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Les Merveilles de la Locomotion

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Tandis qu'en 1517 il n'existait qu'un service public de carrosses de Paris à Orléans, les coches, en 1610, cent ans après environ, desservaient Orléans, Châlons, Vitry, Château-Thierry et quelques autres villes. Sous l'administration de Richelieu et de Mazarin, de nouveaux services étaient établis, et à la fin du dix-septième siècle les principales villes du royaume étaient en relation avec la capitale.

La France n'était pas seule à se servir de carrosses. En Allemagne, en Angleterre, en Espagne, en Italie, les voitures se répandaient.

Selon Anderson, les premières voitures auraient été importées d'Allemagne en Angleterre par Fitz Allan, comte d'Arundel. Certains commentateurs prétendent, au contraire, qu'un Hollandais, Guylliam Boonen, aurait introduit l'usage des voitures en Angleterre, vers 1564. D'autres enfin indiquent une date plus récente et rapportent que Walter Ripon fabriqua en 1555 un carrosse pour le comte de Rutland, carrosse ayant un train de devant mobile et tournant.

Mais si la date de l'apparition du premier carrosse est incertaine, il n'est, du moins, pas douteux que l'usage des voitures se répandit promptement. L'Italie, où la France alla chercher ces artistes de tous genres qui firent briller la Renaissance d'un si vif éclat, l'Italie était au premier rang par le luxe qu'elle déployait dans la construction de ses voitures.

Dans le récit de la solennité organisée à Rome, le 8 janvier 1687, en l'honneur du comte de Castelmaine, ambassadeur extraordinaire de Jacques II, roi d'Angleterre, auprès du pape Innocent XI, se trouvent la description et les dessins des voitures dans lesquelles l'ambassadeur se rendit à l'audience du saint-père.

Nous traduisons cette description de l'italien de l'époque, en l'abrégeant et en ne laissant qu'une partie des nombreux superlatifs qui s'y trouvent. «La machine doit sa grandeur et sa merveilleuse majesté tant aux étranges et très-remarquables ciselures qui l'ornent et l'enrichissent qu'aux grandes proportions, au goût, à la bonne direction qui ont été donnés à ce grand ouvrage. Il n'y a, dans toute la voiture, aucune partie qui ne soit majestueusement enrichie de figures d'un dessin parfait, de grandeur naturelle, de feuillages riches et gracieux, de ferrements ciselés et contournés en merveilleuses arabesques. Tout est recouvert d'or et fait avec tant de richesses qu'il semble à l'œil que la masse ait été coulée d'une seule pièce avec du métal pur.

«Le grand coffre et le plafond du carrosse sont doublés extérieurement du plus riche et du plus remarquable velours cramoisi qu'il soit possible de trouver. Sur cette doublure, qui sert de fond, ressortent de nombreuses et somptueuses arabesques de broderies d'or, entièrement en relief, fixées d'une manière nouvelle et splendide avec les clous les plus riches, sur les arêtes, les panneaux, les portières et les autres parties du carrosse. De grandes et magnifiques volutes naissent des replis d'une riche coquille placée au milieu de la bordure du haut et vont en grandissant vers les quatre coins, dans les proportions indiquées par le dessin. Elles se détachent de cette bordure et viennent former, avec un arrangement de feuillage des plus somptueux, de riches fleurons brodés d'or, se dressant en grandes gerbes à plusieurs palmes de hauteur et retombant sur le plafond du carrosse qu'elles recouvrent en grande partie, de façon à produire un bel et pompeux effet.

«La richesse de l'ornementation ne nuit pas, comme il arrive souvent, aux proportions du dessin et à la valeur de la matière, grâce aux petits espaces de couleur qui, de distance en distance, ont été laissés à découvert pour ne pas aveugler les regards par une trop grande vivacité.

«À l'intérieur, le plafond est caché, sur cinq palmes de longueur et quatre de largeur, par les armoiries de Son Excellence, brodées en relief en argent et en or et nuancées selon les règles de la science héraldique.

«Les arabesques des quatre coins se raccordent à ces armoiries. En dedans comme en dehors, une grande frange d'argent et d'or garnit la bordure et se développe comme une dentelle en flocons et cascades, d'un éclat éblouissant. L'intérieur du coffre est doublé du plus riche brocart. Les rideaux sont faits d'une superbe bande semée de fleurs.

«La partie postérieure du carrosse est merveilleusement ornée de feuillages et de figures d'une composition et d'une exécution remarquables, exprimant la grandeur de la puissance de la Grande-Bretagne. La possession des vastes royaumes soumis à la couronne d'Angleterre est symbolisée par la déesse Cybèle et par Neptune, le souverain de la mer.

«Ces personnages, à l'attitude majestueuse, soutiennent chacun d'une main la couronne royale, s'appuyant de l'autre sur deux grands tritons, enlacés de gracieux feuillages. La licorne et le lion, soutien des armes d'Angleterre, paraissent entraîner toute la machine. Entre eux s'agitent deux gracieux enfants.

«Du côté du timon, éclate la richesse de ferrements refouillés de la manière la plus variée et la plus riche, recouverts d'or comme le reste. Au milieu, le siége soutenu par deux tritons. Deux dauphins supportent une coquille remarquablement grande, qui sert d'appuie-pieds pour le cocher et en avant de laquelle un enfant semble indiquer la route.

«Tout, au dedans comme au dehors de la voiture, est si parfaitement et si complétement achevé qu'une simple description et un dessin peuvent difficilement le faire concevoir. Il faudrait voir de près.»

Ainsi qu'on le comprend par la profusion des épithètes qu'a employées Giovanni Michele, majordome du comte de Castelmaine, auteur de ce récit, ce carrosse devait être tout ce que l'art du temps pouvait produire de plus beau et de plus achevé. La richesse du texte et des gravures destinées à faire passer à la postérité le souvenir de si grandes merveilles montre que rien ne pouvait être trop beau pour une voiture si rare.

Nous le verrons bientôt: les plus riches carrosses de nos jours ne sont pas plus remarquables par leurs ornements que celui dont nous venons de rapporter la description, mais ils l'emportent tous sans exception sur celui-ci par la légèreté de leurs formes, la grâce de leurs contours. Le fer et l'acier prennent sous la main de nos ouvriers les formes les plus diverses et les plus contournées. Les bois les plus précieux se travaillent et se découpent comme de fines dentelles. Les étoffes enfin sont plus riches et plus remarquables qu'elles n'ont jamais été.

Les voitures ressemblent aux habitations. Les détails de leur construction exigent le concours d'artistes nombreux, qui poursuivent tous isolément ce même but, dont ils approchent de plus près chaque jour, sans jamais l'atteindre, la perfection.

CHAPITRE V
LES VÉHICULES AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE ET LEURS PROGRÈS JUSQU'À NOS JOURS

Le faste du règne de Louis XIV, le luxe et les plaisirs du règne de Louis XV développent au dix-huitième siècle le goût des carrosses et font naître leurs nombreuses variétés.

À côté des voitures de la cour qui se distinguent par la richesse de leur ornementation, l'ampleur de leurs formes, mais aussi par leur poids, circulent les carrosses modernes, les berlines, les diligences.

Les voitures qui donnent l'idée la plus exacte de ce qu'étaient les berlines d'autrefois, sont nos fiacres actuels. Les berlines (on prétend qu'elles furent inventées à Berlin) étaient d'abord portées par des soupentes de cuir attachées aux deux extrémités du train; ces soupentes ont été plus tard remplacées par des ressorts. Elles contenaient quatre personnes assises sur deux siéges. Au-dessous de la voiture était souvent un coffre appelé cave, où l'on plaçait les provisions de voyage.

La berline ne contenait parfois que deux places, et prenait alors le nom de vis-à-vis.

Les diligences, carrosses-coupés ou berlingots ne sont autres que des berlines rendues plus légères par la suppression de la partie située en avant de la portière. Ces voitures ne contiennent plus alors que deux personnes placées sur le siége de derrière, ou trois lorsqu'il existe un strapontin. La désobligeante n'est autre que la diligence réduite de moitié dans le sens de la largeur ou que le vis-à-vis coupé au milieu de sa longueur. Il ne donne place qu'à une personne.

Telles sont les voitures de ville, qui ont donné naissance à nos élégantes voitures modernes: la berline, le coupé, le coupé trois-quarts et leurs variétés. Les longues soupentes et leurs moutons, les ressorts qui se remontaient avec des crics, ont été remplacés par les ressorts en col de cygne et par les ressorts à pincettes. La caisse est devenue plus légère; les formes massives commandées par le mauvais état des voies publiques ont disparu; les roues d'autrefois, dont nos paysans voudraient à peine aujourd'hui pour leurs voitures de foire, débarrassées d'un trop lourd fardeau, se font remarquer maintenant par cette exquise finesse dont l'araignée offre le plus remarquable spécimen.

Les voitures de campagne, on l'a déjà pressenti, étaient encore plus lourdes que les voitures de ville. On avait la gondole, qui pouvait contenir douze personnes assises. C'était un grand coffre, avec banquette sur les quatre faces, éclairé par huit petites fenêtres, trois de chaque côté, une à l'avant, une à l'arrière. Au-dessous du plancher se trouvait, comme dans la plupart des voitures de cette époque, la cave destinée à contenir les provisions et les hardes. D'ailleurs, cette voiture était extrêmement lourde, d'un accès difficile, et semblait refuser aux voyageurs, par la petitesse de ses ouvertures, l'air qu'ils allaient chercher à la campagne.

La berline à quatre portières, ou berline allemande, était aussi voiture de campagne. Le roi et les princes s'en servaient bien à la ville, mais elle s'employait spécialement pour les promenades. Elle ne contenait que six personnes, disposées tout autrement que dans la gondole: au lieu d'un siége circulaire, il y avait trois banquettes parallèles, deux contre les fonds, une au milieu. Il y avait donc deux ruelles desservies chacune par deux portières, une sur chaque face latérale.

 

La gondole mesurait 8 pieds sur 4 pieds 3 pouces en moyenne à la ceinture. La berline allemande était un peu plus petite: 6 pieds ½ de longueur sur 44 à 46 pouces de largeur.

On le voit, la différence est grande de ces voitures dans lesquelles nos arrière-grands-pères allaient respirer l'air des champs, à celles que nous avons aujourd'hui. Quel sentiment de gêne et de malaise n'éprouverions-nous pas s'il nous fallait changer notre calèche découverte, qui permet de respirer librement, de s'allonger, de jouir à l'aise de la vue de la campagne, pour une de ces grandes et lourdes boîtes fermées, privées d'air et de lumière, et où l'on ne pouvait s'étendre pour dormir qu'à la condition d'en défoncer les parties antérieure et postérieure, pour y passer la tête et les jambes! Dans les dormeuses d'autrefois, le fond et le devant de la voiture, au lieu d'être fixes comme dans les voitures ordinaires, étaient rendus mobiles à l'aide de charnières. Le fond s'abaissait sous les reins du voyageur, une petite niche creuse se formait à l'avant, dans laquelle il pouvait loger ses pieds!

Ces artifices de construction ne seraient plus admis aujourd'hui que dans les voitures de malades.

Notre landau moderne, pouvant s'ouvrir et se fermer à volonté, servir à la ville ou à la campagne, par le beau ou par le mauvais temps, l'emporte de beaucoup sur toutes les voitures anciennes dépourvues de grâce et de légèreté, aussi bien que de confortable. Il peut servir à mesurer les progrès qu'a faits la carrosserie depuis l'époque où Roubo, le fils, écrivait son Art du menuisier-carrossier, c'est-à-dire depuis cent ans.

Ces progrès sont encore plus appréciables dans la carrosserie de voyage que dans la carrosserie de ville ou de campagne.

Les voitures de voyage du siècle dernier s'appelaient coches. Les coches qui faisaient le service de Paris à Lyon étaient composés d'une caisse, mesurant 7 pieds de longueur sur 5 pieds de largeur à la ceinture, éclairée par trois fenêtres étroites sur chaque face et suspendue à l'aide de soupentes sur un train portant à l'avant le cocher et à l'arrière les bagages. Le coche de Lyon avait reçu le nom de diligence, ce qui tend à montrer la rapidité du trajet: cinq jours l'été et six jours l'hiver! Douze personnes pouvaient prendre place dans la diligence, à raison de 100 livres par voyageur, nourriture comprise.

Aujourd'hui, la distance de Paris à Lyon est franchie en dix heures, moyennant 63f,05, 47f,30, ou 34f,70 selon qu'on prend place en 1re, en 2e ou en 3e classe.

Pour aller à Strasbourg, le coche mettait douze jours! La vapeur met douze heures.

La voiture de Lille mettait deux jours. Le voyage coûtait 55 livres, y compris la nourriture, ou 48 livres sans nourriture. Aujourd'hui, on va à Lille en 4h,30m, moyennant 30f,80 en 1re classe.

La voiture de Rouen partait trois fois par semaine et mettait un jour et demi à faire le trajet. Le prix des places était de 12 livres. Aujourd'hui, le prix des places pour Rouen est de 16f,75, 12f,50, 9f,20, et la durée du trajet est de 2h,40m.

Il y avait aussi des coches ou des carrosses pour Chartres, Rennes, Orléans, Angers, Arras, etc., partant à des heures régulières et accomplissant leur service dans une durée plus ou moins longue suivant le temps, les accidents de la route, la promptitude des hôteliers et des aubergistes où l'on s'arrêtait pour prendre les repas et passer les nuits.

Les mauvaises voitures publiques qui existent encore sur quelques routes de la France et qui font le service de la correspondance des chemins de fer sont des modèles de perfection à côté de celles qui existaient au siècle dernier. C'est seulement en 1775 que les Messageries royales s'établirent rue Notre-Dame-des-Victoires, où elles sont encore, après avoir changé de nom sous les divers régimes qu'elles ont traversés, s'appelant tantôt royales, tantôt nationales, tantôt impériales. Les grandes entreprises peuvent aisément perfectionner leur matériel, grâce aux capitaux importants dont elles disposent: la turgotine des messageries vécut de longues années, et en 1818 enfin, on vit apparaître les grandes diligences à trois compartiments: coupé, intérieur, rotonde, surmontés d'une impériale pour les bagages avec banquette pour les fumeurs. Ces diligences disparaissent tous les jours, ou sont refoulées loin des grands centres et dans les pays de montagnes.

Là, elles se modifient pour répondre à de nouvelles exigences. Le plus souvent, leurs dimensions diminuent, et au lieu des cinq chevaux d'autrefois, deux ou trois suffisent au véhicule amoindri. Sur les routes accidentées de la Suisse, il faut augmenter leur stabilité, sans réduire leurs dimensions. Les bagages sont placés à la base de l'édifice roulant, les voyageurs sont élevés pour mieux jouir des beautés du paysage, et, le centre de gravité étant abaissé, le véhicule court moins de risques de rouler au fond des précipices ou de verser sur les talus rapides des voies de montagne.

Nous nous rappelons avoir vu, il y a une vingtaine d'années, une modification assez curieuse du train des grandes diligences des messageries royales. Elle consistait dans l'adjonction d'un troisième essieu aux deux essieux primitifs. La charge placée sur ces grandes diligences aux abords de Paris était devenue tellement considérable, que pour attribuer à chaque essieu une charge moindre, pour moins fatiguer les chaussées, et donner enfin plus de stabilité à ces grands édifices roulants, on avait cru devoir augmenter le nombre des supports et créer un troisième essieu. Mais cette tentative n'eut pas de suite. Les inconvénients qu'elle présentait la firent promptement abandonner, et l'on revint à l'ancienne diligence à quatre roues.

À côté des diligences destinées au public, circulaient il y a quelques années les chaises de poste, devenues bien rares aujourd'hui. Le postillon est une espèce disparue. Les fourgons du Petit Journal à Paris, les voitures de quelque fils de famille, qui veulent faire du bruit… avec des grelots, nous en montrent seuls de rares spécimens. Mais disons d'abord ce qu'étaient les chaises en général.

«Ces voitures, dit Roubo, sont à une ou deux places et diffèrent des carrosses-coupés ou diligences en ce que leur caisse descend plus bas que les brancards de leur train, de sorte qu'il ne peut y avoir de portières par les côtés, puisqu'elles ne pourraient pas s'ouvrir, mais qu'au contraire il n'y a qu'une portière par devant, dont la ferrure est placée horizontalement, de sorte que la portière se renverse au lieu de s'ouvrir. Ces espèces de chaises sont d'une nouvelle invention (1771); les plus anciennes, que l'on nomme chaises de poste, n'ont été construites dans l'état où nous les voyons maintenant qu'en 1664. Celles qui existaient auparavant, quoique peu antérieures à ces dernières, n'étaient qu'une espèce de fauteuil suspendu entre deux brancards supportés par deux roues.» On attribue l'invention des chaises de poste à un certain de la Grugère. Le privilége exclusif en fut accordé au marquis de Crenan, qui les nomma chaises de Crenan.

Les chaises de Crenan furent trouvées trop pesantes, et on leur substitua une autre espèce de voiture roulante, faite sur le modèle de celles dont on se servait en Allemagne depuis longtemps et qui subsistaient encore, au milieu du siècle dernier, sous le nom de soufflets.

Les chaises de poste, encore très en usage au commencement de ce siècle, disparaissent tous les jours. Elles ne peuvent offrir ni la rapidité, ni le confortable de nos chemins de fer, et il faut aimer l'isolement, les secousses et les aventures plus que de raison, pour les préférer aux avantages d'un coupé ou d'un wagon-salon, qu'une bourse bien garnie peut toujours se donner.

Une autre voiture de voyage, très-employée en Angleterre, et dans la construction de laquelle les carrossiers anglais ont montré un art tout particulier, est le coach-mall: c'est l'ancienne voiture des postes. Une grande caisse centrale, dans laquelle prennent place les domestiques, est précédée et suivie de plusieurs banquettes destinées aux maîtres de l'équipage. Deux grands coffres servent à loger les paniers ou les caisses qui contiennent les vivres et les ustensiles de service nécessaires pour faire un repas en plein air ou sur le turf. On pourrait parfaitement leur conserver le nom de caves des voitures d'autrefois, car les vins généreux y sont toujours en abondance. Quatre chevaux ornés de rubans, de fleurs, de grelots ou de clochettes, conduits en poste ou à grandes guides, traînent le véhicule, et lui donnent cet air de noblesse qui convient à l'aristocratie britannique.

C'est là, à notre avis, la vraie voiture de voyage, la vraie voiture de touriste. Toute une famille, avec ses serviteurs, peut y prendre place et entreprendre le plus grand voyage continental. Par le beau temps, les maîtres seront au dehors, sur les banquettes; s'il vient à pleuvoir, ils rentreront. Les chevaux se reposeront pendant les repas et l'heure de la sieste; et on ira ainsi, par monts et par vaux, libres de tous soucis, oublier bien loin l'énervante activité, l'atmosphère accablante de la grande ville et se replonger dans le sein de la mère nature, sous les ombrages frais et l'air du ciel qui vivifient.

Mais différons encore ces longues et attrayantes entreprises, et revenons à nos chaises.

Nous ne pouvons donner une meilleure idée de ces voitures qu'en les comparant à notre cabriolet à deux roues, ou tilbury moderne, à cela près que la caisse était fermée, comme celle d'un coupé. Fixée en avant de l'essieu, elle pesait lourdement sur le cheval, lorsqu'elle n'était pas équilibrée par le poids des laquais ou des bagages placés sur la plate-forme d'arrière. Les conditions d'équilibre étaient aussi mal observées que dans la volante havanaise, vaste cabriolet découvert, pesant lourdement sur le petit cheval qui y est attelé et sur le dos duquel on a placé, comme par surcroît, un postillon nègre, en grande livrée.

Les chaises à porteurs sont assez semblables, pour la forme de la caisse, aux chaises dont nous venons de parler, mais l'usage en est tout différent. La chaise proprement dite est une voiture, tandis que la chaise à porteurs dérive du palanquin, de la litière. Le palanquin, usité encore dans les Indes, en Chine, dans les pays chauds et dans quelques parties de l'Amérique, convient aux habitudes indolentes et paresseuses des Orientaux. Un dais et des éventails garantissent des ardeurs du soleil; la pluie est rarement à redouter. L'air peut circuler autour des colonnettes et des tentures de ce léger édifice.

Dans nos climats, on doit prendre d'autres précautions. Les litières et les chaises à porteurs sont fermées. Les premières peuvent contenir deux personnes, elles sont portées par des chevaux ou des mulets au moyen de brancards passant de chaque côté de la caisse, qui mesure d'ordinaire 24 à 26 pouces de largeur, 5 pieds de long et 4 pieds 8 pouces de hauteur. Les secondes, ne contenant qu'une personne, ont seulement 22 pouces à 2 pieds de largeur, 30 pouces de longueur, 4 pieds 6 pouces de hauteur.

Nous n'avons pas besoin de dire que les chaises à porteurs, aussi bien que les litières, ont complétement disparu. Elles pouvaient convenir à une époque où la circulation était moins active qu'elle ne l'est aujourd'hui, à une époque où le temps avait moins de prix et la vitesse moins de valeur qu'au temps où nous vivons. On n'en voit plus de spécimen que dans quelques opéras et au musée de Trianon à Versailles. Là, on conserve précieusement deux chaises à porteurs, dont les panneaux sont enrichis de peintures qui sont de vraies œuvres d'art: l'une a appartenu à Marie Lezczinska, elle est peinte par Watteau; l'autre, celle de Marie-Antoinette, est peinte par Boucher.

D'autres voitures étaient en usage à la même époque que la chaise à porteurs. Les brouettes étaient montées sur roues et, au lieu de deux porteurs, avaient un traîneur, «ce qui, malgré l'usage, ne faisait pas beaucoup d'honneur à l'urbanité française

Il y avait aussi des chaises de jardin, à une seule ou à plusieurs banquettes, mais ces voitures sont sans intérêt. C'est le type qui s'est maintenu jusqu'à nos jours, et qui a fourni la voiture de malade, la voiture-invalide, avec ou sans leviers, pédales ou manivelles. Nous ne nous y arrêterons donc pas.

 

Une seule de ces nombreuses voitures du siècle dernier s'est conservée, nous a-t-on dit, sans modification notable. Le wourst ou wource, voiture de chasse, importée d'Allemagne, se retrouve encore dans les montagnes de la Savoie. Le wourst est une voiture à quatre roues, qui se compose essentiellement d'une longue banquette sur laquelle les chasseurs se placent à califourchon. Une banquette à deux places, à l'avant, reçoit le conducteur. Une banquette semblable est placée à l'arrière. Enfin, une large tablette, reposant sur l'essieu de derrière, reçoit les paquets et les provisions que les chasseurs emportent avec eux. La voiture est très-effilée, les roues sont aussi rapprochées que possible, de manière à passer facilement dans les sentiers étroits des forêts.

La calèche, le char à bancs, le break, sont généralement employés aujourd'hui comme voitures de chasse. Le wourst pouvait satisfaire à certaines exigences, mais il n'avait pas les avantages recherchés dans toutes les voitures modernes.

À mesure que les peuples se civilisent, leur goût pour le confortable et pour le luxe augmente. En général, pour que les voitures obtiennent quelque succès, il faut que leurs formes extérieures aient la grâce qui convient aux choses de luxe et que leur aménagement intérieur donne le confortable auquel nos habitations modernes nous ont accoutumés.

M. Brice Thomas, dans son Guide du carrossier, nous dit avoir connu un inventeur qui avait trouvé le moyen de transformer une voiture à deux roues et à deux places, en voiture à quatre roues et à six ou huit places. La voiture à deux roues était un tilbury monté sur quatre ressorts en châssis. On la transformait en phaéton et il n'y avait plus qu'à rapporter un avant-train mobile; le tilbury à deux roues se trouvait ainsi transformé en voiture à quatre roues et à quatre places. Voulait-on obtenir deux places de plus: on sortait un second tiroir du premier, pour recevoir un autre siége, et ainsi de suite.

Une autre disposition permet de changer le cocher en groom et vice versâ, en plaçant le siége tantôt devant, tantôt derrière la voiture, sans s'inquiéter des changements apportés à la suspension, ou bien à faire du cocher un postillon, ou du postillon un cocher, en supprimant le siége de devant ou en le maintenant.

Il est certain qu'il faut des ressorts complaisants pour se plier ainsi à tous les caprices du maître, et que ce n'est pas sans porter gravement atteinte à la solidité de la voiture qu'on peut tour à tour la charger en avant ou en arrière, selon son bon plaisir.

Les voitures de luxe varient donc à l'infini: le goût du constructeur, le pays, le climat et la saison où on les emploie, le but auquel on les destine, modifient complétement leurs dispositions; mais c'est toujours une caisse montée sur roues et supportée par des ressorts. Le génie des inventeurs ou le caprice des gens riches a modifié de mille manières les diverses parties de la voiture, les roues seules ont résisté; on n'a pas su encore faire autre chose qu'un cercle.

Dans cette foule de voitures de toute espèce que Paris réunit sur ses boulevards et sur ses grandes voies publiques en plus grande quantité que nulle autre ville de France, on retrouve toujours en plus grand nombre ces fiacres avec leur allure modeste, leurs deux chevaux trottinant lentement, – plus lentement à l'heure qu'à la course, – et leur cocher sorti de la Lorraine, de la Normandie, de l'Auvergne ou de la Savoie ou du sein même de Paris, de cette classe à part qui se recrute, dit-on, parmi les huissiers sans contrainte et les photographes sans ouvrage.

Tels sont les descendants de Sauvage, qui ont tour à tour conduit dans la grande ville les citadines, les urbaines, les lutéciennes, les mylords, les thérèses, les cabs et toutes ces variétés plus ou moins disparues qui ont fait place aux petites voitures de la Compagnie générale.

Paris grandissant, les exigences de la circulation se sont accrues. Le nombre des voitures de louage, qui n'était que de 170 en 1755, était de 4,487 en 1855. Il est en ce moment de plus de 9,000, dont un tiers de voitures de grande remise. Ces voitures appartiennent à dix-huit cents entrepreneurs et à la Compagnie générale qui, en 1855, a racheté tous les numéros roulants des entrepreneurs qui ont consenti à se retirer.

Elle seule présente des types de voitures convenables, aux formes étudiées, sans luxe, à la vérité, mais ayant le confortable qui convient au public, ouvrier ou bourgeois, habitué à s'en servir. L'ancien cabriolet a complétement disparu, ce cabriolet à deux roues où l'on avait le plaisir de causer avec le cocher. Il n'y a plus que des voitures à quatre roues, ouvertes ou fermées; les unes et les autres sont à quatre places ou à deux places, et valent en moyenne 1,007 fr. 66.

La Compagnie les construit elle-même. Elle a ses ateliers, ses machines, ses ouvriers, et produit annuellement environ 500 de ces voitures, dont la durée varie de 10 à 12 ans.

En 1866, la Compagnie générale avait mis en circulation 3,200 voitures, desservies par 10,741 chevaux, d'une valeur moyenne de 650 à 800 francs, et d'une valeur totale de près de 8 millions.

Les grandes industries parisiennes méritent la plus grande attention: il faut pénétrer au sein de leur organisation et se rendre un compte exact de leur importance pour comprendre les exigences de cette population dont la fièvre est l'état normal. M. Maxime Du Camp, dans son ouvrage intitulé Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, décrit de main de maître ce grand Paris incessamment agité.

Dans son chapitre des fiacres, auquel nous empruntons quelques-uns des renseignements qui précèdent, il nous dit encore: «Les fourrages consommés en 1866 ont représenté la somme de 9,113,750 fr. 88 c., soit près de 25,000 francs par jour, 7 fr. 64 par voiture et 2 fr. 42 par ration.

Les seuls dépôts, non compris les stations de remise louées dans divers quartiers, représentent une valeur de plus de 13 millions.

Les contributions de toute sorte montent à plus de 2 millions.

Le personnel se compose de 6,800 agents environ.

Ces charges sont énormes, et il arrive, quand les fourrages sont chers, que les recettes n'équilibrent pas les dépenses. En 1864, chaque voiture coûtait 13 fr. 42 par jour et rapportait 14 fr. 55, bénéfice 1 fr. 60. En 1865, au contraire, bien que la recette se soit élevée à 14 fr. 67, la dépense a été de 15 fr. 27 et a entraîné une perte de 0 fr. 60 par voiture, ou de 700 à 800 francs pour l'année.

On comprend ce qu'il faut de science dans la direction d'une grande entreprise de ce genre, où les petites dépenses sont multipliées par de si gros coefficients, pour équilibrer les recettes et les dépenses, et pour faire que les actionnaires, aux assemblées générales, ne s'entendent pas dire quelque phrase de ce genre: «Messieurs, l'année que nous avons eu à traverser n'a pas été heureuse pour notre entreprise; nous avons eu à lutter… etc.» Quand le mot de lutte apparaît, la défaite n'est pas loin.

Quoi qu'il en soit, on ne peut que rendre hommage au mérite des hommes qui conduisent ces grandes affaires. Il faut connaître les difficultés, sans cesse renaissantes qu'ils ont à vaincre, et l'énergie qu'ils mettent à les combattre, pour les apprécier à leur juste valeur.

La Compagnie des Omnibus n'est pas moins intéressante que celle des Petites Voitures. Les services qu'elle rend à la population parisienne n'éveillent pas moins l'attention que les détails intimes de son excellente organisation.

En 1872, la Compagnie des Omnibus a transporté près de 109 millions de voyageurs, c'est-à-dire plus de cinquante fois la population de Paris, et ces transports ont eu lieu à l'aide de 644 voitures.