Tasuta

La maison d'un artiste, Tome 2

Tekst
iOSAndroidWindows Phone
Kuhu peaksime rakenduse lingi saatma?
Ärge sulgege akent, kuni olete sisestanud mobiilseadmesse saadetud koodi
Proovi uuestiLink saadetud

Autoriõiguse omaniku taotlusel ei saa seda raamatut failina alla laadida.

Sellegipoolest saate seda raamatut lugeda meie mobiilirakendusest (isegi ilma internetiühenduseta) ja LitResi veebielehel.

Märgi loetuks
Šrift:Väiksem АаSuurem Aa

COQUILLE D'ŒUF

J'arrive à la porcelaine que j'aime, à la coquille d'œuf51, à cette matière industrielle, délicate et transparente, où le décor céramique a été poussé à la perfection la plus extraordinaire et dont la blanche surface est égayée de l'éclair tendre des émaux les plus doux. C'est l'époque de la prédominance de l'émail rose52 tiré de l'or, et de son rehaut enchanteur autour de figurines de femmes d'un maniérisme voluptueux.

Petite tasse. Coquille d'œuf fond blanc, sur lequel se détachent, au milieu de petites feuilles à l'émail vert des seizième et dix-septième siècles, des fleurs rouges et bleues aux colorations intenses. Cette tasse porte un nien-hao à trois caractères.

Tasse et soucoupe. Coquille d'œuf. Première bordure de la soucoupe à petits rinceaux dorés, seconde bordure carrelée en encre de Chine, avec des réserves de fleurettes blanches peintes sur le fond de la soucoupe; au-dessus d'une branche de pivoines, deux coqs s'attaquant. Le pourtour de la tasse, au-dessous d'une bordure noire et or, est recouvert d'une mosaïque carrelée à l'encre de Chine avec des réserves pareilles à celles de la soucoupe. A l'intérieur de la tasse une bordure rose, et au fond la répétition des deux coqs.

Tasse et soucoupe. Coquille d'œuf. Sur le fond rouge d'or de la tasse, deux médaillons et deux cartouches à réserves blanches; dans les médaillons un dragon doré, dans les cartouches au milieu de fleurettes jaunes et violettes, une pivoine rose vers laquelle se dirige un crabe. Même décor en plus grand sur la soucoupe, qui a au fond une fleurette d'or répétée dans l'intérieur de la tasse.

Tasse aux plus jolis émaux translucides, dont la tendresse lumineuse est en quelque sorte augmentée par ce beau fond de pourpre de Cassius, qui a toutefois le défaut d'être un ton un peu mat, et de ne jamais arriver à l'unité de l'émail dans toutes les parties d'une pièce.

Tasse et soucoupe. Coquille d'œuf. Bordure de la soucoupe mosaïque carrelée rose avec trois petites réserves où sont des fleurettes dorées. Seconde bordure mosaïque nattée (clathrée); elle se termine par un cadre rocaille sur lequel court une branche de pivoine dorée. Dans la réserve blanche du fond est exécutée à l'encre de Chine une Chinoise tenant un jou-y, sceptre honorifique, et à laquelle une suivante tend une corbeille de fruits. Les deux femmes sont répétées séparées sur la tasse, qui est décorée, à l'intérieur de la bordure rose de la soucoupe et au fond d'une fleur dorée.

Ce décor, que j'ai retrouvé en grand sur un compotier, est d'une charmante originalité, et les figures noires font le plus joli effet au milieu de la douce et riante variété des émaux qui les entourent.

Tasse et soucoupe. Coquille d'œuf. Première bordure de la soucoupe verte à losanges. Seconde bordure carrelée rose, et contenant, en des réserves blanches, des fleurettes peintes dans des encadrements bleus. Troisième bordure nattée et se terminant par un filet d'or à festons. Dans la réserve du cartouche faisant le fond de la soucoupe, un barillet de porcelaine plein de pivoines, à côté d'une coupe où sont des cédrats digités. La tasse a une bordure carrelée verte, et, sur le pourtour natté bleu, se détachent des médaillons remplis d'une mosaïque rose, surmontée d'une astragale d'or. Au fond de la tasse qui a une bordure intérieure bleu pâle, une répétition en petit du fond de la soucoupe.

Une tasse au décor tout semblable a été gravée dans la planche VIII de l'Histoire de la porcelaine de M. Jacquemart, qui la classe dans la famille rose japonaise. En attendant que la question des porcelaines du Japon et de la Chine de même famille soit élucidée, cette tasse, je la tiens, pour une tasse chinoise.

Tasse. Coquille d'œuf. Fond blanc, dont se détache une Chinoise à la robe rose, un sceptre honorifique à la main, tandis qu'au revers une autre Chinoise porte sur l'épaule un instrument de jardinage, dans lequel est passé un panier de fleurs. Nuages concrétionnés, terrains stratifiés. Mosaïque intérieure carrelée en encre de Chine, avec quatre rosettes dorées. Au fond, une fleurette de sésame pourpre.

Tasse, où l'élancement et la sveltesse des petites femmes du Céleste Empire évoque dans l'esprit le nom que leur a donné la Hollande: lang-lysen, les longues demoiselles.

Tasse et soucoupe. Coquille d'œuf. Bordure de la soucoupe formée des stries de deux cordelettes enroulées, l'une noire, l'autre dorée. Entourage de mosaïque carrelée en encre de Chine, et finissant en un cartouche rocaille, au cadre formé d'un rinceau d'or, d'où pend, attaché par un anneau, un bouquet de pivoines, au bout duquel se balance une cordelière aux glands flottants. Sous le bouquet, trois personnages: un Chinois assis tenant à la main une tasse dorée; tout contre lui, une Chinoise à demi couchée, le coude posé sur un barillet de porcelaine; plus loin, une autre femme accroupie sur ses pieds, et ayant une main appuyée sur le goulot d'une gargoulette, reposant sur un genou. Sur la tasse dont le décor est le même, le bouquet suspendu est dans un cartouche, les personnages dans un autre. Sous la tasse une fleurette peinte en or et en encre de Chine.

Cette tasse est la plus merveilleuse tasse qui se puisse voir, et supérieure à toutes celles que j'ai rencontrées dans les collections. Le petit bouquet de pivoines, avec sa légère et charmante exécution, fait prendre en mépris toutes les porcelaines de fleurs de l'Europe, et il y a dans la minuscule petite femme à la robe rose, au profil étonné, qui tient la gargoulette, des délicatesses spirituelles, un art de touche dans l'infiniment petit, que vous pouvez chercher, sans le trouver, sur toutes les boîtes peintes par Blarenberghe.

Assiette. Coquille d'œuf. Une Chinoise à la robe de dessus vert d'eau, à la robe de dessous jaune, étendue sur un tapis aux rosaces bleues, et le coude appuyé sur une pile de livres, faisant lire un enfant accroupi devant elle. Dans un coin de l'assiette, un petit cachet rouge.

Assiette. Coquille d'œuf. Sous un arbre, une Chinoise à la robe de dessus bleue, à la robe de dessous jaune, regardant, un enfant sur l'épaule, l'eau d'un étang couvert de fleurs de nélumbo.

Deux compotiers. Coquille d'œuf. Sur le fond blanc un bouquet de pivoines mêlé à une tige de pêcher en fleur.

Compotier. Coquille d'œuf. Sur le fond blanc, une tige de chrysanthèmes nouée à un rameau de rosier jaune, où au milieu du violacé pâle des chrysanthèmes et du vert bleuâtre des feuilles, le nankin d'une rose fait un délicieux contraste. Au revers de l'assiette est gravé le numéro 176, le numéro d'une vente faite par Dresde de ses doubles. Cette assiette provient de la vente Guntzberger.

Compotier. Coquille d'œuf. Une branche de magnolia fleuri sur laquelle est perchée une mésange; en bas, une touffe de fleurs de pivoine. Au revers, trois rameaux de magnolia, de pivoine, et d'un arbuste aux pois noirs dans une gousse rouge.

Ce compotier, avec sa fine blancheur traversée par cette branche de fleurs serpentante, surmontée d'un oiseau, je le regarde comme le spécimen idéal du décor sur porcelaine. Il provient des ventes Poinsot et Barbet de Jouy (no 111) et a été racheté par moi 700 francs chez Mallinet53.

Deux bols hémisphériques aux bords découpés en festons. Coquille d'œuf. Le pourtour extérieur du bol est décoré de feuillages aquatiques, formant des encadrements aux découpures zigzagantes d'une grande aile de papillon. Dans les deux réserves blanches, sur lesquelles pendillent de roses nélumbos, se voit nageant un canard mandarin doré. Bordure intérieure du bol verte, accompagnée d'une seconde bordure plus large carrelée rose, sur laquelle sont jetées trois petites rosaces bleues, qu'on dirait des morceaux de lapis incrustés, et où sont ménagées des réserves blanches imitant dans leurs échancrures des fonds d'écrans égayés de fleurettes. Au fond, une fleur de pivoine avec un bouton qui s'entr'ouvre.

 

Ces bols aux verts les plus gais, aux verts humides de la plante d'eau, aux roses arrivés à la perfection du rose, – qui devient violet, lorsqu'il est trop cuit, et briqué, lorsqu'il ne l'est pas assez, – sont des échantillons, sur lesquels s'épèle le mieux la différence de la porcelaine de l'Orient avec celle de l'Occident. Chez nous, les porcelainiers peignent avec les procédés de l'aquarelle. C'est de la peinture étendue au pinceau. En Chine et au Japon, tout autre chose. Rien que des tons posés avec une matière colorante toujours pénétrée de fluide vitreux: en un mot, de la peinture avec des émaux et non avec des couleurs. Et tout ce que cette peinture, cependant si fondue et si harmonieuse, accorde à la fonte et à l'harmonie générale, consiste seulement dans une dégradation des épaisseurs de l'émail. C'est ainsi que, dans ces deux pièces, les nélumbos carminés, les fleurettes jaunes, les rosaces bleues du marli, arrivent presque à un relief, tandis que le feuillage, la verdure des plantes n'est enduite que d'une eau d'émail. Au fond, cette peinture, la vraie peinture de la porcelaine, est, pour ainsi dire, de la gouache translucide.

Ces deux bols, – et on sait, dans les porcelaines à prédominance de l'émail rose, que c'est surtout aux bols qu'ont travaillé avec prédilection les grands céramistes chinois, – ces deux bols que, pendant un quart d'heure, M. Barbet de Jouy retournait entre ses mains, en disant mélancoliquement: «Je n'ai pas une pièce comme cela chez moi», ces deux bols, à la si parfaite transparence opaline, ont été achetés dans ma jeunesse 60 francs, chez le chapelier Bandoni qui avait alors, rue Vivienne, une petite vitrine de curiosités, très artistement choisies.

Quelques objets précieux de matières diverses se trouvent mêlés aux porcelaines.

En première ligne, une pièce exceptionnelle, un objet chinois qui est un miracle de sculpture microscopique. C'est une grande et étroite lamelle d'ivoire (26 centimètres de hauteur sur 6 de largeur) imitant une tranche de bambou coupée entre deux nœuds, et dans le creux de laquelle descend du ciel vers la terre la chevauchée, sur des kilin, des chiens de Fô, des axis, des chevaux sacrés, des sept dieux de la religion chinoise. Cheou-lao, le dieu de la longévité, au front démesurément élevé, ferme la marche sur son cerf blanc. Il est précédé de Pi-cha-moun54, le dieu des Honneurs, caressant sa longue barbiche, de Ta-he-tien, le dieu de la Richesse. Des servants les accompagnent à pied, en leur présentant, en des attitudes révérencieuses, des fleurs et des fruits. Le farouche Tao-ssé, avec ses traits contractés, et sa gourde à ses pieds, est au milieu d'eux. Pou-taï, le dieu du Contentement, au rire éternel secouant ses trois mentons, écrase sa monture de son obésité, et, tout en tête, galope sur un chevreuil la longue et svelte déesse Kouan-in, tenant à la main sa tige de lotus. Il y a, dans ces figurines équestres d'un pouce, des mouvements de nature admirables, des expressions de visages extraordinaires, et le gaudissement béat et épanoui de Pou-taï est vraiment surprenant dans cette tête grosse comme un pois. Le fini du travail dans les détails dépasse tout ce qu'on peut imaginer, et les petites têtes par un doux polissage, par un usé obtenu avec un frottement qu'on pourrait appeler artistique, ont quelque chose du porcelaineux de certains blancs de Chine. Derrière la cavalcade qui est presque en ronde bosse, se détachent, çà et là, de petites langues de flots servant de supports aux personnages représentés, – minces et détachées comme les languettes d'un papier soulevé et recroquevillé par le vent dans la déchirure d'une tenture. Cette espèce de planchette convexe sert à soutenir l'avant-bras de l'homme qui écrit à main levée.

C'est un cornet à pinceaux, un Pitong en ivoire, de cette forme ronde un peu rentrée en dedans, que les Chinois nomment «ceinture comprimée», et où sur la défense de l'éléphant tourne une danse gravée. En une campagne de fête et de plaisir du Japon, en quelque Bon Odori, des jeunes femmes s'amusent à faire danser un aveugle, ivre de saki, qui se livre à une espèce de danse de l'ours, les deux mains posées à plat sur un bâton qui lui passe derrière le cou, et tout le monde pris d'une folie ballante, et les jeunes femmes, et les petites filles, et les petits garçons, frappent la terre du pied, en agitant des écrans, avec des envolées de robes autour des corps retournés, qui ont quelque chose des théories étrusques sur les vases rouges. Un large dessin volant; un art admirable de la dégradation des reliefs, par une simple gravure ici, par de profonds creux là; et dans toute la sculpture doucement teintée de noir, rien qu'un petit morceau d'or, de pierre verte, de pierre rouge, qui fait une tête d'épingle, un peigne, un coulant de blague à tabac. Pied en bois brut. Ce pitong est signé: Itsko-Saï Takasané.

Un autre Pitong en bambou, et d'un bambou particulier et joliment rayé, figure, sur le tronc noueux de l'arbuste, des tigettes de bambou en ivoire colorié, aux grandes feuilles lancéolées mangées par des insectes. Et sur ces feuilles sont une araignée, une grosse mouche, des fourmis, imitées à s'y tromper, dans leur relief et leurs couleurs naturelles.

Un dernier Pitong, également en bambou et tout couvert de motifs divers et de caractères gravés et sculptés, à des profondeurs diverses, avec des entailles, tantôt mousses, tantôt aigus, et teintés dans les creux, comme du ton obtenu par un fer chaud sur le bois, est un objet d'une qualité de goût comme on n'en fabrique pas en Europe. Et au milieu de jardinières, de ceps de vigne, de martins-pêcheurs, de grenouilles, se voit une espèce de cosse de pois de senteur, où sur l'enveloppe perce la molle rondeur des pois, exécutée avec la religion du d'après nature, qui n'existe qu'au Japon. Le curieux de cet objet d'art, c'est qu'il est le produit de la réunion de sept artistes, qui, chacun, a signé le petit morceau de sculpture incisé sur le bambou. C'est ainsi que le cep de raisins est signé: Liuti Keïne Kiyo Nao, et que la cosse du pois est signée: Ganzoui Shiu.

Ici se trouve encore une théière en jade, au petit goulot carré sortant d'une gueule de monstre, un vrai bijou, une théière côtelée à huit pans bombés, toute couverte de caractères finement détachés en relief. Cette théière qui a des parties pétrifiées, et d'un ton mat joliment bleuté au milieu de la transparence grise, serait, au dire du Chinois Tien Pao et de M. Frandin, non de la racine de jade, mais un jade brûlé pendant l'incendie au Palais d'Été. Elle porte en dessous un cachet.

Et comme dernier objet divers de la grande vitrine, voici un morceau de banquier.

Grand flacon de cristal de roche, sculpté en forme de balustre, au bouchon formé d'une chimère couchée, au col entouré de deux chimères se poursuivant. Un de ces beaux cristaux orientaux qui ont l'air d'enfermer en leurs clartés la chaleur d'un orage, et dans lesquels les coups de lumière mettent des reflets d'améthyste. La taille est curieuse, en ce qu'elle donne l'illusion d'un restant d'eau demeuré au fond du vase.

Le cristal de roche, ce sublimé de la matière lumineuse, c'est peut-être la dernière et suprême passion du bibeloteur qui a assouvi son goût parmi toutes les nuances et de tous les éclats des choses de l'art industriel. Et je suis heureux d'avoir joint ces jours-ci, au flacon à chimères, un sceptre de commandement en cristal de roche, formé d'un rameau de sapin fleuri, semblable à un morceau de glace sculpté et évidé à jour.

Sur les planches inférieures de la vitrine sont les bronzes, dont nous commencerons le catalogue par les bronzes chinois.

Petit vase à quatre pans. Bronze incrusté d'or. Le couvercle à jour est surmonté d'un dé, où est figurée la conjonction de l'Ing, le principe mâle, et du Yang, le principe femelle.

Cette rencontre du principe mâle et femelle, qui ornemente si souvent les objets anciens, sous la forme d'une espèce de tétard dans un cercle, est ainsi racontée dans une légende naïve de l'Extrême-Orient:

«Le génie mâle marcha du côté gauche, et le génie femelle suivit le côté droit. Ils se rencontrèrent à la colonne de l'Empire, et, s'étant reconnus, l'esprit femelle chanta ces mots: «Je suis ravie de rencontrer un si beau jeune homme.» Le génie mâle répondit d'un ton fâché: «Je suis un homme; ainsi il est juste que je parle le premier: comment toi, qui es une femme, oses-tu commencer?» Ils se séparèrent et continuèrent leur chemin. Se rencontrant de nouveau au point d'où ils étaient partis, le génie mâle chanta le premier ces paroles: «Je suis fort heureux de trouver une jeune et jolie femme.» Et il lui demanda: «As-tu à ton corps quelque chose de propre à la procréation?» Elle répondit: «Il y a dans mon corps un endroit d'origine féminine.» Alors le génie mâle répliqua: «Et mon corps a également un endroit d'origine masculine, et je désire joindre cet endroit à celui de ton corps.» Ce fut l'origine de l'accouplement des mâles et des femelles.

Petite bouteille en forme de burette sans anse. Bronze niellé d'argent décoré d'éventails, de sabres, de rouleaux d'écriture. Ce vase à la forme sous laquelle les Chinois voient la poche à fiel, qui est pour eux le réceptacle de l'audace et de la témérité, a derrière une longue inscription incrustée en argent, que m'a bien voulu traduire M. Frandin, interprète de la légation chinoise:

Ton pinceau a le charme d'une fleur et ton audace est sans bornes. Si tu trempes ton pinceau dans ce vase, c'est comme si tu faisais prendre l'élégance d'une fleur à ta témérité.

Es-tu écrivain de talent? Nous serons amis comme deux fleurs exhalant le même parfum délicieux.

Grand brûle-parfums en forme d'écuelle. Bronze de diverses patines. Pieds, anses, bouton de couvercle, formés de bambous contournés; pourtour, de feuilles de bambous demi-reliefs; couvercle, de ces feuilles découpées. Modèle du plus grand goût. Il porte le nien-hao de l'empereur Siouan-te, de la dynastie des Ming (1426-1436).

Petite vasque à la panse turgide et côtelée. Bronze jaune niellé d'argent. Au-dessous d'une grecque, un enroulement de pivoines. Porte le nien-hao de Siouan-te.

Petit pot à la panse renflée. Bronze fauve martelé d'or. C'est ce tour de main, inconnu de l'Europe, qui éclabousse la surface d'un bronze de petites scories d'or amalgamées dans la fonte. Porte le nien-hao de Siouan-te.

Petite jardinière rectangulaire de forme basse à anses détachées et surplombant. Bronze jaune martelé d'or. Porte le nien-hao de Siouan-te.

Buire au col élancé avec des mufles de lion figurant des anses. Belle patine briquetée.

Petit vase de forme ovoïde, surmonté d'un anse mobile, et ressemblant à un étrusque. Bronze à l'épaisse patine verte formant croûte. Je vois, dans ce bronze, un vase pour le baptême boudhique, pour la rosée douce qui remet les péchés.

Petite jardinière à quatre pans carrés au rebord droit débordant. Le rebord décoré en dessous d'une grecque et de nuages. Les quatre pans couverts de vermicellures, au milieu desquelles sont pratiqués quatre médaillons ronds, où se détachent une tortue, un éléphant, un oiseau dragon, deux colombes qui se becquètent. Sous le pied orné, un cachet.

Petit vase à six pans. Au col, une large zone formée de petits hexagones sur lesquels s'enlèvent des anses en queue d'oiseau. Sur les six pans, une tortue chevelue. Ce vase porte le nien-hao de Siouan-te, mais je le crois d'une fabrication beaucoup plus récente, d'une fabrication même japonaise dont les bronziers ne se gênent pas pour mettre les anciennes marques chinoises sur leurs produits.

Théière de forme cylindrique à anse et à goulot d'aiguière persane. Bronze Tonkin. Sur les pans bombés, où courent des dessins découvrant le cuivre dans le noir émail, sont encastrés quatre longs cartouches de bronze doré représentant, en un fin et délicat travail, des tiges d'arbustes fleuris. Le couvercle doré, comme le goulot, comme l'anse, est surmonté d'un tortil de fleurs. Pièce d'une charmante richesse.

Les bronzes japonais comparés aux vieux bronzes chinois sont d'une matière moins sérieuse, moins profondément belle, moins savamment amalgamée. Un bronze japonais, vous arrive-t-il de le casser? vous vous trouvez très souvent en présence d'un alliage d'étain et de plomb, qui n'est pas véritablement du bronze. C'est un amalgame fait beaucoup à la diable, et un peu d'instinct, et tel que l'a vu faire M. Bousquet au vieil Obata dans son atelier. Mais, à ce bronze défectueux, non compact, non dense, les Japonais mettent de si séduisantes enveloppes et l'habillent de patines si charmantes, patines imitant les rayures du marbre, patines imitant le satinage des bois, patines de toutes sortes, et jeunes patines simulant les plus vieilles patines. On a vu, à l'Exposition universelle, ce tableau d'échantillons, où il y avait une centaine de patines différentes et toutes dissemblables. Et n'ai-je pas chez moi un petit vase représentant un tronc d'arbuste, montrant toutes les colorations ligneuses et jusqu'au liégeux du vieux bois dans les creux de branches mortes coupées. Puis les Japonais ont une plus grande et une plus riche imagination des formes: ils vous enchantent, dans l'architecture et la conjonction des lignes d'un vase, par un imprévu, un renouveau, une fantaisie que n'ont pas les Chinois. Enfin peut-être même la prédominance du plomb et de l'étain dans le bronze japonais donne à ce bronze une souplesse, un flou, un gras, en fait un métal dont la dureté n'a rien à l'œil du cassant européen, et semble l'onctueuse solidification de la cire, qui tout à l'heure emplissait le moule. Qui ne s'est arrêté devant les bronzes à cire perdue55 de To-oun, l'artiste unique, le créateur, pour ainsi dire, du bronze mou? To-oun, le grand animalier! qui nous a donné, avec la légion innombrable de ses confrères, toute cette animalité vivante en bronze, et ces monstres fabuleux, et ces carpes dressées sur leurs puissantes queues, et ces échassiers, sans socles, posés sur la découpure d'une feuille qui se creuse et se redresse sous le ressort de leurs pattes nerveuses.

 

Vase a eau. Forme de potiche. Ce bronze japonais a pour toute décoration une inscription chinoise en grands caractères de bronze doré. Cette inscription, M. Frandin n'a pu la déchiffrer qu'incomplètement; elle ferait allusion au déluge, ou du moins à un déluge japonais.

Petite bouteille, de forme aplatie, aux anses formées par des mufles. Bronze à cire perdue. Il est décoré d'un revêtement de petites coquilles, sur lequel se détachent les poissons à la queue dressée, que l'on voit aux angles des toits des habitations japonaises. Pièce envoyée dans le temps à M. Decelle, comme un morceau rare.

Petit écran. Bronze à cire perdue. De dessus la déchiqueture découpée des nuages, s'enlève dans le ciel, sur le dos d'une grue, un sennin lisant un rouleau d'écriture. Pieds formés de deux chiens de Corée accroupis, du dos desquels s'élève une tige fleurie. Bronze d'une belle vieille fonte.

Cornet au rebord évasé en forme d'une fleur de datura. L'enroulement de la tige est resserré au milieu par un anneau formé du contournement d'un petit dragon très finement ciselé. Bronze jaune.

Petit vase. Dans quatre compartiments lancéolés est répétée une apparition boudhique, au-dessus d'un chien de Fô; sur la panse se retrouve également, quatre fois, un prêtre de Boudha en prière; et sur le pied le même rameau se détache encore, quatre fois, d'un fond de petits ronds au striage de coquilles.

Petit cornet au col et aux pieds resserrés. Une grecque dessine le cadre de deux compartiments remplis par des dragons. Les deux anses sont formées par deux petites tortues appliquées au col.

Petit cornet carré et coupé au milieu par une panse hémisphérique, où deux dragons nagent au milieu des flots. Décor de la partie plate, grecque et grands trèfles de forme ogivale. Bronze, que la beauté et la lourdeur du métal pourraient faire croire d'origine chinoise56.

Vase de forme trapue, et sur la panse duquel sont pratiqués trois cartouches, où s'apprête le combat en ronde bosse de deux panthères, de deux chiens de Corée, de deux kirin. Pieds formés de trompes d'éléphants sortant de la gueule de monstres.

Vase en forme de losange coupé par des bandes horizontales ornementées d'arabesques à reliefs différents. Patine superbe.

Petit vase au rebord évasé, aux anses formées d'un feuillage de coloquinte et de sa gourde. D'un côté, un dragon descendant du ciel, de l'autre un flûteur charmant le dragon.

Petite bouteille au col décoré de flots sur lesquels deux carpes se détachent en anses. Au bas de la panse, la volute d'une vague, où flottent quatre ou cinq coquilles.

Bouteille à six pans avec collerette ornementée dont la saillie des deux côtés forme les anses. Original modèle.

Bouteille décorée de zones de flots et d'arabesques, aux anses formées par deux crevettes grimpant contre le col.

Bouteille au long col. Bronze fauve tout uni, sur lequel est posée une mouche, avec ce mouvement de compression des ailes d'une abeille dans une fleur.

Petite bouteille, brodée d'arabesques. Patine verte imitant le vert d'une matière vitreuse.

Grand tube. Bronze frotté d'or. Tortues dorées nageant dans un cours d'eau, sur une patine semblable au bois d'acajou.

Grand tube. Trois grues faisant leur toilette, gravées en creux, avec des parties dorées et argentées sur une patine pareille à celle du tube précédent.

Petit cornet en forme de bambou. Bronze où sont encastrées, sur toute la ronde surface, de petites sculptures en bronze argenté et doré, provenant de manches d'anciens sabres.

Petit vase-applique en forme d'un fruit oblong, recouvert de feuilles de vigne, au milieu desquelles repose une grosse cigale. Ce vase-applique porte un cachet derrière.

Vase a jour, formé de l'entrelacs de tiges de bambous sur lesquels courent quelques fleurettes. Fonte d'une difficulté extrême.

Panier de jonc tressé à la panse cabossée par un renfoncement. Encore une merveille de fonte, et où l'imitation de la nature va jusqu'à la représentation d'un accident, qui lui donne, aux yeux de l'artiste, un caractère pittoresque.

Petite lampe a suspension. Elle est fabriquée de compartiments, s'accrochant l'un dans l'autre, et figurant d'étroits cadres de bambous, où sont découpés à jour des rameaux d'arbustes fleuris, des tiges de roseaux, des souches de champignons. Le fumivore et le godet, décorés d'une grecque.

Godet. Bronze jaune incrusté. Sur le pourtour, un paysage aux arbres finement incisés, et parmi lesquels est un pêcher aux fleurs d'argent.

Pose-pinceau. Bronze composé de trois longues feuilles de bambou, au milieu desquelles est pratiqué un petit trou dans le pédoncule de la branchette.

Brasero-chaufferette. Forme ovale et festonnée. Sur le bronze imitant la laque aventurine, court, tout autour d'un couvercle treillissé et doré, le sillon argenté d'un flot recourbé battant des troncs d'arbustes, avec des parties brunies dans l'argent au pointillé. Rien ne ressemble plus à une vieille pièce d'argenterie de notre rocaille, que ce bronze à l'argenture rondissante et contournée.

Théière de forme ronde, à l'anse et au goulot formés d'un cep de vigne, dont les raisins et les feuilles s'épandent sur sa rondeur. Bronze à cire perdue d'une charmante imagination.

Petit brûle-parfums en forme de cocotte57. Bronze où les yeux de l'oiseau rudimentaire sont argentés, et dont le découpage de la partie inférieure est décorée d'une bordure, représentant un quadrupède fantastique galopant à travers des rinceaux de fleurs de la plus délicate ciselure, et qui n'est pas sans analogie avec l'ornementation des poires à poudre européennes du seizième siècle.

Petite coupe en forme d'huître épineuse, et dont le creux est enguirlandé de fleurs de pivoine détachées en plein relief. Bronze à cire perdue de la plus douce fonte.

Petite jardinière rectangulaire. Bronze à cire perdue. Bordure formée d'ornements étoilés appelés singh et qu'on compte comme des grains de chapelet. Au milieu des flots figurés sur les quatre pans de la jardinière, apparaît, disparaît, le relief tordu d'un corps de dragon, à la queue et aux ailerons membraneux, dorés d'or mat. Un des bronzes les plus gras que j'aie jamais vus: une vraie cire. Ce bronze porte l'inscription suivante: D'après la commande de Sho Gakou Saï, amateur de bronzes, a été fait à l'époque de Tempo (il y a environ 50 ans) par Tanko Saï-Jo Kakou.

Chien de Corée. La gueule ouverte, et élancé et aplati sur ses pattes de devant, la queue flamboyante, il s'arc-boute d'une patte de derrière sur une sphère évidée. Porte une marque sur la cuisse gauche. Vieux bronze.

Fong-hoang. L'oiseau de paradis chimérique, l'oiseau de la prospérité et du bonheur, est représenté avec sa tête de hocco, sa queue de paon, ses hautes pattes d'échassier.

Éléphant. Bronze jaune. Agenouillé à terre, l'éléphant de convention, aux formes aplaties et déprimées, et qui forme un brasero, a le dos recouvert d'un caparaçon-couvercle, où figure, découpé à jour, l'enroulement d'un dragon.

Oie. Bronze avec des parties frottées d'or. Beau travail aux formes un peu archaïques. Ce brûle-parfums porte en dessous un cachet dont les caractères sont persans.

Canard mandarin. Il est représenté cacardant avec l'avancement tortillard de son cou. Une imitation de la nature qui a le charme d'un croquis en bronze.

Caille. Une caille, posée sur une tige de millet, dont les enroulements herbacés et les graines font un encadrement, en forme d'écran, à l'oiseau brûle-parfums.

Cigogne. La tête enfoncée dans son jabot, elle médite perchée sur ses longues pattes. Spirituelle étude d'échassier.

Tortue. Petit bronze d'une exécution extraordinaire dans le travail de la carapace, le chagriné du cou et des pattes, le retournement du col tors de l'animal, sa marche clopinante. Cette pièce porte en dessous le cachet de Seï Mïn, le fameux modeleur de tortues, à la représentation desquelles s'était vouée sa famille depuis deux générations. Une merveille et le spécimen d'un art d'observation qui n'appartient qu'au Japon.

Crabe. Bronze moderne d'une imitation de la nature qui ferait croire à un moulage.

Ici une grosse question. Les Japonais moulent-ils les objets de la nature qu'ils représentent? Un Japonais devant lequel on hasardait cette question, s'écriait: «Mais nous n'avons pas de plâtre au Japon!» Puis, lorsqu'on lui eut fait observer qu'à la rigueur on pouvait mouler avec une autre matière, il reprenait, avec un certain emportement, que dans son pays un artiste qui serait convaincu de cette supercherie, serait déshonoré, ne pourrait plus vendre ce qu'il ferait dorénavant. Et voici un témoignage en faveur de l'affirmation de notre Japonais: Je faisais voir à Georges Pouchet ce crabe moderne, ce crabe qui, de tous les bronzes d'animaux de ma collection, prête le plus au soupçon du moulage, et Pouchet, qui le croyait d'abord moulé, fut frappé, à la naissance intérieure des pattes du crustacé, de l'absence des appareils de la génération très divisés et très essaimés chez ces animaux. Il en conclut que le crabe n'était pas moulé. Les Japonais ne moulent pas, mais ils copient comme s'ils moulaient.

51Cette porcelaine, sauf quelques exceptions, date de Yung-Tching (1723-1736), J'ai relevé le nien-hao de cet empereur sur quelques compotiers de la collection particulière de M. Mallinet.
52Je n'aime pas les désignations de famille verte et de famille rose, inventées par M. Jaquemart, que je considère cependant comme le fondateur de la science de la porcelaine de l'Extrême-Orient. Ces désignations, je les trouve trop générales, trop synthétiques et désignant des produits trop différents de qualité. C'est ainsi que, pour la famille rose, l'historiographe de la porcelaine réunit, sous une même qualification, et les roses sur coquille d'œuf et les roses les plus commerciaux, les plus ordinaires. C'est une classification à refaire.
53L'art nouveau du Japon n'est peut-être pas si fort redevable à O-Kou-sai de son affranchissement et de son retour à la nature. Les peintures chinoises sur coquille d'œuf au dix-huitième siècle montrent des oiseaux peints avec l'art et le naturel des oiseaux qu'on retrouve sur les japonaiseries. Et le jour où sera faite une étude très étendue des époques et des phases de l'art chinois, on sera peut-être étonné de tout ce qu'on retrouvera dans l'art moderne du Japon, appartenant à la Chine.
54On voit que l'Olympe chinois ressemble beaucoup à l'Olympe japonais.
55C'est le procédé habituel au fondeur de là-bas, qui perd son moule à la fonte, en sorte que presque tous les bronzes japonais sont des exemplaires uniques.
56On sait toute la difficulté qu'il y a à discerner des bronzes pour ainsi dire de la même famille, et dont l'ornementation est toute semblable.
57J'ai relevé ce modèle sur un album à l'usage des tisseurs d'étoffes.