Ruine par une Peinture

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CHAPITRE CINQ

– Voici le numéro de la société de sécurité, dit Lacey à Finnbar en montrant du doigt le tableau d’affichage dans son bureau. Il était recouvert de plusieurs couches superposées de post-its colorés. Si l’alarme se déclenche accidentellement, tu dois les appeler dans les trente secondes et leur donner ce code. Elle tapa sur le post-it rose. Sinon, ils vont penser que tu es un cambrioleur et je devrai payer des frais pour qu’ils réinitialisent le système. Compris ?

Finnbar leva les yeux de son carnet de notes.

– Compris.

C’était le matin après que Tom ait eu l’idée de partir spontanément en voiture et l’humeur de Lacey était passée d’une excitation grisante à une nervosité extrême à l’idée de laisser son magasin entre les mains de Gina l’écervelée et de Finnbar le maladroit. Heureusement, il n’avait pas fallu grand-chose pour convaincre Tom d’accepter de s’arrêter dans leurs magasins respectifs avant qu’ils ne prennent le large ; il savait qu’elle serait anxieuse tout le week-end sinon.

– Je pense que c’est tout, dit Lacey à Finnbar. À moins que tu ne penses à autre chose ? Tu sais que tu dois garder les reçus de la petite caisse ? Et que la combinaison du coffre-fort est à côté de la caisse ? Et tu sais où sont conservées les dosettes de café… ?

Elle se faisait du mauvais sang maintenant, elle le savait. Mais laisser le magasin était difficile pour Lacey. Elle imaginait que c’était un peu comme quand une mère quitte son nouveau-né pour la première fois.

Finnbar ferma son carnet de notes. Il en avait assez pour écrire toute une thèse sur la façon de gérer le magasin.

– Nous avons tout passé en revue, dit-il d’un signe de tête définitif.

Lacey se mordillait la lèvre avec appréhension lorsqu’ils sortirent par la porte du bureau. Elle n’était pas convaincue.

– Si tu as des questions, tu peux toujours les poser à Gina, lui dit-elle en poursuivant ses explications anxieuses. Et si tu as des questions sur Gina, appelle-moi.

Finnbar sourit.

– J’ai compris.

Ils entrèrent dans le magasin. Gina les regarda, les yeux plissés d’un air suspicieux. Elle avait clairement fait savoir qu’elle était opposée au voyage impromptu de Lacey, non pas parce qu’elle ne voulait pas que son amie s’offre l’escapade romantique qu’elle méritait, mais parce qu’elle n’était pas convaincue par le travail de Finnbar au magasin en général.

Alors que Finnbar se dirigeait vers les étagères pour dépoussiérer les poteries, Gina se faufila vers Lacey.

– Tu lui as donné le code d’accès ? dit-elle entre ses dents.

– Oui.

– Tu es sûre que c’est une bonne idée ?

– Pourquoi ça ne le serait pas ? répondit Lacey.

– Parce qu’il pourrait en faire quelque chose, chuchota Gina.

– Comme quoi ? la contesta Lacey. La seule chose qu’il peut faire, c’est m’éviter une amende si l’alarme se déclenche accidentellement.

– Il pourrait être un cambrioleur, dit Gina d’un air conspirateur.

– Il joue sur le long terme s’il en est un, répondit Lacey. Et lui donner le code d’accès au système de sécurité ne l’empêchera pas de nous cambrioler si c’est ce qu’il veut faire. Il a un jeu de clefs.

– Il en a un ? s’exclama Gina. Depuis quand ?

– Depuis la semaine dernière, dit Lacey. Elle secoua la tête. La paranoïa de Gina ne faisait que la rendre plus appréhensive. Tu devrais être contente. Ça veut dire que quand je ne suis pas là, quelqu’un d’autre peut fermer. Tu sais à quel point tu détestes le faire.

– Seulement parce que je déteste la responsabilité de savoir que si quelque chose va mal, en dernier ressort c’est à moi de rendre des comptes. Le fait qu’il le fasse ne rend pas les choses plus faciles, hein ? C’est toujours moi qui suis son supérieur hiérarchique. Je vais probablement finir par venir ici au milieu de la nuit pour vérifier toutes les serrures maintenant.

– Alors ça te donnera l’occasion d’arroser le jardin au clair de lune, comme tu adores le faire.

– Lacey, dit Gina avec un froncement de sourcils.

– Gina, dit Lacey avec fermeté. S’il te plaît, arrête. Je suis déjà assez inquiète à l’idée de laisser le magasin. La dernière chose dont j’ai besoin, c’est que tu me stresses encore plus.

– D’accord, d’accord, dit Gina, qui finit par céder. Tu mérites de te détendre.

– Merci, dit Lacey.

À ce moment, un énorme fracas retentit. Les deux femmes levèrent les yeux. Finnbar se tenait debout, son plumeau suspendu dans les airs et des tessons de porcelaine à ses pieds. Il avait fait tomber un vase de l’étagère.

– Je suis vraiment désolé, s’exclama-t-il.

Gina donna une claque de la main sur l’épaule de Lacey.

– Tu vois ! On gère la situation ici, plaisanta-t-elle.

Lacey avait les nerfs à vif. Elle avait le sentiment qu’elle allait revenir pour découvrir une catastrophe.

*

Lacey ressentait un mélange d’excitation et de culpabilité lorsqu’elle quitta son magasin et se dirigea vers l’angle de la rue. Elle était excitée car cela faisait longtemps qu’ils devaient refaire un voyage après le désastre de Douvres, mais coupable d’avoir laissé son magasin dans un délai aussi court.

Elle se rendit à l’endroit où la camionnette de Tom était garée, au coin de la rue. Ils avaient décidé qu’il serait plus confortable de voyager dans son van que dans la voiture d’occasion peu fiable de Lacey, d’autant plus que cela donnait à Chester beaucoup d’espace pour s’étaler sur la banquette arrière.

Lacey sauta à l’intérieur et jeta un coup d’œil par-dessus son épaule à son fidèle compagnon. Il faisait déjà la sieste, coincé à côté de deux grandes boîtes en carton.

– Qu’est-ce que c’est ? demanda Lacey à Tom.

Lorsqu’ils avaient fait leurs bagages ce matin, ils n’avaient qu’un sac de vêtements chacun et un sac à dos pour les éventuelles randonnées. Maintenant, la banquette arrière donnait l’impression qu’ils allaient traverser plusieurs états.

Côté conducteur, Tom se tourna vers elle et sourit.

– Pendant que tu étais dans ton magasin, je suis allé dans le mien et j’ai récupéré quelques affaires dans la réserve.

Il l’avait dit assez innocemment, mais Lacey plissa les yeux avec scepticisme. Tom avait un côté aventureux que Lacey ne partageait pas. S’il y avait une tente là derrière, elle ferait tout aussi bien de sortir maintenant et de retourner au travail. Il n’était pas question que ce voyage romantique spontané se transforme en camping.

– Quels trucs ? demanda-t-elle d’un air soupçonneux.

– Juste des trucs, répondit encore Tom, évasif.

– Tom… l’avertit Lacey.

– C’est un canot pneumatique, dit-il. Et une paire de paddleboard.

Lacey souffla. Elle secoua la tête.

– Tu sais que je ne vais pas les utiliser. Ils prennent juste de la place.

– Ils sont là au cas où le cœur t’en dise, dit Tom avec un sourire effronté.

– Bien sûr, répondit Lacey d’un ton sec. Ce week-end, sur quarante ans de week-ends, sera celui où l’envie me prendra soudainement de pratiquer des sports nautiques.

Tom se mit à rire.

– On ne sait jamais.

Il tourna la clef dans le contact et la camionnette se mit à vrombir. Lacey sentit une vague d’émotion la traverser. Elle était excitée à l’idée de s’éloigner de tout cela. Mais elle était également nerveuse à l’idée de savoir qu’elle allait réduire la distance qui la séparait de son père et que, si elle le voulait, elle pourrait réduire complètement cette distance pour la première fois depuis qu’elle avait sept ans, en frappant à sa porte.

Tom s’écarta du trottoir et rejoignit le flot de voitures qui quittaient Wilfordshire, en prenant la route A en direction de l’est. Le plan était de prendre la route côtière vers le Sussex, et de s’arrêter dans n’importe quelle ville dont l’apparence leur plaisait. Lacey voulait voir Brighton, une ville côtière à la mode pleine d’architecture Régence, Édouardienne et Art déco. Cela semblait être le genre d’endroit qu’elle aimait, alors elle avait l’intention de rester bouche cousue jusqu’à ce qu’ils y arrivent.

– Tu n’as vraiment jamais pratiqué de sports nautiques ? lui demanda Tom en conduisant.

– Non, répondit Lacey. Je n’ai pas non plus fait de saut à l’élastique, de descente en rappel en montagne et je n’ai jamais sauté depuis un avion.

– Vraiment ? dit Tom, l’air surpris. J’ai fait les trois. Plus d’une fois.

– Je ne vois pas l’intérêt. Quand est-ce qu’il me sera utile dans ma vie de savoir comment, je ne sais pas, faire de l’escalade ou autre ? Elle haussa les épaules. Mais je suppose que je ne suis pas très aventureuse. Tout ce qui m’a toujours importé, c’est de réussir à l’école et d’avoir un bon travail. Voilà l’effet qu’ont deux parents fous et instables sur une fille.

Elle se tut. Elle ne voulait pas penser à son père et au fait qu’il n’avait pas répondu à sa lettre.

– J’ai une idée, dit Tom. Jouons plutôt à Tu Préfères. Je vais commencer. Tu préfères le saut à l’élastique ou le rappel, comme vous autres Américains l’appelez ?

Lacey roula des yeux.

– Ni l’un ni l’autre.

– Ce n’est pas comme ça que le jeu fonctionne, lui dit Tom. Tu dois répondre.

– Bien. Rappel. Tu préfères avoir quatre jambes ou quatre bras ?

Tom rit de bon cœur.

– Ça a pris un tournant surréaliste.

– Alors ? le poussa Lacey.

– Les bras. Pense à tous les gâteaux que je pourrais faire avec quatre bras ! Je doublerais ma production. Puis je doublerais mes revenus. Puis je t’achèterais une belle maison au bord de la mer, où on pourrait faire du paddleboard à notre guise.

Lacey regarda son beau dandy.

– Une maison au bord de la mer ? demanda-t-elle.

– Bien sûr, dit-il jovialement. Ce n’est pas le fantasme de tout le monde ?

Lacey n’avait pas réfléchi à l’endroit où ils allaient vivre après s’être mariés. Elle avait juste supposé que Tom emménagerait dans son cottage sur les falaises. Mais on aurait dit qu’il avait d’autres projets. S’il voulait qu’ils achètent une maison ensemble, devrait-elle vendre la maison de ses rêves ?

 

Elle l’ajouta à sa liste des inconnues. Elle semblait s’allonger assez rapidement. Elle ne savait pas si elle prendrait le nom de famille de Tom. Elle ne savait pas si elle allait porter les enfants de Tom. Et maintenant, elle ne savait même pas où elle et Tom allaient vivre.

Soudain, Lacey se souvint que Naomi avait insinué, lors de son appel téléphonique, qu’elle se lançait précipitamment dans son mariage avec Tom.

Pour la première fois, Lacey commença à envisager avec inquiétude que ce soit peut-être le cas.

CHAPITRE SIX

Brighton était une ville intéressante, avec des grilles vert menthe et une falaise rocheuse abrupte qui plongeait jusqu’à une plage couverte de galets. Malgré l’inconfort que Lacey associait à l’idée de s’asseoir sur une plage de galets, celle-ci était complètement bondée, avec des groupes de personnes assises presque côte à côte. Elle qui pensait que Bournemouth était animée…

L’architecture de Brighton était également grandiose. Des kilomètres et des kilomètres de côte étaient occupés par des rangées d’immenses maisons de ville de style Régence. C’était le genre de demeure dans lesquelles Lacey imaginait que vivaient les personnages des romans de Jane Austen. Leurs façades étaient peintes en blanc, mais la peinture s’écaillait par endroits et était salie par la pluie et la pollution. Cela donnait à Brighton l’impression d’une grandeur perdue, ce que Lacey ne pouvait s’empêcher de trouver incroyablement romantique.

Entre les maisons se trouvait une route à quatre voies pour les voitures, plus une voie de bus séparée. Puis il y avait un large trottoir avec une piste cyclable, qui était également pleine de gens en skateboard et en rollers. À côté, il y avait une large bande d’herbe remplie de promeneurs de chiens et de lanceurs de frisbee, et des rangées de cabanons de plage peints de couleurs vives séparant les pelouses de la plage de galets.

Chester reniflait par la fente de la vitre entrouverte, agitant sa queue avec excitation.

– À quel point es-tu décidé pour une maison en bord de mer ? demanda Lacey à Tom, alors qu’elle se tordait le cou pour regarder par la fenêtre. Parce que Brighton a l’air très attrayante là tout de suite.

– Attrayante, s’accorda à dire Tom. Mais très chère. Tu sais que toutes ces maisons appartiennent à des gens célèbres ? Il montra du doigt les maisons de style Régence que Lacey admirait.

– Vraiment ? demanda-t-elle. Comme qui ?

Avant que Tom n’ait une chance de donner des noms, l’attention de Lacey fut soudainement détournée vers un bâtiment ressemblant à un palais. Il ne pouvait être décrit que comme un mini Taj Mahal, avec des dômes et des minarets, et un jardin tout autour rempli d’arbres et de fleurs.

– Regarde ça ! se mit à crier Lacey avec excitation. Tom ! Regarde !

Il regarda par-dessus le volant.

– C’est le Pavillon Royal. Il a été construit par le roi George. Brighton était le lieu de retraite en bord de mer préféré de la famille royale.

– Est-ce que ça appartient toujours à royauté ?

– Non, c’est un musée et un lieu de rencontre maintenant. On peut s’y marier.

– Vraiment ? s’écria Lacey. Maintenant, cela lui donnait des idées…

– Tu veux aller voir ? dit Tom.

– Oui, s’il te plaît ! s’exclama Lacey.

Ils garèrent la camionnette dans un parking souterrain à proximité, puis retournèrent au Pavillon Royal à pied. Ils pénétrèrent dans le jardin par l’entrée arrière qui était ouverte au public. La pelouse était couverte de gens qui traînaient, et il y avait un petit café avec des tables de bistro pleines de gens qui mangeaient des sandwiches tout en chassant des mouettes. Chester fonça droit vers les oiseaux, et les fit s’envoler dans un tourbillon de plumes.

Lacey laissa libre cours à son imagination, se représentant tout cet endroit occupé par sa fête de mariage, avec elle qui, dans une robe blanche, se faisait photographier à l’extérieur du spectaculaire château.

Ils entrèrent et Lacey poussa une exclamation face au décor en technicolor déjanté. D’énormes lustres étaient suspendus au plafond, qui était un dôme peint en bleu vif. Des rideaux de velours rouge bordés de fil d’or étaient suspendus aux grandes fenêtres, assortis au tapis rouge qui traversait la pièce comme s’ils étaient à une avant-première hollywoodienne. Il y avait des statues et des armures partout.

– Le roi George avait un goût éclectique, commenta Lacey en parcourant du regard le papier peint brillant et criard et le mobilier luxueux.

Tom se mit à rire.

– Ça te donne des idées, n’est-ce pas ?

– Peut-être… avoua Lacey.

Ce serait totalement dépasser les bornes d’organiser leur mariage dans un tel endroit. Mais Lacey était si discrète d’habitude, peut-être son mariage devrait-il être un somptueux spectacle ?

Après avoir fait le tour du palais, Tom et Lacey décidèrent qu’il était temps de déjeuner.

– Je connais le meilleur endroit, dit Tom.

Il guida Lacey et Chester dans une rue étroite remplie de boutiques, d’échoppes et de gens marchant côte à côte. Brighton semblait compter une abondance d’endroits où manger, des cafés branchés aux restaurants de luxe. Au moins cinquante pour cent d’entre eux étaient exclusivement végétariens ou végétaliens, ce qui convenait parfaitement à Lacey pour le déjeuner ; elle avait envie de quelque chose de frais.

Tom fit monter à Lacey un escalier en bois branlant qui menait à un tout petit café de style cafétéria, avec des tables de bistro sur un balcon surplombant la rue en contrebas. C’était l’endroit idéal pour regarder les gens, pensa Lacey en prenant place.

Chester se mit en boule sous la table pendant que Lacey parcourait le menu. Tout ce qui était en vente était biologique, produit localement, et paraissait exceptionnel. Elle choisit le Autumn Nourish Bowl, qui contenait des pois chiches, du quinoa et des choux de Bruxelles grillés, et Tom choisit le Harvest Bowl, avec des courges butternuts, des épinards et du riz sauvage. Il monta pour commander, et revint quelques minutes plus tard avec leurs plats et deux smoothies aux couleurs vives.

– Carotte ou betterave ? demanda-t-il en posant les plats et les boissons sur la table.

– Je vais prendre la betterave, dit Lacey, souriant à la terminologie britannique de Tom.

Il lui passa la boisson rouge vif, et Lacey entama son repas.

– Mmmh, du tahini, dit-elle, alors que la saveur amère et crémeuse dansait sur sa langue.

Tom semblait aussi apprécier sa nourriture. Ses yeux verts étaient fixés sur le bol, ses cheveux couleur miel tombant sur son visage. Ils devenaient trop longs, nota Lacey. Ils avaient besoin d’être coupés.

– Comment as-tu connu cet endroit ? demanda Lacey en avalant une délicieuse bouchée de quinoa aux herbes et au citron. Je n’aurais jamais pensé à monter cet escalier en bois en particulier !

– Ça fait des années que c’est ici, lui dit Tom.

– Tu es venu souvent à Brighton ?

– Norah est allée à l’université ici. Papa m’emmenait parfois en excursion pour lui rendre visite. Surtout l’été.

– Oh, dit Lacey.

Le commentaire la prit au dépourvu. Ce n’était pas vraiment un gros truc, mais Tom avait omis de mentionner qu’il avait un lien personnel avec Brighton au cours de leur trajet. Et ce n’était pas qu’il était délibérément évasif. C’est juste qu’il ne semblait jamais se sentir obligé de lui faire spontanément part de certaines choses. À moins d’y être incité, Tom ne lui aurait probablement jamais rien dit de son passé.

Lacey essayait de ne pas laisser cela l’inquiéter.

Après leur repas, ils firent une longue promenade sur la plage de galets. Chester courait, se faufilant parmi les groupes de personnes pour patauger dans l’océan. Les vagues étaient beaucoup plus fortes à Brighton qu’à Wilfordshire, et il ne cessait de leur aboyer, comme s’il était frustré par leur imprévisibilité.

Tom et Lacey marchaient main dans la main entre les deux jetées de Brighton, dos à celle qui était pleine de manèges et de casinos, et s’approchaient de l’autre, qui était une relique brûlée tombant à moitié dans la mer.

– Tom, j’aime vraiment cet endroit, dit Lacey.

– Je peux le voir, dit Tom. Tu as été radieuse toute la journée.

Lacey marqua un temps d’arrêt. Ce n’était pas tout à fait vrai. Peut-être qu’à l’extérieur, elle semblait calme et heureuse, mais à l’intérieur, elle était très inquiète et focalisée sur son père.

Elle était dans le même comté que lui. Jamais elle n’avait été autant à proximité de lui depuis des décennies, du moins à sa connaissance. Elle connaissait son adresse. Si elle le voulait, elle pouvait se rendre chez lui demain et frapper à sa porte.

Et si Lacey savait que ce serait pour le mieux si elle le faisait, elle se connaissait aussi trop bien. Lorsqu’il s’agissait de son père depuis longtemps disparu, elle était une lâche. Elle ferait atrocement durer cette situation regrettable, tout comme elle l’avait fait pour envoyer cette lettre.

Elle n’était tout simplement pas prête. Elle n’avait pas les tripes pour ça. Elle ne pourrait pas supporter qu’il la rejette une seconde fois. S’il avait répondu à sa lettre, ce serait différent. Mais cela faisait des semaines qu’elle lui avait écrit, et chaque jour qui passait lui donnait l’impression d’être rejetée une nouvelle fois par lui. C’était trop. Elle ne pouvait tout simplement pas le faire.

– Nous devrions probablement penser à trouver une auberge, dit Lacey, son enthousiasme pour la plage ayant soudainement disparu.

– Tout ce que tu veux, ma chère, dit Tom, sans pour autant déceler son malaise croissant.

Ils retournèrent sur la route jusqu’à ce qu’ils trouvent une auberge avec un panneau à la fenêtre disant qu’elle acceptait les chiens. Elle était peinte dans la même couleur vert pâle que tous les lampadaires et les balustrades, et un drapeau arc-en-ciel flottait au-dessus de la porte.

Ils entrèrent. L’endroit tout entier était décoré comme un sanctuaire pour chats. Un félin blanc pelucheux était couché sur le bureau et dormait.

– Bonsoir ! s’exclama un extravagant monsieur âgé à la réception. Ses cheveux blancs étaient coiffés dans un style rockabilly, et il portait une cravate à motifs.

Son excentricité amicale mit Lacey immédiatement à l’aise.

– Nous aimerions une chambre pour deux, dit-elle.

Chester s’approcha du comptoir et renifla le chat endormi. Celui-ci ouvrit un seul œil avant de se rendormir avec contentement.

– Une chambre pour deux humains et un chien, dit l’homme en tapant dans un ordinateur. Oui, nous pouvons tous vous accueillir. Allez-vous rester pour le petit-déjeuner ? Nous faisons le continental et le frit.

– Frit, dirent Lacey et Tom en même temps.

Ils rirent.

L’homme leur tendit la clef de leur chambre et un petit livret.

– La réception est ouverte toute la nuit. Si vous avez un petit creux et êtes tentés par un toast au fromage ou un verre de mojito, tous vos souhaits peuvent être exaucés.

– Merci beaucoup, dit Lacey, absolument ravie du talent de mise en scène de l’homme. Comment on fait ça ?

– Il suffit d’appuyer sur 1 sur votre téléphone et de demander David, dit-il.

En entendant son nom, Lacey chancela immédiatement. Elle avait oublié de parler à son ex-mari de ses futures noces. Mais maintenant que sa mère le savait, il ne tarderait pas à l’apprendre lui aussi.

Il devrait attendre. Pour l’instant, Lacey voulait s’accrocher à son bonheur et profiter de son séjour dans la ville pleine de vie de Brighton.

Car après cela, pensa Lacey en frissonnant, le moment où elle confronterait son père après toutes ces années ne ferait qu’approcher.

Olete lõpetanud tasuta lõigu lugemise. Kas soovite edasi lugeda?