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La race future

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Zee laissa tomber ma main, se redressa, et se détourna pour cacher son émotion; puis elle glissa sans bruit vers la porte et se retourna sur le seuil. Tout à coup et comme saisie d'une nouvelle pensée, elle revint vers moi et me dit tout bas:—

–Tu m'as dit que tu me parlerais avec une entière franchise. Réponds donc avec une entière franchise à cette question: Si tu ne peux m'aimer, en aimes-tu une autre?

–Certainement non.

–Tu n'aimes pas la sœur de Taë?

–Je ne l'avais jamais vue avant hier au soir.

–Ce n'est pas une réponse. L'amour est plus prompt que le vril. Tu hésites. Ne crois pas que la jalousie seule me pousse à t'avertir. Si la fille du Tur te déclare son amour.... si dans son ignorance elle confie à son père une préférence qui puisse lui faire supposer qu'elle te courtisera, il n'aura pas d'autre choix que de demander ta destruction immédiate, puisqu'il est chargé de veiller au bien de la communauté, qui ne peut permettre à une fille des Vril-ya de s'unir à un fils des Tish-a, par un mariage qui ne se borne pas à l'union des âmes. Hélas! il n'y aurait plus alors d'espoir pour toi. Elle n'a pas des ailes assez fortes pour t'emporter dans les airs; elle n'est pas assez savante pour te créer une demeure dans les déserts. Crois-moi, mon amitié seule parle et non ma jalousie.

Sur ces mots, Zee me quitta. En me rappelant ses paroles je perdis toute idée de succéder au trône des Vril-ya, j'oubliai toutes les réformes politiques, sociales et morales que je voulais introduire comme Monarque Absolu.

XXVI

Après ma conversation avec Zee, je tombai dans une profonde mélancolie. La curiosité avec laquelle j'avais étudié jusque-là la vie et les habitudes de ce peuple merveilleux cessa tout à coup. Je ne pouvais chasser de mon esprit l'idée que j'étais au milieu d'une race qui, tout aimable et toute polie qu'elle fût, pouvait me détruire d'un instant à l'autre sans scrupule et sans remords. La vie pacifique et vertueuse d'un peuple qui m'avait d'abord paru auguste, par son contraste avec les passions, les luttes et les vices du monde supérieur, commençait à m'oppresser, à me paraître ennuyeuse et monotone. La sereine tranquillité de l'atmosphère même me fatiguait. J'avais envie de voir un changement, fût-ce l'hiver, un orage, ou l'obscurité. Je commençais à sentir que quels que soient nos rêves de perfectibilité, nos aspirations impatientes vers une sphère meilleure, plus haute, plus calme, nous, mortels du monde supérieur, nous ne sommes pas faits pour jouir longtemps de ce bonheur même que nous rêvons et auquel nous aspirons.

Dans cette société des Vril-ya, c'était chose merveilleuse de voir comment ils avaient réussi à unir et à mettre en harmonie, dans un seul système, presque tous les objets que les divers philosophes du monde supérieur ont placés devant les espérances humaines, comme l'idéal d'un avenir chimérique. C'était un état dans lequel la guerre, avec toutes ses calamités, était impossible, un état dans lequel la liberté de tous et de chacun était assurée au suprême degré, sans une seule de ces animosités qui, dans notre monde, font dépendre la liberté des luttes continuelles des partis hostiles. Ici, la corruption qui avilit nos démocraties était aussi inconnue que les mécontentements qui minent les trônes de nos monarchies. L'égalité n'était pas un nom, mais une réalité. Les riches n'étaient pas persécutés, parce qu'ils n'étaient pas enviés. Ici, ces problèmes sur les labeurs de la classe ouvrière, encore insolubles dans notre monde et qui créent tant d'amertume entre les différentes classes, étaient résolus par le procédé le plus simple: ils n'avaient pas de classe ouvrière distincte et séparée. Les inventions mécaniques, construites sur des principes qui déjouaient toutes nos recherches, mues par un moteur infiniment plus puissant et plus gouvernable que tout ce que nous avons pu obtenir de la vapeur ou de l'électricité, aidées par des enfants dont les forces n'étaient jamais excédées, mais qui aimaient leur travail comme un jeu et une distraction, suffisaient à créer une richesse publique si bien employée au bien commun que jamais un murmure ne se faisait entendre. Les vices qui corrompent nos grandes villes n'avaient ici aucune prise. Les amusements abondaient, mais ils étaient tous innocents. Aucune fête ne poussait à l'ivresse, aux querelles, aux maladies. L'amour existait avec toutes ses ardeurs, mais il était fidèle dès qu'il était satisfait. L'adultère, le libertinage, la débauche étaient des phénomènes si inconnus dans cet État, que pour trouver même les noms qui les désignaient on eût été obligé de remonter à une littérature hors d'usage, écrite il y a plusieurs milliers d'années. Ceux qui ont étudié sur notre terre les théories philosophiques savent que tous ces écarts étranges de la vie civilisée ne font que donner un corps à des idées qui ont été étudiées, mises aux voix, ridiculisées, contestées, essayées quelquefois d'une façon partielle, et consignées dans des œuvres d'imagination, mais qui ne sont jamais arrivées à un résultat pratique. Le peuple que je décris ici avait fait bien d'autres progrès vers la perfection idéale. Descartes a cru sérieusement que la vie de l'homme sur cette terre pouvait être prolongée, non jusqu'à atteindre ici-bas une durée éternelle, mais jusqu'à ce qu'il appelle l'âge des patriarches, qu'il fixait modestement entre cent et cent cinquante ans. Eh bien! ce rêve des sages s'accomplissait ici, était même dépassé; car la vigueur de l'âge mûr se prolongeait même au delà de la centième année. Cette longévité était accompagnée d'un bienfait plus grand que la longévité même, celui d'une bonne santé inaltérable. Les maladies qui frappent notre race étaient facilement guéries par le savant emploi de cette force naturelle, capable de donner la vie et de l'ôter, qui est inhérente au vril. Cette idée n'est pas inconnue sur la terre, bien qu'elle n'ait guère été professée que par des enthousiastes ou des charlatans et qu'elle ne repose que sur les notions confuses du mesmérisme, de la force odique, etc. Laissant de côté l'invention presque insignifiante des ailes, qu'on a essayées sans jamais réussir depuis l'époque mythologique, je passe à cette question délicate posée depuis peu comme essentielle au bonheur de l'humanité, par les deux influences les plus turbulentes et les plus puissantes de ce monde, la Femme et la Philosophie. Je veux dire, les Droits de la Femme.

Les jurisconsultes s'accordent à prétendre qu'il est inutile de discuter des droits là où il n'existe pas une force suffisante pour les faire valoir; et sur terre, pour une raison ou pour l'autre, l'homme, par sa force physique, par l'emploi des armes offensives ou défensives, peut généralement, quand les choses en viennent à une lutte personnelle, maîtriser la femme. Mais parmi ce peuple il ne peut exister aucun doute sur les droits de la femme, parce que, comme je l'ai déjà dit, la Gy est plus grande et plus forte que l'An; sa volonté est plus résolue, et la volonté étant indispensable pour la direction du vril, elle peut employer sur l'An, plus fortement que l'An sur elle, les mystérieuses forces que l'art emprunte aux facultés occultes de la nature. Ainsi tous les droits que nos philosophes féminins sur la terre cherchent à obtenir sont accordés comme une chose toute naturelle dans cet heureux pays. Outre cette force physique, les Gy-ei ont, du moins dans leur jeunesse, un vif désir d'acquérir les talents et la science et, en cela, elles sont supérieures aux Ana; c'est donc à elles qu'appartiennent les étudiants, les professeurs, en un mot la portion instruite de la population.

Naturellement, comme je l'ai fait voir, les femmes établissent dans ce pays leur droit de choisir et de courtiser leur époux. Sans ce privilège, elles mépriseraient tous les autres. Sur terre nous craindrions, non sans raison, qu'une femme, après nous avoir ainsi poursuivi et épousé, ne se montrât impérieuse et tyrannique. Il n'en est pas de même des Gy-ei: une fois mariées elles suspendent leurs ailes, et aucun poète ne pourrait arriver à dépeindre une compagne plus aimable, plus complaisante, plus docile, plus sympathique, plus oublieuse de sa supériorité, plus attachée à étudier les goûts et les caprices relativement frivoles de son mari. Enfin parmi les traits caractéristiques qui distinguent le plus les Vril-ya de notre humanité, celui qui contribue le plus à la paix de leur vie et au bien-être de la communauté, c'est la croyance universelle à une Divinité bienfaisante et miséricordieuse, et à l'existence d'une vie future auprès de laquelle un siècle ou deux sont des moments trop courts pour qu'on les perde à des pensées de gloire, de puissance, ou d'avarice; une autre croyance ajoute à leur bonheur: persuadés qu'ils ne peuvent connaître de la Divinité que Sa bonté suprême, du monde futur que son heureuse existence, leur raison leur interdit toute discussion irritante sur des questions insolubles. Ils assurent ainsi à cet État situé dans les entrailles de la terre, ce qu'aucun État ne possède à la clarté des astres, toutes les bénédictions et les consolations d'une religion, sans aucun des maux, sans aucune des calamités qu'engendrent les guerres de religion.

Il est donc incontestable que l'existence des Vril-ya est, dans son ensemble, infiniment plus heureuse que celle des races terrestres, et que, réalisant les rêves de nos philanthropes les plus hardis, elle répond presque à l'idée qu'un poète pourrait se faire de la vie des anges. Et cependant si on prenait un millier d'êtres humains, les meilleurs et les plus philosophes qu'on puisse trouver à Londres, à Paris, à Berlin, à New-York, et même à Boston, et qu'on les plaçât au milieu de cette heureuse population, je suis persuadé qu'en moins d'une année ils y mourraient d'ennui, ou essayeraient une révolution par laquelle ils troubleraient la paix de la communauté et se feraient réduire en cendres à la requête du Tur.

 

Assurément je ne veux pas glisser dans ce récit quelque sotte satire contre la race à laquelle j'appartiens. J'ai au contraire tâché de faire comprendre que les principes qui régissent le système social des Vril-ya l'empêchent de produire ces exemples de grandeur humaine qui remplissent les annales du monde supérieur. Dans un pays où on ne fait pas la guerre, il ne peut y avoir d'Annibal, de Washington, de Jackson, de Sheridan. Dans un État où tout le monde est si heureux qu'on ne craint aucun danger et qu'on ne désire aucun changement, on ne peut voir ni Démosthène, ni Webster, ni Sumner, ni Wendel Holmes, ni Butler. Dans une société où l'on arrive à un degré de moralité qui exclut les crimes et les douleurs, d'où la tragédie tire les éléments de la crainte et de la pitié, où il n'y a ni vices, ni folies, auxquels la comédie puisse prodiguer les traits de sa satire comique, un tel pays perd toute chance de produire un Shakespeare, un Molière, une Mrs. Beecher Stowe. Mais si je ne veux pas critiquer mes semblables en montrant combien les motifs, qui stimulent l'activité et l'ambition des individus dans une société de luttes et de discussions, disparaissent ou s'annulent dans une société qui tend à assurer à ses citoyens une félicité calme et innocente qu'elle présume être l'état des puissances immortelles; je n'ai pas non plus l'intention de représenter la république des Vril-ya comme la forme idéale de la société politique, vers laquelle doivent tendre tous nos efforts. Au contraire, c'est parce que nous avons si bien combiné, à travers les siècles, les éléments qui composent un être humain, qu'il nous serait tout à fait impossible d'adopter la manière de vivre des Vril-ya, ou de régler nos passions d'après leur façon de penser; c'est pour cela que je suis arrivé à cette conviction: Ce peuple, qui non seulement a appartenu à notre race, mais qui, d'après les racines de sa langue, me paraît descendre de quelqu'un des ancêtres de la grande famille Aryenne, source commune de toutes les civilisations de notre monde; ce peuple qui, d'après ses traditions historiques et mythologiques, a passé par des transformations qui nous sont familières, forme maintenant une espèce distincte avec laquelle il serait impossible à toute race du monde supérieur de se mêler. Je crois de plus que, s'ils sortaient jamais des entrailles de la terre, suivant l'idée traditionnelle qu'ils se font de leur destinée future, ils détruiraient pour la remplacer la race actuelle des hommes.

Mais, dira-t-on, puisque plus d'une Gy avait pu concevoir un caprice pour un représentant aussi médiocre que moi de la race humaine, dans le cas où les Vril-ya apparaîtraient sur la terre, nous pourrions être sauvés de la destruction par le mélange des races. Tel espoir serait téméraire. De semblables mésalliances seraient aussi rares que les mariages entre les émigrants Anglo-Saxons et les Indiens Peaux-Rouges. D'ailleurs, nous n'aurions pas le temps de nouer des relations familières. Les Vril-ya, en sortant de dessous terre, charmés par l'aspect d'une terre éclairée par le soleil, commenceraient par la destruction, s'empareraient des territoires déjà cultivés, et détruiraient sans scrupules tous les habitants qui essayeraient de résister à leur invasion. Quand je considère leur mépris pour les institutions du Koom-Posh, ou gouvernement populaire, et la valeur de mes bien-aimés compatriotes, je crois que si les Vril-ya apparaissaient d'abord en Amérique, et ils n'y manqueraient pas, puisque c'est la plus belle partie du monde habitable, et disaient: «Nous nous emparons de cette portion du globe; citoyens du Koom-Posh, allez-vous-en et faites place pour le développement de la race des Vril-ya,» mes braves compatriotes se battraient, et au bout d'une semaine il ne resterait plus un seul homme qui pût se rallier au drapeau étoilé et rayé des États-Unis.

Je voyais fort peu Zee, excepté aux repas, quand la famille se réunissait, et elle était alors silencieuse et réservée. Mes craintes au sujet d'une affection que j'avais si peu cherchée et que je méritais si peu se calmaient, mais mon abattement augmentait de jour en jour. Je mourais d'envie de revenir au monde supérieur; mais je me mettais en vain l'esprit à la torture pour trouver un moyen. On ne me permettait jamais de sortir seul, de sorte que je ne pouvais même visiter l'endroit par lequel j'étais descendu, pour voir s'il ne me serait pas possible de remonter dans la mine. Je ne pouvais pas même descendre de l'étage où se trouvait ma chambre, pendant les Heures Silencieuses, quand tout le monde dormait. Je ne savais pas commander à l'automate qui, cruelle ironie, se tenait à mes ordres, debout contre le mur; je ne connaissais pas les ressorts par lesquels on mettait en mouvement la plate-forme qui servait d'escalier. On m'avait volontairement caché tous ces secrets. Oh! si j'avais pu apprendre à me servir des ailes, dont les enfants se servaient si bien, j'aurais pu m'enfuir par la fenêtre, arriver aux rochers, et m'enlever par le gouffre dont les parois verticales refusaient de supporter un pas humain.

XXVII

Un jour, pendant que j'étais seul à rêver tristement dans ma chambre, Taë entra par la fenêtre et vint s'asseoir près de moi. J'étais toujours heureux des visites de cet enfant, dans la société duquel je me sentais moins humilié que dans celle des Ana, dont les études étaient plus complètes et l'intelligence plus mûre. Comme on me permettait de sortir avec lui et que je désirais revoir l'endroit par lequel j'étais descendu dans le monde souterrain, je me hâtai de lui demander s'il avait le temps de m'accompagner dans une promenade à la campagne. Sa physionomie me parut plus sérieuse que de coutume, quand il me répondit:—

–Je suis venu vous chercher.

Nous fûmes bientôt dans la rue et nous n'étions pas loin de la maison, quand nous rencontrâmes cinq ou six jeunes Gy-ei, qui revenaient des champs, avec des corbeilles pleines de fleurs, et chantaient en chœur en marchant. Une jeune Gy chante plus qu'elle ne parle. Elles s'arrêtèrent en nous voyant, s'approchèrent de Taë avec une gaieté familière, et de moi avec cette galanterie polie qui distingue les Gy-ei dans leurs rapports avec le sexe faible.

Et je puis dire ici que, malgré la franchise de la Gy quand elle courtise un An, rien dans ses manières ne peut être comparé aux manières libres et bruyantes de ces jeunes Anglo-Saxonnes, auxquelles on accorde l'épithète distinguée de fast (à la mode), vis-à-vis des jeunes gens pour lesquels elles ne professent pas le moindre amour. Non: la conduite des Gy-ei envers les Ana en général ressemble beaucoup à celle des hommes très bien élevés, dans les salons de notre monde supérieur, envers une femme qu'ils respectent, mais à laquelle ils ne font pas la cour; respectueux, complimenteurs, d'une politesse exquise, ce que l'on peut appeler chevaleresques.

Sans doute je fus un peu embarrassé par les nombreuses politesses par lesquelles ces jeunes et courtoises Gy-ei s'adressaient à mon amour-propre. Dans le monde d'où je venais, un homme se serait trouvé offensé, traité avec ironie, et blagué (si un mot d'argot aussi vulgaire peut être employé sur l'autorité des romanciers populaires qui s'en servent aussi librement), quand une jeune Gy fort jolie me fit compliment sur la fraîcheur de mon teint, une autre sur le choix des couleurs de mes vêtements, une troisième, avec un timide sourire, sur les conquêtes que j'avais faites à la soirée d'Aph-Lin. Mais je savais déjà que de tels propos étaient ce que les Français appellent des banalités, et ne signifiaient, dans la bouche des jeunes filles, que le désir de déployer cette aimable galanterie que sur la terre la tradition et une coutume arbitraire ont réservée au sexe mâle. Et, de même que, chez nous, une jeune fille bien élevée et habituée à de pareils compliments, sent qu'elle ne peut sans inconvenance y répondre ou en paraître trop charmée, de même moi, qui avais appris les bonnes manières chez un des Ministres de ce peuple, je ne pus que sourire et prendre un air gracieux en repoussant avec timidité les compliments dont on m'accablait. Pendant que nous causions ainsi, la sœur de Taë nous avait aperçus, paraît-il, d'une des chambres supérieures du Palais Royal, car elle arriva bientôt près de nous de toute la vitesse de ses ailes.

Elle s'approcha de moi et me dit, avec cette inimitable déférence, que j'ai appelée chevaleresque, et pourtant avec une certaine brusquerie de ton que Sir Philip Sidney aurait traitée de rustique dans la bouche d'une personne qui s'adressait au sexe faible:—

–Pourquoi ne venez-vous jamais nous voir?

Pendant que je délibérais sur la réponse à faire à cette question inattendue, Taë dit promptement et d'un ton sévère:—

–Ma sœur, tu oublies que l'étranger est du même sexe que moi. Il n'est pas convenable pour nous, si nous voulons conserver notre réputation et notre modestie, de nous abaisser à courir après ta société.

Ce discours fut reçu avec des marques d'approbation par toutes les Gy-ei présentes; mais la sœur de Taë parut déconcertée. Pauvre enfant!.... et une Princesse encore!

En ce moment une ombre passa entre le groupe et moi; en me retournant, je vis le magistrat principal s'avancer vers moi de ce pas tranquille et majestueux particulier aux Vril-ya. En le regardant, je fus saisi de la même terreur que lors de ma première rencontre avec lui. Sur son front, dans ses yeux, il y avait ce même je ne sais quoi indéfinissable qui me faisait reconnaître en lui une race qui devait être fatale à la nôtre; cette même expression étrange de sérénité exempte de tous les soucis et de toutes les passions ordinaires; on y lisait la conscience d'un pouvoir suprême et ce mélange de pitié et d'inflexibilité qu'on trouve chez un juge qui prononce un arrêt. Je frissonnai et, m'inclinant, je serrai le bras de Taë et m'éloignai sans rien dire. Le Tur se plaça sur notre chemin, me regarda un instant sans parler, puis tourna tranquillement ses regards vers sa fille, et, avec un salut grave adressé à elle et aux autres Gy-ei, passa au milieu du groupe et s'éloigna sans avoir prononcé un mot.