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Les Merveilles de la Locomotion

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CHAPITRE VII
LES VOITURES À VAPEUR

A. – Les voitures à vapeur avant l'époque actuelle. – Opinion des ingénieurs sur la locomotive routière

Nous avons vu, au commencement du chapitre précédent, que l'honneur des premiers essais tentés pour remorquer un véhicule sur une route ordinaire à l'aide de la vapeur, revient à l'officier français Cugnot. Ces essais datent de 1763. Nous avons rapidement décrit sa machine et fait connaître ses nombreuses imperfections. Il était impossible, en effet, de construire, à cette époque, une machine ne laissant rien à désirer. En supposant que l'inventeur ait eu cette puissance créatrice supérieure, qui sait triompher des plus grands obstacles, il n'aurait pu avoir l'art de travailler les métaux, de les forger, de les tourner, de les limer, de les approprier, par des manipulations diverses, aux usages auxquels ils sont destinés, ce que la pratique seule peut donner. Cugnot ne pouvait donc construire qu'une voiture imparfaite.

Trente ans se passent, et c'est seulement en 1801 que Trewithick et Vivian reprennent la question de la locomotion sur les routes.

La voiture pour l'invention de laquelle ces constructeurs ont pris un brevet, était un tricycle comme celle de Cugnot. Entre les roues de derrière, de grand diamètre, se trouvait le foyer entouré d'eau de tous côtés. La vapeur agissait dans un long cylindre, dont le piston mettait en mouvement un système de bielles, de manivelles et de roues dentées, reliées à l'essieu d'arrière. Un volant, monté sur l'arbre de la première roue dentée, aidait à surmonter les obstacles du chemin; un frein, appuyé contre la jante de ce volant, servait à ralentir la marche du véhicule aux descentes rapides.

La roue d'avant était montée sur une fourche à laquelle s'attachait un levier faisant fonction de gouvernail.

La caisse, destinée à contenir les voyageurs, était placée entre les deux roues d'arrière, au-dessus du mécanisme.

Mais cette voiture n'était appelée, comme celle de Cugnot, qu'à marquer une nouvelle étape dans la voie qui devait conduire à l'invention des locomotives. On ne put en tirer parti; il fallut l'abandonner. Les constructeurs trouvèrent plus commode de triompher des difficultés du problème en les négligeant et de surmonter les aspérités des routes en plaçant leurs nouveaux véhicules sur une voie ferrée, unie et résistante.

On alla presque jusqu'à déclarer le problème impossible, et c'est avec un étonnement toujours nouveau que nous relisons ces lignes par lesquelles M. Perdonnet, qui a si puissamment aidé aux progrès des voies ferrées, termine son Traité des Chemins de fer:

«Il faudrait, pour qu'on pût se servir avec quelque avantage des locomotives sur les routes ordinaires: 1o que le tracé en remplît à peu près les mêmes conditions que celui des chemins de fer, ce qui en rendrait l'établissement excessivement coûteux; 2o qu'on les maintînt dans un état d'entretien tel, que la surface en restât presque aussi unie que celle d'un chemin de fer, ce qui serait aussi fort dispendieux, si ce n'était absolument impossible.

«Aussi a-t-on définitivement, en Angleterre comme en France, abandonné les essais tentés dans le but d'employer les locomotives sur les routes ordinaires.»

Il est incontestable que si les locomotives routières ne pouvaient exister qu'aux conditions posées par M. Perdonnet, on ne devrait pas prétendre les voir jamais autre chose qu'un objet de curiosité; mais rien n'implique que le problème de la locomotion routière ne puisse recevoir une autre solution que celui de la locomotive sur voie ferrée, et nous croyons qu'il faut bien se garder de poser des barrières aux conquêtes du génie industriel: ce qui est impossible aujourd'hui peut être reconnu possible demain.

B. – La question reprise. – Nouvelles recherches. – Les machines Lotz, Aveling et Porter, Larmanjat, Feugères et diverses

Il y a des problèmes qui s'imposent naturellement et dont la solution, pour être tardive, ne demeure pas moins certaine. Le réseau des grandes voies ferrées, dites de premier ordre, est achevé en France et dans les pays avancés du centre de l'Europe; celui des chemins de second ordre est également terminé ou sur le point de l'être; enfin, on a déjà mis la main d'une manière très-active à l'exécution des lignes du troisième réseau. On sait les facilités que la loi a créées pour la construction de ces nouvelles lignes, destinées à répondre plus spécialement aux besoins intercommunaux du pays.

Il reste encore à satisfaire aux besoins locaux, aux besoins de l'agriculture et de l'industrie, aux parcours à petite distance; il reste à utiliser, de la manière la plus profitable, un réseau de voies de communication empierrées, que les voies ferrées ont remplacées sur certains points et qui sont appelées désormais à devenir leurs auxiliaires.

Tel est le problème que les locomotives routières doivent servir à résoudre.

Les transports ne s'opéreront jamais, on ne peut y prétendre, à des prix aussi bas que ceux en vigueur sur les chemins de fer, mais il est permis d'espérer des prix inférieurs à ceux du roulage, attendu que si l'on découvrait un moteur nouveau applicable aux routes et préférable aux locomotives, ce moteur serait immédiatement placé sur des rails et rendrait aux chemins de fer la supériorité qui leur est propre.

Au moment où l'on commençait les travaux de fondation du palais de l'Industrie, au Champ de Mars, en novembre 1865, une machine routière sortit des ateliers de M. Lotz, constructeur à Nantes, et vint à Paris.

Voici comment elle était construite:

La machine présentait trois parties distinctes: 1o la chaudière avec son foyer et sa cheminée; 2o le mécanisme moteur; 3o le train destiné à porter l'ensemble.

1o La chaudière était tubulaire comme celle des locomotives, le tirage était produit par le jet de vapeur dans la cheminée.

2o Le mécanisme moteur se composait essentiellement de deux cylindres placés à la partie supérieure de la chaudière, comme dans les locomobiles, et agissant sur un arbre transversal portant les excentriques de distribution, le volant et enfin un pignon denté qui transmettait le mouvement à la roue de droite au moyen d'une chaîne de Gall. Contrairement à ce qui a lieu dans les locomotives, les roues étaient mobiles sur les essieux, condition indispensable pour que la machine puisse tourner. Une des roues pouvait être rendue solidaire de son essieu au moyen d'un mécanisme spécial.

3o À l'avant de la machine, sur la partie antérieure du train qui forme la charpente de l'édifice locomoteur, se trouvait le gouvernail. Il consistait en une paire de petites roues (0m,50 environ de diamètre), indépendantes sur un petit essieu relié au véhicule au moyen d'une cheville ouvrière. L'ensemble de ces deux roues était gouverné par un pilote à l'aide d'un système de pignon et de vis sans fin, et servait à diriger le véhicule.

Telle était la première machine routière de M. Lotz.

Un wagon-omnibus à impériale s'attelait à la suite et recevait les voyageurs. Nous avons assisté à un voyage d'essai de cette locomotive.

Le train, composé de la machine et de son wagon, partit du pont de l'Alma et alla bravement franchir la montée du Trocadéro, en rampe de 0m,04 environ par mètre. Il se dirigea vers la gare de Passy, s'arrêta au puits artésien de l'Arc de l'Étoile et redescendit par l'avenue des Champs-Élysées. Là, quelques chevaux, d'une nature trop nerveuse, s'effrayèrent au bruit de la machine, mais le plus grand nombre accueillirent en ami leur nouveau camarade, l'Avenir.

Comme on le voit, il y a loin déjà de ce véhicule au fardier de Cugnot et à la voiture de Trewithick et Vivian. Si le temps écoulé n'a pas produit d'œuvre nouvelle, il a du moins servi à la préparation des perfectionnements qui vont suivre.

La machine l'Avenir avait encore de nombreux défauts: elle était trop lourde, faisait trop de bruit, projetait de petits débris de charbons incandescents, tournait plus volontiers à gauche qu'à droite, etc., mais on ne pouvait plus dire que les locomotives routières étaient impossibles, et le gouvernement, convaincu des services qu'elles pouvaient rendre, prenait, le 20 avril 1866, un Arrêté concernant la circulation des locomotives sur les routes ordinaires.

Les locomotives routières eurent à peine vu le jour, qu'on reconnut la nécessité de créer des types, ainsi qu'on a fait pour les locomotives. M. Lotz a trois types de machines:

1o La locomotive routière remorqueuse;

2o La locomotive routière mixte porteuse;

3o La locomotive routière à voyageurs.

La première peut marcher à des vitesses variables de 4 à 8 kilomètres, en charge, et de 8 à 12 kilomètres, à vide.

La seconde peut prendre les mêmes vitesses. Ses dispositions ne diffèrent de celles de la précédente qu'en ce qu'elle peut recevoir directement une charge variable de 3,000 à 6,000 kilogrammes.

Enfin, la dernière est, à proprement parler, la voiture à vapeur, et porte les voyageurs en même temps que le moteur. Sa vitesse est variable, suivant les conditions, de 10 à 20 kilomètres.

En trois ou quatre ans, MM. Lotz ont considérablement modifié leur système primitif de locomotive routière. Ils ont remplacé la chaudière horizontale par une chaudière verticale et les deux cylindres à vapeur par un seul. Ils ont ainsi reporté la plus grande partie de la charge sur les roues motrices et laissé au mécanicien une plate-forme étendue par laquelle il communique aisément avec le pilote, ce qui, dans la première machine, était presque impossible. Trois pignons, de diamètres variables, peuvent donner trois vitesses différentes; un volant régularise la marche de la machine. Ces dispositions permettent de triompher des inégalités du chemin et des obstacles accidentels et de gravir les parties en rampe.

 

Indépendamment de la pompe et de l'appareil Giffard, qui assurent l'alimentation, une pompe à eau spéciale peut être mise en mouvement par le cylindre moteur, la machine étant en repos, et servir à son approvisionnement en un point quelconque de sa route. Au départ ou à l'arrivée, la force de la machine peut, de même, être appliquée à la manœuvre de grues ou d'appareils de chargement, et, en cas de chômage des transports, à la mise en mouvement d'un atelier mécanique ou de machines agricoles.

Il est très-remarquable assurément qu'à peine la locomotive routière construite, alors qu'elle ne satisfait encore qu'incomplétement aux données du problème qu'elle est appelée à résoudre, on cherche à en faire un instrument aussi souple que le cheval, dont la force se prête à des usages si divers. Le moyen est à coup sûr excellent pour lutter contre les préjugés que rencontre toujours une machine nouvelle. Mais ne vaudrait-il pas mieux chercher tout d'abord la locomotive routière parfaite, ce qui doit être le desideratum des constructeurs, pour l'approprier ensuite aux exigences nouvelles et spéciales auxquelles il conviendra de la soumettre.

Nous ne nous arrêterons pas aux détails, et nous ne dirons rien des roues, des freins, des leviers de sûreté ou de reculement placés à l'arrière de la machine et destinés à arrêter le mouvement de recul de celle-ci, s'il venait à se produire par suite de la rupture d'un de ses organes ou de la négligence de ceux qui la dirigent, alors qu'elle gravit une rampe.

Nous mentionnerons seulement la substitution qui a été faite d'une roue unique directrice au système des deux roues de la première locomotive. Cette roue est plus solidement fixée au bâti de la machine, sa manœuvre est plus facile et les tournants ou les coudes sont franchis aisément.

Telles sont les dispositions principales des machines routières remorqueuses de M. Lotz.

Disons ce qu'elles coûtent:

Tandis que le prix des premières varie de 11,000 à 19,000 francs, celui des dernières n'est que de 4,000 à 5,000 francs.

La comparaison des frais de transport par locomotive routière et par chevaux s'établit aisément. Voici les chiffres fournis par MM. Lotz, en supposant un transport journalier de 50 kilomètres par locomotive routière et de 30 kilomètres par chevaux (ce qu'il est possible de faire sans relai).

MATÉRIEL DE TRACTION.


Le prix de premier établissement de la locomotion mécanique est plus élevé que celui de la locomotion animale, mais l'économie ressort de la comparaison des frais annuels: il faut nourrir les chevaux tous les jours et à peu près aussi confortablement les jours de repos que les jours de travail, tandis qu'il n'y a rien à dépenser pour la locomotive lorsqu'elle est sous la remise. Elle ne coûte donc que lorsqu'elle marche.

Voici les chiffres:


FRAIS ANNUELS.


Pour la traction à vapeur, il faut ajouter par jour de marche:



Les données qui précèdent conduisent aux chiffres suivants:



Il résulte de ce tableau que pour un service de 150 jours (5 mois) seulement par an, et pour un transport de 20 tonnes par jour, ce qui correspond au chargement de 2 à 3 de nos wagons de chemins de fer, le prix de revient de la traction à vapeur est plus de trois fois moindre que celui de la traction par chevaux.

Pour un travail de 250 jours, le prix est encore près de trois fois moins élevé.

Les Anglais ne se sont pas laissés devancer par nous dans la construction des locomotives routières; l'usage de ces machines est aujourd'hui beaucoup plus répandu en Angleterre qu'il ne l'est en France: le charbon, chez nos voisins, remplace les pâturages et le métal se trouve à meilleur compte que les bêtes de traction.

MM. Aveling et Porter, de Rochester (Kent), se sont spécialement occupés de la construction des machines routières et des appareils de culture à vapeur.

Leur machine diffère notablement de celle de M. Lotz, et nous devons en donner la description. Ce n'est plus un tricycle, mais une voiture à cinq roues. La chaudière n'est plus verticale, elle est horizontale et porte à la fois sur les roues motrices placées à l'arrière et sur l'avant-train. Un double système d'engrenages lui permet de marcher à deux vitesses différentes: 3 à 4 kilomètres à l'heure en charge et 5 à 6 kilomètres à l'heure à vide. Elle n'a qu'un seul cylindre comme celle du constructeur français, mais il est horizontal et se trouve placé à l'avant de la chaudière. Les roues motrices ont 1m,974 de diamètre et 0m,457 de largeur de jante. On a ménagé sur ces dernières des trous pour y placer au besoin des chevilles-crampons qui aident à passer sur les terrains mous. Les mouvements de rotation des deux roues motrices sont indépendants, ce qui facilite le passage des tournants très-courts. Un frein puissant se trouve sous la main du mécanicien et un pilote, placé sur l'avant-train formant tricycle, tient la tige directrice à l'aide de laquelle il oriente le disque d'avant. Celui-ci ne porte sur le sol que par son poids, et sa manœuvre est à ce point facile qu'un enfant peut en être chargé.

D'après MM. Aveling et Porter, l'économie résultant de l'emploi de leur machine est de près des deux tiers de la dépense de la traction par chevaux, tout en admettant 30 pour 100 par an, pour intérêt, amortissement et entretien du matériel.

Nous venons de faire connaître sommairement deux des principales locomotives routières, l'une française, l'autre anglaise, qui ont été l'objet des expériences les plus sérieuses de la part des ingénieurs des deux pays et qui ont fourni les meilleurs résultats. Un grand nombre d'autres constructeurs ont exposé, en 1867 et dans les concours de ces dernières années, des machines de leur fabrication, qui se rapprochent plus ou moins de celles que nous avons décrites. Ce sont M. Pilter, MM. Glayson, Shuttleworth et Cie, M. Ransomes, M. Underhill et MM. Albaret et Calla. Nous ne nous y arrêterons donc pas.

Mais nous ne devons pas passer sous silence la machine de M. Larmanjat, en raison des particularités qu'elle présente et qui consistent essentiellement dans un système de leviers, à l'aide duquel on peut faire porter à volonté le véhicule sur les roues du premier ou sur les roues du second essieu, de différents diamètres. Les roues qui ne sont pas en prise à un moment donné fonctionnent comme volants. Il résulte de cette ingénieuse disposition que lorsqu'on est en palier, on utilise les roues de grand diamètre et on marche à la vitesse de 16 à 18 kilomètres à l'heure. Lorsqu'au contraire on gravit une rampe ou un passage difficile, on emploie les petites roues et on marche avec une vitesse de 7 à 8 kilomètres seulement. Mais, on le conçoit, cette disposition n'est applicable qu'à une machine de faible poids, remorquant, par conséquent, de faibles charges. On ne peut donc l'utiliser que dans la construction des locomotives routières, destinées au transport des voyageurs.

Un autre constructeur, M. Victor Feugères, a imaginé une locomotive routière, dite: moteur-porteur, qui diffère essentiellement des précédentes par les principes qui ont présidé à sa conception. D'après cet inventeur, l'adhérence doit toujours être en rapport avec la charge à remorquer, eu égard aux rampes à franchir; la vitesse de la machine doit être en raison inverse de cette charge et le mouvement doit être donné aux roues de l'avant-train et non à celles de l'arrière-train.

M. Fougères compose un avant-train suspendu sur ressorts et porté sur deux roues motrices à action solidaire, ou indépendante à volonté, qui reçoivent le mouvement de quatre cylindres, groupés deux à deux, disposés à effet contraire et actionnant deux arbres contigus, à mouvements indépendants. Selon la vitesse à laquelle on veut marcher, la transmission est directe, ou s'opère au moyen d'une chaîne. Signalons enfin la chaudière, qui est verticale et à système inexplosible, avec retour de flamme et, comme détail intéressant, les barres à crémaillères que le conducteur tient de son siége et manie comme le cocher d'une voiture ordinaire, selon qu'il veut avancer, s'arrêter, reculer ou tourner.

Cette machine est certainement l'une des plus intéressantes de celles qui ont été produites pour résoudre l'intéressant problème de la locomotion routière. Et si elle ne triomphe pas de toutes les difficultés qu'il présente, elle met au jour des idées nouvelles, dont la pratique ne peut manquer de tirer bientôt un parti avantageux.

C. – L'avenir de la locomotion routière à vapeur. – Usages actuels en agriculture, en industrie

Nous avons fait connaître bien sommairement les principales machines routières aujourd'hui employées et décrit rapidement les organes dont ces machines se composent. Il nous reste à indiquer maintenant les principaux usages auxquels elles ont été jusqu'ici appliquées et ceux auxquels elles conviennent le mieux, puis à faire connaître les causes qui arrêtent, en ce moment, leur perfectionnement et s'opposent à leur prompte adoption par l'industrie.

En général, les lourds transports à de longues distances sont ceux qui conviennent le mieux aux locomotives routières. Aussi les a-t-on employées avec succès au remorquage des bateaux sur les canaux. Des machines ont circulé ainsi le long des canaux qui réunissent Saint-Omer et Caen à la mer et ont fait un excellent service.

Les briqueteries, les sucreries, les papeteries et généralement les industries qui mettent en œuvre ou produisent une grande quantité de matières lourdes, ont intérêt à se servir de ces machines, qu'elles utilisent fréquemment, au départ ou à l'arrivée, pour le chargement ou le déchargement des matières transportées. Les mines, les houillères peuvent encore, dans certaines circonstances particulières, utiliser ces précieux engins. En Angleterre, en Irlande, les machines routières sont employées avec avantage pour les travaux d'empierrement de routes. La machine prend dans la carrière les matériaux qu'elle va répandre aux points voulus et dont elle règle ensuite la surface par son passage. Les roues sont alors de larges cylindres compresseurs, placés deux à l'avant, deux à l'arrière du véhicule, et suivant des frayées différentes.

Les locomotives routières ont été appliquées à l'enlèvement des vidanges. La même force, qui enlève les matières de la fosse et les fait monter dans les tonneaux, est employée à remorquer ceux-ci et à les conduire en rase campagne. La désinfection est même rendue inutile par un procédé ingénieux de combustion des gaz méphitiques. L'économie considérable et les avantages de ce système contribueront, il faut l'espérer, à le répandre.

Malheureusement, les vieilles habitudes ont de telles racines qu'on ne peut les détruire qu'avec le temps et à force de persévérance. Aussi, les transports agricoles s'exécuteront-ils pendant longtemps encore par bêtes de trait. Dans la ferme, en effet, on ne peut se refuser à en convenir, le matériel existe et on ne peut atteler une locomotive routière à une charrette, comme on fait d'un cheval, d'un âne ou d'un mulet que l'on tient à l'écurie, pour lequel on a toujours un peu de fourrage, et qui, en échange, donne un fumier précieux. Tout petit agriculteur a, au moins, l'un de ces animaux à son service, mais une locomotive routière ne peut convenir qu'à une grande exploitation, qui a de vastes champs à labourer, d'importants transports, des travaux de battage ou d'une autre nature à opérer. Aussi, croyons-nous que la locomotive routière ne viendra sérieusement en aide à la petite culture que le jour où, dans les campagnes, circuleront des entrepreneurs qui loueront leur matériel pour un temps ou pour un travail déterminé, comme ils louent déjà des machines à battre, des pressoirs ou des appareils de distillation portatifs durant le temps nécessaire à chacune de ces opérations.

Ainsi donc, en admettant la locomotive routière actuelle parfaite, nous voyons combien d'obstacles il lui faudrait vaincre pour l'emporter sur les moteurs animés, utilisés en agriculture et en industrie. Mais, combien elle est loin de la perfection et que de difficultés encore à surmonter par le constructeur! Nous en ferons connaître quelques-unes pour appeler l'attention sur certains faits pleins d'importance, évidemment trop négligés.

 

Les locomotives routières sont destinées à remplacer le cheval et les autres bêtes de trait que nous connaissons, c'est-à-dire une grande variété d'animaux, présentant chacun des races aux aptitudes diverses, capables de prendre les uns une allure rapide, en remorquant une charge légère, les autres une marche lente en traînant une grosse charge, ceux-ci ne pouvant marcher que sur une route en bon état, ceux-là habitués aux traverses et aux mauvais chemins, enfin quelques-uns ne pouvant travailler que peu d'heures par jour, d'autres capables, au contraire, de fournir un long travail. Et pour remplacer tous ces animaux, qu'offre-t-on? Le plus souvent, une seule et même machine, munie parfois d'engrenages qui permettent l'emploi de deux ou trois vitesses différentes et de roues dont la jante a une largeur constante et peut être garnie de nervures destinées à faciliter la prise avec le sol. Quelques constructeurs présentent différents types de machines. Tous compliquent le problème en cherchant à construire une machine capable de servir à d'autres usages qu'à la traction proprement dite, et mettent souvent la locomotive de leur fabrication hors d'état de répondre d'une manière satisfaisante à la principale des fonctions qu'elle doit remplir.

Simplifier c'est résoudre. Que l'on considère, en effet, les progrès accomplis dans la construction des machines à vapeur, ou mieux encore, dans celle des locomotives, et l'on reconnaîtra que c'est du jour où l'on a créé des types de machines pour telle ou telle nature de transport, sur une voie au profil plat ou accidenté, au tracé rectiligne ou tourmenté, qu'on a perfectionné les machines primitivement employées. Et combien le problème des locomotives routières est-il plus difficile à résoudre que celui des locomotives des voies ferrées, quelle complication résulte de la substitution de la route rugueuse et accidentée à la voie unie des chemins de fer! Aussi, tandis que les types de locomotives sont plus nombreux, doit-on considérer comme très-considérable le nombre des types de locomotives routières?

D'où il suit que l'on ne doit attendre de perfectionnements, dans la construction de ces nouvelles machines, que des compagnies assez puissantes pour entreprendre ces essais multipliés et coûteux qu'une persévérance soutenue fait presque toujours aboutir.

Que des compagnies, comme les Messageries à vapeur, poursuivent la création du type de locomotives routières propres au transport des voyageurs; que la compagnie des Omnibus recherche le type tout particulier de locomotive routière capable de s'accommoder à la circulation des grandes villes, que des compagnies de transport encore à créer perfectionnent le type de la locomotive routière à marchandises, et, dans quelques années, la question sera résolue; mais il n'est pas possible que des industriels risquent des ressources souvent très-limitées dans des essais dont la durée est illimitée.

Voilà, croyons-nous, de quelle manière il faut espérer voir des améliorations sérieuses se produire. Passant de cette considération générale aux questions de détail, qu'il nous soit permis d'appeler l'attention sur certaines dispositions adoptées d'ordinaire par les constructeurs et qui nous semblent tout au moins défavorables.

L'une des plus grandes difficultés de la construction des locomotives routières consiste dans l'établissement des deux mécanismes directeur et propulseur. Sur les locomotives des voies ferrées, ce dernier seul existe, l'action des rails sur les boudins des roues remplaçant le premier. Les moteurs animés, attelés à une voiture, en dirigent la marche en même temps qu'ils en produisent le mouvement. Il y a, de la part des moteurs, simultanéité des deux actions directrice et propulsive. Pourquoi toutes les locomotives routières, à part celle de M. Feugères, ne satisfont-elles pas à cette condition et comment prétend-on obtenir une action efficace d'un système de roues si légèrement chargées que la main du mécanicien seule suffit à le déplacer? Pourquoi ne pas chercher à commander ces deux roues du train d'avant comme un cocher commande ses chevaux, en leur imprimant à volonté des vitesses variables; et pourquoi ne pas faire des roues d'arrière, jusqu'ici motrices, de simples roues porteuses, comme celles des véhicules ordinaires? Nous posons une question, et nous ne la résolvons pas, mais nous croyons qu'avant d'abandonner un système généralement suivi, il faut voir s'il ne satisfait pas mieux que toute conception nouvelle au problème qu'on s'est posé, sauf à y renoncer définitivement si la pratique le démontre inacceptable.

Ce qui rend si difficile la solution cherchée, est un fait que peu de personnes ont remarqué, la différence des nombres de tours effectués par les quatre roues du véhicule, d'où résulte la nécessité d'une indépendance complète des organes transmettant le mouvement et l'accroissement du nombre de ces organes. Ces quatre roues, faisant des nombres de tours différents, marchent avec des vitesses différentes, qu'elles reçoivent d'organes animés des mêmes vitesses, concourant tous à produire comme résultat unique: la progression du véhicule suivant une ligne variable à chaque instant, en raison des obstacles rencontrés.

Que l'on ajoute à cette première difficulté toutes les autres, moins graves à la vérité, de changement de vitesse suivant le profil du chemin ou l'état de sa surface, de maintien du niveau de l'eau dans la chaudière sur une pente quelconque, d'alimentation de la machine, d'arrêt rapide de celle-ci et du train qu'elle remorque, au moment de la rupture subite d'une des pièces du mécanisme, de bruit produit par le tirage dû au jet de vapeur, d'échappement des escarbilles par la cheminée, et on se fera une idée des efforts que doivent encore faire nos constructeurs pour perfectionner la machine routière.

Et encore, quelle masse énorme à remuer pour faire avancer un train relativement peu chargé! Quelle quantité de métal, de charbon et d'eau pour produire l'effet nécessaire! L'esprit admet avec peine que la production de la puissance exige l'accumulation et l'association de si grandes quantités de matières.