Tasuta

Les Merveilles de la Locomotion

Tekst
iOSAndroidWindows Phone
Kuhu peaksime rakenduse lingi saatma?
Ärge sulgege akent, kuni olete sisestanud mobiilseadmesse saadetud koodi
Proovi uuestiLink saadetud

Autoriõiguse omaniku taotlusel ei saa seda raamatut failina alla laadida.

Sellegipoolest saate seda raamatut lugeda meie mobiilirakendusest (isegi ilma internetiühenduseta) ja LitResi veebielehel.

Märgi loetuks
Šrift:Väiksem АаSuurem Aa

III. – DE LA LOCOMOTION DANS L'AIR

Les vents. – La chute d'un corps dans l'air et dans le vide. – Les oiseaux et les ballons. – La direction des ballons paraît une utopie. – Invention d'un moteur à poudre

Nous connaissons déjà l'air parce que nous en avons dit à propos des tempêtes qu'il soulève à la surface des mers, et nous n'avons pas besoin d'insister de nouveau sur la violence des mouvements dont sa masse est souvent agitée pour faire comprendre les difficultés que trouve l'homme à s'y mouvoir dans une direction déterminée. En passant de la terre sur l'eau, du corps solide sur le corps liquide, les points d'appui qui doivent servir de base à la locomotion perdent de leur fixité, et le véhicule ne devient stable qu'en intéressant à ses mouvements une grande masse de liquide; dans l'air, dont les propriétés essentielles sont la mobilité et la compressibilité, les points d'appui manquent presque absolument, nous disons presque, car le vide seul admet dans ce cas l'absolu: un morceau de papier, que nous laissons tomber dans l'air tranquille, ne descend jamais verticalement; il est dévié de cette direction par l'air qui presse sa surface; dans un tube, où nous aurons fait le vide, ce même morceau de papier tombera dans une direction qui se rapprochera d'autant plus de la verticale que le vide aura été fait d'une manière plus parfaite, et il suivra rigoureusement la verticale, si le vide est absolu.

C'est seulement en comprimant la masse gazeuse environnante que le véhicule aérien se crée un appui et peut se mouvoir dans telle ou telle direction.

L'air est le lieu de locomotion de tous les animaux ailés qui le parcourent en dépit du vent, – tant que ce vent n'est pas tempête, – avec une vitesse qui varie selon l'espèce, et dans toutes les directions, en demeurant toutefois dans une zone qui ne s'étend pas au delà de 7,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. C'est à la limite des neiges éternelles, au sommet de la Cordillère des Andes, entre 3,300 et 4,800 mètres au-dessus du niveau de la mer, que le condor fixe d'ordinaire sa demeure. La frégate s'avance en mer à des distances de plus de 400 lieues, saisissant au vol à la surface de l'eau les poissons dont elle fait sa nourriture.

Mais quels appareils merveilleux que ces ailes qui servent aux oiseaux à se soutenir et à progresser dans l'air! Voyez d'abord leur charpente, la solidité des points d'attache de leurs os au thorax, la construction de ces os, tubes creux et cellulaires, unissant la force à la légèreté, voyez maintenant les rémiges, les barbes, rames à large surface, capables de prendre des inclinaisons diverses et de concourir avec les pennes rectrices de la queue à gouverner leur vol! Et quelle force dans l'oiseau, eu égard à la petitesse de sa taille, pour faire mouvoir ces instruments si simples et si complets!

Qu'on rapproche à présent cette admirable structure de la construction grossière des appareils avec lesquels, jusqu'à présent, on s'est élevé dans l'air. Un globe énorme de forme sphéroïdale, gonflé d'un gaz plus léger que l'air, dont la force ascensionnelle croît en raison de son volume et de la différence des densités, voilà l'appareil. On a donné à l'aérostat jusqu'à 6000 mètres cubes de capacité, avec une surface exposée au vent d'environ 400 mètres carrés; telles sont les dimensions du Géant; tel est l'appareil que les aéronautes ont eu parfois la pensée de gouverner, à l'aide de trois ou quatre palettes d'une surface relativement insignifiante, à l'aide d'une ou de plusieurs hélices, d'une ou de plusieurs roues!

Il n'est personne qui n'ait éprouvé l'effet d'un vent un peu violent et qui ne se soit senti entraîné par lui. Et cependant la plus grande surface que notre corps offre au vent n'est guère que de 1 mètre carré. Qu'on juge par là, de la pression que produit sur la surface 400 fois plus grande d'un corps qui ne repose sur aucun point solide, un vent dont la direction peut changer à chaque instant et dont la vitesse est variable, depuis 30 mètres par minute pour le vent le plus faible, jusqu'à 2,700 mètres pour l'ouragan, ce qui, dans ce dernier cas, représente 162 kilomètres à l'heure, c'est-à-dire plus de trois fois la vitesse du train rapide de Paris à Marseille!

M. Babinet a dit à l'Association polytechnique: «La théorie de la direction des ballons est absurde. Comment faire?

«Comment faire résister et manœuvrer, contre les courants, des ballons comme le Flesselles, par exemple, qui mesurait 120 pieds de diamètre? Il faudrait une force de 400 chevaux pour mettre en lutte à peu près égale avec le vent une voile de vaisseau. Supposez, ce qui est impossible, qu'un ballon pût emporter avec lui une force de 400 chevaux; ce grand effort ne servirait absolument à rien, car nous apprécions tout de suite que, sous cette pression, votre ballon s'écraserait dans sa fragile enveloppe.

«Supposez tous les chevaux d'un régiment attachés par une corde à la nacelle d'un ballon, vous obtiendriez pour tout résultat de voir voler en éclats votre ballon.

«C'est tout à fait ailleurs que l'homme doit chercher les moyens de s'élever, ce qui veut dire en même temps de se diriger dans l'air.»

Les faits qui précèdent sont si simples qu'on ne s'explique pas comment un si grand nombre d'inventeurs n'en ont pas été frappés et ont vainement poursuivi la recherche de la direction des ballons.

Le problème de la navigation aérienne, comme celui de la navigation maritime, est double. Le véhicule doit trouver sa base de sustentation sur le milieu, eau ou air, qu'il doit parcourir; il doit, en outre, être dirigeable. Les ballons satisfont à la première partie de la question, mais leur volume rend incompatibles les deux parties du problème. La seule ressource de l'aéronaute est de s'élever ou de s'abaisser dans l'air, à la recherche d'un courant soufflant dans la direction qu'il veut suivre. S'il ne le trouve pas, il doit abandonner la lutte, car il ne pourra que s'éloigner de sa destination. En résumé, la direction des ballons est entourée de telles difficultés qu'on peut la considérer comme irréalisable.

La question nous paraît donc devoir se poser de la manière suivante: Trouver un moteur qui, sous un volume restreint, réunisse une très-grande puissance à une très-grande légèreté. On peut être certain que le jour où ce moteur sera trouvé, la direction des ballons le sera du même coup, car il ne s'agira plus que de l'application d'une force à un appareil ailé dont la nature nous offre un assez grand nombre de spécimens et que l'homme pourra construire de toutes pièces dans un temps certainement limité. La question du gouvernement de l'appareil deviendra l'objet d'une étude pratique dont un certain nombre d'expériences fourniront la solution.

Il est incontestable que l'une des voies qui pourraient conduire à la découverte du moteur nécessaire est celle qui reposerait sur l'utilisation d'une des propriétés physiques ou chimiques de l'air, ou de l'un de ses gaz constituants, oxygène ou azote, et plutôt du premier, source de combustion et de vie, que du second, qui n'a que des propriétés négatives. Le moteur aurait ainsi son aliment au sein de la masse même où il se meut.

Il y a des corps que l'homme a trouvé le moyen de lancer et de diriger dans l'air, avec une vitesse qui défie celle des vents, au plus fort de l'ouragan. Ce sont les projectiles qui sortent des armes à feu et qui ont été utilisés comme moyens de transport, comme porte-amarres, etc. La poudre vient d'être appliquée récemment aux sonnettes qui servent à enfoncer les pieux. La charge d'un fusil suffit pour actionner un mouton de 180 kilogrammes. Que le lecteur ne sourie pas! Nous n'avons pas l'intention de le mettre à cheval sur un boulet ou sur un javelot ailé et de le lancer ainsi dans l'air, à la vitesse vertigineuse que produit l'explosion de la poudre ou celle d'un picrate quelconque; mais, en présence des effets foudroyants dus à la combustion instantanée et à l'explosion de certaines matières fulminantes, n'est-il pas permis de supposer que l'homme pourra fixer le régime de ces sources de forces, en rendre l'action continue et la régler enfin selon le but particulier qu'il se propose?

L'homme doit-il prétendre lutter contre toutes les tempêtes de l'atmosphère? Nous ne le croyons pas. Ses efforts doivent tendre à triompher du vent, tant que son intensité ne dépasse pas certaines limites, à tirer parti des courants naturels de l'air, comme il le fait de ceux de la mer ou des rivières, ces chemins qui marchent, ainsi qu'a dit Pascal; mais il doit se résigner, quant à présent, à fuir les ouragans de l'air comme il fuit ceux de l'Océan, se rappelant sans cesse son infimité vis-à-vis du grand maître de la nature.

CHAPITRE II
LES ANIMAUX MOTEURS

I. – L'HOMME MARCHEUR, COUREUR, PATINEUR, ÉCHASSIER

Quelle a dû être la situation de notre premier père à sa sortie des mains du Créateur, et quel ressort a pu le pousser à se mettre sur ses jambes et à quitter la place où Dieu l'avait fait naître? Est-ce la faim, est-ce le désir de contempler les beautés du monde terrestre qui lui était donné comme séjour? Est-ce une sensation, est-ce un sentiment qui a parlé le premier? L'être matériel s'est-il révélé avant l'être moral? Les philosophes résoudront, s'il leur plaît, cette question. Pour nous, nous supposerons tout simplement que les muscles de la locomotion ont bien pu être impressionnés par ceux de l'estomac et que, la manne ne tombant pas du ciel, l'homme alla chercher des fruits pour satisfaire son appétit.

Quant à ses descendants, ils suivirent l'exemple de leur père, à cela près que peut-être ils commencèrent à marcher à quatre pattes, pour ne plus marcher bien tôt que sur deux et pour finir avec trois, comme l'a fait remarquer le fils de Laïus et de Jocaste.

 

Mais nous laissons l'enfance et la vieillesse de l'homme pour ne nous occuper que de son âge mûr et de l'individu à l'état parfait.

Tandis que la plante meurt où elle a poussé, que la bête broute le sol qui l'a vu naître, l'homme seul va chercher bien loin les aliments nécessaires à sa vie matérielle, à sa vie intellectuelle. Aussi comprend-on bien que les anciens aient tenu en si grand honneur les exercices de la marche et de la course, les seuls moyens qu'avait l'homme, aux époques primitives, de pourvoir à entretenir les forces de son corps et à l'activité de son cerveau.

On sait que des couronnes étaient réservées aux vainqueurs des courses aux jeux olympiques. C'est qu'alors on attachait plus d'importance qu'on n'en donne aujourd'hui à la forte constitution de l'homme. La guerre était le but principal dans lequel on formait des jeunes gens vigoureux, mais les travaux de la paix bénéficiaient aussi des exercices du gymnase, et la santé du corps, l'équilibre maintenu dans l'accomplissement de toutes ses fonctions n'étaient pas sans influence sur les productions du cerveau: Athènes et Rome resteront le berceau toujours admiré des lettres, des sciences et des arts.

La jeunesse tout entière était formée aux exercices du corps, les hommes étaient généralement bon marcheurs (on se rappelle l'usage qui existait à Sparte de sacrifier, dès leur naissance, les enfants difformes). Mais, parmi tous ces hommes, quelques-uns se sont trouvés doués de cette poitrine plus large, de ces jambes mieux musclées et plus longues, dont les médailles ou les vases anciens nous ont laissé l'image et dont les historiens et les poëtes nous ont raconté les hauts faits.

Sans parler d'Achille aux pieds légers, que tout le monde connaît, on peut citer Hermogène, de Xante (en Lycie), qui remporta huit victoires en trois olympiades, Lasthine le Thébain, qui battit un cheval à la course, et Polymestor, jeune chevrier de Milet, qui attrapait un lièvre à la course.

Au moyen âge, on trouve des coureurs émérites au service de la noblesse. De grands gaillards «fort bien fendus,» à l'haleine longue, au costume léger, ornés de plumes, de clochettes, de rubans, s'en allaient en avant du carrosse de leur maître pour annoncer son arrivée. Tantôt ils étaient pieds nus, tantôt ils n'avaient que des chaussures légères. Ils portaient à la main une longue canne terminée par une pomme d'argent, dans laquelle ils enfermaient leur repas. Inutile de dire que ces hommes vivaient peu et que, du jour où leurs membres épuisés réclamaient le repos, le corps tout entier cédait à l'excès de la fatigue, et ils succombaient.

De ces coureurs, il n'est guère resté que le nom; il existe encore des valets de pied en France et des footmen en Angleterre; mais l'aristocratie a très-heureusement renoncé au privilége qu'elle tenait de la féodalité d'avoir à son service des hommes dont elle faisait des esclaves, honteusement soumis à tous ses caprices. Les valets de pied usent maintenant des voitures comme leurs maîtres, et ce n'est plus qu'aux cortéges des rois, à des occasions solennelles, qu'on les voit cheminer à côté des chevaux d'apparat, dont ils servent à régler l'allure et à diriger la marche.

On rencontre encore des coureurs dans quelques pays primitifs, où ils sont chargés du service de la poste, chez les Cafres, par exemple. Munis du message de leur maître pour un chef voisin, les coureurs partent dans le plus simple appareil, mâchant seulement quelques feuilles de tabac, dont le jus sert à tromper leur soif. Dès qu'ils ont la réponse attendue, ils repartent en courant.

Les plus singuliers coureurs sont ces petits négrillons, à peine vêtus de lambeaux, qui se cramponnent à la queue des chevaux arabes et les suivent à la course. Le cheval arrêté, ils vont de la queue à la tête et gardent le coursier pendant que le maître vaque à ses plaisirs ou à ses affaires.

Mais s'il n'y a plus d'autres coureurs que ceux que l'on voit paraître en maillot, de temps en temps, dans les villes de province et qui en font le tour pour quelques pièces de monnaie, il y a encore des marcheurs.

Ceux que j'admire le plus sont ces soldats qui, avec des charges de 15 à 20 kilogrammes, des vêtements étouffants et une coiffure aussi pesante que ridicule, font des étapes variables de 30 à 40 kilomètres pendant quinze à vingt jours consécutifs; et je mets au nombre des faits les plus remarquables, les marches forcées des armées en campagne. Les distances parcourues en un jour, durant les guerres du premier empire, ont atteint 48 et même 60 kilomètres. Qu'on se rappelle le passage des Alpes ou la retraite de Russie: dans un cas, un faîte à franchir avec des canons et tout un matériel de guerre; dans l'autre, une longue marche à fournir dans la neige ou dans la boue, en dépit du froid et de la faim. Il faut, chez les hommes qui accomplissent de semblables hauts faits, une force physique doublée d'une force morale exceptionnelle, comme peuvent seuls en faire naître des événements exceptionnels. Mais fallait-il bien tant de gloire et tant de vertu pour verser tant de sang?

Le soldat rentrant au village devient souvent facteur rural; nous le voyons, dans certaines parties montagneuses de la France, faire, pour un salaire des plus modestes, un service des plus fatigants. Les vélocipèdes, dont nous parlerons plus loin, viendront-ils quelque jour rendre leur tâche moins rude? Nous n'osons l'espérer; car, tandis que le facteur passe partout, à travers champs, dans les sentiers, sur les rochers, le vélocipède ne passe que sur les chemins frayés, sur les chaussées unies et peu inclinées. Combien de nos chemins vicinaux ne pourraient convenir à ces légers véhicules!

Indépendamment de ces marcheurs de profession, il apparaît de loin en loin quelque marcheur hors ligne. L'un des plus remarquables est le capitaine Barclay. C'était en juillet 1809; il paria 3,000 livres sterling (75,000 francs) qu'il parcourrait en 1,000 heures consécutives un espace de 1,000 milles. Les paris s'élevèrent même jusqu'à 100,000 livres sterling (2,500,000 francs): 41 jours et 41 nuits de marche non interrompue! La distance de 1,000 milles correspond à 1,609 kilomètres ou 402 lieues. Le pari fut gagné, et le retour du capitaine Barclay salué par les cloches sonnant à toute volée.

Mais qu'importent ces tours de force, aussi dépourvus d'utilité pour celui qui les exécute que d'intérêt réel pour celui qui les observe? La marche des Landais dans les pays marécageux qui s'étendent entre la Garonne et l'Adour, depuis la Gélise jusqu'aux dunes de l'Océan, ou des Hollandais sur le miroir glacé de leurs canaux, nous paraît plus digne de fixer l'attention.

C'est du haut de ses échasses, qui l'élèvent de 1 mètre à 1m,60 au-dessus du sol, que le berger landais garde son troupeau. Un bourrelet de bois, de corne ou d'os, appelé cret ou pedis, garnit la partie inférieure de ces échasses et les empêche de pénétrer dans la vase. Le pâtre porte à la main un long bâton, appelé paou tchanquey, et qui lui sert de balancier quand il marche ou de point d'appui quand il veut se reposer. Ainsi perché sur ces chanques, il domine la bruyère, traverse les marais, garde ses troupeaux et se garde lui-même des attaques des loups. Il s'en va ainsi tous les jours, insoucieux, entre ciel et terre, et tricotant quelque paire de bas de laine couleur de bête.

C'est au moment où l'hiver semble ralentir l'activité de tous les êtres que les Hollandais se livrent au plaisir tant aimé de Klopstock et de Gœthe. La surface polie des canaux qui sillonnent la Hollande forme comme autant de chemins propres à la circulation. Ce sont, non-seulement des champs ouverts à leurs jeux et sur lesquels ils se livrent, hommes et femmes, à des courses de vitesse, ce sont encore des voies de communication rapide, que les femmes suivent pour aller au marché, les hommes pour se rendre à leurs travaux. Le patin est aussi appliqué à l'art militaire, et il s'est formé, dans différents pays du Nord, des corps de patineurs, armés à la légère, et qui, grâce à la rapidité de leur course, peuvent rendre, dans certains cas, de très-utiles services.

Mais le patin et l'échasse ne s'emploient que dans ces cas particuliers où la surface du sol est fangeuse ou glacée. Hors de là, l'homme retombe sur ses jambes, c'est-à-dire sur des organes qui ne doivent fournir, d'une manière normale, qu'une course de peu d'étendue. Que l'on rapproche, en effet, la constitution anatomique de l'homme de celle des animaux le mieux doués pour la marche, ou pour la course, et l'on remarque qu'il manque de ces deux qualités essentielles, qui font le mérite de ces animaux: la force des muscles des membres locomoteurs, le développement de la capacité thoracique et des organes respiratoires qui y sont renfermés.

II. – LE CHEVAL, L'ÂNE, LE MULET, L'HÉMIONE, LE BŒUF, LE YACK, LE BISON, LE CHAMEAU, L'ÉLÉPHANT, LE RENNE, LE CHIEN, L'AUTRUCHE

L'homme s'est emparé du cheval et l'a dompté.

«La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal…» a dit Buffon. «Non-seulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs; et, obéissant toujours aux impressions qu'il en reçoit, il se précipite, se modère ou s'arrête et n'agit que pour y satisfaire. C'est une créature qui renonce à son être pour n'exister que par la volonté d'un autre; qui sait même la prévenir, qui, par la promptitude et la précision de ses mouvements, l'exprime et l'exécute; qui sent autant que l'on désire et ne rend qu'autant qu'on veut; qui, se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s'excède et même meurt pour mieux obéir.»

Selon la Fable, les dieux s'en servaient comme de monture ordinaire ou l'attelaient à leurs chars. La Bible, dans Esther, raconte «que l'on envoya des lettres par des courriers à cheval sur des coursiers rapides, sur des dromadaires issus de juments.»

Le cheval semble avoir toujours été l'auxiliaire de l'homme. Chez tous les peuples on le rencontre à l'état domestique. Dans le nord de l'Afrique, on trouve le cheval arabe, le kochlané ou pur sang, le type de la race, ou le kadisché provenant de croisements inconnus, tous deux remarquables par l'élégance de leurs formes et la rapidité de leur course. Dans la Barbarie, on emploie des chevaux pour le manége; en Espagne, des chevaux pour le manége ou la cavalerie; en Angleterre, des chevaux de course, et dans les différentes régions de la France, des chevaux pour tous les usages. En Normandie ce sont des chevaux de trait et de manége; dans le Limousin, des chevaux de selle; dans la Franche-Comté, des chevaux de trait; en Auvergne on élève le bidet et dans le Poitou le mulet.

Le cheval se plie à tous les travaux qu'on lui impose, prend le pas, le trot, l'amble ou le galop, selon le bon plaisir de celui qui le dirige. C'est avec la même allure résignée qu'il suit le sillon de la charrue, l'ornière du chemin, la piste du champ de courses ou du manége. Il ira en ligne droite le long d'une voie ferrée, tournera en cercle pour élever l'eau du maraîcher, ou marchera sur lui-même sans avancer, comme l'écureuil dans sa cage, ou comme le chien du cloutier. C'est le premier instrument de l'agriculture et de l'industrie.

Sans vitesse, il peut produire un effort de 360 kilogrammes; à la vitesse moyenne de 1 mètre par seconde, cet effort n'est plus que de 80 à 90 kilogrammes; encore faut-il que le travail ne soit pas trop prolongé. Aussi ne compte-t-on d'ordinaire que sur 70 kilogrammes seulement.

Des expériences très-nettes ont permis de comparer le travail de l'homme et celui du cheval: tandis que l'homme, qui roule un fardeau sur une voiture à deux roues et revient au point de départ chercher un nouveau chargement, peut travailler durant dix heures, avec une vitesse de 50 centimètres par seconde et exercer un effort moyen de 100 kilogrammes, le cheval peut, travaillant le même temps, mais avec une vitesse de 60 centimètres par seconde, exercer un effort moyen de 700 kilogrammes. La quantité de travail journalière est représentée, pour l'homme, par 1,800,000 kilogrammètres3, et, pour le cheval, par 15,120,000 kilogrammètres. – Tandis que le portefaix peut exercer, durant une journée de 7 heures, et à une vitesse de 75 centimètres par seconde, un effort moyen de 40 kilogrammes, le cheval, chargé sur le dos, peut, durant 10 heures de travail et en marchant avec une vitesse de 1m,10 par seconde, développer un effort moyen de 120 kilogrammes.

 

Ces chiffres représentent, bien entendu, des résultats moyens; car le poids que l'homme peut porter s'élève jusqu'à 150 kilogrammes. Il a même atteint le chiffre de 450 kilogrammes. Les portefaix de Rive-de-Gier, qui chargent les bateaux, portent un hectolitre de houille de 85 kilogrammes à 36 mètres, et font de 290 à 300 voyages par jour.

Il est assez intéressant de comparer aussi les vitesses que peuvent prendre l'homme et le cheval à la course.

La vitesse du coureur peut être de 13 mètres par seconde pendant quelques instants; la vitesse ordinaire est de 7 mètres. (Le marcheur ne s'avance qu'avec une vitesse de 2 mètres et le voyageur ne parcourt que 1m,60 par seconde.)

La plus grande vitesse que puisse prendre un cheval dans une course d'un quart d'heure, ne dépasse pas 14 à 15 mètres. La vitesse au galop est de 10 mètres, au trot de 3m,50 à 4 mètres, au grand pas de 2 mètres et au petit pas de 1 mètre.

Il y a quelques années, le service des postes employait un grand nombre de chevaux de choix, que les chemins de fer ont presque complétement dispersés. Les chevaux des malles-postes traînaient 500 kilogrammes à la vitesse de 4m,44, et parcouraient 20 kilomètres par jour; ceux des diligences allant moins vite (3m,33 par seconde), traînaient 800 kilogrammes et parcouraient 24 kilomètres par jour. Enfin, les chevaux des chasse-marée, qui parcourent 32 kilomètres par jour, avec une vitesse de 2m,20 par seconde, ne traînent que 560 kilogrammes.

 
Moins vif, moins valeureux, moins beau que le cheval,
L'âne est son suppléant et non pas son rival.
 

Il n'en est pas moins vrai que le coursier de Silène, qui l'emporte sur son maître par sa sobriété, rend, comme porteur, de précieux services à l'agriculture.

Les petites exploitations l'utilisent avec avantage pour les transports à faible distance, et les gens pauvres le préfèrent à raison de la facilité qu'ils ont à le nourrir et à le loger. C'est le souffre-douleur de la famille domestique, c'est pour lui que sont tous les coups. Qui n'a pris en pitié le sort de ces pauvres bêtes, en Espagne et en Afrique, où on leur voit suivre par troupes nombreuses des chemins à peine tracés, pliant sous la charge de lourds sacs de blé ou sous le faix de longs Arabes, aux jambes traînantes?

Le mulet est le cheval du montagnard. À lui les chemins étroits dans les rochers et le transport du bois réduit en charbon. Bon pied, bon œil, tête sûre, à l'abri du vertige et défiant les précipices; mais allure lente, due à l'ampleur de sa taille.

Plus vite que les meilleurs chevaux arabes court l'hémione, et nous nous demandons pourquoi le Dziggetai, très-répandu dans le pays des Katch, au nord de Guzzerat, dans l'Inde, et dont on se sert à Bombay comme cheval de selle et de trait, n'a pas encore été acclimaté.

Puisque nous sommes dans l'Inde, nous parlerons de l'éléphant, le géant des bêtes de transport sinon la plus utile et dont on se sert dans diverses contrées de l'Asie. L'éléphant peut parcourir 80 kilomètres par jour en portant un poids de 1000 kilogrammes. D'après le chev. P. Armandi, auteur d'un ouvrage fort intéressant sur l'histoire militaire des éléphants, ces animaux ne pouvaient faire, avec une semblable charge, que 12 à 15 lieues par jour (48 à 60 kilomètres). «La marche ordinaire de l'éléphant, dit cet écrivain, n'est guère plus rapide que celle du cheval; mais, quand on le pousse, il prend une sorte de pas d'amble, qui, pour la vitesse, équivaut au galop. Il a le pied très-sûr, il marche avec circonspection et il lui arrive rarement de broncher. Malgré cela, c'est toujours une monture incommode, à cause de son balancement continuel et de son allure saccadée.»

L'éléphant était autrefois employé dans les combats et portait sur son dos une tour abritant cinq ou six soldats au plus, armés de piques ou de traits. Plus tard, le sénat romain attela deux éléphants aux chars des empereurs revenant vainqueurs de l'Orient. Aujourd'hui, l'éléphant sert aux voyages dans l'Inde. On lui met sur le dos soit une galerie découverte, de construction légère, simplement garnie de coussins, appelée howdah ou haudah, et qui peut contenir deux ou trois voyageurs, ou bien, pour les dames ou les grands personnages, une galerie couverte de rideaux de soie, ornée de banderoles et connue sous le nom d'a'méry.

Mais l'éléphant ne se reproduit pas dans la vie domestique; il lui faut la profondeur et le silence des forêts; aussi n'y a-t-il guère à espérer qu'il se répande jamais en Europe.

S'il ne l'emporte par la taille, le chameau l'emporte sur l'éléphant par les services qu'il rend aux populations africaines. C'est le navire du désert, a-t-on dit avec beaucoup de vérité. Et, en effet, les sables sahariens ne forment-ils pas une vaste mer mouvante qui a ses tempêtes, quand souffle le Simoun (les poisons), ou comme les Arabes le nomment: le Kamsin, «qui sèche l'eau des puits». «Dans le désert, l'homme redevient promptement un animal féroce; le soin de son propre salut le préoccupe à ce point qu'il ne se retournerait seulement pas pour secourir son semblable en danger4.» Si l'Arabe n'avait le chameau, quel autre animal pourrait lui faire parcourir le désert? Admirable prévoyance de Dieu qui, à côté de la vaste plaine brûlante, a mis la monture propre à en faciliter l'accès!

Tout le monde connaît la sobriété du chameau. Il peut marcher pendant des semaines entières, à raison de 16 à 18 heures par jour, avec un fardeau de 400 kilogrammes en moyenne, sans demander autre chose qu'un litre d'eau chaque jour, et une livre d'une nourriture quelconque: paille, orge, chardons, herbes ou noyaux de dattes. Pour une traversée de 40 à 50 heures, comme celle du Caire à Suez, il peut se passer de toute boisson et de toute nourriture.

La soumission du chameau, sa patience, ressemblent à celles du bœuf; mais tandis que l'un rentre dans la catégorie des bêtes de somme, l'autre appartient plus spécialement à celle des bêtes de trait. De même que le cheval, le bœuf se trouve dans tous les pays et partage avec lui les rudes travaux de l'agriculture. C'est dans les régions montagneuses et dans les pays chauds que l'usage du bœuf s'est le plus répandu. Là, il tire la charrue et fait tous les transports qui ne réclament pas de vitesse. Attelé au manége d'une noria, il peut développer un effort moyen de 60 kilogrammes, tandis que le cheval n'est capable de produire qu'un effort de 45 kilogrammes; sa vitesse, il est vrai, n'est, dans ce cas, que de 0m,60 par seconde, tandis que celle du cheval est de moitié plus grande, ou de 0m,90 dans le même temps.

À côté du bœuf viennent se ranger les membres de la même famille: le yack, des montagnes du Thibet, qui se monte et dont l'agilité est supérieure à celle du bœuf; le bison, qui abonde dans l'Amérique septentrionale, et que M. Lamare-Picquot a proposé d'acclimater en 1849, comme bête de trait et de boucherie.

Les usages que l'on tire du bœuf, lorsque l'âge ne lui permet plus de fournir un service actif, sont plus nombreux encore que ceux des différentes parties du corps du chameau. Sa chair, sa peau, sa graisse, son poil, ses cornes, ses os, ses nerfs, ses intestins, son sang, ses issus même, sont utilisés. Aussi, en pensant au culte public que les Égyptiens rendaient au bœuf Apis, est-on surpris qu'il n'ait produit que l'insignifiante et ridicule mascarade du bœuf gras, où les grands prêtres sont remplacés par des garçons bouchers, travestis en hercules assommeurs.

L'homme n'a pas d'autres auxiliaires dans les pays chauds et dans les pays tempérés que ceux dont nous venons de parler.

Dans les contrées septentrionales, en Russie, en Norwége, le renne remplace avantageusement le cheval. Il sert à la fois de bête de trait et de somme et peut faire jusqu'à 120 kilomètres par jour, se contentant seulement de quelques bourgeons, d'écorces ou de lichen qu'il déterre sous la neige.

3Le kilogrammètre, ou unité de travail, est le travail dû au poids de 1 kilogramme élevé à 1 mètre de hauteur.
4M. du Camp, Orient et Italie.