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Histoire de Sibylle

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Ils continuaient cependant de marcher avec une sorte de résolution fiévreuse, s'étant déterminés à aller toujours droit devant eux. Il leur arrivait presque à chaque pas de se heurter contre des troncs d'arbres ou de s'embarrasser dans les halliers. Ils descendaient et montaient des pentes rapides, et quelquefois traversaient de larges ravines marécageuses où leurs pieds s'imprimaient dans la fange. Par intervalles ils s'arrêtaient pour se consulter brièvement. Des exclamations découragées, des demi-mots douloureux s'échappaient, quoique rarement, des lèvres de Sibylle:

– Mon Dieu! que je suis punie!.. Que va-t-on penser?.. Pauvres coeurs qui m'aiment tant, et que j'ai oubliés, comme ils doivent être inquiets!

Elle s'asseyait un moment, n'en pouvant plus, toute grelottante, puis elle disait: – Allons! – et se remettait vaillamment en marche.

Raoul était désespéré. Il gardait le plus souvent un silence morne. Il soutenait Sibylle avec un énergie convulsive; il l'entourait d'attentions et de tendresses maternelles. Il y eut un instant où, malgré sa résistance, il l'enleva dans ses bras, et la porta comme un enfant, pour passer une fondrière où il s'enfonçait lui-même jusqu'aux genoux.

Depuis deux longues heures, ils erraient ainsi, perdus dans les bois, dans la brume et dans la nuit, quand, au sortir d'une vallée profonde, ils virent confusément devant eux une haute colline boisée qui s'élevait en forme d'amphithéâtre. Tous deux en même temps reconnurent, à cette disposition particulière du terrain, que leur course désespérée les avait conduits à l'extrémité même de la forêt, sur le revers des falaises où elle venait mourir. Quoiqu'ils fussent à une grande distance du château, la proximité du rivage leur assurait du moins dès ce moment une route connue. Sibylle, ranimée par cette découverte, se mit à gravir rapidement et presque joyeusement la rampe des collines; mais arrivée sur le sommet, et comme ils quittaient enfin l'obscure enceinte des bois, elle défaillit, et sa tête s'affaissa sur la poitrine de Raoul. Il l'appela doucement:

– Sibylle!

Elle ne répondit pas.

Pendant qu'il la soutenait de toutes les forces qui lui restaient, il promenait autour de lui des yeux à demi égarés. Tout à coup son visage s'éclaira; ils distinguait à quelques pas sur la falaise la forme basse et écrasée d'un toit de chaume, d'une sorte de masure qu'il reconnut aussitôt; une lumière s'en échappait par quelque ouverture et brillait à travers la brume. Raoul éleva la voix:

– Jacques! cria-t-il, Jacques! à moi! C'est Sibylle! mademoiselle Sibylle! Viens vite!

Un bruit de pas précipités se fit entendre, et Jacques Féray sortit du brouillard.

– Ah! mon pauvre garçon! reprit Raoul d'une voix agitée, que je suis heureux de te trouver! Je ne savais plus si j'étais de ce monde… Quelle nuit!.. Tu vois, elle est malade!.. Fais du feu, vite!

– J'en ai, dit Jacques Féray, que rien n'étonnait. Venez.

Raoul emporta Sibylle dans ses bras et suivit le fou dans sa chaumière. Un reste de feu brûlait dans un coin entre quelques grosses pierres qui tenaient lieu de foyer. Jacques Féray y jeta une brassée d'ajoncs épineux, et la vive flamme qui s'en éleva aussitôt rayonna sur les murs désolés de ce réduit avec un air de gaieté bizarre. Raoul déposa la jeune fille évanouie devant cette claire attisée, et, continuant de la soutenir à demi:

– Va vite, dit-il à Jacques, va chercher des bruyères, des feuilles… tant que tu pourras!

Jacques sortit et rentra à plusieurs reprises, et peu de minutes après le sol de la hutte était jonché de bruyères et de feuilles sèches que Raoul disposa à la hâte en forme de couche, et sur lesquelles il étendit Sibylle. Au bout d'un instant, elle soupira et entr'ouvrit les yeux. En voyant Raoul penché sur elle, elle sourit; puis, tout étonnée:

– Où sommes-nous donc? dit-elle.

– Chez votre ami Jacques Féray, dit-il en la rassurant du regard. Ne craignez plus rien. Remettez-vous… Je vais l'envoyer au château tout à l'heure… quand la brume sera un peu dissipée. Reposez-vous… Tâchez de dormir. Je veille sur vous.

– Oui… Je suis bien fatiguée!

Et, rencontrant l'oeil ardent et affectueux de Jacques Féray:

– Bonjour, mon Jacques, dit-elle faiblement.

Puis, se tournant vers le feu:

– Que j'ai froid! que cela me fait du bien!

Ses yeux se refermèrent, sa tête s'appesantit sur son oreiller de bruyères, et elle s'endormit.

Raoul recommanda le silence à Jacques Féray par un geste impérieux. Jacques crut comprendre qu'il lui ordonnait de sortir; il sortit sur la pointe du pied et alla se coucher sur le gazon de la falaise à quelques pas de la masure. Quelques minutes après, il se mit à chanter de sa voix douce et mélodieuse un de ces refrains plaintifs qu'il avait chantés dans les veillées du bord, quand il était matelot, et qu'il avait répétés souvent près du berceau de sa petite fille. Raoul, assis sur une des pierres du foyer et penché sur Sibylle endormie, écoutait avec émotion ce chant monotone, qui, à cette heure et dans ce lieu, était d'une tristesse infinie. De temps à autre, il jetait un regard inquiet sur la falaise à travers la porte entr'ouverte: il fut heureux de reconnaître que le brouillard était moins intense. Il écrivit quelques lignes à la lueur du feu sur une page de son portefeuille; il instruisait M. de Férias des événements de la nuit et l'informait avec précaution de l'état de Sibylle. Puis il sortit de la hutte et remit ce billet à Jacques Féray, en le chargeant de le porter au château le plus vite qu'il pourrait. Jacques se mit en marche aussitôt du pas rapide et comme affolé qui lui était propre.

Raoul rentra alors dans la chaumière; il grelottait sous ses vêtements humides. Il s'assit sur l'escabeau qui composait tout le mobilier de Jacques Féray. Sibylle continuait de dormir profondément. Son visage, illuminé par instants des reflets du foyer, s'encadrait gracieusement dans les plis blancs de sa mante et semblait sourire; mais il portait les traces effrayantes des émotions et des fatigues de cette cruelle nuit. Les yeux de la jeune fille étaient cernés d'un sillon bleuâtre; sa pâleur de neige était traversée par des rougeurs soudaines, et un souffle précipité soulevait à la fois son sein et ses deux mains qu'elle y avait posées.

Raoul demeura plusieurs heures immobile à cette place, sans détacher ses yeux de cette douce figure, dont la beauté pure et brisée faisait songer aux jeunes martyres chrétiennes. Les craintes les plus affreuses traversaient son esprit. Ce qui se passa dans son âme, depuis longtemps ébranlée, pendant cette contemplation douloureuse, lui-même sans doute pourrait à peine le dire: – il y a des attendrissements, des douleurs, des adorations, des coups de lumière qui descendent dans l'homme à des profondeurs que le langage n'atteint pas. – Tout à coup il tressaillit, ses yeux se mouillèrent, il tomba sur ses genoux, le front dressé vers le ciel, et il fut évident qu'il priait.

Un léger froissement l'éveilla, après quelques minutes, de l'abstraction où il était plongé. Sibylle s'était soulevée sur son lit de feuilles, et elle le regardait d'un oeil étincelant:

– Raoul… balbutia-t-elle en joignant ses mains comme incertaine, vous priez?

Il lui saisit les deux mains comme hors de lui:

– Oui… Sibylle… je prie! je crois!.. je crois qu'il n'y a rien de vrai dans l'univers, ou que vous êtes un ange immortel!

Un flot de larmes jaillit de son coeur avec ce cri. – Sibylle était retombée sur sa couche, comme accablée par une joie surhumaine; un sourire d'extase entr'ouvrait sa bouche, et ses yeux demeuraient attachés tout rayonnants sur les yeux de Raoul, d'où les larmes coulaient silencieusement… La jeune fille, trop émue pour parler, eut un mouvement d'une grâce et d'une tendresse inexprimables; elle retira sa main baignée de ces pleurs sacrés, l'approcha de ses lèvres et la baisa.

Les lueurs grises de l'aube commençaient alors à pénétrer dans la hutte. Un bruit de voix confuses et de pas hâtés se fit entendre sur la falaise. Presque aussitôt M. et madame de Férias parurent sur le seuil; miss O'Neil les accompagnait. – Pendant que la marquise et l'Irlandaise couvraient Sibylle de caresses et la pressaient de questions inquiètes, M. de Férias échangeait avec Raoul quelques paroles rapides.

– Ma pauvre enfant, dit-il ensuite, ma pauvre chère enfant!..

Et il l'embrassait avec agitation.

– Pourrez-vous marcher… croyez-vous?.. Voulez-vous qu'on vous porte? La voiture est en bas sur la grève… Monsieur, aidez-moi, je vous prie.

Sibylle se dressa avec un peu d'effort, puis elle se mit debout.

– Oh! je marcherai! dit-elle gaiement. Je suis tout à fait remise… j'irais au bout du monde!

Elle jeta un regard à Raoul, et s'appuyant sur la bras de son grand-père, elle sortit de la hutte.

Comme ils traversaient la largeur de la falaise pour gagner un sentier qui descendait sur la plage à travers une déchirure oblique des rochers, le jour achevait de naître, et le soleil jaillit brusquement des flots, pareil à une sphère d'or qui s'enlève. – Sibylle s'arrêta une minute comme éblouie, puis elle se tourna vers Raoul, qui la suivait, et, sans parler, lui montra de son doigt levé cet horizon radieux. Au moment de s'engager dans le sentier, elle se retourna encore:

– Vous venez avec nous, n'est-ce pas?

Sa voix était si tranquille et si sonore, son oeil si riant, sa démarche si légère, que Raoul sentait se dissiper peu à peu les extrêmes alarmes qui depuis quelques heures l'avaient torturé. Rentrant alors lui-même avec une sorte d'enjouement dans la familiarité de la vie:

– Non! dit-il, je vous gênerais… D'ailleurs mon chemin est très-court par le haut des falaises… et, de plus, la marche me fera du bien… Je suis transi… Mais à bientôt!.. et ne doutez pas de moi!..

 

Elle lui tendit la main, et disparut bientôt dans les détours du sentier.

Dès qu'il l'eut perdue de vue, Raoul s'achemina à grands pas dans la direction du village, et après une demi-heure il arrivait au presbytère. Il s'étonna d'apercevoir devant la grille du jardin la voiture qui avait emmené Sibylle. Il s'informa à la hâte: un domestique lui dit que mademoiselle de Férias s'était trouvée si mal tout à coup qu'on n'avait pu la transporter plus loin. – Le marquis accourut au-devant de lui, les traits décomposés. Sibylle était en proie à une fièvre effroyable, elle délirait. – Ils se consultèrent tous deux un moment, puis quelques minutes plus tard M. de Chalys partait dans la voiture. Il changea de chevaux au château et se rendit à la ville épiscopale de ***, qui était à sept lieues de Férias, pour y réclamer les services d'un médecin qui avait quelque célébrité dans le pays. – Le marquis l'avait prié de mander en outre un médecin de Paris. La ville de *** n'ayant pas de station télégraphique, Raoul dut aller jusqu'à la gare la plus prochaine, à deux lieues de là, pour y expédier sa dépêche.

Toutes ces excursions, avec les difficultés de voitures et de chevaux, lui prirent la journée, et il étai six heures du soir environ quand il vint descendre devant le presbytère, le corps et l'esprit écrasés de fatigue, d'impatience et d'inquiétude.

Comme il entrait dans le jardin, il se trouva en face du médecin qu'il était allé requérir dans la matinée, et qui se promenait à pas lents, le front soucieux.

– Eh bien, monsieur? lui dit-il.

– Eh bien, c'est une fièvre pernicieuse… une espèce de fièvre paludéenne… l'excès des émotions… et puis cette nuit passée dans le brouillard et dans les marais…

– Il y a du danger?

– Beaucoup.

– Ah, monsieur… sauvez-la!

– Vous pouvez être assuré, monsieur, que je ne néglige rien… Si elle résiste au premier accès, on peut espérer… mais cet accès a été terrible… Cela commence à se calmer;… elle ne crie plus… Nous allons voir!

Madame de Férias et miss O'Neil se montrèrent sur le seuil de la maison. Il courut à elles. Toutes deux lui prirent les mains sans parler.

– Ah! madame!.. Ah! Dieu du ciel!.. vous ne me dites rien?

– Elle est un peu mieux, murmura la marquise.

– Ah! misérable que je suis!

– Non, monsieur, non… remettez-vous. Elle nous a tout conté ce matin… Nous ne vous reprochons rien… C'est un malheur qui nous est commun, voilà tout. Nous espérons d'ailleurs depuis un moment.

La voix de M. de Férias se fit entendre sur l'escalier.

– Louise! dit-il, voulez-vous venir?

Le deux femmes entrèrent aussitôt et le médecin les suivit précipitamment.

M. de Chalys, demeuré seul, fit quelques pas au hasard en appuyant sa main sur son front brûlant, puis il s'arrêta pour écouter. Aucun son ne parvenait à son oreille. Un silence doux et mélancolique régnait dans l'enceinte du petite jardin, qu'enveloppaient déjà les ombres du crépuscule.

Pour tromper les agitations intolérables de sa pensée, il sortit et se promena quelque temps dans le chemin devant la grille. Tout à coup il se mit à gravir la lande, traversa le cimetière et entra dans l'église. Quand les peintures inachevées des murailles et de la voûte, souvenirs de tant d'espérances et de tant d'heures heureuses, lui apparurent dans le demi-jour de la nef, une impression poignante lui serra le coeur. Il joignit ses mains dans une convulsion de douleur, se jeta à genoux sur les dalles, et, le front battant sur les degrés de l'autel, il sanglota follement.

Il était là, priant et pleurant, quand une main lui toucha l'épaule; il se leva: l'abbé Renaud était devant lui, pâle et muet. Raoul lui prit la main, et, le regardant dans les yeux:

– Ah! mon père! cria-t-il, que venez-vous me dire?.. Epargnez-moi, mon père!.. Ce n'est pas fini? dites!.. Ce n'est pas fini?.. Elle n'est pas morte… n'est-ce pas?.. Oh! je vous en prie!.. Mon Dieu! qu'est-ce que je ferais au monde?.. Elle n'est pas morte… Ne me dites pas qu'elle est morte… je vous en prie… je vous en supplie!

Et il tomba aux genoux du prêtre, dans un transport qui tenait du délire.

Le vieillard le releva.

– Mon ami… calmez-vous… songez à Dieu! Venez… elle vous demande.

– Elle me demande?

Il l'interrogea encore d'un oeil plein d'angoisse, et, voyant les lèvres du curé s'agiter vaguement, il le suivit sans parler. Ils descendirent la lande en silence. – Comme ils montaient l'étroit escalier du presbytère, ils rencontrèrent le médecin, qui saisit la main de Raoul au passage.

– Soyez hommes, monsieur! lui dit-il.

Ils pénétrèrent alors dans la petite chambre que Raoul avait occupée. C'était là qu'on avait transporté Sibylle. – Le marquis de Férias, la marquise et miss O'Neil étaient groupés vers la tête du lit: leurs traits, sillonnés de larmes récentes, étaient graves et calmes. Le premier regard de Raoul rencontra les grands yeux bleus de Sibylle, dirigés vers l'entrée de la chambre avec une expression d'anxiété qui s'apaisa dès qu'elle l'eut reconnu. Il s'approcha du lit: le visage de Sibylle, enveloppé dans la masse dénouée et tourmentée de ses cheveux blonds, respirait une sérénité, une grâce et une sorte d'allégresse qui firent d'abord illusion à Raoul. Elle remua faiblement la tête en lui souriant, puis aussitôt elle leva les yeux sur le curé, qui s'avança.

– Monsieur, dit le vieillard d'une voix lente et pénible, mais accentuée, mademoiselle de Férias, en ce moment suprême, aurait souhaité de vous être unie par la bénédiction nuptiale. Elle ignorait et j'ai dû lui apprendre que mon devoir m'interdit de consacrer une telle union; mais je ferai du moins tout ce que ma conscience me permet pour donner à ce coeur… qui vous a tant chéri… une dernière consolation.

Il fit une pause, puis il ajouta:

– Mademoiselle de Férias m'a dit, monsieur, que vous partagiez désormais sa pure croyance et ses espérances éternelles?

– Oui, monsieur, dit Raoul: – à jamais!

Un rayon de joie passa comme une flamme sur les traits de

Sibylle. – Le vieillard se recueillit un moment:

– Donnez-lui la main, reprit-il.

Raoul enlaça doucement sa main dans celle de Sibylle.

Le vieux prêtre leva alors son regard humide vers le ciel, et d'une voix que l'émotion brisait:

– Mon Dieu! dit-il, Dieu de bonté! vous savez comme ils se sont aimés… et comme ils ont souffert!.. Que ces deux âmes, si dignes l'une de l'autre, et que vous allez séparer… soient unies un jour dans l'éternité!.. Et daignez bénir la promesse que je leur en fais en votre nom… Ainsi soit-il!

Un bruit de sanglots éclata dans la chambre pendant que le vieux prêtre achevait cette prière, et lui-même ne put retenir ses pleurs. Sibylle seule ne pleurait pas: son front et ses yeux semblaient baignés d'une lumière souriante. – Après une minute, elle appela le curé du regard; il s'inclina vers le chevet; elle parut lui parler à voix basse avec une sorte de timidité.

– Monsieur, dit-il à Raoul en se relevant, embrassez-la.

Raoul se pencha sur la couche et posa ses lèvres tremblantes sur le front et sur les cheveux de la jeune fille. Les joues de la pauvre enfant se teignirent soudain d'une légère teinte rosée; elle adressa à Raoul un regard empreint d'une tendresse et d'une douceur infinies, puis brusquement la faible rougeur qui l'avait envahie se dissipa comme si un souffle l'eût enlevée; elle pâlit mortellement, l'ombre de ses longs cils s'abaissa, elle entr'ouvrit les lèvres, et sa beauté inaltérée se fixa dans une immobilité radieuse. – Il semblait que la mort ne l'eût prise qu'avec respect.....................

On voit aujourd'hui trois tombes blanches dans le petit cimetière de la falaise. Sur la plus blanche, dont le marbre est souvent jonché de fleurs sauvages, on lit cette simple inscription: "Sibylle-Anne de Férias. – Dix-neuf ans." – Et plus bas: "In aeternum!"

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Depuis les derniers événements de ce récit, le comte Raoul de Chalys habite le château de Férias. Pour obéir aux volontés de Sibylle et au désir des deux vieillards qui le nomment aujourd'hui leur fils, il ne le quittera plus jamais. Il semble avoir pris en même temps l'héritage des vertus de mademoiselle de Férias. Les gens du pays, accablés de ses bienfaits, témoignent à ce jeune homme sombre, sévère et pieux un respect voisin de la superstition. Ils savent à peine son nom. Ils l'appellent "le fiancé de Mademoiselle."

FIN