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Les Merveilles de la Locomotion

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Märgi loetuks
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Comme le renne, le chien se met au traîneau et rend au voyageur qui se lance sur les glaces des mers polaires de précieux services. Le docteur J. – J. Hayes, chirurgien de la marine des États-Unis, raconte ainsi la dernière partie de son voyage à la mer libre du pôle arctique: «Notre traversée n'a pas eu sa pareille dans les aventures arctiques… Les soixante-quinze derniers kilomètres, où nous n'avions plus que nos chiens, nous ont pris quatorze journées; et on comprendra mieux combien la tâche était rude, si l'on se rappelle qu'une semblable étape peut être parcourue en cinq heures par un attelage de force moyenne sur de la glace ordinaire, et ne le fatiguerait pas moitié autant qu'une seule heure de tirage au milieu de ces hummocks qui semblaient se multiplier sous nos pas. – Le chien de cette race court plus volontiers sur la glace unie avec un fardeau de cent livres, qu'il n'en traîne vingt-cinq sur une route qui le force à marcher à pas lents.»

Nous avons parlé de la plupart des quadrupèdes que l'homme emploie à le porter ou à le traîner. Mais il est un bipède que certains peuples de l'Afrique emploient aussi comme coursier: l'autruche. Sa force ne le cède en rien à la rapidité de sa course. Il semble voler; et on se fera une idée de sa vitesse quand on saura que le chasseur qui la poursuit est souvent forcé de courir huit à dix heures avant de l'atteindre.

Ainsi qu'on le voit, dans quelque pays, sous quelque latitude que l'homme se place, il trouve à ses côtés l'animal capable de suppléer à sa faiblesse et de prolonger sa course aussi loin qu'il le désire: mers de glaces ou de sables brûlants, il peut tout aborder. Est-il seul à voyager? il enfourche une monture; a-t-il lourd à porter? il attelle la bête à un véhicule. De force, il n'en a pas à produire et son cerveau peut être seul à travailler.

CHAPITRE III
LES VÉHICULES DANS L'ANTIQUITÉ

BIGA, CARPENTRUM, CISIUM, PILENTUM, BENNA, CHARS D'HÉLIOGABALE, CHAR FUNÈBRE D'ALEXANDRE, LITIÈRES ET BASTERNES

Les véhicules le plus en usage dans les temps anciens, ceux dont les bas-reliefs de la Grèce ou de Rome nous ont conservé l'image, et dont les historiens nous font le récit, sont les chars à deux roues qui servaient dans les combats, dans les courses du cirque, dans les fêtes triomphales ou dans les cérémonies religieuses.

La biga était une sorte de caisse montée sur deux roues, ouverte à l'arrière et sans aucun siége. Elle était tirée par deux chevaux attelés de front de chaque côté d'une flèche unique ou timon. Cette caisse était tantôt en bois, tantôt en métal et plus ou moins ornée suivant les circonstances. Dans les jeux du cirque, le lutteur conduisait lui-même l'attelage; à la guerre, un conducteur spécial dirigeait les chevaux pour laisser au combattant le libre usage de ses armes.

Nous ne voyons plus ces chars qu'aux courses de l'Hippodrome, à Paris. Tous les ans aussi, Florence a ses courses de chars. Des cocchi, vêtus à la romaine, montés sur leur theda, soulèvent des nuages de poussière aux applaudissements de la foule qui entoure la place Sainte-Marie-Nouvelle.

Ces chars s'appelaient autrefois bigæ, trigæ, quadrigæ, suivant qu'il étaient traînés par deux, trois ou quatre chevaux de front. Il y avait aussi des sejugæ, ou chars à six chevaux, et des septijugæ ou chars à sept chevaux.

On attribue l'invention des chars à Erichthonius, roi d'Athènes, qui institua les fêtes des Panathénées, si célèbres dans toute la Grèce. D'autres historiens croient pouvoir en faire remonter la découverte jusqu'à Triptolème, ou même jusqu'à Pallas ou à Neptune. Nous ne chercherons pas à vider le différend qui les divise à ce sujet. L'invention des chars date de la plus haute antiquité, c'est incontestable; mais nous doutons fort que les dieux de la Fable aient fait, de leurs mains, les chars sur lesquels on les représente si souvent montés et à l'aide desquels ils voyagent au milieu de l'éther ou sur les vagues de l'Océan.

Le carpentum était la riche voiture à deux ou à quatre roues et à deux ou à quatre chevaux, attelés de front. Le carpentum était d'ordinaire couvert et servait aux prêtres et aux dames romaines. C'était la voiture de la mariée, celle qu'en Grèce on appelait apène.

Notre cabriolet moderne portait autrefois le nom de cisium, mais il différait notablement de celui que nous connaissons. Il s'ouvrait par devant et avait un siége, mais la caisse n'était pas suspendue; le siége seul était porté par des courroies destinées à adoucir les chocs des chemins qui, à cette époque, étaient très-imparfaits. On sait, en effet, qu'à part les quelques voies stratégiques qui furent faites de bonne heure en Italie, et qui réunissaient Rome aux principales villes de la péninsule, les voies de communication manquaient presque complétement. Le cisium, n'ayant que deux roues, pouvait, plus facilement que le carpentum, passer dans tous les chemins, aussi l'employait-on comme voiture de voyage.

La voiture de ville des matrones romaines, celle des vestales, dont la loi interdisait l'usage aux courtisanes, s'appelait pilentum. Elle était découverte, à deux places, à deux ou à quatre roues. Des colonnettes en bois, en cuivre, ou même en argent ou en ivoire, richement sculptées, soutenaient la toiture de la voiture. Les arabas des dames du sérail et des patriciennes musulmanes d'aujourd'hui ont quelque ressemblance avec le pilentum. Les arabas sont les voitures dans lesquelles l'aristocratie féminine musulmane va se promener, à certains jours de liesse, aux Eaux douces d'Europe ou d'Asie, sur la rive orientale du Bosphore de Thrace: lourds carrosses, tirés par des bœufs à la lente allure, et conduits par des eunuques5. Un diminutif de ces voitures, destiné à être traîné par des chèvres, est au musée de Trianon à Versailles. Il a été donné par le sultan au prince impérial.

Une voiture très à la mode depuis quelques années, le panier, la voiture de campagne, était aussi très en vogue autrefois. On la trouve chez les Romains où elle s'appelle sirpea, chez les Spartiates où elle se nomme canathra, chez les Grecs où elle porte le nom de plecta, et enfin chez les Gaulois qui l'appellent benna. La benna servait à la guerre et, durant la paix, au transport des personnes et des choses.

Telles étaient les principales voitures en usage dans l'antiquité; mais, à côté de ces voitures dont chacun se servait suivant ses fonctions ou dans telle ou telle circonstance, il s'en est trouvé de particulièrement remarquables par le luxe de leur construction.

«Héliogabale, le Sardanapale de Rome, nous dit M. Ramée, dans son histoire des chars, carrosses, etc., d'après l'historien Lampride, avait des voitures couvertes de pierres précieuses et d'or, ne faisant aucun cas de celles qui étaient garnies d'argent, d'ivoire ou d'airain. Il attelait parfois à un char deux, trois et quatre femmes des plus belles, ayant le sein découvert et par lesquelles il se faisait traîner. Cet empereur n'étant encore que particulier, ne se mettait jamais en route avec moins de soixante chariots. Empereur, il se faisait suivre de six cents voitures, alléguant que le roi des Perses voyageait avec dix mille chameaux et Néron avec cinq cents carrosses.»

Le même Héliogabale avait pour son dieu Elégabale un char orné d'or et de pierres précieuses, traîné par six chevaux blancs richement caparaçonnés. Le dieu conduisait ou mieux semblait conduire. Héliogabale allait en avant du char à reculons. Le chemin à parcourir était couvert de poudre d'or pour prévenir ses faux pas et l'empêcher de glisser sous les pieds des chevaux dont il réglait l'allure.

L'un des chars les plus remarquables est celui dont Diodore de Sicile donne la description et qui transporta le corps d'Alexandre de Babylone en Égypte. La voûte était d'or, recouverte d'écailles en pierres précieuses au sommet. Le trône et les ornements placés sur ce char étaient en or; les raies et les moyeux des roues étaient dorés. Soixante-quatre mules, par seize de front, portant des couronnes d'or et des colliers de pierres précieuses, traînaient ce char, dont la construction avait exigé deux années de travail.

Indépendamment des chars de différents genres qui sont venus jusqu'à nous plus ou moins transformés, les anciens avaient encore les litières et les basternes, qui ont donné naissance aux palanquins et aux chaises à porteurs.

La litière était le plus souvent portée par des hommes, mais quelquefois on la plaçait sur un chameau ou sur un éléphant. Elle subit, avec le luxe croissant, les modifications des autres moyens de transport. Elle fut d'abord découverte et très-simple. On la couvrit plus tard et on l'orna. La basterne n'est autre chose qu'une grande chaise à porteurs à deux places portée par deux chevaux, deux mules ou deux bœufs.

La litière employée aujourd'hui dans le Dahomey n'est pas plus primitive que la litière des anciens. Aux extrémités d'une longue perche sont fixées les attaches d'un hamac dans lequel le promeneur est étendu. Une draperie tendue sur un cadre, relié lui-même à cette perche, fait tente au-dessus de la litière et garantit des ardeurs du soleil. Deux nègres vigoureux la portent en courant. De temps en temps, deux hommes se détachent de la petite troupe d'esclaves qui sert d'escorte et viennent les remplacer, de manière que l'allure ne soit jamais ralentie.

Ce moyen de transport primitif, où l'homme remplace la bête et porte l'homme, rappelle bien ce qui se passait au temps de la domination romaine où les esclaves étaient forcés de se plier honteusement aux volontés et aux caprices de leurs maîtres.

 

CHAPITRE IV
LES VÉHICULES DEPUIS L'ANTIQUITÉ JUSQU'AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE

Les moyens de transport se perfectionnent avec une lenteur extrême. Le cheval est celui qu'on emploie de préférence.

Eginhard, le premier de nos historiens, nous raconte comment les princes de la famille des Mérovingiens s'en allaient en voyage. «S'il était nécessaire que l'un d'eux allât quelque part, dit-il, il voyageait monté sur un chariot traîné par des bœufs qu'un bouvier conduisait à la manière des paysans. C'est ainsi qu'il se rendait à l'Assemblée générale de la nation, qui se réunissait une fois chaque année pour les affaires du royaume.» Il nous faut aller aujourd'hui en Turquie et dans l'Inde pour trouver des attelages du même genre.

On peut juger de la manière dont voyageaient les simples citoyens par la manière dont voyageaient les rois. Les routes étaient rares et celles qui existaient étaient en très-mauvais état. Les seigneurs féodaux, qui auraient dû les faire entretenir par leurs vassaux, ne s'en occupaient nullement. Ils concédaient le droit de conduite sur les routes pour escorter les marchands, «mais on n'entendait parler que de brigandages sur les voies publiques». «Des brigands, ceints du glaive, raconte Guillaume, archevêque de Tyr, assiégeaient les routes, dressaient des embûches et n'épargnaient ni les étrangers, ni les hommes consacrés à Dieu. Les villes et les places fortes n'étaient pas même à l'abri de ces calamités; des sicaires en rendaient les rues et les places dangereuses pour les gens de bien.» Cet état de choses dura plusieurs siècles, pendant lesquels la sécurité ne régna nulle part. Au douzième siècle, ce sont les Routiers, Brabançons et Cottereaux; au quatorzième, les Malandrins et les Écorcheurs, qui pillent et dévalisent. «Tout le pays en était rempli et personne n'osait sortir des villes et châteaux, par crainte de ces mécréants qui n'avaient nul souci de Dieu.» On pouvait être tranquille à l'intérieur des villes ou dans leur voisinage, mais les paysans n'osaient se risquer dans la campagne, loin des châteaux forts et des monastères. Durant la belle saison, ils restaient aux champs; mais, à l'approche de l'hiver, ils rentraient avec le bétail dans les faubourgs. Le marchand, le commis-voyageur d'autrefois, devaient payer un droit d'escorte à chaque seigneur dont il traversait les terres pour être garanti de toute rapine.

Les seigneurs ne dédaignaient pas de s'associer parfois à ces détrousseurs de grands chemins. C'est ainsi que Richard Cœur de lion, n'étant encore que duc d'Aquitaine, se fit le compagnon de Mercadier, chef de routiers célèbre, et lui donna plus tard les biens d'un seigneur du Périgord. L'archevêque de Bordeaux lui-même fit ravager sa province par le même Mercadier, à ce que rapporte le pape Innocent III.

Les rois de France, à différentes époques, s'efforcèrent de porter remède à cette déplorable situation. Louis VI était toujours à cheval et la lance au poing pour châtier les nobles qui pillaient les voyageurs. Philippe Auguste, jaloux de relever la France au point où Charlemagne l'avait placée, continua la lutte. Il réprima les brigandages des grands seigneurs, fit paver les rues et les places de Paris, qui étaient en tel état que les chevaux et les voitures, remuant la boue, en faisaient sortir des odeurs insupportables. On juge ce que pouvaient être les routes de la France, à cette époque, par ce qu'étaient les rues de sa capitale.

Saint Louis remit en vigueur un capitulaire de Charlemagne qui forçait les seigneurs prenant péage à entretenir les routes et à garantir la sûreté des voyageurs.

Qui donc aurait osé entreprendre de longs voyages en ces temps de troubles et de force brutale? Les seigneurs seuls pouvaient courir ces aventures, et encore ne sortaient-ils guère de leurs domaines ou de ceux de leurs voisins amis. Allaient-ils à quelque fête, c'était sur des palefrois, richement caparaçonnés. Leurs dames les accompagnaient, chevauchant à leurs côtés sur des haquenées ou des mules encore plus brillamment ornées.

Certaines de ces montures sont restées célèbres dans les annales de la chevalerie. Les quatre fils Aymon, Renaud, Guichard, Alard et Richardet, combattaient sur un seul cheval qui s'appelait Bayard.

Le légendaire paladin Roland, avec sa Durandal qui fendait roc et granit, son olifant (cor enchanté), dont montait Bride d'or.

 
Bruient li mont et li vauls resona;
Bien quinze lieues li oïes en ala,
 

Oger le Danois, immortalisé par nos jeux de cartes sous le nom d'Hogier, avait Beiffror et Flori.

Charlemagne avait deux palefrois: Blanchard et Entencendur. Enfin, le Cid avait sa Babieça, et, plus tard, Don Quichotte a eu Rossinante.

Les chariots ne servaient, au moyen âge, que pour le transport des choses et peu pour celui des gens.

Lorsque Thomas Becket, plus tard archevêque de Cantorbéry, vint en France demander la main de Marguerite, fille de Louis VII, pour le fils aîné d'Henri II roi d'Angleterre, il se fit suivre de deux cents cavaliers, tant soldats que serviteurs, tous habillés à ses couleurs et richement vêtus. Quand il entrait dans les villes et les villages, tout le monde se pressait pour voir défiler le long cortége du chancelier, son armée de serviteurs, ses chariots qui faisaient retentir les pierres, ses écuyers, ses chiens, ses oiseaux, ses singes. Il avait douze chariots pour les présents destinés au roi, un pour ses tapis, un pour sa vaisselle, un pour sa cuisine, un pour sa chapelle et ses livres, et je ne sais combien pour ses bagages et ceux de ses gens.

Les litières n'étaient employées que pour les personnes malades et pour les dames à certaines cérémonies d'apparat. C'est ainsi que le comte de Toulouse, Raymond VI, étant malade en Aragon, se fit construire une litière pour aller à Toulouse.

Isabelle de Bavière fit son entrée à Paris le 20 août 1389. La cérémonie surpassa en magnificence tout ce qu'on avait vu jusqu'alors. Le cortége se forma à Saint-Denis. Les seigneurs et les dames s'étaient portés dans cette ville à la rencontre de la princesse: les plus hauts barons rivalisaient de luxe et tenaient à honneur d'escorter les litières des duchesses de Berry, de Bourgogne, d'Orléans et de la reine Isabelle… La suite de la fête fut un vrai triomphe. Les litières dont il est question dans ce récit étaient-elles portées par des hommes ou par des bêtes de somme, mules ou chevaux? C'est ce que l'histoire ne nous dit pas.

Les Houspilleurs, les Écorcheurs et les Retondeurs, qui avaient continué l'œuvre de déprédation des Routiers, furent poursuivis par Charles VII, qui réorganisa l'armée et protégea enfin les bourgeois et les paysans.

Louis XI rendit les routes plus sûres que n'étaient les environs de son redoutable château de Plessis-lès-Tours. Le service des postes fut organisé par lui, le 19 juin 1464. Un grand maître était nommé par le roi, avec des maîtres-coureurs royaux sous ses ordres, et deux cent trente courriers pour agents. La circulation devenait donc plus facile. Des nuntii volantes, qui se chargeaient du transport des lettres, des paquets et des personnes, avaient bien été établis précédemment par l'Université pour les relations des écoliers avec leurs familles, mais aucun service d'ensemble n'avait été organisé.

Sous le règne de Louis XII, «les poules couraient aux champs hardiment et sans risques», car les pillards étaient exécutés; mais sous François Ier, le pillage recommença dans les campagnes et les Mauvais Garçons et les Bandouliers continuèrent les exploits des Routiers et autres Malandrins des siècles précédents. Le fils du roi, lui-même, le duc d'Orléans, s'en allait, par partie de plaisir, ferrailler contre les laquais sur les ponts de Paris. Les bons chemins et les voitures étaient rares. Charles-Quint, le 10 mai 1552, malade de la goutte et poursuivi par Maurice de Saxe, fut forcé de fuir dans une litière au milieu d'un affreux orage, par des sentiers impraticables, à la lueur des torches.

Les moyens de transport les plus populaires étaient alors employés par les gens riches.

On rapporte que Gilles le Maître, premier président du Parlement sous Henri II, stipula, dans un bail avec un de ses fermiers, qu'aux «quatre bonnes fêtes de l'année et aux vendanges, on lui amènerait une charrette couverte et de la paille fraîche dedans, pour y asseoir sa femme et sa fille, et de plus, un ânon ou une ânesse pour sa chambrière, lui se contentant d'aller devant, sur sa mule, accompagné de son clerc à pied».

Cependant, la France s'unifiait; les gens d'armes, de création récente, faisaient la guerre aux pillards; la Renaissance s'ouvrait comme une ère d'apaisement favorable à la fois au commerce, à l'industrie, au développement des voies de communication par terre et par eau, leurs auxiliaires naturels, des moyens de transport, enfin, leurs instruments indispensables.

C'est sous le règne de François Ier que l'on voit apparaître les premiers carrosses. Isabelle, la détestable femme de Charles VI, s'était bien montrée, en 1405, dans un chariot branlant, la première, ou du moins l'une des premières voitures suspendues. Mais ce n'est qu'un fait isolé et sans portée.

Les chroniqueurs font surtout mention des carrosses qui ont appartenu à Diane, fille naturelle d'Henri II, et à Jean de Laval Bois-Dauphin, homme obèse et qui ne pouvait monter à cheval. Les uns prétendent que les voitures restèrent en petit nombre, d'autres, au contraire, «que les dames les plus qualifiées ne tardèrent pas à s'en procurer. Le faste, ajoutent-ils, fut porté si loin, qu'en 1563, lors de l'enregistrement des lettres patentes de Charles IX pour la réformation du luxe, le Parlement arrêta que le roi serait supplié de défendre les coches par la ville. Les conseillers et présidents continuèrent d'aller au Palais sur des mules jusqu'au commencement du dix-septième siècle.»

Les voitures n'étaient certainement pas encore en grand nombre à cette époque.

Le passage suivant, extrait de Brantôme, le montre d'ailleurs bien nettement. Il nous fait connaître ce qu'était un maître-général des postes sous Henri III.

Brusquet avait une centaine de chevaux dans ses écuries, et «je vous laisse à penser le gain qu'il pouvoit faire de sa poste, n'y ayant point alors de coches, de chevaux de relays, ny de louage que peu, comme j'ay dict, pour lors dans Paris, et prenant pour chasque cheval vingt solz, s'il estoit françois, et vingt-cinq s'il estoit espagnol, ou autre estranger».

Les voitures étaient encore peu nombreuses sous le règne d'Henri IV; on peut en juger par ce qu'en avait le bon roi: «Je ne sçaurois vous aller voir aujourd'hui, parce que ma femme se sert de ma coche.» Il n'eut donc, à une certaine époque, qu'une voiture pour lui et la reine. Le nombre de ses équipages augmenta sans doute plus tard, car on trouve dans les Estampes de la Bibliothèque les dessins de plusieurs carrosses armoriés aux initiales royales et qui ont dû appartenir à la cour.

Ces voitures diffèrent notablement de celles que nous voyons aujourd'hui. Elles se composent d'une caisse rectangulaire non suspendue, pouvant recevoir quatre personnes sous une toiture ou impériale que supportent des colonnettes en quenouilles sculptées. De simples rideaux, ordinairement relevés sous la toiture ou contre les colonnes, servent à garantir des injures du temps ou de l'ardeur du soleil. – Cette voiture primitive ne peut mieux se comparer qu'à nos tapissières modernes, enrichies, mais moins légères.

Sully, qui réunissait dans ses mains les charges les plus importantes du royaume, qui était à la fois «superintendant des fortifications, bâtiments, ouvrages publics, ports, havres, canaux et navigations des rivières, grand maître de l'artillerie et grand voyer de France, etc.», prenant en aussi grand souci les intérêts de l'agriculture que ceux du commerce et de l'industrie, améliora les moyens de communication, fit planter, le long des routes, ces ormes qui, suivant les uns, devaient servir à réparer les affûts brisés des canons, mais, suivant d'autres, à abriter les voyageurs. Il se connaissait en chevaux et ne dédaignait pas d'en faire commerce, encourageant ainsi l'élève des auxiliaires les plus indispensables de l'agriculture. N'a-t-il pas dit «que le labourage et le pâturage étaient les deux mamelles qui nourrissaient la France, les vrais mines et trésors du Pérou.» À l'Assemblée du commerce, qui fut réunie en 1604, le roi proposa la fondation d'un haras, pour éviter l'achat des chevaux à l'étranger. Les postes, aussi bien que l'artillerie, devaient profiter de cette nouvelle création, car ce service prenait une importance croissante. Les chevaux de poste faisaient partie du domaine royal et étaient marqués de l'H fleurdelisée.

 

Le ministre d'Henri IV, malgré son horreur pour les superfluités et les excès en habits, pierreries et festins, bâtiments et carrosses, ne laissait pas que d'avoir de touchants regrets pour la cour du roi Henri, lorsqu'il la quitta, après la mort de son maître. Nous ne pouvons résister au désir de rappeler les jolis vers dans lesquels il peint son chagrin. Le ministre se fait poëte:

 
Adieu maison, chasteaux, armes, canons du roy;
Adieu conseils, trésors, déposez à ma foy;
Adieu munitions; adieu grands équipages;
Adieu tant de rachapts, adieu tant de mesnages;
Adieu.......
 
 
Adieu soin de l'Estat, amour de ma patrie;
Laissez-moi en repos finir aux champs ma vie.
Sur tout adieu, mon maistre, ô mon cher maistre, adieu;
 

Nous arrivons au règne de Louis XIII et de Louis XIV, de Richelieu et de Mazarin.

Les voitures se multiplient, aussi bien à Paris qu'en province. Le maréchal de Bassompierre rapporte d'Italie, en 1599, le premier carrosse avec des glaces6. L'ancien chariot branlant d'Isabelle est devenu un carrosse suspendu sur des soupentes, avec cocher au devant et laquais par derrière. Les rues de Paris, celles de plusieurs villes du royaume, sont pavées et bien entretenues: la sécurité y règne durant le jour, et si, la nuit, quelques-unes sont encore obscures, le guet aide à les franchir. Les lanternes de La Reynie ont succédé aux flambeaux à chandelle de Laudati, aux falots alimentés de goudron ou de résine de Pierre des Essarts, et Paris devient la grand'ville, la ville du Roi-Soleil.

L'ancien coche, appelé corbillard, assez semblable d'ailleurs aux voitures actuelles des pompes funèbres, a fait place au carrosse. La forme est devenue plus gracieuse. Les côtés de la voiture, le devant et le fond ne sont plus fermés de leurs mantelets de cuir ou d'étoffe, mais de parties pleines, ajourées par des glaces. La saillie des portières n'existe plus. Celles-ci ont toute la hauteur de la voiture et sont garnies de glaces mobiles. Le carrosse a sept pieds de longueur sur quatre pieds quatre pouces de largeur à la ceinture et cinq pieds neuf pouces de hauteur à la portière. Sa construction est solide, mais il est lourd et convient mieux aux grands attelages de la cour qu'à ceux plus modestes des petits seigneurs. Les uns ont quatre ou six chevaux, les autres en ont huit.

Tels étaient les carrosses dans lesquels on allait se promener au Cours-la-Reine, à l'extrémité des Tuileries. On y faisait assaut de plumes, de rubans, de canons… de toilettes, enfin, comme on fait aujourd'hui aux Champs-Élysées ou au Bois. Ou bien on allait à la foire Saint-Germain, qui durait deux mois, à partir du 3 février. Dans les ruelles obscures de ce marché, où l'on vendait toutes choses, comme dans celles de l'hôtel Rambouillet, ou dans la maison du Baigneur, les «raffinés» d'alors, devenus les «petits crevés» ou les «gommeux» d'aujourd'hui, étalaient leurs dentelles et leur esprit. On y causait, un masque au visage, en jouant à la loterie, au profit des religieux du couvent voisin.

Les riches n'étaient pas seuls à user de la faculté d'aller en voiture. Nicolas Sauvage avait établi rue Saint-Martin, à l'enseigne de Saint-Fiacre, des remises de carrosses qu'il louait à l'heure ou à la journée. L'enseigne donna son nom aux voitures. C'est ainsi que les Meritoria vehicula des Romains se sont appelés des fiacres sous la minorité de Louis XIV.

D'autres industriels suivirent l'exemple de Sauvage. Après Charles Villerme, M. de Givry, en mai 1657, puis les frères Francini, en septembre 1666, se firent entrepreneurs de voitures publiques.

M. de Givry avait obtenu «la faculté de faire établir dans les carrefours, lieux publics et commodes de la ville et faubourgs de Paris, tel nombre de carrosses, calèches et chariots attelés de deux chevaux chacun, qu'il jugerait à propos, pour y être exposés depuis les sept heures du matin jusqu'à sept heures du soir et être loués à ceux qui en auraient besoin, soit par heure, demi-heure, journée ou autrement, à la volonté de ceux qui voudraient s'en servir pour être menés d'un lieu à un autre où leurs affaires les appelleraient, tant dans la ville et faubourgs de Paris, qu'à quatre et cinq lieues aux environs; soit pour les promenades des particuliers, soit pour aller à leurs maisons de campagne.»

Un règlement de 1688 fixa l'emplacement des stations et une ordonnance du 20 janvier 1696 le tarif des fiacres; on payait 25 sous pour la première heure et 20 sous pour les suivantes.

Ce qui nous semble si naturel aujourd'hui était à cette époque l'objet d'un grand étonnement. «Ce fut en ce temps-là, dit Voltaire, qu'on inventa la commodité magnifique de ces carrosses, ornés de glaces et suspendus par des ressorts; de sorte qu'un citoyen de Paris se promenait dans cette grande ville avec plus de luxe que les citoyens romains n'allaient autrefois au Capitole

Le Cathéchisme des courtisans de la cour de Mazarin (1649) n'est pas moins expressif: «Qu'est-ce que Paris? – Le paradis des femmes, le purgatoire des hommes et l'enfer des chevaux!»

À côté des fiacres, les carrosses à cinq sols, les omnibus circulent. Pascal en est l'inventeur. Ils furent inaugurés le 18 mars 1662, ainsi que le constate Jean Loret, poëte normand, dans sa muse historique:

 
L'établissement des carrosses,
Tirez par des chevaux non rosses
(Mais qui pourraient à l'avenir
Par le travail le devenir),
A commencé d'aujourd'hui même.
Commodité sans doute extrême,
Et que les bourgeois de Paris,
Considérant le peu de prix
Qu'on donne pour chaque voyage,
Prétendent bien mettre en usage.
 
 
Le dix-huit de mars, notre veine,
D'écrire cecy prit la peine.
 

Mais ce ne fut pas l'auteur des Provinciales qui tira parti de sa découverte. Des lettres patentes, de janvier 1662, confèrent au duc de Roanès et aux marquis de Sourches et de Crenan la faculté d'établir des carrosses, en tel nombre qu'ils jugeront à propos, aux lieux qu'ils trouveront le plus commode, à des heures déterminées pour chaque route, chaque voyageur ne payant qu'un prix modique.

L'Administration laissait plus de latitude, à cette époque, aux concessionnaires d'entreprises diverses qu'elle n'en donne aujourd'hui. Le prix des places fut fixé à cinq sols; le nombre des voyageurs, qui n'était primitivement que de six, fut porté à huit. Ce n'était pas la grande voiture démocratique, égalitaire de nos jours, où, moyennant payement, quiconque peut prendre place. Il était interdit à tous soldats, pages, laquais et tous autres gens de livrée, manœuvres et gens de bras, d'y entrer, pour la plus grande commodité et liberté des bourgeois, lit-on sur un placard, – pour la plus grande commodité et liberté des gens de mérite, lit-on à côté.

Les voitures n'étaient autres que ces lourds carrosses que nous avons déjà décrits. Il y en avait sept par ligne ou par route, comme on les appelait alors, et cinq routes furent successivement créées du 18 mars au 5 juillet 1662. Les armes de la ville étaient peintes sur les voitures. Des fleurs de lis, en plus ou moins grand nombre, servaient à les distinguer. Les cochers étaient aussi vêtus aux couleurs de la ville, et galonnés de différentes nuances selon les routes qu'ils desservaient.

Les innovations de la capitale furent promptement connues en province. Le service des postes devenait plus parfait et s'étendait chaque jour. Le port d'une lettre de Paris à Lyon n'était que de deux sous (aujourd'hui vingt-cinq centimes). En 1653, la petite poste fut établie à Paris, pour l'intérieur de la ville. On se fait d'ailleurs une idée de l'importance croissante prise par les postes en rapprochant le prix des baux payés par les contrôleurs généraux à différentes époques. En 1602, la ferme des postes était de 97,800 livres; en 1700, elle s'élevait à 2,500,000 livres.

Louis XIV, en 1676, voulut réunir en une seule et même administration les divers services des coches, des carrosses, des messageries et des postes. Mais cette tentative de centralisation n'aboutit pas, et, au bout de quelques années, les services de voitures publiques furent donnés à bail, à prix débattu, à divers entrepreneurs.

5Voyage illustré des Deux Mondes, Mornand et Vilbort.
6Selon d'autres, cette importation serait postérieure et daterait de 1660: elle aurait été faite par le prince de Condé, au retour de son exil à Bruxelles.