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§ XIII

Origine de l'onction (à l'huile ou à la graisse)69

Mais une autre difficulté reste à expliquer. Comment un acte aussi insignifiant en lui-même, aussi trivial que celui de verser sur la tête, de frotter sur le front un peu d'huile ou de graisse, a-t-il eu l'effet prodigieux non-seulement de persuader à un simple pâtre qu'il était sérieusement appelé à être roi, mais encore d'étendre cette persuasion à l'immense majorité d'une nation, et jusqu'à Saul lui-même et à son fils Jonathas, qui en font la déclaration formelle au chap. XXIII, v. 17 et chap. XXIV, v. 21? Il faut convenir qu'au premier aspect, un tel fait semble singulier; mais quand on l'examine dans ses accessoires et ses antécédents, il redevient naturel et simple comme tous les autres de cette histoire, parce qu'il se trouve être l'effet d'une opinion et d'un préjugé qui, depuis long-temps, avaient préparé les esprits.

Il est bien vrai qu'avant cette époque aucun chef laïque et militaire n'avait reçu la cérémonie de l'onction et du frottement d'huile; mais le rite n'en existait pas moins, dès long-temps public, solennel, entouré de circonstances les plus capables d'imposer respect, puisqu'il était le rite d'inauguration du grand-prêtre de Dieu, l'acte qui avait consacré le premier grand-prêtre Aaron par la main du législateur de l'état, du fondateur de la religion, par la main de Moïse: c'est ce que nous apprend le chap. XIX de l'Exode, avec des détails dignes d'attention. Écoutons le texte: Dieu dit à Moïse: «Voici ce que vous ferez pour consacrer Aaron et ses enfants aux fonctions de prêtres. Prenez un veau et deux beliers sans taches, du pain non levé, des galettes non fermentées, mouillées d'huile, faites de farine et de froment; posez-les sur une corbeille, présentez-les avec le veau et les deux beliers; faites approcher Aaron et ses enfants à la porte de la tente où est l'arche; lavez-les avec de l'eau; prenez les vêtements (appropriés), et vêtissez Aaron d'une tunique, d'une robe longue (la chape), etc.; posez sur leurs têtes la tiare (ou mitre), et appliquez le diadème de sainteté sur la mitre; et vous prendrez l'huile d'onction, vous la verserez sur la tête d'Aaron, et vous l'en frotterez: vous ferez approcher aussi ses deux fils, et les vêtirez (sans les oindre d'huile), et ils seront consacrés à être mes prêtres pour toujours.»

On voit ici tout l'éclat et l'appareil de la cérémonie de l'onction faite en face de l'arche du Dieu Jehowh, en présence du peuple d'Israël; et l'on conçoit comment il fut facile d'en faire passer le respect religieux sur la tête d'un roi. Si c'eût été une nouveauté de l'invention de Samuel, certainement il n'eût point eu le crédit de lui inoculer ce caractère; il y a plus: si de la part de Moïse même, elle eût été une nouveauté, une chose inventée par lui, on peut assurer qu'elle n'eût point produit l'effet qu'il désirait; mais Moïse, élève des prêtres égyptiens, et qui emprunta d'eux, sinon toutes, du moins la plupart de ses idées et de ses cérémonies, Moïse leur emprunta également celle-ci, qui chez eux dut tenir d'une haute antiquité son caractère saint et mystérieux.

Néanmoins, puisque dans cette antiquité quelconque elle eut, comme toutes choses, un commencement, un premier motif d'origine, quel a pu être ce motif, quelle idée a conduit son premier ou ses premiers inventeurs à imaginer cette singulière pratique? Ce motif a dû être un besoin, une chose utile à la société qui la pratiqua. Or, je trouve ce besoin, cette chose utile dans la nature des choses de ce temps-là, dans les mœurs des nations encore demi-sauvages, commençant d'entrer en société régulière. Je me figure une peuplade d'Égyptiens de la Haute-Égypte, nus ou presque nus à raison du climat, voulant imprimer à un ou plusieurs d'entre eux un signe particulier de commandement, de fonctions quelconques; comment établiront-ils ce signe? Sera-ce une écharpe, un bonnet d'étoffe ou de plumes, un petit bâton-sceptre, un bandeau sur le front? Tous ces objets mobiles, fragiles, peuvent s'arracher par la violence du premier venu, l'homme n'est plus rien; ils auront remarqué que certains liquides, tels que la graisse et l'huile, s'attachaient, se fixaient à la peau d'une manière tenace, difficile à effacer; l'eau ne pouvait rien; la poussière rendait la marque plus visible; ils auront trouvé cette marque propre à leur but; l'effet de la poussière commune leur aura donné l'idée d'appliquer des poussières de couleur; ils ont eu à leur disposition le rouge du corail, du minium, du cinabre, le jaune des ocres, le vert de cuivre, le bleu de certains coquillages et végétaux; la marque colorée qui en est résultée sera devenue chez les premiers peuples un signe d'utilité et de beauté, que nous retrouvons ensuite à toutes les époques et dans tous les pays, chez la plupart des peuples même policés.

Ce genre de signe est frappant chez les Indiens, où il porte un caractère religieux, puisque les adorateurs des trois dieux se distinguent l'un de l'autre par les couleurs et la forme de ces marques sur le front. Il se retrouve dans toutes les îles de l'Océan indien et pacifique; nous le voyons chez nos sauvages d'Amérique, comme chez leurs frères les Tartares d'Asie, et comme chez la plupart des noirs d'Afrique. Pour le rendre plus fixe, l'art perfectionné s'est avisé de faire pénétrer la couleur dans le tissu de la peau en la piquant avec de fines pointes d'arêtes de poisson on d'aiguilles de métal, ce qui a constitué l'art de tatouer, que les relations des voyageurs modernes ont rendu si célèbre. Ainsi, dans son origine et dans son but, la cérémonie d'onction sacerdotale et royale, à laquelle les peuples et les cultes judaïsans attachent une si haute et si mystérieuse importance, n'a été et n'est tout simplement que le tatouage ou le tatouement d'un individu, afin de le rendre ineffaçablement reconnaissable.

Mais je dois terminer l'histoire de Samuel; et cependant je voudrais expliquer encore pourquoi il s'est obstiné à destituer le roi Saül, à lui donner un rival, un successeur qui ne peut être considéré que comme un intrus, un usurpateur. J'admets un peu pour premier motif le ressentiment du prêtre contre les prétentions de Saül à s'immiscer aux fonctions de sacrificateur et de devin; néanmoins ce motif semble ne pas suffire, lorsque l'on considère le repentir plus qu'expiatoire auquel le roi s'abaisse. Il faut qu'il y ait eu une autre cause plus radicale, et je la trouve dans l'infirmité physique de Saül, laquelle, examinée médicalement, n'a pu être que l'épilepsie. Le texte hébreu lui-même autorise cette idée; car, lorsqu'il dit qu'un méchant esprit agita ou troubla Saül, le mot baat, que l'on traduit par agité et troublé, signifie spécialement trouble avec effroi, avec frisson et terreur, précisément comme il arrive dans les convulsions épileptiques. Un tel mal, joint à l'idée d'un méchant esprit qui le cause, n'a pu que décréditer Saül dans les préjugés de son peuple; et ce prince a dû achever de se perdre, tant par les violents accès de colère auxquels on le voit livré de plus en plus, que par la médiocrité de ses moyens moraux et politiques. Samuel, qui a fait le choix erroné d'un tel chef, ne s'est point pardonné sa méprise, et c'est pour la réparer qu'il a imaginé les prétextes que nous avons vus: d'ailleurs, dans l'exécution finale de son dessein, il introduit un ménagement digne de remarque; car il ne choisit pas un homme âgé, capable d'être un compétiteur immédiat, il prend un jeune homme de vingt à vingt-quatre ans, qui, vis-à-vis de Saül, alors âgé d'environ cinquante-cinq, laisse à ce roi le temps d'achever sa carrière.

Depuis l'onction de David, l'on ne voit plus Samuel qu'une seule fois en scène, savoir, lorsque le berger sacré, devenu gendre de Saül, commence d'être persécuté par ce roi, et qu'il se réfugie à Ramata, d'où Samuel l'emmène chercher un abri commun dans la confrérie des prophètes, à Niout. Nous avons vu ci-devant que Saül irrité y accourut lui-même: le cas fut périlleux, parce qu'à cette époque il dut être bien informé de l'onction secrète de David; mais Samuel, toujours rusé, aura profité de cette entrevue pour calmer le roi, et faire avec lui sa paix; il lui aura remontré qu'il n'avait pu se soustraire aux ordres du terrible Jehwh; il lui aura déclaré que désormais c'était l'affaire de Dieu de diriger son nouvel élu, et que lui personnellement ne se mêlerait plus de rien. Ce même raisonnement l'aura débarrassé de la tutelle de David, qui devint de plus en plus dangereuse; car peu de temps après, David ayant reçu asile et secours du grand-prêtre Achimelek, toute la famille de ce prêtre fut massacrée sans pitié par l'ordre et en présence de Saül lui-même. On a droit de penser qu'un homme aussi fin que Samuel, et qui connaissait si bien le caractère de son premier pupille, avait depuis du temps apprécié le progrès de ses fureurs naturelles et maladives; et la preuve de la conduite réservée du prophète depuis cette entrevue, est qu'on le voit, deux ans après, mourir paisible, laissant dans l'esprit de Saül une si haute vénération de sa mémoire, que ce prince, la veille du combat où il périt, n'espéra de consolation et de secours que de la part de l'ombre de Samuel, qu'il fit évoquer par la magicienne de Aïn-dor70. L'examen de cette scène de fantasmagorie serait un nouveau morceau curieux et instructif des usages du temps; mais il me mènerait trop loin.

 

En résumé, vous voyez la conduite de Samuel s'expliquer dans tous ses détails par des causes naturelles, puisées dans les mœurs et les préjugés de sa nation; vous voyez toutes ses actions trouver leurs motifs palpables dans son caractère personnel toujours le même, toujours calculateur, astucieux, hypocrite, ambitieux de pouvoir, et louvoyant à travers les difficulté de sa position avec autant d'art que les circonstances le comportent. Je voudrais qu'après avoir lu mon commentaire, vous relussiez le texte qui me l'a fourni; vous sentiriez mieux combien est transparent le voile de prodiges et de merveilles qui l'enveloppe; vous vous convaincriez que ce merveilleux n'a existé que dans le cerveau visionnaire d'un peuple ignorant; et vous vous étonneriez avec moi de l'entêtement aveugle qui prétend soutenir encore aujourd'hui de si sauvages erreurs; mais le monde, qui à chaque génération redevient enfant, est toujours gouverné par la routine et par les vieilles habitudes. Il faut croire que chacun y trouve son compte; les uns dans les illusions voient une mine à exploiter, et ils l'exploitent à la manière de Samuel et de sa confrérie; les autres y trouvent un aliment, une autorité au besoin de croire, qui semble un des attributs de la nature humaine: tel est le mécanisme de cette nature, que lorsqu'en notre enfance nos nerfs ont été frappés de certaines impressions, ont été pliés à certaines habitudes, toute la vie les sons même et les mots qui s'y sont liés ont le pouvoir magique d'exciter et ressusciter en nous les mêmes mouvements, les mêmes dispositions71. On nous a imprégnés au berceau des récits de la Bible, on a lié les noms de ses personnages à certaines opinions, à certaines idées; et voilà que les jugements qui nous ont été infusés, s'incorporent avec nous, et persistent machinalement toute notre vie; j'ai souvent pensé, et j'en ai fait quelquefois l'expérience, que si à l'âge mûr on nous présentait ces mêmes récits, revêtus d'autres noms et comme venant de la Chine et des Indes, nous en porterions des jugements très-différents: là est la solution d'un problème qui souvent étonne dans la société, et qui consiste à trouver en des personnes d'ailleurs bien organisées, un jugement sain et droit sur toutes les choses qu'elles ont apprises par elles-mêmes, mais constamment faux sur ce qu'elles ont appris par l'éducation du bas âge: dans le premier cas, leur ame ou principe intellectuel a opéré par lui-même, il a été conséquent en sensation et en jugement; dans le second cas, il n'a été qu'une machine à répétition, une horloge discordante, dont la sonnerie n'est pas d'accord avec le cadran que le soleil gouverne.72—Mais à propos d'horloge, voilà que je crois, comme dans les Contes arabes, entendre l'heure m'avertir de clorre ma veillée ou nuit: heureux si, ne l'ayant pas trouvée si amusante que ses mille et une sœurs, vous la jugez du moins plus utile en ses résultats!

Je suis, etc.

CONCLUSIONS DE L'ÉDITEUR

Questions de droit public sur la cérémonie de l'onction royale

NOTRE voyageur a rempli ses fonctions d'historien critique; nous sera-t-il permis de remplir celles de jurisconsulte scrutant les conséquences des faits présentés? Nous n'entendons pas nous prévaloir du commentaire qui vient d'être lu; nous acceptons l'état des choses tel que le donne l'auteur original, encore qu'il ne soit point fondé en titre légal; et, nous bornant à raisonner sur le seul fait de l'onction conférée par Samuel, nous soumettons à nos lecteurs les questions suivantes:

1º Le Dieu que les Juifs peignent comme endurcissant les hommes, afin de les perdre; comme leur envoyant de méchants esprits, afin d'égarer leur raison; comme exterminant tout un peuple, et faisant hacher un roi en pièces pour un fait arrivé 400 ans auparavant; ce Dieu peut-il être considéré comme le même qu'adorent les chrétiens; les Européens du XIXe siècle de l'ère appelée de grace, de charité et de lumières?—(En d'autres termes:) Les anciens Hébreux ou Juifs se sont-ils fait de la Divinité les mêmes idées que s'en font les Européens actuels?

2º Peut-on regarder les opinions des anciens peuples, sur n'importe quel sujet, comme obligatoires pour les peuples modernes? Et, si dans le droit public un particulier ne peut en lier un autre ni dans ses actions ni dans ses pensées, peut-on admettre qu'une génération qui n'était pas née, ait été liée d'esprit et de sensations par le fait d'une génération passée et dont la langue même lui est une énigme?

3º Si dans aucun pays, si dans aucun code de justice, le fait le plus simple n'est admis comme vrai ou comme apparent, à moins de deux témoins, peut-on admettre des faits incroyables, sans aucun témoin autre que leur acteur et narrateur nécessairement partial?

4º Si dans aucun pays, si dans aucun code de justice, il n'est permis à un individu de se constituer, pour le moindre acte civil, le représentant d'une autre personne, sans exhiber un titre positif d'autorisation de cette personne, peut-on admettre, sans la plus stricte enquête, la prétention du premier venu qui se dit et se constitue représentant de Dieu, porteur de sa parole?

5º Peut-on espérer aucune paix parmi les hommes, aucune pratique de justice dans les sociétés, tant qu'il sera permis à des individus quelconques de s'arroger à eux-mêmes, de se conférer, de se garantir les uns aux autres la faculté de représenter Dieu, de lui donner des volontés, de lui interpréter des intentions?—Toute action de ce genre n'est-elle pas l'affectation du pouvoir absolu, le premier pas au despotisme et à la tyrannie?

6º Toute corporation fondée sur ce principe de représentation ou d'autorisation divine, n'est-elle pas une conjuration permanente contre les droits naturels de tous les hommes, contre l'égalité et la liberté des citoyens, contre l'autorité des gouvernements?

7º Si, chez les Juifs, l'établissement d'une royauté et d'un roi fut, comme le dit l'historien, une chose contraire à la volonté de Dieu, ne s'ensuit-il pas directement qu'au lieu d'être de droit divin, la royauté n'est qu'une invention de l'homme, une rébellion du peuple contre Dieu, et que le seul gouvernement saint et sacré est le gouvernement de Dieu par les prêtres, c'est-à-dire, des prêtres au nom de Dieu?

8º Si Dieu, qui par sa toute-puissance pouvait d'un souffle exterminer le petit peuple hébreu ou changer leurs cœurs par l'envoi d'un bon esprit; si Dieu a préféré de se laisser forcer la main et de condescendre à leurs volontés, n'a-t-on pas droit d'en conclure que la Divinité même compte pour quelque chose la volonté du peuple, et qu'aucun pouvoir n'a le droit de la mépriser?

9º En admettant que Samuel n'ait pas été un usurpateur par fourberie; en admettant que l'installation de Saül par lui soit devenue légale à raison de l'assentiment du peuple, ne s'ensuit-il pas que le choix clandestin de David, fait sans aucune autorisation ni notion de ce même peuple, a été un acte illégal, contraire à tout droit public, et que le règne de toute la dynastie davidique est par cela même entaché d'usurpation?

10º Si dans le système des Juifs, l'onction conférée à David par Samuel eut un caractère indélébile à titre de divin, pourquoi, après la mort de ce prêtre et celle de Saül, le fils d'Isaï, qui fut un grand prophète théologien, trouva-t-il nécessaire d'assembler les anciens (seniores et senatores) d'abord de Juda, puis de tout Israël, pour se faire oindre publiquement et solennellement par eux73?

11º Si, comme il résulte des documents historiques, le sacre des rois de France a été institué à l'imitation de celui des rois juifs, n'est-il pas de stricte obligation d'y observer scrupuleusement les rites anciens et les usages de nos pères? Alors, puisque l'onction de Saül et de David par Samuel fut faite en secret et nullement en présence du peuple, quel droit le grand-aumônier, ou tout prêtre chrétien, a-t-il de la rendre publique?

12º Si chez les Juifs le sacre par l'onction fut le transport du caractère sacerdotal sur la tête du roi, chez les Français un roi qui se fait sacrer entend-il participer à la prêtrise?

13º Si un roi de France reconnaît à un prêtre quelconque le droit de le sacrer aujourd'hui, n'est-ce pas lui reconnaître aussi le droit d'en sacrer un autre demain, à l'imitation du prophète Samuel?

14º De quel droit un individu quelconque peut-il sacrer un roi de France? Ce droit vient-il de l'évêque de Rome? Le roi de France est donc le vassal d'un prince étranger. Ce droit est-il octroyé au prêtre par le roi lui-même? Le roi se donne donc des droits. Où les puise-t-il? Est-ce dans la loi? Par qui a-t-elle été faite? Est-ce par lui? est-ce par le peuple? La loi est-elle un consentement mutuel de ces deux pouvoirs? N'est-elle que la force militaire?—Prenez-y garde; hors la Charte, tout est remis en question; tout redevient précaire et danger.

15º Si un sacre est une affaire d'état, pourquoi cette affaire est-elle de pur arbitre? Si c'est une cérémonie d'amusement, pourquoi la faire payer au peuple plus qu'une partie de chasse? Si c'est une cérémonie de piété, pourquoi en faire plus de bruit que de laver les pieds des pauvres et de toucher les écrouelles?—Quand toute la morale de l'Évangile n'est qu'humilité et simplicité, pourquoi sa pratique n'est-elle que faste et dissipation?

Un digne et curieux appendice à cette histoire du prêtre Samuel, serait celle de son pupille le berger David devenu roi. Il y a quelques années qu'un essai de ce genre fut publié à Londres sous le titre de History of man according to God's own heart, «Histoire de l'homme selon le cœur de Dieu.» L'auteur a bien saisi le caractère de cet homme, et il ne faut que savoir lire sans préjugé le livre juif pour le bien connaître par le récit de ses actions; mais cet auteur anonyme n'a pas su, comme le nôtre ici, analyser et faire ressortir les motifs qui ont dirigé David dans la plupart de ses actions; c'est là le plus piquant intérêt de la chose: l'on y verrait l'un des plus rusés, des plus subtils machiavélistes de l'antiquité: l'on y verrait que l'ancienne Asie a connu et pratique l'art raffiné de la tyrannie, long-temps avant que la perverse Italie moderne en eût rédigé les préceptes. En fait de talents militaires, en astuce politique, il y a une ressemblance frappante entre l'Hébreu David et le Carthaginois Annibal, qui tous deux parlèrent la même langue, furent élevés dans les mêmes usages nationaux, et dans les mêmes principes de morale. Parmi les modernes, la meilleure copie du roi hébreu est le premier roi chrétien des Francs, Clovis, tel que vient de le peindre un poète dans une tragédie qui est un portrait historique.

 

Un autre tableau serait celui du fils adultérin de David, ce Salomon de si célèbre sagesse. Il est à remarquer que tout ce que des voyageurs dignes de foi nous ont fait connaître depuis quelque temps de l'administration du pacha d'Égypte Mehemed-Ali, se rapporte trait pour trait à ce que l'on nous raconte de celle de Salomon. Comme ce roi, le pacha turc a concentré en lui seul le commerce intérieur et extérieur de tout son peuple; lui seul achète et vend les blés, les riz, les sucres, toutes les denrées que produit l'Égypte; lui seul reçoit de l'étranger les cafés, les draps, les marchandises de tout genre, qu'il revend à son peuple. Il a, comme Salomon, un harem de plusieurs centaines de femmes, des écuries de plusieurs milliers de chevaux; de manière que, tout bien comparé, le pacha Mehemed-Ali est un Salomon, ou Salomon fut un pacha Mehemed-Ali. Nos voyageurs ajoutent que depuis long-temps le peuple d'Égypte n'avait été plus malheureux, vexé, pressuré avec plus d'habileté et de perversité. Les historiens juifs ne nous cachent pas qu'après la mort de Salomon, le peuple se trouva si mécontent, si irrité, que, ne pouvant obtenir de son fils les soulagements demandés, il éclata en révolte et rejeta sa dynastie pour prendre des rois plus modérés. La sagesse de Salomon porte en hébreu le même nom que celle dont le Pharaon d'Égypte déclara vouloir se servir pour mieux accabler les Hébreux: Opprimons-les, dit-il, avec sagesse, Be Hekmah. Nos docteurs déraisonnent sur ce mot; le fait est que son vrai sens est habileté, emploi adroit et rusé de la puissance. Mais Salomon bâtit un magnifique temple où furent logés et richement dotés de nombreux prêtres; et ces prêtres ont été ses historiens. N'est-ce pas ainsi qu'a été écrite par des moines l'histoire des rois francs de la première et même de la seconde race?

69Le texte n'est pas clair à ce sujet, le mot hébreu shamn, signifiant toute matière grasse, onctueuse, huileuse; et le mot samn, dans l'arabe, restant affecté au beurre fondu.
70Voyez , à la fin de cette histoire.
71Qu'est-ce que croire? je le demande au plus habile métaphysicien; n'est-ce pas voir comme existant ce qu'on nous dit exister? Mais ce tableau que l'on voit ou que l'on se figure voir, peut n'exister que dans notre cerveau: par exemple, d'anciens savants ont cru que le ciel était une voûte de cristal: il est clair que ce cristal, que cette voûte n'existaient que dans leur cerveau où ils la voyaient, et non dans le firmament. Toute la question des croyances est là. Voir dans son cerveau: cela ne dérange rien dans la nature. Josué ou son historien a-t-il vu autrement le soleil s'arrêter? Répondez-moi, biblistes. (Note de l'éditeur.)
72C'est encore par ce mécanisme, que l'on voit souvent dans la vieillesse reparaître les impressions de l'enfance, qui avaient dormi pendant tout l'âge mûr. Par exemple, le physicien Brisson, élevé dans le patois poitevin, l'avait perdu de vue dans sa très-longue résidence à Paris..... Devenu vieux, il eut une attaque d'apoplexie, qui, en lui laissant d'ailleurs ses facultés physiques, effaça toutes ses idées et connaissances acquises par l'étude, même le souvenir de la langue française: mais les impressions premières du patois de l'enfance reparurent et continuèrent jusqu'à sa mort, arrivée quelques mois après. Dans l'âge mûr, notre raison tendue, repousse avec mépris les loups-garous et les esprits-revenants. Dans la vieillesse, nos nerfs retombés dans l'état de végétation purement animale, reprennent les terreurs de l'enfance: que d'exemples dans ce fameux siècle de Louis XIV, riche en arts d'imagination, pauvre en sciences exactes et physiques! (Note de l'éditeur.)
73Liv. II de Samuel ou des Rois, chap. v.