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Ainsi Parlait Zarathoustra

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HOMMES SUPÉRIEURS QUI, DANS LEUR DÉTRESSE, VIENNENT A ZARATHOUSTRA

Tentation de retraite, avant qu'il en soit temps, – par l'invitation à la pitié.

1. L'inquiet, le vagabond, le voyageur, qui a désappris d'aimer son peuple, parce qu'il aime beaucoup de peuples, – le bon Européen.

2. Le sombre et ambitieux fils du peuple, farouche, solitaire, prêt à tout, qui choisit la solitude pour ne pas être destructeur, – il s'offre comme instrument.

3. Le plus laid des hommes, qui est obligé de se parer (sens historique) et qui cherche sans cesse un nouveau vêtement: il veut rendre son aspect supportable et finit par aller dans la solitude pour ne pas être vu, – il a honte.

4. L'adorateur des faits ("le cerveau de la sang-sue"), la conscience intellectuelle la plus subtile, affligé d'une mauvaise conscience par excès, – il veut être débarrassé de lui-même.

5. Le poète, aspirant au fond à une sauvage liberté; choisit la solitude et la sévérité de la Connaissance.

6. L'inventeur de nouveaux remèdes enivrants, le musicien, l'enchanteur qui finit par se jeter aux pieds d'un coeur aimant pour s'écrier: "Ne venez pas à moi, c'est à celui-là que je veux vous conduire."

Les hommes trop sobres qui ont un désir de l'ivresse qu'ils ne peuvent satisfaire. Ceux qui ont dépassé l'excès de sobriété.

7. Le génie (considéré comme accès de folie), glacé faute d'amour. "Je ne suis ni un génie ni un dieu." Grande tendresse: "Il faut l'aimer davantage!"

8. Le riche qui a tout donné et qui demande à chacun: " Y a-t-il chez toi de l'abondance? Donne-moi ma part!" – le riche mendiant.

9. Les rois renonçant à régner! "Nous cherchons celui qui est plus digne de régner!" – Contre "l'égalité": le grand homme fait défaut et par conséquent la vénération.

10. Le comédien du bonheur.

11. Le devin pessimiste, qui sent partout la fatigue.

12. Le fou de la grande ville.

13. Le jeune homme de la montagne.

14. La femme (qui cherche l'homme).

15. L'ouvrier et l'arriviste, envieux et amaigri.

16. Les bons. ) et leur folie : "pour Dieu" c'est-à-dire : "pour moi"

17. Les pieux. . )

18. Les saints qui s'honorent eux-mêmes. )

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"Je vous ai donné la pensée la plus lourde: peut-être fera-t-elle périr l'humanité, peut-être celle-ci s'élèvera-t-elle par ce fait que les éléments surmontés, hostiles à la vie, sont éliminés." – "Ne pas en vouloir à la vie, mais à vous!" – Détermination de l'homme supérieur en tant que créateur. Organisation des hommes supérieurs, éducation de ceux qui régneront un jour. "Votre prépondérance doit se réjouir d'elle-même en dominant et en façonnant." – "Non seulement l'homme, mais encore le Surhumain, reviennent éternellement."

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La souffrance typique du réformateur et aussi ses consolations. Les sept solitudes.

Il est comme au-dessus des temps: sa hauteur lui procure des relations avec les solitaires et les méconnus de tous les temps.

Il se défend seulement encore au moyen de sa beauté.

Il pose sa main sur le millénaire qui va venir.

Son amour grandit avec l'impossibilité où il se trouve de faire le bien par le moyen de cet amour.

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L'état d'esprit de Zarathoustra n'est pas la folle impatience du Surhumain. Il est tranquille, il peut attendre. Mais toute action a pris un sens, étant le chemin et le moyen pour y aboutir. Cette action doit être bien faite, d'une façon parfaite.

Tranquillité du grand fleuve! Sanctification de la plus petite chose! Toutes les inquiétudes, tous les désirs violents, tous les dégoûts doivent être exposés dans la troisième partie et surmontés!

La douceur, la bienveillance, etc., dans la première et seconde partie – comme l'indice de la force qui n'est pas encore sûre d'elle-même!

Avec la guérison de Zarathoustra, César se dresse, implacable, plein de bonté. Entre la faculté d'être créateur, la bonté et la sagesse, l'abîme est détruit.

La clarté, le calme, pas de désir exagéré, le bonheur dans le moment bien employé, éternisé!

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Zarathoustra III: "Moi-même, je suis heureux." – Lorsqu'il a quitté les hommes il retourne à lui-même. C'est comme un nuage qui se dissipe autour de lui. Le type de la vie, telle que le Surhumain doit la mener: un dieu épicurien.

Une divine souffrance, tel est le contenu du troisième Zarathoustra.

La condition humaine du législateur n'est amenée que comme un exemple.

Son amour violent pour ses amis lui apparaît comme une maladie, – il est de nouveau tranquille.

Lorsque les invitations viennent, il se dérobe doucement.

78

Dans la quatrième partie il est nécessaire de dire exactement pourquoi le temps du grand Midi vient maintenant. Il s'agit donc de faire une description de l'époque, conditionnée par les visites, mais interprétée par Zarathoustra.

Dans la quatrième partie, il est nécessaire de dire exactement pourquoi "le peuple des élus" devait d'abord être créé – ce sont les natures supérieures, bien venues, en opposition avec les natures mal venues (caractérisées par les visites): à celles-là seulement Zarathoustra peut communiquer les derniers problèmes, à elles seulement il peut faire appel pour une activité en faveur de ses théories (elles sont assez fortes, assez bien portantes et assez dures, avant tout assez nobles!) il peut donner en main le marteau qui régnera sur la terre.

79

L'harmonie du Créateur, de l'Amant, du Connaisseur dans la puissance.

80

"L'amour seul doit être juge" – (l'amour qui crée, qui s'oublie lui-même dans son oeuvre).

81

Zarathoustra ne peut rendre heureux qu'une fois que la hiérarchie est établie. Celle-ci est enseignée en premier lieu.

La hiérachie, appliquée en un système de gouvernement de la terre: les maîtres de la terre, en fin de compte, une nouvelle caste dominante. De cette caste naît, de ci de là, un dieu tout à fait épicuréen, le Surhumain, le transfigurateur de l'existence.

La conception surhumaine du monde. Dionysos. Revenir, avec amour, de ce grand éloignement, vers le plus petit et le plus humble, – Zarathoustra bénissant tous les événements de sa vie et mourant en bénissant.

82

Nous devons cesser d'être des hommes qui prient, pour devenir des hommes qui bénissent!

NOTES

L'idée de Zarathoustra remonte chez Nietzsche aux premières années de son séjour à Bâle. On en retrouve des indices dans les notes datant de 1871 et 1872. Mais, pour la conception fondamentale de l'oeuvre, Nietzsche lui-même indique l'époque d'une villégiature dans l'Engadine en août 1881, où lui vint, pendant une marche à travers la forêt, au bord du lac de Silvaplana, comme "un premier éclair de la pensée de Zarathoustra", l'idée de l'éternel retour. Il en prit note le même jour en ajoutant la remarque: "Au commencement du mois d'août 1881 à Sils Maria, 6000 pieds au-dessus du niveau de la mer et bien plus haut encore au-dessus de toutes les choses humaines" (Note conservée). Depuis ce moment, cette idée ce développa en lui: ses carnets de notes es ses manuscrits des années 1881 et 1882 en portent de nombreuses traces et Le gai Savoir qu'il rédigeait alors contient "cent indices de l'approche de quelque chose d'incomparable". Le volume mentionnait même déjà (dans l'aphorisme 341) la pensée de l'éternel retour, et, à la fin de sa quatrième partie (dans l'aphorisme 342, qui, dans la première édition, terminait l'ouvrage), "faisait luire, comme le dit Nietzsche lui-même, la beauté des premières paroles de Zarathoustra".

La première partie fut écrite dans "la baie riante et silencieuse" de Rapallo près de Gênes, où Nietzsche passa les mois de janvier et février 1883. "Le matin je suis monté par la superbe route de Zoagli en me dirigeant vers le sud, le long d'une forêt de pins; je voyais se dérouler devant moi la mer qui s'étendait jusqu'à l'horizon; l'après-midi je fis le tour de toute la baie depuis Santa Margherita jusque derrière Porto-fino. C'est sur ces deux chemins que m'est venue l'idée de toute la première partie de Zarathoustra, avant tout Zarathoustra lui-même, considère comme type; mieux encore, il est venu sur moi" (jeu de mot sur er fiel mir ein et er überfiel mich). Nietzsche a plusieurs fois certifié n'avoir jamais mis plus de dix jours à chacune des trois premières parties de Zarathoustra: il entend par là les jours où les idées, longuement mûries, s'assemblaient en un tout, où, durant les fortes marches de la journée, dans l'état d'une inspiration incomparable et dans une violente tension de l'esprit, l'oeuvre se cristallisait dans son ensemble, pour être ensuite rédigée le soir sous cette forme de premier jet. Avant ces dix jours, il y a chaque fois un temps de préparation, plus ou moins long, immédiatement après, la mise au point du manuscrit définitif; ce dernier travail s'accomplissait aussi avec une véhémence et s'accompagnait d'une "expansion du sentiment" presque insupportable. Cette "oeuvre de dix jours" tombe pour la première partie sur la fin du mois de janvier 1883: au commencement de février la première conception est entièrement rédigée, et au milieu du mois le manuscrit est prêt à être donné à l'impression. La conclusion de la première partie (De la vertu qui donne) "fut terminée exactement pendant l'heure sainte où Richard Wagner mourut à Venise" (13 février).

 

Au cours d'un "printemps mélancolique" à Rome, dans une loggia qui domine la Piazza Barbarini, "d'où l'on aperçoit tout Rome et d'où l'on entend mugir au-dessous de soi la Fontanas", le Chant de la Nuit de la deuxième partie fut composé au mois de mai. La seconde partie elle-même fut écrite, de nouveau en dix jours, à Sils Maria, entre le 17 juin et le 6 juillet 1883: la première rédaction fut terminée avant le 6 juillet et le manuscrit définitif avant le milieu du même mois.

"L'hiver suivant, sous le ciel alcyonien de Nice, qui, pour la première fois, rayonna alors dans ma vie, j'ai trouvé le troisième Zarathoustra. Cette partie décisive qui porte le titre: "Des vieilles et des nouvelles Tables, fut composée pendant une montée des plus pénibles de la gare au merveilleux village maure Eza, bâti au milieu des rochers -". Cette fois encore "l'oeuvre de dix jours" fut terminée fin janvier, la mise au net au milieu du mois de février.

La quatrième partie fut commencée à Menton, en novembre 1884, et achevée, après une longue interruption, de fin janvier à mi-février 1885: le 12 février le manuscrit fut envoyé à l'impression. Cette partie s'appelle d'ailleurs injustement "quatrième et dernière partie": "son titre véritable (écrit Nietzsche à Georges Brandès), par rapport à ce qui précède à ce qui suit, devrait être: La tentation de Zarathoustra, un intermède". Nietzsche a en effet laissé des ébauches de nouvelles parties d'après lesquelles l'oeuvre entière ne devait se clore que par la mort de Zarathoustra. Ces plans et d'autres fragments seront publiés dans les oeuvres posthumes.

La première partie parut en mai 1883 chez E. Schmeitzner, à Chemnitz, sous le titre: Ainsi parlait Zarathoustra. Un livre pour tous et pour personne (1883). La seconde et la troisième partie parurent en septembre 1883 et en avril 1884 sous le même titre, chez le même éditeur. Elles portent sur la couverture, pour les distinguer, les chiffres 2 et 3.

– La première édition complète de ces trois parties parut à la fin de 1886 chez E.W. Fritsch, à Leipzig (qui avait repris quelques mois avant le dépôt des oeuvres de Nietzsche), sous le titre: Ainsi parlait Zarathoustra. Un livre pour tous et pour personne. En trois parties (sans date).

Nietzsche fit imprimer à ses frais la quatrième partie chez C.G. Naumann, à Leipzig, en avril 1885, à quarante exemplaires. Il considérait cette quatrième partie (le manuscrit portait: "pour mes amis seulement et non pour le public") comme quelque chose de tout à fait personnel et recommandait aux quelques rares dédicataires une discrétion absolue. Quoiqu'il songeât souvent à livrer aussi cette partie au public, il ne crut pas devoir le faire sans remanier préalablement quelques passages. Un tirage à part, imprimé en automne 1890, lorsque eut éclaté la maladie de Nietzsche, fut publié, en mars 1892, chez C.G. Naumann, après que tout espoir de guérison eut disparu et par conséquent toute possibilité pour l'auteur de décider lui-même de la publication. En juillet 1892, parut chez C.G. Naumann la deuxième édition de Zarathoustra, la première qui contînt les quatre parties. La troisième édition fut publiée chez le même éditeur en août 1893.

La présente traduction a été faite sur le sixième volume des Oeuvres complètes de Fr. Nietzsche, publié en août 1894 chez C.G. Naumann, à Leipzig, par les soins du "Nietzsche-Archiv". Les notes bibliographiques qui précèdent ont été rédiguées d'après l'appendice que M. Fritz Koegel a donné à cette édition.

Nous nous sommes appliqué à donner une version aussi littérale que possible de l'oeuvre de Nietzsche, tâchant d'imiter même, autant que possible, le rythme des phrases allemandes. Les passages en vers sont également en vers rimés ou non rimés dans l'original.