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Jacques le fataliste et son maître

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LE MAÎTRE

Et Justine entendait encore tout cela?

JACQUES

Comme vous m'entendez.

LE MAÎTRE

Et que faisais-tu?

JACQUES

Je riais.

LE MAÎTRE

Et Justine?

JACQUES

Elle avait arraché sa cornette; elle se tirait par les cheveux; elle levait les yeux au ciel, du moins je le présume; elle se tordait les bras.

LE MAÎTRE

Jacques, vous êtes un barbare; vous avez un cœur de bronze.

JACQUES

Non, monsieur, non, j'ai de la sensibilité; mais je la réserve pour une meilleure occasion. Les dissipateurs de cette richesse en ont tant prodigué lorsqu'il en fallait être économe, qu'ils ne s'en trouvent plus quand il faudrait en être prodigue… Cependant je m'habille, et je descends. Bigre le père me dit: «Tu avais besoin de cela, cela t'a bien fait; quand tu es venu, tu avais l'air d'un déterré; et te voilà vermeil et frais comme l'enfant qui vient de téter. Le sommeil est une bonne chose!.. Bigre, descends à la cave, et apporte une bouteille, afin que nous déjeunions. À présent, filleul, tu déjeuneras volontiers? – Très-volontiers…» La bouteille est arrivée et placée sur l'établi; nous sommes debout autour. Bigre le père remplit son verre et le mien, Bigre le fils, en écartant le sien, dit d'un ton farouche: «Pour moi, je ne suis pas altéré de si matin.

– Tu ne veux pas boire?

– Non.

– Ah! je sais ce que c'est; tiens, filleul, il y a de la Justine là dedans; il aura passé chez elle, ou il ne l'aura pas trouvée, ou il l'aura surprise avec un autre; cette bouderie contre la bouteille n'est pas naturelle: c'est ce que je te dis.

MOI

Mais vous pourriez bien avoir deviné juste.

BIGRE LE FILS

Jacques, trêve de plaisanteries, placées ou déplacées, je ne les aime pas.

BIGRE LE PÈRE

Puisqu'il ne veut pas boire, il ne faut pas que cela nous en empêche. À ta santé, filleul.

MOI

À la vôtre, parrain; Bigre, mon ami, bois avec nous. Tu te chagrines trop pour peu de chose.

BIGRE LE FILS

Je vous ai déjà dit que je ne buvais pas.

MOI

Eh bien! si ton père a rencontré, que diable, tu la reverras, vous vous expliquerez, et tu conviendras que tu as tort.

BIGRE LE PÈRE

Eh! laisse-le faire; n'est-il pas juste que cette créature le châtie de la peine qu'il me cause? Çà, encore un coup, et venons à ton affaire. Je conçois qu'il faut que je te mène chez ton père; mais que veux-tu que je lui dise?

MOI

Tout ce que vous voudrez, tout ce que vous lui avez entendu dire cent fois lorsqu'il vous a ramené votre fils.

BIGRE LE PÈRE

Allons…»

Il sort, je le suis, nous arrivons à la porte de la maison; je le laisse entrer seul. Curieux de la conversation de Bigre le père et du mien, je me cache dans un recoin, derrière une cloison, d'où je ne perdis pas un mot.

BIGRE LE PÈRE

«Allons, compère, il faut encore lui pardonner cette fois.

– Lui pardonner, et de quoi?

– Tu fais l'ignorant.

– Je ne le fais point, je le suis.

– Tu es fâché, et tu as raison de l'être.

– Je ne suis point fâché.

– Tu l'es, te dis-je.

– Si tu veux que je le sois, je ne demande pas mieux; mais que je sache auparavant la sottise qu'il a faite.

– D'accord, trois fois, quatre fois; mais ce n'est pas coutume. On se trouve une bande de jeunes garçons et de jeunes filles; on boit, on rit, on danse; les heures se passent vite; et cependant la porte de la maison se ferme…»

Bigre, en baissant la voix, ajouta: «Ils ne nous entendent pas; mais, de bonne foi, est-ce que nous avons été plus sages qu'eux à leur âge? Sais-tu qui sont les mauvais pères? ce sont ceux qui ont oublié les fautes de leur jeunesse. Dis-moi, est-ce que nous n'avons jamais découché?

– Et toi, Bigre, mon compère, dis-moi, est-ce que nous n'avons jamais pris d'attachement qui déplaisait à nos parents?

– Aussi je crie plus haut que je ne souffre. Fais de même.

– Mais Jacques n'a point découché, du moins cette nuit, j'en suis sûr.

– Eh bien! si ce n'est pas celle-ci, c'est une autre. Tant y a que tu n'en veux point à ton garçon?

– Non.

– Et quand je serai parti tu ne le maltraiteras pas?

– Aucunement.

– Tu m'en donnes ta parole?

– Je te la donne.

– Ta parole d'honneur?

– Ma parole d'honneur.

– Tout est dit, et je m'en retourne…»

Comme mon parrain Bigre était sur le seuil, mon père, lui frappant doucement sur l'épaule, lui disait: Bigre, mon ami, il y a ici quelque anguille sous roche; ton garçon et le mien sont deux futés matois; et je crains bien qu'ils ne nous en aient donné d'une à garder aujourd'hui; mais avec le temps cela se découvrira. Adieu, compère.

LE MAÎTRE

Et quelle fut la fin de l'aventure entre Bigre ton ami et Justine?

JACQUES

Comme elle devait être. Il se fâcha, elle se fâcha plus fort que lui; elle pleura, il s'attendrit; elle lui jura que j'étais le meilleur ami qu'il eût; je lui jurai qu'elle était la plus honnête fille du village. Il nous crut, nous demanda pardon, nous en aima et nous en estima davantage tous deux. Et voilà le commencement, le milieu et la fin de la perte de mon pucelage. À présent, monsieur, je voudrais bien que vous m'apprissiez le but moral de cette impertinente histoire.

LE MAÎTRE

À mieux connaître les femmes.

JACQUES

Et vous aviez besoin de cette leçon?

LE MAÎTRE

À mieux connaître les amis.

JACQUES

Et vous avez jamais cru qu'il y en eût un seul qui tînt rigueur à votre femme ou à votre fille, si elle s'était proposé sa défaite?

LE MAÎTRE

À mieux connaître les pères et les enfants.

JACQUES

Allez, monsieur, ils ont été de tout temps, et seront à jamais, alternativement dupes les uns des autres.

LE MAÎTRE

Ce que tu dis là sont autant de vérités éternelles, mais sur lesquelles on ne saurait trop insister. Quel que soit le récit que tu m'as promis après celui-ci, sois sûr qu'il ne sera vide d'instruction que pour un sot; et continue.

Lecteur, il me vient un scrupule, c'est d'avoir fait honneur à Jacques ou à son maître de quelques réflexions qui vous appartiennent de droit; si cela est, vous pouvez les reprendre sans qu'ils s'en formalisent. J'ai cru m'apercevoir que le mot Bigre vous déplaisait. Je voudrais bien savoir pourquoi. C'est le vrai nom de la famille de mon charron; les extraits baptistaires, extraits mortuaires, contrats de mariage en sont signés Bigre. Les descendants de Bigre qui occupent aujourd'hui la boutique, s'appellent Bigre. Quand leurs enfants, qui sont jolis, passent dans la rue, on dit: «Voilà les petits Bigres.» Quand vous prononcez le nom de Boule54, vous vous rappelez le plus grand ébéniste que vous ayez eu. On ne prononce point encore dans la contrée de Bigre, le nom de Bigre sans se rappeler le plus grand charron dont on ait mémoire. Le Bigre, dont on lit le nom à la fin de tous les livres d'offices pieux du commencement de ce siècle, fut un de ses parents. Si jamais un arrière-neveu de Bigre se signale par quelque grande action, le nom personnel de Bigre ne sera pas moins imposant pour vous que celui de César ou de Condé. C'est qu'il y a Bigre et Bigre, comme Guillaume et Guillaume. Si je dis Guillaume tout court, ce ne sera ni le conquérant de la Grande-Bretagne, ni le marchand de drap de l'Avocat Patelin; le nom de Guillaume tout court ne sera ni héroïque ni bourgeois: ainsi de Bigre. Bigre tout court n'est ni le fameux charron, ni quelqu'un de ses plats ancêtres ou de ses plats descendants. En bonne foi, un nom personnel peut-il être de bon ou de mauvais goût? Les rues sont pleines de mâtins qui s'appellent Pompée. Défaites-vous donc de votre fausse délicatesse, ou j'en userai avec vous comme milord Chatham55 avec les membres du parlement; il leur dit: «Sucre, Sucre, Sucre; qu'est-ce qu'il y a de ridicule là dedans?..» Et moi, je vous dirai: «Bigre, Bigre, Bigre; pourquoi ne s'appellerait-on pas Bigre?» C'est, comme le disait un officier à son général le grand Condé, qu'il y a un fier Bigre, comme Bigre le charron; un bon Bigre, comme vous et moi; de plats Bigres, comme une infinité d'autres.

JACQUES

C'était un jour de noces; frère Jean avait marié la fille d'un de ses voisins. J'étais garçon de fête. On m'avait placé à table entre les deux goguenards de la paroisse; j'avais l'air d'un grand nigaud, quoique je ne le fusse pas tant qu'ils le croyaient. Ils me firent quelques questions sur la nuit de la mariée; j'y répondis assez bêtement, et les voilà qui éclatent de rire, et les femmes de ces deux plaisants à crier de l'autre bout: «Qu'est-ce qu'il y a donc? vous êtes bien joyeux là-bas? – C'est que c'est par trop drôle, répondit un de nos maris à sa femme; je te conterai cela ce soir.» L'autre, qui n'était pas moins curieuse, fit la même question à son mari, qui lui fit la même réponse. Le repas continue, et les questions et mes balourdises, et les éclats de rire et la surprise des femmes. Après le repas, la danse; après la danse, le coucher des époux, le don de la jarretière, moi dans mon lit, et mes goguenards dans les leurs, racontant à leurs femmes la chose incompréhensible, incroyable, c'est qu'à vingt-deux ans, grand et vigoureux comme je l'étais, assez bien de figure, alerte et point sot, j'étais aussi neuf, mais aussi neuf qu'au sortir du ventre de ma mère, et les deux femmes de s'en émerveiller ainsi que leurs maris. Mais, dès le lendemain, Suzanne me fit signe et me dit: «Jacques, n'as-tu rien à faire?

 

– Non, voisine; qu'est-ce qu'il y a pour votre service?

– Je voudrais… je voudrais…» et en disant je voudrais, elle me serrait la main et me regardait si singulièrement; «je voudrais que tu prisses notre serpe et que tu vinsses dans la commune m'aider à couper deux ou trois bourrées, car c'est une besogne trop forte pour moi seule.

– Très-volontiers, madame Suzanne…»

Je prends la serpe, et nous allons. Chemin faisant, Suzanne se laissait tomber la tête sur mon épaule, me prenait le menton, me tirait les oreilles, me pinçait les côtés. Nous arrivons. L'endroit était en pente. Suzanne se couche à terre tout de son long à la place la plus élevée, les pieds éloignés l'un de l'autre et les bras passés par-dessus la tête. J'étais au-dessous d'elle, jouant de la serpe sur le taillis, et Suzanne repliait ses jambes, approchant ses talons de ses fesses; ses genoux élevés rendaient ses jupons fort courts, et je jouais toujours de la serpe sur le taillis, ne regardant guère où je frappais et frappant souvent à côté. Enfin, Suzanne me dit: «Jacques, est-ce que tu ne finiras pas bientôt?

– Quand vous voudrez, madame Suzanne.

– Est-ce que tu ne vois pas, dit-elle à demi-voix, que je veux que tu finisses?..» Je finis donc, je repris haleine, et je finis encore; et Suzanne…

LE MAÎTRE

T'ôtait ton pucelage que tu n'avais pas?

JACQUES

Il est vrai; mais Suzanne ne s'y méprit pas, et de sourire et de me dire: «Tu en as donné d'une bonne à garder à notre homme; et tu es un fripon.

– Que voulez-vous dire, madame Suzanne?

– Rien, rien; tu m'entends de reste. Trompe-moi encore quelquefois de même, et je te le pardonne…» Je reliai ses bourrées, je les pris sur mon dos; et nous revînmes, elle à sa maison, moi à la nôtre.

LE MAÎTRE

Sans faire une pause en chemin?

JACQUES

Non.

LE MAÎTRE

Il n'y avait donc pas loin de la commune au village?

JACQUES

Pas plus loin que du village à la commune.

LE MAÎTRE

Elle ne valait que cela?

JACQUES

Elle valait peut-être davantage pour un autre, pour un autre jour: chaque moment a son prix.

À quelque temps de là, dame Marguerite, c'était la femme de notre autre goguenard, avait du grain à faire moudre et n'avait pas le temps d'aller au moulin; elle vint demander à mon père un de ses garçons qui y allât pour elle. Comme j'étais le plus grand, elle ne doutait pas que le choix de mon père ne tombât sur moi, ce qui ne manqua pas d'arriver. Dame Marguerite sort; je la suis; je charge le sac sur son âne et je le conduis seul au moulin. Voilà son grain moulu, et nous nous en revenions, l'âne et moi, assez tristes, car je pensais que j'en serais pour ma corvée. Je me trompais. Il y avait entre le village et le moulin un petit bois à passer; ce fut là que je trouvai dame Marguerite assise au bord de la voie. Le jour commençait à tomber. «Jacques, me dit-elle, enfin te voilà! Sais-tu qu'il y a plus d'une mortelle heure que je t'attends?..»

Lecteur, vous êtes aussi trop pointilleux. D'accord, la mortelle heure est des dames de la ville; et la grande heure, de dame Marguerite.

JACQUES

C'est que l'eau était basse, que le moulin allait lentement, que le meunier était ivre et que, quelque diligence que j'aie faite, je n'ai pu revenir plus tôt.

MARGUERITE

Assieds-toi là, et jasons un peu.

JACQUES

Dame Marguerite, je le veux bien…

Me voilà assis à côté d'elle pour jaser, et cependant nous gardions le silence tous deux. Je lui dis donc: Mais, dame Marguerite, vous ne me dites mot, et nous ne jasons pas.

MARGUERITE

C'est que je rêve à ce que mon mari m'a dit de toi.

JACQUES

Ne croyez rien de ce que votre mari vous a dit; c'est un gausseur.

MARGUERITE

Il m'a assuré que tu n'as jamais été amoureux.

JACQUES

Oh! pour cela il a dit vrai.

MARGUERITE

Quoi! jamais de ta vie?

JACQUES

De ma vie.

MARGUERITE

Comment! à ton âge, tu ne saurais pas ce que c'est qu'une femme?

JACQUES

Pardonnez-moi, dame Marguerite.

MARGUERITE

Et qu'est-ce que c'est qu'une femme?

JACQUES

Une femme?

MARGUERITE

Oui, une femme.

JACQUES

Attendez… C'est un homme qui a un cotillon, une cornette et de gros tétons.

LE MAÎTRE

Ah! scélérat!

JACQUES

L'autre ne s'y était pas trompée; et je voulais que celle-ci s'y trompât. À ma réponse, dame Marguerite fit des éclats de rire qui ne finissaient point; et moi, tout ébahi, je lui demandai ce qu'elle avait tant à rire. Dame Marguerite me dit qu'elle riait de ma simplicité. «Comment! grand comme tu es, vrai, tu n'en saurais pas davantage?

– Non, dame Marguerite.»

Là-dessus dame Marguerite se tut, et moi aussi. Mais, dame Marguerite, lui dis-je encore, nous nous sommes assis pour jaser et voilà que vous ne dites mot et que nous ne jasons pas. Dame Marguerite, qu'avez-vous? vous rêvez.

MARGUERITE

Oui, je rêve… je rêve… je rêve…

En prononçant ces je rêve, sa poitrine s'élevait, sa voix s'affaiblissait, ses membres tremblaient, ses yeux s'étaient fermés, sa bouche était entr'ouverte; elle poussa un profond soupir; elle défaillit, et je fis semblant de croire qu'elle était morte, et me mis à crier du ton de l'effroi: Dame Marguerite! dame Marguerite! parlez-moi donc; dame Marguerite, est-ce que vous vous trouvez mal?

MARGUERITE

Non, mon enfant; laisse-moi un moment en repos… Je ne sais ce qui m'a pris… Cela m'est venu subitement.

LE MAÎTRE

Elle mentait.

JACQUES

Oui, elle mentait.

MARGUERITE

C'est que je rêvais.

JACQUES

Rêvez-vous comme cela la nuit à côté de votre mari?

MARGUERITE

Quelquefois.

JACQUES

Cela doit l'effrayer.

MARGUERITE

Il y est fait…

Marguerite revint peu à peu de sa défaillance, et dit: Je rêvais qu'à la noce, il y a huit jours, notre homme et celui de la Suzanne se sont moqués de toi; cela m'a fait pitié, et je me suis trouvée toute je ne sais comment.

JACQUES

Vous êtes trop bonne.

MARGUERITE

Je n'aime pas qu'on se moque. Je rêvais qu'à la première occasion ils recommenceraient de plus belle, et que cela me fâcherait encore.

JACQUES

Mais il ne tiendrait qu'à vous que cela n'arrivât plus.

MARGUERITE

Et comment?

JACQUES

En m'apprenant…

MARGUERITE

Et quoi?

JACQUES

Ce que j'ignore, et ce qui faisait tant rire votre homme et celui de la Suzanne, qui ne riraient plus.

MARGUERITE

Oh! non, non. Je sais bien que tu es un bon garçon, et que tu ne le dirais à personne; mais je n'oserais.

JACQUES

Et pourquoi?

MARGUERITE

C'est que je n'oserais.

JACQUES

Ah! dame Marguerite, apprenez-moi, je vous prie, je vous en aurai la plus grande obligation, apprenez-moi… En la suppliant ainsi, je lui serrais les mains et elle me les serrait aussi; je lui baisais les yeux, et elle me baisait la bouche. Cependant il faisait tout à fait nuit. Je lui dis donc: Je vois bien, dame Marguerite, que vous ne me voulez pas assez de bien pour m'apprendre; j'en suis tout à fait chagrin. Allons, levons-nous; retournons-nous-en… Dame Marguerite se tut; elle reprit une de mes mains, je ne sais où elle la conduisit, mais le fait est que je m'écriai: «Il n'y a rien! il n'y a rien!»

LE MAÎTRE

Scélérat! double scélérat!

JACQUES

Le fait est qu'elle était fort déshabillée, et que je l'étais beaucoup aussi. Le fait est que j'avais toujours la main où il n'y avait rien chez elle, et qu'elle avait placé sa main où cela n'était pas tout à fait de même chez moi. Le fait est que je me trouvai sous elle et par conséquent elle sur moi. Le fait est que, ne la soulageant d'aucune fatigue, il fallait bien qu'elle la prît tout entière. Le fait est qu'elle se livrait à mon instruction de si bon cœur, qu'il vint un instant où je crus qu'elle en mourrait. Le fait est qu'aussi troublé qu'elle, et ne sachant ce que je disais, je m'écriai: «Ah! dame Suzanne, que vous me faites aise!»

LE MAÎTRE

Tu veux dire dame Marguerite.

JACQUES

Non, non. Le fait est que je pris un nom pour un autre; et qu'au lieu de dire dame Marguerite, je dis dame Suzon. Le fait est que j'avouai à dame Marguerite que ce qu'elle croyait m'apprendre ce jour-là, dame Suzon me l'avait appris, un peu diversement, à la vérité, il y avait trois ou quatre jours. Le fait est qu'elle me dit: «Quoi! c'est Suzon et non pas moi?..» Le fait est que je lui répondis: «Ce n'est ni l'une ni l'autre.» Le fait est que, tout en se moquant d'elle-même, de Suzon, des deux maris, et qu'en me disant de petites injures, je me trouvai sur elle, et par conséquent elle sous moi, et qu'en m'avouant que cela lui avait fait bien du plaisir, mais pas autant que de l'autre manière, elle se retrouva sur moi, et par conséquent moi sous elle. Le fait est qu'après quelque temps de repos et de silence, je ne me trouvai ni elle dessous, ni moi dessus, ni elle dessus, ni moi dessous; car nous étions l'un et l'autre sur le côté; qu'elle avait la tête penchée en devant et les deux fesses collées contre mes deux cuisses. Le fait est que, si j'avais été moins savant, la bonne dame Marguerite m'aurait appris tout ce qu'on peut apprendre. Le fait est que nous eûmes bien de la peine à regagner le village. Le fait est que mon mal de gorge est fort augmenté, et qu'il n'y a pas d'apparence que je puisse parler de quinze jours.

LE MAÎTRE

Et tu n'as pas revu ces femmes?

JACQUES

Pardonnez-moi, plus d'une fois.

LE MAÎTRE

Toutes deux?

JACQUES

Toutes deux.

LE MAÎTRE

Elles ne se sont pas brouillées?

JACQUES

Utiles l'une à l'autre, elles s'en sont aimées davantage.

LE MAÎTRE

Les nôtres en auraient bien fait autant, mais chacune avec son chacun… Tu ris.

JACQUES

Toutes les fois que je me rappelle le petit homme criant, jurant, écumant, se débattant de la tête, des pieds, des mains, de tout le corps, et prêt à se jeter du haut du fenil en bas, au hasard de se tuer, je ne saurais m'empêcher d'en rire.

LE MAÎTRE

Et ce petit homme, qui est-il? Le mari de la dame Suzon?

JACQUES

Non.

LE MAÎTRE

Le mari de la dame Marguerite?

JACQUES

Non… Toujours le même: il en a, pour tant qu'il vivra.

LE MAÎTRE

Qui est-il donc?

Jacques ne répondit point à cette question, et le maître ajouta:

Dis-moi seulement qui était le petit homme.

 
JACQUES

Un jour un enfant, assis au pied du comptoir d'une lingère, criait de toute sa force. La marchande importunée de ses cris, lui dit: «Mon ami, pourquoi criez-vous?

– C'est qu'ils veulent me faire dire A.

– Et pourquoi ne voulez-vous pas dire A?

– C'est que je n'aurai pas si tôt dit A, qu'ils voudront me faire dire B…»

C'est que je ne vous aurai pas si tôt dit le nom du petit homme, qu'il faudra que je vous dise le reste.

LE MAÎTRE

Peut-être.

JACQUES

Cela est sûr.

LE MAÎTRE

Allons, mon ami Jacques, nomme-moi le petit homme. Tu t'en meurs d'envie, n'est-ce pas? Satisfais-toi.

JACQUES

C'était une espèce de nain, bossu, crochu, bègue, borgne, jaloux, paillard, amoureux et peut-être aimé de Suzon. C'était le vicaire du village.

Jacques ressemblait à l'enfant de la lingère comme deux gouttes d'eau, avec cette différence que, depuis son mal de gorge, on avait de la peine à lui faire dire A, mais une fois en train, il allait de lui-même jusqu'à la fin de l'alphabet.

J'étais dans la grange de Suzon, seul avec elle.

LE MAÎTRE

Et tu n'y étais pas pour rien?

JACQUES

Non. Lorsque le vicaire arrive, il prend de l'humeur, il gronde, il demande impérieusement à Suzon ce qu'elle faisait en tête-à-tête avec le plus débauché des garçons du village, dans l'endroit le plus reculé de la chaumière.

LE MAÎTRE

Tu avais déjà de la réputation, à ce que je vois.

JACQUES

Et assez bien méritée. Il était vraiment fâché; à ce propos il en ajouta d'autres encore moins obligeants. Je me fâche de mon côté. D'injure en injure nous en venons aux mains. Je saisis une fourche, je la lui passe entre les jambes, fourchon d'ici, fourchon de là, et le lance sur le fenil, ni plus ni moins, comme une botte de paille.

LE MAÎTRE

Et ce fenil était haut?

JACQUES

De dix pieds au moins, et le petit homme n'en serait pas descendu sans se rompre le cou.

LE MAÎTRE

Après?

JACQUES

Après, j'écarte le fichu de Suzon, je lui prends la gorge, je la caresse; elle se défend comme cela. Il y avait là un bât d'âne dont la commodité nous était connue; je la pousse sur ce bât.

LE MAÎTRE

Tu relèves ses jupons?

JACQUES

Je relève ses jupons.

LE MAÎTRE

Et le vicaire voyait cela?

JACQUES

Comme je vous vois.

LE MAÎTRE

Et il se taisait?

JACQUES

Non pas, s'il vous plaît. Ne se contenant plus de rage, il se mit à crier: «Au meu… meu… meurtre! au feu… feu… feu!.. au vo… au vo… au voleur!..» Et voilà le mari que nous croyions loin qui accourt.

LE MAÎTRE

J'en suis fâché: je n'aime pas les prêtres.

JACQUES

Et vous auriez été enchanté que sous les yeux de celui-ci…

LE MAÎTRE

J'en conviens.

JACQUES

Suzon avait eu le temps de se relever; je me rajuste, me sauve, et c'est Suzon qui m'a raconté ce qui suit. Le mari qui voit le vicaire perché sur le fenil, se met à rire. Le vicaire lui disait: «Ris… ris… ris bien… so… so… sot que tu es…» Le mari de lui obéir, de rire de plus belle, et de lui demander qui est-ce qui l'a niché là. – Le vicaire: «Met… met… mets-moi à te… te… terre.» – Le mari de rire encore, et de lui demander comment il faut qu'il s'y prenne. – Le vicaire: «Co… co… comme j'y… j'y… j'y… suis mon… mon… monté, a… a… avec la fou… fou… fourche… – Par sanguienne, vous avez raison; voyez ce que c'est que d'avoir étudié?..» Le mari prend la fourche, la présente au vicaire; celui-ci s'enfourche comme je l'avais enfourché; le mari lui fait faire un ou deux tours de grange au bout de l'instrument de basse-cour, accompagnant cette promenade d'une espèce de chant en faux-bourdon; et le vicaire criait: «Dé… dé… descends-moi, ma… ma… maraud, me… me dé… dé… descendras… dras-tu?..» Et le mari lui disait: «À quoi tient-il, monsieur le vicaire, que je ne vous montre ainsi dans toutes les rues du village? On n'y aurait jamais vu une aussi belle procession…» Cependant le vicaire en fut quitte pour la peur, et le mari le mit à terre. Je ne sais ce qu'il dit alors au mari, car Suzon s'était évadée; mais j'entendis: «Ma… ma… malheureux! tu… tu… fra… fra… frappes un… un… prê… prê… prêtre; je… je… t'e… t'e… t'ex… co… co… communie; tu… tu… se… seras da… da… damné…» C'était le petit homme qui parlait: et c'était le mari qui le pourchassait à coups de fourche. J'arrive avec beaucoup d'autres; d'aussi loin que le mari m'aperçut, mettant sa fourche en arrêt: «Approche, approche,» me dit-il.

LE MAÎTRE

Et Suzon?

JACQUES

Elle s'en tira.

LE MAÎTRE

Mal?

JACQUES

Non; les femmes s'en tirent toujours bien quand on ne les a pas surprises en flagrant délit… De quoi riez-vous?

LE MAÎTRE

De ce qui me fera rire, comme toi, toutes les fois que je me rappellerai le petit prêtre au bout de la fourche du mari.

JACQUES

Ce fut peu de temps après cette aventure, qui vint aux oreilles de mon père et qui en rit aussi, que je m'engageai, comme je vous ai dit…

Après quelques moments de silence ou de toux de la part de Jacques, disent les uns, ou après avoir encore ri, disent les autres, le maître s'adressant à Jacques, lui dit: «Et l'histoire de tes amours?» – Jacques hocha de la tête et ne répondit pas.

Comment un homme de sens, qui a des mœurs, qui se pique de philosophie, peut-il s'amuser à débiter des contes de cette obscénité? – Premièrement, lecteur, ce ne sont pas des contes, c'est une histoire, et je ne me sens pas plus coupable, et peut-être moins, quand j'écris les sottises de Jacques, que Suétone quand il nous transmet les débauches de Tibère. Cependant vous lisez Suétone, et vous ne lui faites aucun reproche. Pourquoi ne froncez-vous pas le sourcil à Catulle, à Martial, à Horace, à Juvénal, à Pétrone, à La Fontaine et à tant d'autres? Pourquoi ne dites-vous pas au stoïcien Sénèque: Quel besoin avons-nous de la crapule de votre esclave56 aux miroirs concaves? Pourquoi n'avez-vous de l'indulgence que pour les morts? Si vous réfléchissiez un peu à cette partialité, vous verriez qu'elle naît de quelque principe vicieux. Si vous êtes innocent, vous ne me lirez pas; si vous êtes corrompu, vous me lirez sans conséquence. Et puis, si ce que je vous dis là ne vous satisfait pas, ouvrez la préface de Jean-Baptiste Rousseau, et vous y trouverez mon apologie. Quel est celui d'entre vous qui osât blâmer Voltaire d'avoir composé la Pucelle? Aucun. Vous avez donc deux balances pour les actions des hommes? Mais, dites-vous, la Pucelle de Voltaire est un chef-d'œuvre! – Tant pis, puisqu'on ne l'en lira que davantage. – Et votre Jacques n'est qu'une insipide rapsodie de faits, les uns réels, les autres imaginés, écrits sans grâce et distribués sans ordre. – Tant mieux, mon Jacques en sera moins lu. De quelque côté que vous vous tourniez, vous avez tort. Si mon ouvrage est bon, il vous fera plaisir; s'il est mauvais, il ne fera point de mal. Point de livre plus innocent qu'un mauvais livre. Je m'amuse à écrire sous des noms empruntés les sottises que vous faites; vos sottises me font rire; mon écrit vous donne de l'humeur. Lecteur, à vous parler franchement, je trouve que le plus méchant de nous deux, ce n'est pas moi. Que je serais satisfait s'il m'était aussi facile de me garantir de vos noirceurs, qu'à vous de l'ennui ou du danger de mon ouvrage! Vilains hypocrites, laissez-moi en repos. F..tez comme des ânes débâtés; mais permettez-moi que je dise f..tre; je vous passe l'action, passez-moi le mot. Vous prononcez hardiment tuer, voler, trahir, et l'autre vous ne l'oseriez qu'entre les dents! Est-ce que moins vous exhalez de ces prétendues impuretés en paroles, plus il vous en reste dans la pensée? Et que vous a fait l'action génitale, si naturelle, si nécessaire et si juste, pour en exclure le signe de vos entretiens, et pour imaginer que votre bouche, vos yeux et vos oreilles en seraient souillés? Il est bon que les expressions les moins usitées, les moins écrites, les mieux tues soient les mieux sues et les plus généralement connues; aussi cela est; aussi le mot futuo n'est-il pas moins familier que le mot pain; nul âge ne l'ignore, nul idiome n'en est privé: il a mille synonymes dans toutes les langues, il s'imprime en chacune sans être exprimé, sans voix, sans figure, et le sexe qui le fait le plus, a usage de le taire le plus. Je vous entends encore, vous vous écriez: «Fi, le cynique! Fi, l'impudent! Fi, le sophiste!..» Courage, insultez bien un auteur estimable que vous avez sans cesse entre les mains, et dont je ne suis ici que le traducteur. La licence de son style m'est presque un garant de la pureté de ses mœurs; c'est Montaigne57. Lasciva est nobis pagina, vita proba.

Jacques et son maître passèrent le reste de la journée sans desserrer les dents. Jacques toussait, et son maître disait: «Voilà une cruelle toux!» regardait à sa montre l'heure qu'il était sans le savoir, ouvrait sa tabatière sans s'en douter, et prenait sa prise de tabac sans le sentir; ce qui me le prouve, c'est qu'il faisait ces choses trois ou quatre fois de suite et dans le même ordre. Un moment après, Jacques toussait encore, et son maître disait: «Quelle diable de toux! Aussi tu t'en es donné du vin de l'hôtesse jusqu'au nœud de la gorge. Hier au soir, avec le secrétaire, tu ne t'es pas ménagé davantage; quand tu remontas tu chancelais, tu ne savais ce que tu disais; et aujourd'hui tu as fait dix haltes, et je gage qu'il ne te reste pas une goutte de vin dans ta gourde?..» Puis il grommelait entre ses dents, regardait à sa montre, et régalait ses narines.

J'ai oublié de vous dire, lecteur, que Jacques n'allait jamais sans une gourde remplie du meilleur; elle était suspendue à l'arçon de sa selle. À chaque fois que son maître interrompait son récit par quelque question un peu longue, il détachait sa gourde, en buvait un coup à la régalade, et ne la remettait à sa place que quand son maître avait cessé de parler. J'avais encore oublié de vous dire que, dans les cas qui demandaient de la réflexion, son premier mouvement était d'interroger sa gourde. Fallait-il résoudre une question de morale, discuter un fait, préférer un chemin à un autre, entamer, suivre ou abandonner une affaire, peser les avantages ou les désavantages d'une opération de politique, d'une spéculation de commerce ou de finance, la sagesse ou la folie d'une loi, le sort d'une guerre, le choix d'une auberge, dans une auberge le choix d'un appartement, dans un appartement le choix d'un lit, son premier mot était: «Interrogeons la gourde.» Son dernier était: «C'est l'avis de la gourde et le mien.» Lorsque le destin était muet dans sa tête, il s'expliquait par sa gourde, c'était une espèce de Pythie portative, silencieuse aussitôt qu'elle était vide. À Delphes, la Pythie, ses cotillons retroussés, assise à cul nu sur le trépied, recevait son inspiration de bas en haut; Jacques, sur son cheval, la tête tournée vers le ciel, sa gourde débouchée et le goulot incliné vers sa bouche, recevait son inspiration de haut en bas. Lorsque la Pythie et Jacques prononçaient leurs oracles, ils étaient ivres tous les deux. Il prétendait que l'Esprit-Saint était descendu sur les apôtres dans une gourde; il appelait la Pentecôte la fête des gourdes. Il a laissé un petit traité de toutes sortes de divinations, traité profond dans lequel il donne la préférence à la divination de Bacbuc58 ou par la gourde. Il s'inscrit en faux, malgré toute la vénération qu'il lui portait, contre le curé de Meudon qui interrogeait la dive Bacbuc par le choc de la panse. «J'aime Rabelais, dit-il, mais j'aime mieux la vérité que Rabelais.» Il l'appelle hérétique Engastrimute59; et il prouve par cent raisons, meilleures les unes que les autres, que les vrais oracles de Bacbuc ou de la gourde ne se faisaient entendre que par le goulot. Il compte au rang des sectateurs distingués de Bacbuc, des vrais inspirés de la gourde dans ces derniers siècles, Rabelais, La Fare, Chapelle, Chaulieu, La Fontaine, Molière, Panard, Gallet, Vadé. Platon et Jean-Jacques Rousseau60, qui prônèrent le bon vin sans en boire, sont à son avis de faux frères de la gourde. La gourde eut autrefois quelques sanctuaires célèbres; la Pomme-de-pin61, le Temple62 et la Guinguette, sanctuaires dont il écrit l'histoire séparément. Il fait la peinture la plus magnifique de l'enthousiasme, de la chaleur, du feu dont les Bacbuciens ou Périgourdins étaient et furent encore saisis de nos jours, lorsque sur la fin du repas, les coudes appuyés sur la table, la dive Bacbuc ou la gourde sacrée leur apparaissait, était déposée au milieu d'eux, sifflait, jetait sa coiffe loin d'elle, et couvrait ses adorateurs de son écume prophétique. Son manuscrit est décoré de deux portraits, au bas desquels on lit: Anacréon et Rabelais, l'un parmi les anciens, l'autre parmi les modernes, souverains pontifes de la gourde.

54Boule (André-Charles), né en 1642, mort à Paris en 1732, est le sujet d'une très-intéressante notice de M. Ch. Asselineau. Paris, Rouquette, 1871, in-8º.
55Pitt (William), comte de Chatham, né en 1708, mort le 11 mai 1778, fut le père de William Pitt, ministre de George III. (Br.)
56Hostius.
57Tout ce passage est imité de Montaigne, liv. III, ch. v. (Br.)
58Bacbuc, en hébreu Bachboùch, bouteille, ainsi appelée du bruit qu'elle fait quand on la vide. (Br.) – Voir Pantagruel plutôt que la Bible.
59Le mot est écrit engastrimeste dans l'édition originale, probablement par suite d'une erreur de copiste. On dit aujourd'hui engastrimythe, de γαστὴρ, ventre, et de μῡθος, parole.
60Si nous en croyons Mercier, Rousseau, au moins dans ses dernières années, ne dédaignait pas le vin; voyez son livre: J. – J. Rousseau, considéré comme un des auteurs de la Révolution. Il s'exprime en des termes que nous voulons croire empreints de son exagération habituelle.
61Cabaret de Villon.
62Où Gallet s'était réfugié pour échapper à ses créanciers.