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Les esclaves de Paris

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– Ma situation, financièrement parlant, est impossible.

– Elle est excellente, au contraire. Avant de lancer l'affaire, vous payez vos dettes, et aussitôt on en conclut que vous disposez de capitaux énormes. L'héritage de votre frère, si déprécié en ce moment, reprend une importance énorme. Enfin, on apprendra en même temps votre mariage avec Mlle de Mussidan. Que voulez-vous de plus?

– Ma réputation est détestable. On me dit léger, dépensier, frivole.

– Tant mieux! Le jour où vous annoncerez la liquidation de votre société, vous ne rencontrerez qu'indulgence. On dira en riant: «Ce sacré Croisenois!.. Quelle diable d'idée lui a pris de se mêler d'industrie!» Mais comme à ce jeu-là vous aurez gagné votre part d'abord, et en second lien le million de dot de Mlle Sabine, vous laisserez rire.

Quelles perspectives, pour un homme dont l'existence était comme un problème qu'il lui fallait résoudre chaque matin!

– Admettons que j'accepte, fit-il, comment finira la comédie?

– Le plus simplement du monde. Quand tous mes actionnaires se seront exécutés, vous mettrez la clé sous la porte, et tout sera dit.

Croisenois se dressa furieux.

– C'est-à-dire, s'écria-t-il, que vous comptez me sacrifier. Mettrez la clé sous la porte!.. Vous voulez donc m'envoyer au bagne?

– L'ingrat! répondit B. Mascarot; voilà comment il me remercie de faire tout au monde pour l'empêcher d'y aller!..

– Monsieur!..

Mais à son tour Me Catenac s'était levé.

N'ayant pu se dégager, il était de son intérêt d'aider de tout son pouvoir à la réussite des projets de B. Mascarot.

– Vous vous méprenez, cher monsieur, dit-il à Croisenois; n'avons-nous pas les sociétés à responsabilité limitée?

Écoutez plutôt. Demain vous vous présentez chez un notaire, et vous déclarez que vous faites appel aux capitaux intelligents pour l'exploitation de n'importe quoi… des marbres des Pyrénées, si vous voulez. Nous trouverons mieux, soyez tranquille.

En conséquence, vous ouvrez une liste de souscription. Cette liste, les actionnaires de mon ami Baptistin la remplissent.

Quand nous avons les fonds, que faisons-nous? Tranquillement, nous remboursons les souscripteurs étrangers, et nous écrivons aux autres que l'affaire n'a pas réussi, que tout a été contre nous; bref, que le capital est perdu!..

Or, Baptistin, ayant obtenu ou fait obtenir de chacun de ses gens une décharge en règle, aucun ne soufflera mot… C'est simple comme bonjour.

Le marquis avait écouté de toutes ses forces; il réfléchissait.

– Mais, messieurs, s'écria-t-il, tous ces souscripteurs contraints sauront que j'ai fait une spéculation ignoble.

– Possible.

– Ils me mépriseront.

– Probablement; mais nul ne sera assez hardi pour le laisser voir.

– Oh!..

– Quoi! oh! Est-ce que les apparences ne vous suffisent pas? Vous êtes diantrement difficile. Entre nous, qui estime-t-on sincèrement et sans restriction à notre époque? Personne. On paraît estimer, voilà tout! Même, pour exprimer ce sentiment singulier, on a créé un mot nouveau: la considération, c'est-à-dire l'hommage rendu à la force unie à l'adresse. Vous serez considéré.

Le brillant marquis était fort ébranlé.

– Et vous êtes sûr de vos… actionnaires? demanda-t-il. En tenez-vous vraiment assez pour être certain de couvrir les frais qui seront considérables?

Cette question, l'honorable placeur l'attendait pour porter le dernier coup.

– Mes calculs sont faits, prononça-t-il, et ils sont exacts.

Il prit en même temps, sur son bureau, un paquet de ces fiches qu'il passait sa vie à annoter, et les faisant claquer sous ses doigts comme un jeu de cartes, il continua:

– J'ai là les noms de 350 personnes qui, en moyenne, verseront chacune dix mille francs.

– Trois millions cinq cent mille francs!..

– C'est là le total, si Barême ne ment pas. Et vous plaît-il, à cette heure, de connaître la nature de nos armes? Accordez-moi deux minutes encore et jugez, je ne choisis pas.

D'une main exercée, il battit et mêla les fiches qu'il tenait à la main, et c'est au hasard qu'il lut:

N… ingénieur.Cinq lettres décisives adressées à la femme du protecteur qui lui a procuré sa position, et qui d'un mot peut la lui faire perdre. – Versera 15,000 francs.

P… négociant.Un agenda établissant que sa dernière faillite était frauduleuse et qu'il a détourné 200,000 francs de l'actif, – Donnera certainement 20,000 francs.

Mme V…Son portrait photographié dans un costume trop léger. N'est pas riche. – Fera cependant verser 3,000 francs.

Mme H…Trois billets de sa mère ne laissant aucun doute sur une aventure fâcheuse avant son mariage. Lettre d'une sage-femme à l'appui. – Domine son mari. – Doit faire verser au moins 10,000 francs.

L…– Une chanson obscène et impie, écrite de sa main et signée. – Peut donner 2,000 francs.

S…, employé supérieur de la Cie de ***. – Minute de son traité avec un fournisseur, stipulant pour lui un pot-de-vin considérable. – Ira, si on le pousse, jusqu'à 15,000 francs.

– X…– Partie de sa correspondance avec L… en 1848. – Versera 3,000 francs.

Mme M… de M…– Un petit roman qui est l'histoire exacte de ses aventures avec M. J…

Il n'en fallait pas tant pour décider M. de Croisenois.

– C'est assez, interrompit-il, je me rends. Oui, je m'incline devant votre mystérieuse puissance, plus formidable que celle de la police…

– Et bien autrement sérieuse, ajouta l'excellent docteur. Nous n'avons jamais examiné nos opérations à ce point de vue. C'est un tort. N'entreprenez rien contre le droit, la loi ou la foi, et on ne vous fera pas chanter. Donc, le «chantage» est un moyen de moralisation…

Mais le marquis de Croisenois était trop agité pour goûter la plaisanterie. Il se retourna vers B. Mascarot, et, d'une voix brève, dit:

– J'attends vos ordres, monsieur.

Comme toujours, B. Mascarot l'emportait. Successivement il avait abattu le comte de Mussidan, Paul Violaine et Catenac lui-même. Maintenant il voyait M. de Croisenois à ses pieds.

Entré le front haut, rayonnant d'audace et d'impudence, le brillant marquis se résignait à passer sous les fourches caudines du placeur, si bas qu'il fallut ramper pour cela.

Dix fois, pendant la discussion, l'idée lui était venue de dire:

– Et si je n'acceptais pas, cependant, si je refusais!..

La réflexion avait dix fois arrêté sur ses lèvres cet imprudent défi.

Il avait compris que des hommes comme ces trois associés ne livrent pas leur secret à la légère.

Et, plus B. Mascarot montrait d'abandon et de cynique franchise, mieux Croisenois sentait qu'il devait être, qu'il était entièrement au pouvoir de ce personnage étrange.

Il ne pouvait pas ne pas tout savoir, celui qui avait réussi à découvrir sa déshonorante transaction de jeu.

Or, le marquis avait sur la conscience juste assez de peccadilles pour trembler sous le regard qu'à travers ces lunettes vertes il sentait arrêté sur lui, persistant et aigu comme celui d'un juge d'instruction qui s'efforce de faire tressaillir la vérité au fond de l'âme d'un prévenu.

Sans doute sa vanité souffrait cruellement de cette humiliante et déshonorante dépendance, et les quelques gouttes de sang généreux qui coulaient encore dans ses veines se révoltaient.

Mais, d'un autre côté, tout ébloui de l'éclat de cette puissance mystérieuse qui se révélait à lui, il se réjouissait d'avoir désormais pour associés dans la vie de pareils lutteurs.

S'il avait craint tout d'abord d'être sacrifié, il était rassuré par l'évidence d'une indissoluble communauté d'intérêts.

De toutes ces considérations avait jailli cette phrase qui, une heure plus tôt, eût écorché sa bouche orgueilleuse:

– J'attends vos ordres!..

Humilité perdue! Seuls les débiles éprouvent une inepte satisfaction à faire sentir le poids de leur tyrannie. B. Mascarot n'abuse jamais. Il sait que si le vaincu peut oublier sa défaite, il ne pardonne pas l'insulte inutile.

C'est donc avec la plus parfaite courtoisie qu'il répondît:

– Je n'ai pas d'ordre à vous donner, monsieur le marquis. Nous avons tous au succès un intérêt égal; nous ne pouvons que délibérer, nous concerter avant d'adopter définitivement les mesures les plus convenables.

Croisenois s'inclina, touché de cette politesse inattendue succédant à tant de brutalité.

– Il est oiseux, n'est-ce pas, reprit le digne placeur de vous montrer tous les avantages de votre résolution? Notons seulement, pour éviter les récriminations ultérieures, votre situation actuelle. Vous m'écriviez, l'autre jour: «J'attends les pieds dans le feu…» En bon français, vous êtes à bout d'expédients, et vous n'avez plus rien d'heureux à espérer de l'avenir.

– Pardon… permettez… J'ai à espérer l'héritage de mon pauvre frère Georges, disparu d'une façon si inexplicable…

B. Mascarot eut un joli geste d'amicale menace.

– Puisque vous voici des nôtres, cher marquis, fit-il, laissez-moi vous dire qu'entre nous la franchise est de rigueur. Demandez plutôt à notre bon ami Catenac.

– En effet!.. répondit l'avocat, à qui cette pointe de fine ironie arracha une grimace plutôt qu'un sourire.

Le marquis prit l'air le plus étonné.

– Je ne vois pas, interrogea-t-il, en quoi je manque de franchise…

– Que diable nous parlez-vous de cet héritage!..

– Mais il existe, monsieur, mais il est considérable!..

– Assez, assez!.. Nous sommes fixés sur ce point. On peut encore, malgré beaucoup de non-valeurs, l'évaluer à douze ou quatorze cent mille francs!..

– Eh bien!.. Ne puis-je obtenir un arrêt d'envoi en possession? Les articles 127, 129 et suivants du Code Napoléon…

 

Il s'interrompit, surprenant sur la figure du bon docteur Hortebize tous les signes de la violente envie de rire.

– Ne nous dites donc pas de ces choses-là, répondit le placeur. Tant qu'il s'est agi d'obtenir une déclaration d'absence et un envoi en possession provisoire permettant de palper les revenus, vous vous êtes fort remué; mais votre situation a changé, et, tout dernièrement, vous avez fait secrètement des pieds et des mains pour éviter un envoi en possession définitif.

– Quoi!.. vous pouvez croire…

– Chut!.. vous avez sagement agi. Cette succession est si bien escomptée et surescomptée qu'elle ne suffirait pas à désintéresser vos créanciers. Qu'elle soit liquidée demain, après-demain votre crédit est perdu. En ce moment ce fameux héritage n'est pour vous qu'un miroir à alouettes qui vous sert à éblouir vos fournisseurs.

C'était un beau joueur que Croisenois. Se voyant percé à jour, il prit le parti d'éclater de rire.

– On fait ce qu'on peut!.. dit-il.

L'honorable placeur avait regagné son fauteuil. Toute son animation avait disparu. Il paraissait accablé de fatigue.

– Il y aurait barbarie, marquis, reprit-il, après un moment de silence, à vous retenir davantage. Nous nous reverrons ces jours-ci pour aviser à faire capituler vos créanciers au meilleur marché possible. En attendant, Catenac voudra bien s'occuper de la constitution de la société, et de plus il vous donnera le vernis financier qui vous est indispensable.

Était-ce un congé?

M. de Croisenois et l'avocat le prirent ainsi, car ils se levèrent, et, après de larges poignées de main à B. Mascarot et au docteur, après un léger salut à Paul, ils sortirent ensemble, ressemblant plutôt à de vieux amis qu'à des connaissances d'une couple d'heures.

Dès que la porte fut refermée sur eux:

– Et bien! Paul, mon enfant, demanda le placeur, que pensez-vous de notre histoire?

Chez les natures molles et friables, les impressions peuvent être vives et profondes, elles ne sont jamais durables.

Après avoir été sur le point de succomber à la violence de ses émotions, Paul, s'il était un peu pâle encore, avait repris tout son sang-froid.

Maintenant qu'il avait presque réussi à étouffer les cris de sa conscience, il devait, conseillé par sa déplorable vanité, mettre son amour-propre à afficher un cynisme digne de celui de ses honorables patrons.

– Je pense, monsieur, répondit-il sans trop de tremblement dans la voix, je suis sûr, même, que vous avez besoin de moi. Tant mieux!.. Moi qui ne suis pas marquis, je vous obéirai sans toutes les façons de M. de Croisenois!

L'assurance toute nouvelle de Paul ne parut aucunement surprendre l'honorable placeur.

Mais lui plut-elle? Lui fut-elle au contraire, essentiellement désagréable? Il eût été malaisé de le discerner.

Toujours est-il qu'un observateur exercé eût surpris sur sa physionomie, d'ordinaire indéchiffrable, les traces d'une lutte entre deux sentiments contraires: une vive satisfaction et une sérieuse contrariété.

Quant au bon docteur Hortebize, il fut tout simplement émerveillé de l'impudente audace de ce néophyte qui était un peu son élève.

Le sens exact de la scène qui venait d'avoir lieu éclatait si bien à ses yeux qu'il se frappa le front en homme qui s'étonne et se gourmande de n'avoir pas eu une idée d'une extrême simplicité.

– Que je suis niais!.. pensa-t-il. Ce n'est pas au marquis de Croisenois qu'en réalité Baptistin s'adressait. Il posait pour Paul. Quel merveilleux comédien. Avec quelle prestigieuse sûreté chacune de ses paroles est allée faire taire un remords ou éveiller une convoitise dans l'âme de ce garçon si faible et si vaniteux!

Cependant Paul s'inquiétait du silence de son protecteur.

Si d'abord il avait été épouvanté en se sentant aux mains de cet homme extraordinaire, il tremblait maintenant à la seule idée d'être abandonné par lui et livré à ses propres forces.

– J'attends, monsieur, insista-t-il.

– Quoi?

– Que vous me disiez à quelles conditions je puis conquérir un grand nom, devenir millionnaire et épouser Mlle Flavie Rigal… que j'aime.

B. Mascarot eut un sourire amer, presque méchant.

– Dont vous aimez la dot… interrompit-il, ne confondons pas.

– Excusez-moi, monsieur, j'ai bien dit ce que je voulais dire.

Le docteur, qui n'avait pas pour être sérieux les raisons de son honorable ami, ne prit pas la peine de dissimuler un geste ironique.

– Déjà!.. fit-il. Et Rose, et cette jolie Rose!..

– J'ai jugé Rose, monsieur, répondit le jeune homme, et j'ai compris ma simplicité. Pour moi, elle n'existe plus…

Sans aucun doute, Paul disait vrai. C'est du moins avec l'accent si difficile à feindre de la simplicité, qu'il ajouta:

– Et j'en suis à maudire la fortune de Mlle Rigal, qui creuse un abîme entre nous.

Cette déclaration dissipa les nuages qui obscurcissaient le front du placeur, et ses lunettes semblèrent tressaillir d'aise.

– Rassurez-vous, fit-il gaîment, nous comblerons l'abîme. N'est-ce pas, Hortebize? Seulement, Paul, mon enfant, ne vous le dissimulez pas, le rôle que je vous destine sera plus difficile que celui de M. de Croisenois, plus périlleux surtout.

– Tant mieux!

– La récompense, il est vrai, sera bien autrement magnifique.

– Soutenu et conseillé par vous, je me sens capable de tout oser, de tout braver et de réussir.

– C'est qu'il vous faudra de l'audace, en effet, et beaucoup, et de l'esprit de suite, surtout. Il vous faudra peut-être renoncer à votre personnalité…

– J'y renoncerai de grand cœur.

– Vous devrez revêtir la personnalité d'un autre, prendre à cet autre son nom, son passé, ses habitudes, ses idées, ses mérites et ses vices. Force vous sera d'oublier que vous êtes vous, pour arriver à vous persuader à vous-même que vous êtes lui; c'est le seul moyen de le persuader aux autres. Vous avez vécu non votre vie à vous, mais la vie de cet autre. Ah! la tâche sera lourde!..

– Eh!.. monsieur, s'écria Paul avec ce facile enthousiasme des faibles, s'occupe-t-on des obstacles de la route lorsqu'on marche les yeux fixés sur un but éblouissant!

Le bon docteur ne put s'empêcher de battre doucement des mains.

– Bien, cela, fit-il.

– Puisqu'il en est ainsi, reprit le placeur, dès qu'on aura soulevé le dernier coin du voile, on n'hésitera pas à vous révéler le secret de vos hautes destinées. Et d'ici-là préparez votre courage, exercez votre front à rester impassible, vos yeux à ne jamais trahir votre pensée intime. Vous m'entendez… monsieur le duc?..

Il s'interrompit.

Beaumarchef se présentait après avoir discrètement annoncé son entrée par trois ou quatre petits coups à la porte.

L'ancien sous-off en était venu à ses fins.

Profitant d'un moment où il n'y avait presque personne dans «l'agence,» il était monté chez lui et avait revêtu sa grande tenue.

– Qu'y a-t-il? demanda B. Mascarot.

– Patron, pendant que vous étiez «en séance» avec ces messieurs, on a apporté les deux lettres que voici.

– Donne… Merci, et laisse-nous.

Pendant que Beaumar, accoutumé à ces brusques congés, se retirait, l'honorable placeur examinait la suscription des deux lettres.

– Voici, murmura-t-il, des nouvelles de Van Klopen et de l'hôtel de Mussidan. Voyons d'ailleurs ce que dit notre illustre tailleur pour dames.

Il prit l'enveloppe et lut à haute voix:

«Cher monsieur,

«Soyez satisfait. Notre ami Verminet a exécuté fort adroitement vos ordres.

«A son instigation, le jeune monsieur Gaston de Gandelu a fort proprement imité sur cinq effets de mille francs la signature de M. Martin-Rigal, ce banquier dont vous m'avez recommandé la fille.

«Je tiens ces cinq effets à votre disposition.

«Et je suis, en attendant vos nouveaux ordres, relativement à Mme de Bois-d'Ardon, votre humble serviteur.

«VAN KLOPEN.»

– Et d'un!.. s'écria B. Mascarot. Si jamais celui-là s'avisait de barrer le chemin de notre ami Paul…

– Lui, monsieur, comment pourrait-il?..

Le placeur ne répondit pas. Il ouvrit l'autre lettre, et tout haut il lut:

«Je vous annonce, monsieur, la rupture du mariage de Mlle Sabine et de M. de Breulh-Faverlay. Elle est, je crois, inutile. Mademoiselle est au plus mal. Je viens d'entendre les médecins dire entre eux qu'elle ne passera peut-être pas la journée.

«FLORESTAN.»

A cette nouvelle qui menaçait tous ses projets, B. Mascarot fut saisi d'une telle colère, qu'oubliant son impassibilité, il brisa presque, d'un formidable coup de poing, la tablette de son bureau.

– Tonnerre du ciel!.. s'écria-t-il, pourvu que cette péronnelle ne nous joue pas le tour de se laisser mourir!.. Nous serions jolis garçons avec le Croisenois sur les bras!.. Ce serait tout un plan à refaire…

Il avait violemment repoussé son fauteuil et arpentait rageusement son cabinet.

– Florestan ne se trompe-t-il pas? disait-il. Qu'est-ce que cette maladie de Mlle de Mussidan coïncidant avec la rupture de son mariage?.. Il y a quelque chose là-dessous. Quoi?.. Il faut le savoir: nous ne pouvons demeurer dans cette incertitude.

– Veux-tu, demanda le docteur, que j'aille jusqu'à l'hôtel Mussidan?

– Oui, c'est une idée. Ta voiture est à la porte, n'est-ce pas?.. Tu es médecin, on te laissera voir Sabine.

Le docteur se hâtait de passer les manches de son pardessus, B. Mascarot l'arrêta.

– Inutile, fit-il, reste. J'ai réfléchi. Ni toi, ni moi ne pouvons nous montrer dans cette maison. Ce sont nos mines, docteur, qui éclatent. Elles étaient trop chargées… Il y aura eu, vois-tu, une explication entre le comte et la comtesse, et entre deux colères la fille aura été brisée…

– Alors, comment savoir…

– Je vais courir moi-même aux renseignements, je verrai Florestan, j'aurai des détails!..

Et sans attendre la réponse du docteur il s'élança dans sa chambre à coucher.

Il avait laissé la porte ouverte, et tout en se dépêchant de changer de vêtements, il continuait à s'adresser, d'une pièce à l'autre, à son ami Hortebize.

– Ce coup ne serait rien, poursuivait-il, si je n'avais à m'occuper que de Croisenois. Mais je songe à Paul. L'affaire de Champdoce ne peut souffrir aucun délai… Et Catenac, ce traître qui a mis Perpignan et le duc en rapport! Il faut que je voie Perpignan, que je sache au juste ce qu'on lui a dit de l'affaire et ce qu'il en a deviné… J'ai à voir Caroline Schimel aussi, à lui arracher le dernier mot de l'énigme! Ah! le temps! le temps!

Il était prêt, il attira le docteur jusqu'au milieu de sa chambre à coucher.

– Je file, lui dit-il; toi, ne laisse pas Paul. Nous ne sommes pas encore assez sûrs de lui pour le laisser se promener avec notre secret. Mène-le dîner chez Martin-Rigal, et trouve un prétexte pour lui offrir l'hospitalité cette nuit… Allons, à demain.

Et il sortit, trop préoccupé pour entendre le docteur qui lui criait:

– Bonne chance!