent vagues et sans preuves: Sabtaka n'a pas de trace connue.

Haouilah, mal prononcé Hevila, et bien représenté par les Chavelæi de Pline, et Chavilatæi de Strabon, que ces auteurs s'accordent à placer entre les Nabatéens et les Agréens, ou Agaréens. Le pays de ces derniers doit être le Hijar ou Hagiar moderne160, par le 27e de latitude, dans le Hedjaz, à environ 40 lieues est de la mer Rouge… Par conséquent Haouilah, qui a le sens de pays aride, dut être dans le sol réellement aride, dans le désert au nord de Hijar, au pied de la chaîne des rocs où vivaient les Tamudeni. Ce local remplit bien l'indication du livre de Samuël qui nomme Haouilah comme borne extrême de l'expédition de Saül contre les Amalékites161; et cette situation d'une tribu kushite convient d'autant mieux en cet endroit, que, d'une part, elle se trouve appuyée au mont Shefar, appartenant aux tribus ieqtanides, et désigné par Ptolomée pour être la borne de l'Arabie heureuse, tandis que d'autre part elle est contiguë au pays de Tamoud, l'une des 4 anciennes tribus arabes qui paraissent avoir été réellement kushites, et au pays des Madianites qui certainement l'étaient, ainsi que le prouve l'anecdote de Séphora, femme de Moïse, à laquelle sa belle-sœur Marie reprochait d'être une noire (une kushite); ce genre de population subsistait encore au temps de Zarah, roi de Kush, qui vint avec une armée immense, attaquer Asa, roi de Juda, vers l'an 940 avant notre ère162, et qui avait pour résidence, du moins temporaire, la ville de Gerara, dans le pays d'Amalek; Taraqah qui, au temps d'Ezékiaq, et de Sennachérib, fut aussi un roi de Kush, sortit également, avec une autre nuée de soldats, de cette même contrée. Il paraît donc certain que la côte arabique de la mer Rouge, depuis l'Arabie pétrée jusqu'à Sabtah, c'est-à-dire, les deux pays appelés Hedjaz et Téhamah, appartenaient aux Éthiopiens, et formaient un même état ou une même population avec l'Abissinie, placée sur l'autre rive de cette même mer. Cela se conçoit d'autant mieux, qu'au moyen des îles, la communication des deux rivages est extrêmement facile, et que la ligne de séparation d'avec les tribus ieqtanides, se trouve être une chaine de rocs et de montagnes qui borne le grand désert de la péninsule vers ouest, depuis le mont Shefar jusqu'à l'Iémen163.

Une autre dépendance de Kush est encore Ramah, que les Grecs écrivent Regma. Strabon dit que ce mot en syrien signifie détroit; et Ptolomée, avec Étienne de Byzance, place une ville de Regma sur la côte arabe du golfe Persique, non loin du fleuve Lar ou Falg moderne. Par cette situation, séparée et distante de Kush, tel que nous venons de le décrire, Rama s'indique pour être une colonie d'Éthiopiens ou Kushites; Busching place en ce parage une ville de Reamah, peuplée de noirs très-commerçants. A son tour, Reamah semble avoir produit près de lui deux autres colonies qui sont Sheba et Daden.

Daden est la petite île Dadena, sur la côte arabe qui mène au golfe Persique. L'ouvrage intitulé Oriens Christianus164, nous apprend que cette île, appelée en syrien Dirin, dépendit de l'évêché de Catara ou Gatara.

Sheba montre sa trace dans les pays montueux des Asabi, que Ptolomée place à la pointe arabe du détroit; ces trois positions, qui se touchent, remplissent très-bien l'indication d'Ezéqiel, dans son chapitre XXVII, où il dit: «O ville de Tyr, les marchands de Sheba et de Ramah sont tes courtiers; ils te fournissent l'or, les parfums et les perles: Daden t'envoie les dents d'éléphant et les bois d'ébène.»

Le voyageur Niebuhr observe que depuis Ras-el-had, jusqu'à Ras-masendom, il n'y a de sables qu'entre Sîb et Sehar; «que tout le pays dépendant de Maskat est montueux jusqu'à la mer, et que deux bonnes rivières y coulent toute l'année; l'on y cueille en abondance du froment, de l'orge, du dourah, des lentilles, des dattes, des légumes, des raisins; le poisson est si abondant, que l'on en nourrit le bétail. Sehar, ruinée, est une des plus anciennes villes de l'Orient, de même que Sour (Tyr), située non loin de Maska.» Voyez Niebuhr, Descript. de l'Arabie, pag. 255.

Avec de tels avantages de sol, favorisés d'un beau climat, sur une superficie égale à toute la Syrie, l'on conçoit qu'il put jadis exister en cette contrée des peuples industrieux et riches, surtout lorsque le commerce de l'Inde y avait sa route principale vers l'occident; et puisque les habitants d'alors portaient le nom de Sabéens (Sheba), il ne faut plus s'étonner qu'ils aient enrichi par leur or et par leur commerce les Phéniciens de Tyr, ainsi que le disent expressément les Grecs qui ont pu les confondre avec les autres Sabéens de l'Iémen et du Téhama. (Voyez Bochart, Phaleg. lib. IV, chap. VI, VII et VIII.)

La Genèse continue: «Or l'Éthiopie engendra ou produisit Nemrod qui commença d'être fort (ou géant) sur la terre: il fut un grand chasseur devant le Seigneur, et les chefs-lieux de sa domination furent Babylon, Arak, Nisibe et Kalané dans le pays de Sennaar.»

 

De quelque manière que Nemrod vienne d'Éthiopie, ou qu'il en dépende, nous avons ici une indication que les pays de sa domination appartiennent à la division de Kush, et que par conséquent leurs habitants furent des hommes noirs à cheveux longs. Ceci s'accorde très-bien avec le témoignage d'Homère, d'Hérodote, de Strabon, de Diodore, et en général des anciens auteurs qui nous dépeignent tels les peuples de la Babylonie et de la Susiane. Ce furent là les Éthiopiens de Memnon, fils de l'Aurore et de Titon, auxquels les Asiatiques durent donner le nom de Kushéens, prononcé, en dialecte chaldaïque, Kuhéens. Ce même nom se représente dans le Kissia de Ptolomée, pays voisin de Suse. Les auteurs arabes désignent également les peuples de ces contrées par le terme de Soudan, c'est-à-dire, les noirs: ainsi les colonies éthiopiennes ou kushites s'étaient répandues dans tout l'Iraq-Arabi, jusque dans la Perse, et ceci nous rappelle l'ancien monument arabe cité par Maséoudi, selon lequel les tribus de Tasm et de Djodaï possédèrent l'Iraq-Arabi et la Perse limitrophe165: ces tribus primitives auraient donc été des kushites, parentes des Kananéens ou Phéniciens qui, issus de Cham, et émigrés du Téhamah, auraient réellement eu une même origine.

Quant aux pays dépendants de Nemrod, Arak est Arekka, que Ptolomée place près de la Susiane.

Akad ou Akar est l'ancien nom de Nisibe, selon le témoignage de l'ancien traducteur de la Genèse166. Kalaneh, qu'Étienne de Byzance écrit Telané, est une ancienne ville du pays de Sennaar, que cet auteur dit avoir été le berceau de Ninus.

Ainsi la race noire-kushite s'étendit jusqu'au revers méridional du Taurus, conformément au témoignage de Strabon, qui dit que les peuples Syriens sont divisés en deux grandes branches; les Syriens blancs, au nord du mont Taurus; et les Syriens noirs, au sud du Taurus; tous ayant un même fonds de mœurs, de coutumes et de langage: en effet, les dialectes des Abissins, des Arabes, des Phéniciens, des Hébreux, des Assyriens, des Araméens ou Syriens, sont tous construits sur les mêmes bases de grammaire, de syntaxe et d'écriture.

A l'egard de Nemrod, Cedrenus et la Chronique paschale nous avertissent que ce héros ou géant n'est autre chose que la constellation d'Orion, devenue une divinité importante pour les Babyloniens, à raison de ses influences supposées à l'époque de l'année où elle culmine pendant le jour avec la constellation du Chien, époque qui a pris le nom de canicule. Le voisinage de ce chien a procuré le titre de chasseur à Orion, qui d'ailleurs, comme grande divinité, eut aussi le nom de Bel167. Sous ce nom les légendes grecques lui donnent la même parenté que la Genèse. «Bélus, disent-elles, fut fils de Libye et de Neptune.» N'est-ce pas précisément la phrase hébraïque? «Nemrod fut engendré par l'Éthiopie;» ce nom de Nemrod qui n'a aucun sens dans l'hébreu, qui n'a pas même les formes de cette langue, s'explique assez bien dans la langue pehlevi: «Nim en pehlevi, dit le traducteur du Zend-Avesta, signifie côté, portion, moitié; rouz signifie midi168; en sorte que Nimrouz bien identique à Nemrod, est l'astre de l'Éthiopie, le fils de la saison brûlante.

Jusqu'ici l'on voit que, sous des formes généalogiques, nous avons une véritable géographie dont toutes les parties observent un ordre régulier et systématique. Ce même caractère continue de se montrer dans la troisième division, celle de Sem.

CHAPITRE XIX.
Division de Sem

LES peuples dépendants de Sem, contenus dans son territoire, sont: 1º Aïlam, nom collectif des Elyméens, bien connus pour habiter les montagnes de la Perse à l'orient de la Chaldée; 2º Ashour ou Assur, nom collectif dés Assyriens, qui d'abord ne furent que les habitants de l'Atourie, où Ninus bâtit Ninive, mais dont le nom, après ce conquérant, s'étendit aux Babyloniens et même aux Syriens.

Ici se présente une remarque sur la traduction vulgaire de ce verset célèbre de la Genèse (ch. 10): «De la terre de Sennar est sorti Assur, qui a bâti Ninive.»

Il semblerait qu'Assur fût un nom d'homme: alors il désignerait Ninus, et c'est l'opinion de beaucoup de savants; mais dans ce cas il sera, et il est en effet, une nouvelle preuve de la posthumité de la Genèse, puisque Ninus, selon Hérodote, ne régna pas avant l'an 1237, environ 200 ans après Moïse. La vérité est qu'ici, comme partout, Assur est un nom collectif qu'il faut traduire selon le génie de notre langue, l'Assyrien ou les Assyriens. Parcourez tous les livres hébreux, spécialement Isaïe, Jérémie, les Rois, surtout au livre IV; jamais vous ne trouverez le pays ou le peuple assyrien désigné autrement que par Assur.

«Assur viendra comme un torrent; Assur s'élèvera comme un incendie; le Seigneur suscitera Assur contre Moab, contre Ammon, contre Juda, contre Israël:» or, personne ne pensera qu'Assur, Moab, Ammon, Israël, soient des individus: bien plus, on trouve cent fois répétée cette autre expression encore plus incompatible: «Le roi d'Assur, la terre d'Assur, les forts d'Assur; Phal, roi d'Assur, vint contre Manahem; Achaz appela Teglat-Phal-Asar, roi d'Assur, etc.»

Il est donc évident qu'Assur est toujours un nom collectif, employé selon le génie des langues orientales, dont les Arabes et les Syriens de nos jours sont un exemple subsistant.

Loud, nom collectif des Lydiens, ayant en syriaque le sens de sinuosités, qui convient très-bien au fleuve Méandre. Selon les Grecs, avant la guerre de Troie, les Lydiens s'appelaient Ma-Iones, nom composé d'Ionie. Le nom de Lydiens leur vint-il des Assyriens, dont Ninus les rendit sujets?

4º Le quatrième peuple dépendant de Sem est Aram, qui en syriaque signifie nord (relatif aux Phéniciens); c'est la Syrie des Grecs, ainsi nommée par abréviation d'Assyrie.

Les Hébreux divisent l'Aram ou Syrie en plusieurs districts, 1º l'Aram-Nahrim, l'Aram des deux fleuves (Tigre et Euphrate), traduit en grec Meso-potamos (entre les fleuves.)

2º L'Aram propre, ou pays de Damas et confins.

3º L'Aram Sobah sur lequel on n'est pas d'accord. Josèphe le prend pour la Sophène en Arménie: Bochart169 lui donne pour limites à l'est le cours de l'Euphrate; à l'ouest, la Syrie de Hamah, d'Alep et de Damas; en sorte que, selon lui, Sobah aurait été ce qui depuis fut le royaume de Palmyre. Michaëlis170 veut que Sobah soit Nisibe, à trente-cinq lieues sud-ouest de Ninive; mais les auteurs tardifs dont il s'appuie sont si peu instruits sur cette matière, que traduisant le livre de Samuël, à l'article des guerres de David contre les rois de Sobah, ils n'ont pas même su lire correctement le texte hébreu; car tandis que ce texte dit171 «que l'Araméen (Syrien) de Damas vint pour secourir Hadad-azer, roi de Sobah; que David battit cet Araméen, lui tua 22,000 hommes, et mit garnison à Damas:» les deux traducteurs arabe et syriaque, au lieu de l'Araméen172 ont lu l'Iduméen, sans apercevoir l'inconvenance de lier Damas à l'Idumée, située sur la mer Rouge; et, de plus, l'Arabe a pris sur lui d'appeler roi de Nasbin (Nisibe) le roi de Sobah. Michaëlis, en adoptant cette erreur, et voulant la confirmer par saint Ephrem, etc.173, n'a pas pris garde que le texte, qui parle ailleurs des rois de Sobah au nombre pluriel174, indique que Sobah était un pays et non une seule ville. Ce même texte dit encore, «que David battit le roi de Sobah en allant pour étendre sa main, c'est-à-dire son pouvoir sur l'Euphrate;» Michaëlis veut que ce soit le roi de Nisibe qui alla vers l'Euphrate; mais relativement à l'écrivain juif placé à Jérusalem, le mot aller ne peut convenir qu'à David. Si le roi de Sobah fût venu de Nisibe, il eût amené avec lui les Syriens d'au delà l'Euphrate: il les fit venir à lui, selon le propre texte; donc il résidait en deça de l'Euphrate: seulement, il avait sur l'autre rive des sujets ou alliés qu'il fit venir, mais non pas venir de Nisibe, séparée du fleuve par un désert très-aride de quarante lieues d'étendue.

 

Il est encore dit que le roi de Hamah avait eu des guerres fréquentes avec le roi de Sobah; et les chroniques donnent à Hamah l'épithète de Sobah (Hamat-Soba): ces deux pays étaient donc limitrophes. Or, si Hamah, séparée de Nisibe par un désert de 90 lieues, était bornée au sud par Damas, et à l'ouest par les Phéniciens, le Sa-bah devait être situé ou au nord vers Alep, ou à l'est vers l'Euphrate; et c'est précisément ce qu'atteste Eupolême175 lorsqu'il dit que David subjugua les Syriens qui habitaient la Commagène et le pays adjacent à l'Euphrate (où furent situées les villes de Hiérapolis et de Ratsaf, comme l'observe Bochart, qui peut-être a raison d'y joindre Taïbeh et Tadmor.)

«David, dit le texte, revenant de battre les Araméens (les Syriens), s'illustra (par une nouvelle victoire) dans la vallée des Salines.»

Il y a deux vallées de ce genre: l'une dans laquelle est situé le lac de Gabala à 25 lieues nord-nord-est de Hamah; l'autre où se forme la lagune salée de Zarqah, 15 lieues nord-est de Hamah: ces deux positions sont également sur la route de David, revenant soit du nord, soit de l'est. Si, comme l'a cru Fl. Josèphe, Sobah eût été la Sophène, province d'Arménie, les Juifs nous eussent parlé du passage de l'Euphrate, qui eût été une opération inouïe pour eux.—«David enleva une immense quantité d'airain des villes de Betah et de Birti, appartenantes au roi de Sobah.» Betah n'est connue de personne, et vouloir, avec Michaëlis, que Birta soit la ville phénicienne de Beryte, est une inconvenance inadmissible. Elle serait plutôt Birta (aujourd'hui Bir), à l'est de l'Euphrate, sur la route d'Alep en Assyrie; mais il faudrait que David eût passé le fleuve, à moins qu'à cette époque il n'y eût sur la rive ouest de l'Euphrate une ville de Birta, ruinée ensuite et remplacée par celle du même nom qu'Alexandre bâtit sur la rive orientale. Tout confirme l'opinion de Bochart, et concourt à étendre le royaume de Sobah le long de l'Euphrate jusqu'aux montagnes de la Cilicie.

Remarquons en passant, que cette existence des États araméens de Sobah, Hamah et Damas, qui se continue depuis et avant Saül, jusqu'au temps d'Achaz, confirme l'assertion d'Hérodote qui restreint l'empire des Assyriens ninivites à la haute Asie, pendant 500 ans, et qui par là les exclut de l'Asie basse, c'est-à-dire de l'Asie mineure et de la Syrie. Les chroniques juives s'accordent avec lui, en nous montrant l'ouest de l'Euphrate indépendant de leur puissance, et en n'y laissant apercevoir son extension qu'au règne de Phul, vers l'an 770. Alors commence, de la part des sultans de Ninive, un système d'agrandissement de ce côté, qu'ils poursuivent jusqu'au temps de Sardanapale. Le discours de Sennachérib au roi Ézéqiah, indique très-bien cet état de choses. «Les dieux des nations, dit ce prince, ont-ils délivré les pays ravagés par mes pères, les pays de Gouzan, de Haran, de Ratsaf; et les enfants d'Aden qui sont en Talashar? où est le roi de Hamah et d'Arfad? où sont les rois des Sapires, de Ana, de Aoua? etc.176.

Nous avons le pays de Gouzan, Gauzanitis, de Ptolomée, près de la rivière de Khaboras en Sennaar; celui de Haran ou Charræ, près d'Edessa en Mésopotamie. Ratsaf ou Resapha est situé au sud de l'Euphrate et au nord de Palmyre. Aden est Adana, ville puissante, près de Tarsus ou Tarsis en Cilicie; et puisque Aden est en Talashar, il faut que Talashar soit la Cilicie, qui, par les Arabes, serait prononcé Tchilitchia. Hamah est bien connu sur l'Oronte. Arfad, toujours nommé avec Damas et Hamah177, ne saurait en être écarté plus loin qu'Aradus, appelé aussi Arvad. Les Sapires sont au nord de l'Arménie. Ana est une île de l'Euphrate; Aoua, un canton de la basse Babylonie.

Lors donc que Sennachérib, pour effrayer le roi juif, lui dit que ses pères ont ravagé tous ces pays, sans doute il n'entend pas une vieille conquête faite par Ninus, 1400 ans auparavant (selon Ktésias); mais une conquête récente dont nous suivons la trace dans Salmanasar, qui subjugua les états phéniciens, dont Arvad fut un; 2° dans Teglat, qui conquit Damas, et en déporta les habitants au pays de Qir178; 3° dans Phul enfin, qui le premier paraît au sud de l'Euphrate, sans doute après avoir soumis Adana: il semblerait que Tarsus, port de mer puissant, ne fut conquis qu'au temps de Sardanapale, qui selon une inscription hyperbolique, l'aurait rebâti en un jour179.

Avant cette conquête des Assyriens, c'est-à-dire avant l'an 770 ou 780 au plus, les Syriens n'étaient connus que sous leur nom d'Araméens; Homère et Hésiode, qui écrivirent vers ce temps, n'en citent pas d'autre. Il s'étendait à la Phrygie brûlée, qu'ils nomment Arimaïa; à la Cappadoce, dont les habitants étaient nommés Arimeéns blancs, et descendaient, selon Xanthus de Lydie, d'un antique roi Arimus, le même que l'Aram hébreu. (Voy. Strabo, lib. XIII.)

Aram a encore pour dépendances, Aouts, Houl, Gatar et Mesh.

Aouts est connu pour l'Ausitis de Ptolomée, pays avancé dans le désert de Syrie vers l'Euphrate. Les Arabes Beni-Temin, d'origine iduméenne, ont occupé ce pays; c'est à eux que Jérémie dit180: «Réjouissez-vous, enfants d'Edom, qui vivez dans la terre d'Aouts.» Là est placée l'anecdote de Iob, dont le roman offre sur Ahriman ou Satan, des idées zoroastriennes que l'on ne trouve dans les livres juifs que vers le temps de la captivité de Babylone.

Houl n'a pas de représentants.

Gatar est la ville et le pays de Katara sur le golfe Persique. (Voy. Ptolomée.)

Mesh doit être voisin, et convient aux Masanites de Ptolomée, à l'embouchure de l'Euphrate et non loin de Katara: le système de contiguité continue toujours de s'observer.

Un cinquième peuple de Sem est Araf-Kashd, représenté dans le canton Arra-Pachitis de Ptolomée, qui est le pays montueux, au sud du lac de Van, d'où se versent le Tigre et le Lycus ou grand Zab. Ce nom signifie borne du Chaldéen, et semble indiquer que les Chaldéens, avant Ninus, se seraient étendus jusque-là.

Cet Araph Kashd, selon Josèphe, fut père des Chaldéens; selon l'hébreu, il produisit Shelah, dont la tracé, comme ville et pays, se retrouve dans le Salacha de Ptolomée. Shelah produisit Eber, père de tous les peuples d'au delà de l'Euphrate; mais si nous le trouvons en deçà, relativement à la Judée, nous avons droit de dire que cette antique tradition vient de la Chaldée.

D'Eber sont issus Ieqtan, père de tous les Arabes-Syriens, et Phaleg, d'où l'on fait venir Abraham, père des Juifs et d'une foule de tribus arabes, par ses prétendues femmes, Agar et Ketura. Mais si dès le siècle de Moïse, quatre générations seulement après Abraham, ces tribus présentent une masse de population et une étendue de territoire inconciliables avec les probabilités physiques et morales, nous aurons une nouvelle raison de rejeter l'existence d'Abraham comme homme; et si l'auteur de la Genèse, au ch. XV, v. 19, suppose que Dieu «promit à Abraham de livrer à sa postérité, parmi plusieurs peuples, celui de Qenez, lequel Qenez naquit seulement quatre générations après lui;» nous pourrons encore dire que cet auteur se trahit lui-même par un anachronisme choquant. Il est plus naturel de penser que toutes ces petites tribus, d'origine incertaine, et répandues dans le désert de Syrie jusqu'à l'Arabie Pétrée, ont appelé Ab-ram, leur père commun, parce qu'il fut leur divinité patronale; et en disant qu'elles vinrent primitivement de Sem, l'on commettrait un pléonasme, puisque, selon le livre chaldéen de Mar-Ibas, Sem est le même que Zerouan, qui est aussi le même qu'Abraham; nous n'insistons pas sur le site de toutes ces tribus, parce qu'il est assez bien connu.

De Ieqtan, supposé homme, l'auteur fait venir treize peuples arabes, dont il pose distinctement les limites en disant:

1º «Que les enfants d'Ismaël habitèrent depuis Haouilah jusqu'à Shour, qui est dans le désert en face de l'Égypte, sur le chemin d'Assyrie (par Damas);

2º «Que les enfants de Ieqtan habitèrent depuis Mesha jusqu'à Shefar, montagne orientale

Shefar est une montagne du désert arabe, par les 29 degrés de latitude, à environ 55 lieues est de la mer Rouge, et à l'orient d'hiver de Jérusalem: elle fut le campement le plus reculé des Hébreux conduits par Moïse181: Ptolomée y pose la limite extrême de l'Arabie Felix, au nord. Là commencent l'Arabie Pétrée et les dépendances de Kush, dont Haouilah fait la frontière. Tout se trouve d'accord de ce côté, qui est l'occident de Ieqtan.

Mesha, qui est sa borne à l'orient, est le Masanites fluvius, l'une des branches de l'Euphrate, vers son embouchure dans le golfe Persique: une ligne tirée de Shefar sur Mesha, est donc la borne des Arabes Ieqtanides, vers le nord.

L'Océan, ou mer Érythrée, est leur borne au sud.

Vers le couchant, qui est la mer Rouge, si l'on tire une ligne de Shefer sur Sabtah, frontière de Kush, cette ligne laisse tous les peuples de Ieqtan dans le désert à l'est, et tous les Kushites dans le Hedjaz et dans le Téhamah, vers l'ouest; avec cette circonstance, qu'elle suit une chaîne de montagnes rocailleuses et stériles, qui en font une limite naturelle. Le pays de Ieqtan occupe donc tout l'orient de la péninsule arabe, depuis le canton de Saba-Mareb, jusqu'à l'embouchure du golfe Persique, où les tribus kushites de Ramah, Daden et Sheba, possèdent un territoire qui fait exception. Il s'agit de placer les tribus dont les géographes grecs nous retracent plusieurs noms reconnaissables.

Al-Modad ne l'est pas très-bien dans les Alumaiotæ de Ptolomée; mais Shelaph l'est parfaitement dans les Salupeni du même auteur.

Hatsar-Môt est sans contredit les Chatramotitæ de Strabon, le Hadramaut actuel des Arabes.

Ierah se trouve bien dans les Iritæi;

Adouram dans Adrama, au pays de Iemama, qui, selon les monuments cités par Pocoke182, fut la borne de l'empire assyrien en ces contrées.

Auzal est l'Auzara de Ptolomée, près le pays d'Oman, sur le golfe Persique. Dans Ezéqiel (chap. 27), Dan est joint à Ion d'Aouzal, et Giggeius place en ces cantons une ville de Ion. (Voy. Bochart.)

Deqlah est inconnu; Aoubal doit être le Hobal du géographe Edrissi, ou l'Obil anéanti des traditions arabes.

Ambi-mal représente l'un des quatre cantons aromatifères de Théophraste, qui le nomme Mali.

Iobab, par l'altération du second b en p grec, qui est l'r latin, a fait Iobaritæ, en Ptolomée.

Le nom de Sheba se retrouve dans Shebam, château-fort sur les montagnes, à l'ouest du Hadramaut, et peut-être mieux encore dans la ville de Saba, ou plutôt Sheba-Mareb, c'est-à-dire, la capitale de Sheba, le mot mareb ayant cette signification en arabe.

Haouilah offre le plus de difficultés, parce que ce nom n'a point laissé de traces, et qu'un passage de la Genèse impose à ce local des conditions contradictoires.

Ce livre dit (chap. II, v. 10 et 11): «Et le fleuve (du jardin d'Eden) se divisait en quatre autres fleuves, dont le premier s'appelle Phishoun; celui-ci entoure tout le pays d'Haouilah, où se trouve l'or; et l'or de cette terre est bon (or fin): là aussi est le Bedoulah (Bdellium) et la pierre de Shahm (l'onyx.)»

Nous avons vu ci-dessus un premier pays de Haouilah, appartenant à la division de Kush, réclamer sa situation dans un désert où l'on ne connaît aucune rivière: ce second Haouilah, appartenant aux Ieqtanides, exige de ne pas sortir de leurs limites; par conséquent il nous faut trouver dans la péninsule arabe, une rivière arrosant un pays où se trouvent l'or, le bdellium et l'onyx.

Les Grecs183 nous indiquent un premier petit fleuve venant du mont Laëmus, au sud-est de la Mekke, traversant un pays riche en sources, en verdure, et de plus, roulant des paillettes d'or: là vivaient les Arabes Alilæi et les Gassandi, chez qui se trouvaient des pépites d'or en abondance. Au delà, sur la frontière du désert, vivaient les Debæ, riches en paillettes d'or, d'où leur venait leur nom: tous ces peuples, sans arts, ne savaient employer l'or à rien, et ils le prodiguaient aux navigateurs étrangers, pour des marchandises de peu de prix.

Si l'on supposait que le nom Alilæi fût une corruption de Haouilah, chose très-possible de la part des Grecs, il y aurait ici de grandes convenances; mais encore serions-nous dans le territoire de Kush; et de plus nous n'y trouvons pas la pierre d'onyx, et surtout le bdellium que l'on s'accorde à croire être la perle.

Cette dernière condition nous appelle sur le golfe Persique: là nous trouvons deux rivières; l'une au pays de Iemama, ayant son embouchure en face des îles de Barhain, où se termine le grand banc des perles; l'autre, appelé Falg par les Arabes, sur la même côte du golfe Persique, ayant son embouchure à l'autre extrémité du même banc, sur la frontière du pays d'Oman. Le voyageur Niebuhr assure que l'onyx n'est pas rare en ces contrées: voilà plusieurs conditions remplies; mais nous ne voyons aucun nom retraçant Haouilah; et parce que le récit de la Genèse tient à la mythologie, peut-être la recherche d'un fleuve joint à ce nom est-elle idéale?

Un dernier pays nous reste à trouver, celui d'Ophir qui, jusqu'ici, a été la pierre philosophale des géographes: successivement ils l'ont cherché dans l'Inde, à Ceylan, à Sumatra; dans l'Afrique, à Sofala; enfin jusqu'en Espagne, où ils ont voulu que Tartesse représentât la ville de Tarsis. Chacune de ces hypothèses a combattu l'autre par des raisons de vraisemblance et d'autorité; mais toutes ont péché contre une condition essentielle à laquelle on n'a point donné assez d'attention. Cette condition est que l'auteur du dixième chapitre, ayant observé, dans toute sa nomenclature, un ordre méthodique de positions et de limites, il n'est pas permis de violer ici cet ordre: dans le cas présent, le pays d'Ophir étant assigné à la division de Ieqtan, il n'est pas permis de le chercher hors de la péninsule arabe, où cette division est restreinte.

Une hypothèse récente a été mieux calculée, en plaçant Ophir dans les montagnes du Iémen, à 12 ou 14 lieues nord-est de Lohia, en un lieu nommé Doffir184; mais il reste douteux que ce local, voisin des Sabéens kushites, ait pu appartenir aux Ieqtanides; d'ailleurs l'addition d'une consonne aussi forte que le D, qui aurait changé Ophir en Doffir, est une altération dont l'idiome arabe n'offre pas d'exemple: enfin l'on ne conçoit pas comment les vaisseaux de Salomon auraient employé à faire un voyage de 400 lieues au plus (tout louvoiement compris), un temps aussi long que celui dont le texte donne l'idée, en disant que ces vaisseaux partaient chaque troisième année pour Ophir, c'est à dire, qu'ils étaient un an à se rendre, un an à revenir, et ils n'auraient fait que 400 lieues par an!

Après avoir médité ce sujet, il nous a semblé qu'un plus grand nombre de convenances historiques et géographiques se réunissaient pour placer Ophir sur la côte arabe, à l'entrée du golfe Persique: établissons d'abord le texte qui doit être notre premier régulateur.

«Salomon fit construire des vaisseaux à Atsiom-Gaber (sur la mer Rouge près d'Aïlah), et Hiram, roi de Tyr, lui envoya des pilotes connaissant la mer, pour conduire ses vaisseaux; et ils allèrent à Ophir, d'où ils apportèrent beaucoup d'or. (Reg. I, c. 9, v. 10)

«Et la reine de Sheba ayant entendu parler de Salomon, le vint voir. (Ibid., ch. 10, v. 1er.)

«Et elle lui apporta en présent une quantité prodigieuse d'or, d'aromates exquis, et de pierres précieuses. (v. 10.)

158Voyez Ptolomée, Geog. in-fol., Tabula Asiæ sexta.
159Danville, carte d'Asie première.
160Voyez Danville, carte d'Arabie; hagiar ou hagar signifie pierre, pierreux, et tels sont les rochers de Hidjar.
161Sam., lib. I, chap. 15, v. 7.
162Paralipomènes, liv. II, chap. 14.
163Strabon aurait donc eu raison d'interpréter en ce sens le vers d'Homère qui partage les Éthiopiens en deux pays (par la mer).
164Tom. II, col. 1239 et 1240. Voyez aussi Assemani, Biblioth. syriac., tom. III, pars II, pag. 744.
165Voyez ci-après page 278.
166Hieronym. Quest. in Genes., cap. 10, nº 10.
167Plusieurs divinités chez les Chaldéens ont eu le nom de Bel ou Baal, qui signifie Dieu et Seigneur. Alexandre Polyhistor parle de Bélus l'ancien, appelé Kronos (ou Saturne), de qui naquirent un second Bélus ou Bélus le jeune, ayant pour frère Kanaan. Il ajoute que Kanaan fut père des Phéniciens et eut pour fils Chum, appelé par les Grécs Asbolos, c'est-à-dire couleur de suie, lequel Chum eut pour frère Mesraim, père des Éthiopiens et des Égyptiens: l'on voit ici une autre version des mêmes idées, des mêmes traditions que la Genèse. Voyez Eusèbe, Præpar. evang., lib. IX, chap. 17. Dans la Chronique d'Alexandrie, page 17, un premier Bélus est Saturne; après lui Picus règne 30 ans; après Picus un second Bélus règne 2 ans: celui-ci est la planète de Mars, dont la révolution dure effectivement 2 ans; c'est par erreur que l'auteur attribue les 30 à Picus-Jupiter, puisqu'ils appartiennent à Saturne, dont la révolution dure cet espace de temps.
168Zend-Avesta, tome II, pages 402 et 456; et tome I, partie II, page 272, note 3.
169Phaleg. et Chanaan, lib. II, cap. 6.
170Geographia Hebræorum extera, page 114.
171Sam., lib. II, cap. 8, v. 5 et 6.
172Le psaume LX a commis la même faute.
173Voyez Assemani, Biblioth. syriac., tome I, pag. 533 à 539; tome III, part. 1, page 3.
174Sam., lib. I, chap. 14, v. 4.
175Eusèbe, Præpar. evang., lib. IX, chap. 30.
176Reg. II, cap. 18.
177Jérémie, chap. 49, v. 23.
178Ce pays de Qir, prononcé Koïr par les Arméniens, doit être celui du fleuve Kur, au nord de l'Arménie: à moins que l'on ne préfère le pays des Karhi, peuples belliqueux, mentionnés par Polybe, lib. V, chap. 10, comme habitant les vallées de l'ouest du lac de Van. Isaïe, chap. 22, et Amon, ch. 1, v. 5, parlent de Qir au grand bouclier.
179Peut-être un jour des dieux (un an).
180Jérémie, chap. 39 et 49.
181Numeri, 33, v. 23.
182Specimen historiæ Arabum.
183Agatharçhides, de mari Rubro, page 59; Artemidorus in Strabone, lib. XVI; Diodor. Sicul., lib. III, § XLV.
184Recherches sur la Géographie des anciens, par M. Gosselin, in-4°, tome I, page 124.