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Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome III

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CHAPITRE II.
LE CONSEIL LÉGISLATIF.
1777-1792

Conseil législatif; la guerre le fait ajourner jusqu'en 1777. – Composition de ce corps, différences entre les membres canadiens et les membres anglais; ses travaux et son unanimité. – Il s'occupe de l'administration de la justice, des milices, etc. – Mécontentemens populaires. – Le général Haldimand remplace le gouverneur Carleton (1778) qui s'était querellé avec le juge-en-chef Livius. – Caractère et politique du nouveau gouverneur. – Effrayé par les succès des Américains, il gouverne le Canada par l'intimidation et la terreur jusqu'en 1784; corruption des tribunaux et nullité du conseil législatif, qui passe à peine quelques ordonnances peu importantes pendant cette période. – Triomphe de la révolution américaine. – La France reconnaît les Etats-Unis (1778) et leur envoie des secours. – Débats à ce sujet dans le parlement anglais. – L'Espagne et la Hollande imitent la France. – Destruction des cantons iroquois et leur émigration. – Capitulation de l'armée anglaise à Yorktown (1781). – La Grande-Bretagne reconnaît indépendance des Etats-Unis (1783). – Perte de territoire par le Canada. – Le général Haldimand remet les rênes du gouvernement au général Carleton (1784). – M. Du Calvet, qu'il avait tenu deux ans en prison, l'accuse devant les tribunaux de Londres. – Noble caractère et énergie de ce citoyen; de son livre: Appel à la justice de l'Etat. – Ses idées sur la constitution qui convient au Canada. – Agitation de cette colonie. – Assemblées publiques, – Pétitions diverses pour et contre un gouvernement représentatif. – Prétentions et méfiances des divers partis. – Investigation que le gouverneur fait faire par le conseil législatif sur la justice, la milice, les voies publiques, l'agriculture, le commerce, l'éducation, etc. – Rapport» sur ces matières. – Tentative indirecte du juge-en-chef Smith de substituer les lois anglaises aux lois françaises. – Abus crians dans l'administration de la justice: enquête à ce sujet. – Nouvelle division territoriale du Canada. – Nouvelles pétitions à l'Angleterre. – Intervention des marchands de Londres en faveur du parti anglais. – Intrigues. – Division des Canadiens en constitutionnels et anti-constitutionnels: les premiers l'emportent. – Projet de constitution de M. Grenville envoyé en 1789 à lord Dorchester, qui passe à Londres en 1791. – Pitt introduit ce projet dans la chambre des communes la même année. – M. Lymburner, agent des constitutionnels anglais, l'oppose. – Débats auxquels Pitt, Burke, Fox, Grenville, etc., prennent part. – Le projet passe sans division dans les deux chambres. – Dispositions fondamentales de la nouvelle constitution-Le lieutenant-gouverneur Clark la proclame en Canada qui est divisé en deux provinces. – Population de ce pays. – Satisfaction des Canadiens en recevant la nouvelle constitution, qui est fêtée à Québec et à Montréal par des banquets.

Lorsque Carleton apprit les désastres du malheureux Burgoyne, il dut se réjouir en secret de ce qu'on lui avait préféré ce général pour conduire l'armée du Canada dans le pays insurgé. S'il avait eu raison d'être blessé de l'empressement de cet officier à offrir ses services au roi, et de la préférence qu'on lui avait donnée, le dénouement de la campagne le vengeait complètement de l'injustice qu'on lui avait faite. Déchargé par ce passe-droit d'un commandement qu'il avait ambitionné, il s'était livré aux soins de l'administration qui lui était confiée, et qui demandait de nombreuses réformes. La guerre avait empêché la réunion du nouveau corps législatif, après celle de forme qui eut lieu pour son inauguration; Il le convoqua pour la seconde fois en 77.

La session fut laborieuse, mais calme comme on devait l'attendre d'un corps nommé par la couronne et composé de ses créatures les plus dociles et les plus dévouées. Le conseil législatif, en présence de la guerre civile qui régnait dans les autres colonies, où l'Angleterre, irritée de ses échecs, commençait à la faire avec cette cruauté qui avait marqué le passage de ses troupes en Canada en 59, se garda bien de montrer de l'opposition à la volonté métropolitaine, et toutes les mesures du gouvernement passèrent presque à l'unanimité. En effet, ce corps tenait plus de la nature d'un conseil d'état que d'une chambre législative; il siégeait à huis-clos 64, et des 23 membres qui le composaient en 77, huit seulement étaient Canadiens. Les autres étaient des fonctionnaires publics, dont la principale sollicitude paraissait d'accumuler les emplois sur leurs têtes et d'accaparer les terres publiques, ou des marchands nés hors du Canada, et qui n'y avaient d'intérêts que ceux de leur commerce, et tous étaient salariés du gouvernement. Les premiers réclamaient, à titre de nobles, toutes sortes de privilèges, comme l'exemption des corvées, du logement des troupes, etc.; ils étaient conséquemment opposés au peuple dans toutes les questions où ses intérêts paraissaient contraires aux leurs. Les seconds étaient opposés en masse aux Canadiens pour les raisons qu'on a pu déjà apprécier plusieurs fois. Ceux-là, élevés pour ainsi dire dans les camps, entendaient le gouvernement à la façon militaire. Ils embrassaient toujours avec franchise et chaleur la cause du gouvernement sans en rechercher ni le but ni l'objet dans toutes les questions qui n'attaquaient point leurs institutions ou leur nationalité; leur maxime était: Si veut le roi, si veut la loi. Aussi, quoiqu'abandonnés par la plupart de leurs censitaires lors de l'invasion américaine, les vit-on tous montrer une fidélité inviolable à la métropole. Les membres anglais du conseil sortaient, pour la plupart, de cette classe d'émigrés dont le général Murray nous a laissé le tableau peu flatté dans ses correspondances. Leur éducation, sans être plus soignée que celle des seigneurs, était accompagnée de l'expérience et de la pratique que donne au peuple la jouissance d'institutions libres dans les matières de gouvernement. Ce petit vernis de savoir-faire leur faisait prendre des airs d'importance et d'orgueilleuse réserve, dont les seigneurs se moquaient ensuite dans leurs manoirs. Ils souriaient en voyant leurs collègues, autrefois obscurs démocrates de la vieille Angleterre, transformés tout-à-coup en Canada en aristocratie dédaigneuse, et prendre des airs que ne justifiaient ni leur caractère, ni leur éducation. Ils voyaient aussi déjà quelques-uns de ces hommes, nourrissant des idées ambitieuses, prendre tout-à-coup avec la plus grande chaleur la défense des intérêts du peuple, pour se tourner ensuite contre lui dès qu'ils auraient atteint le but de leur démarche tortueuse; d'autres, enfin, accuser les Canadiens de rébellion auprès du gouvernement, et assurer en même temps tout bas les amis de la cause américaine qu'ils désiraient la voir réussir de tout leur coeur. Tels étaient ceux qui étaient sortis de Québec à l'approche des républicains en 75.

Note 64:(retour) Le serment des conseillers contenait ces mots: «To keep close and secret all such matters as shall be treated, debated, and resolved in council, without publishing or disclosing the same or any part thereof.» Quelques membres, comme M. Finlay, prétendirent, en 1781 que ce serment n'engageait les membres que comme conseillers exécutifs, et non comme conseillers législatifs; mais leur prétention ne fut pas admise.

Ces deux classes d'hommes, mises en présence par le gouvernement, devaient lui offrir des élémens fertiles de division, si elles s'avisaient de vouloir le combattre; mais le choix avait été fait de manière à n'avoir rien à faire craindre sur ce point. La sympathie des seigneurs étaient toute entière pour l'autorité royale. Le parti anglais se trouvait en trop grande majorité dans le conseil pour avoir à se plaindre du partage du pouvoir législatif. Quant aux intérêts particuliers et exclusifs du peuple, personne ne les représentait; et en 77 les seigneurs, par dépit peut-être de n'avoir pu lui faire prendre les armes contre les républicains, et les Anglais par antipathie nationale, passèrent des lois qui furent marquées au coin d'une tyrannie dont le pays n'avait pas encore vu d'exemple, et qu'en d'autre temps il n'aurait peut-être par voulu supporter. La composition du conseil était donc un gage de son unanimité; et en effet, comme on l'a dit, il fut à peine troublé par des partages d'opinion. Il passa seize ordonnances dans la session. Les deux plus importantes avaient rapport à l'organisation de la milice et à l'administration de la justice, dans laquelle on admit le système anglais de procédure conformément à l'ordre des ministres de considérer si les lois d'Angleterre ne pourraient pas être adoptées, sinon totalement du moins partiellement, dans les affaires personnelles, commerciales ou de dommages, surtout lorsque l'une ou l'autre des parties serait anglaise.

L'ordonnance confirma les cours qui existaient déjà, en faisant quelques changemens à leurs attributions, L'on forma aussi une cour de probate, ou de vérification des testamens et des successions. Enfin, pour couronner l'édifice judiciaire, le conseil législatif devait servir de cour d'appel, dont le conseil privé d'Angleterre serait le dernier ressort. Outre ces tribunaux, des cours à oyer et terminer pouvaient être instituées selon le besoin; et il y avait des audiences trimestrielles présidées par les magistrats pour juger les petits délits.

Quant à l'acte des milices, il renfermait plusieurs dispositions tyranniques, contre lesquelles le peuple ne tarda pas à murmurer. Les nouveaux conquérans avaient les idées les plus fausses sur le régime français qui avait existé dans le pays; ils croyaient que ce gouvernement n'avait été qu'une tyrannie capricieuse et sans frein. Ils ignoraient qu'il était basé sur des lois écrites et des règles qui avaient été consacrées par un long usage, et que le gouverneur et l'intendant étaient obligés de suivre strictement, leurs pouvoirs étant, à cet égard, particulièrement définis. Le conseil législatif, pensant suivre l'exemple de ce gouvernement, se trompa en imposant dans une loi commune des obligations qui n'avaient été exigées des miliciens que par un ordre spécial, donné dans des circonstances extraordinaires et comme pour aller au-devant du voeu public et de la sécurité générale. Ainsi l'on établit un despotisme militaire pur en copiant des temps et des circonstances qui n'existaient plus. L'ordonnance du conseil assujettit tous les habitans de l'âge requis à des services militaires rigoureux, comme à porter les armes hors de leur pays pour un temps indéfini, à faire les travaux agricoles de leurs voisins partis pour la guerre, etc. Ces charges énormes et bien d'autres devaient être remplies gratuitement et sous les peines les plus sévères.

 

Cette loi des milices avec la réorganisation judiciaire et le choix des juges, fit mal augurer de l'avenir à ceux qui suivaient de près la marche du nouvel ordre de choses. Les autres ordonnances concernaient le cours monétaire, le commerce et la police.

Le parti qui s'était opposé au statut de 74, se prévalut de suite des fautes et de l'ignorance des juges, que l'on n'avait pas changés, pour attaquer le nouveau système. En effet, les divers tribunaux ne suivaient point les mêmes lois et n'avaient aucune jurisprudence uniforme; de sorte qu'il en résultait des irrégularités et une incertitude inquiétante pour ceux qui étaient obligés d'y avoir recours. Des marchands du Canada qui se trouvaient à Londres, présentèrent une pétition à lord Germaine, secrétaire des colonies, pour se plaindre de ce grief et demander la révocation de l'acte de 74 et la création d'une chambre élective. Le ministre répondit qu'il serait dangereux de changer la constitution du pays lorsque l'ennemi était encore à ses portes. Les pétitionnaires répliquèrent aussitôt qu'ils ajourneraient leur demande jusqu'à la pacification des provinces révoltées.

Cependant des plaintes s'élevaient de toutes parts contre la loi des milices. Le peuple des campagnes était écrasé de corvées pour le punir de sa neutralité; et la conduite d'une partie des seigneurs marqua assez visiblement dans cette circonstance, où cette classe, par l'influence qu'elle avait acquise sur le gouvernement, pouvait l'employer à l'avantage de ses malheureux censitaires, que ceux-ci n'avaient rien à espérer d'elle, et qu'elle était disposée à faire sa cour au nouvel ordre de choses ainsi qu'à séparer dans l'occasion sa cause de celle de ses compatriotes.

C'est à cette époque, 78, que le gouverneur fut remplacé par le général Haldimand, compagnon de Burgoyne dans la dernière campagne. Mais avant son départ, il eut des difficultés assez graves avec le juge-en-chef Livius, qu'il destitua de ses fonctions pour avoir demandé, dans le conseil, communication des instructions qu'il avait reçues des ministres touchant la législation. Ces instructions l'autorisaient à nommer un conseil privé de cinq membres tirés du conseil législatif lui-même pour la conduite des affaires publiques, celles de législation exceptées. Il en avait formé un en 76, du lieutenant-gouverneur et de MM. Finlay, Dunn, Gollins et Mabane, tous fonctionnaires et créatures qui lui étaient, pour la plupart, parfaitement soumises, afin de se dispenser de consulter le grand conseil, où les anglificateurs mettaient la division. Le juge Livius était un des partisans de l'anglification. Il passa en Angleterre pour porter sa défense au pied du trône. Les lords commissaires du Commerce et des Plantations auxquels son affaire avait été renvoyée, firent rapport qu'il avait été destitué sans cause suffisante, et le roi ordonna en conséquence qu'il fut rétabli dans sa charge.

Le général Haldimand, natif de la Suisse, était depuis long-temps au service de l'Angleterre. C'était un vieux militaire impérieux, sévère, bon à la tête des troupes, mais peu fait par ses habitudes pour le gouvernement d'un peuple accoutumé au régime légal. Entouré de provinces en révolution, il crut qu'il ne pourrait maintenir dans l'obéissance celle qui lui était confiée que par une rigueur inflexible. Il fit sentir bientôt la différence qu'il y avait entre son administration et celle du général Carleton, qui emporta l'estime sincère des Canadiens, qui le regardaient comme le meilleur ami, sinon le seul, qu'ils eussent parmi le peuple anglais.

Cependant les anciennes colonies luttaient avec acharnement contre là Grande-Bretagne. Il y avait toujours des gens en Canada qui désiraient, leur triomphe, et le général Haldimand qui le savait, était résolu de ne pas leur laisser lever la tête. Les corvées redoublèrent et devinrent un vrai fléau pour les campagnes. Les cris augmentèrent. Haldimand attribua ces plaintes à l'esprit de révolte et aux menées des émissaires américains, et il sévit avec encore plus de rigueur, faisant, sur de simples soupçons, emprisonner les citoyens par centaines, confondant souvent l'innocent avec le coupable. Malgré cette tyrannie militaire, la masse du peuple s'était ralliée entièrement à la métropole, et ne laissait plus échapper que des paroles qui pouvaient rassurer la royauté.

Le corps législatif ne fut point assemblé en 78, et l'année suivante il ne siégea que quelque quelque temps pour continuer les ordonnances passées deux ans auparavant au sujet des cours de justice, des milices et de la police des villes. De là à 84, il ne tint que deux courtes sessions, en 80 et 82, où il ne fit rien de remarquable.

L'indépendance des Etats-Unis, reconnue en 83, apporta des modifications aux instructions des gouverneurs canadiens. Lord North, dans une dépêche au général Haldimand, du 24 juillet (83), ordonna d'exiger de ceux qui demanderaient des terres pour s'établir, outre les sermens ordinaires, une déclaration qu'ils reconnaissaient le parlement impérial pour législature suprême du pays, en tant que cette suprématie ne s'étendrait pas jusqu'au droit de taxer, vu que l'Angleterre, par l'acte de 78, y avait renoncé de la manière la plus formelle, excepté dans les questions de règlement général du commerce, et encore, dans ce cas l'appropriation du produit de la taxe imposée devait-elle appartenir à la législature locale; L'objet de cette déclaration était d'exclure de la province les sujets mal affectionnés, et de les distinguer des royalistes américains qui y passaient en foule. Le traité de Paris assurait à ceux-ci toute la protection du gouvernement des Etats-Unis; et le congrès s'était conformé aux conventions arrêtées lors de la signature des préliminaires; mais ses recommandations aux divers états de l'Union avaient été faites si froidement, que les républicains n'en tenaient nul compte, et que les royalistes effrayés ne voyaient de sécurité pour eux que dans l'émigration. Ils furent accueillis comme ils devaient l'être; et l'Angleterre leur donna une indemnité de dix millions sterling pour la valeur des terres qu'ils abandonnaient, et une rente annuelle de 150 mille louis pour celle des autres avantages qu'ils perdaient en laissant leur pays.

L'ordre fut envoyé aussi au gouverneur de porter une ordonnance pour introduire la loi de l'habeas corpus. Ce sujet fut amené devant le conseil législatif en 84, et y souleva une violente opposition, surtout de la part de MM. de La Corne St. – Luc, Mabane et Fraser; mais la métropole s'était prononcée, et la loi passa après avoir subi plusieurs changement, qui en limitaient les avantages. M. de St. – Luc proposa aussi qu'elle ne s'étendit point aux personnes qui entraient dans les ordres monastiques et les communautés religieuses. Son motif était d'empêcher qu'elles ne pussent briser les barrières du cloître. Mais le juge Mabane observa «qu'elle affecterait le pouvoir de l'évêque, et qu'il serait impolitique de restreindre ce pouvoir, qui lui permettait de suspendre un prêtre ou un curé qui portait ombrage au gouvernement… Le gouverneur, ajouta-t-il, n'aurait pu faire arrêter et détenir, pour les renvoyer dans leur pays, deux prêtres français venus ici sans permission, si cette loi eût été en vigueur.» 65 De leur côté, les communautés protestèrent contre cette exception, qu'elles considérèrent comme injurieuse à leur caractère. «Depuis les troubles des années dernières, dirent-elles, faisant allusion à la politique, ne peuvent-elles pas se vanter que leur zèle, leurs conseils et leurs exemples n'ont pas peu contribué à retenir dans les bornes de leur devoir un grand nombre de particuliers? Ne se sont-elles pas rendues odieuses aux yeux de beaucoup d'hommes à cause de ce zèle et de cette fidélité?» Les représentations du Séminaire de Québec, des Récollets, de l'Hôtel-Dieu, des Ursulines, et de l'Hôpital-général réussirent à faire repousser l'exception comme elle devait l'être.

Note 65:(retour) Correspondance privée de M. Finlay, lettre au gouverneur, Skene, 10 Sept. 1784: Manuscrits en possession de. M. H. Black, avocat de Québec.

En effet le clergé canadien, régulier et séculier, avait mérité toute la confiance de l'Angleterre par sa conduite; mais elle ne discontinua pas encore de l'observer d'un oeil jaloux, puisque lord Sydney écrivait au gouverneur en 84, qu'il avait permis de tirer des prêtres, pour les cures du Canada, de tous les pays qui ne dépendaient point de la domination des Bourbons, et que le moyen de s'assurer de l'attachement des Canadiens, était d'empêcher toute relation avec la France, de surveiller à cet égard leur conduite en toute occasion, et d'agir avec une grande fermeté chaque fois qu'ils feraient des tentatives incompatibles avec leur entière séparation. (Appendice A.)

Cependant l'administration d'Haldimand, devenant de plus en plus tyrannique, avait fini par rendre ce gouverneur odieux à tous les habitans. Elle forme une des époques les plus sombres de notre histoire. Un despotisme sourd, contre lequel les événemens qui se passaient dans les provinces voisines empêchaient de protester, s'étendait sur les villes et sur les campagnes. Le gouvernement s'enveloppait dans le mystère; un voile épais couvrait tous ses actes et le rendait redoutable à ceux qui en voyaient les effets sans en deviner les motifs. Le secret des correspondances privées était violé. Plusieurs fois l'officier qui faisait les fonctions de maître-général des postes, trouva les malles qui venaient d'arriver d'Angleterre, ouvertes chez le gouverneur, et les lettres répandues par terre. 66 Il était encouragé dans cette voie, à ce qu'il parait, par la plupart des seigneurs canadiens, membres du conseil, qui craignaient la propagande américaine pour leurs privilèges et leur nationalité. Mais le gouvernement allait plus loin qu'ils n'auraient voulu. Tous les jours des citoyens imprudens étaient jetés en prison avec bruit pour effrayer le public; d'autres plus dangereux disparaissaient secrètement, et ce n'était que longtemps après que leurs parens ou leurs amis apprenaient dans quel cachot ils étaient renfermés. Le soupçon de menées avec les rebelles des autres colonies, et la désobéissance à la loi de milice étaient les deux principaux motifs que l'on donnait de ces nombreuses arrestations, qui frappaient surtout les Canadiens de tous les rangs, soit que les Anglais, dont le plus grand nombre avait penché pour la révolution en 75 se fussent ravisés, et dissimulassent mieux leurs sentimens, soit que le gouverneur qui leur était étranger, redoutât leur influence et la sympathie de l'Angleterre en leur faveur. Ce proconsul rusé ne sévissait contre eux qu'avec la plus grande réserve. Cette tyrannie descendit du chef du pouvoir jusqu'aux tribunaux, dont les juges qu'elle corrompit, dépendaient pour la conservation de leurs charges du bon plaisir de la couronne. Les accusés furent atteints non seulement dans leur liberté personnelle, mais aussi dans leur fortune; et plusieurs furent ruinés par des dénis éclatans de justice ou des jugemens iniques. Les juges se rendirent coupables des malversations les plus audacieuses en violant ouvertement les lois et en écartant toutes les formalités de la justice pour satisfaire la vengeance du gouvernement. Du Calvet et plusieurs autres riches citoyens de Québec et de Montréal, furent dépouillés de leurs biens par ce système de persécution, qui s'appesantissait d'autant plus que les armes des royalistes éprouvaient de défaites dans les provinces insurgées. Sans aucune forme de procès, les soldats arrêtaient les citoyens, et les jetaient en prison, les uns accusés de haute trahison, les autres d'offenses moins graves, d'autres enfin sans cause connue. On commença par les personnes d'une moindre importance; on remonta ensuite aux personnes de premiers rangs de la société, par leur naissance ou par leur fortune. Ainsi MM. Jautard, Cazeau, Hay, Carignan; Du Fort, négocians; La Terrière, directeur des Forges St. – Maurice, Pellion, et une foule d'autres furent emprisonnés ou retenus à bord des vaisseaux de guerre qui se trouvaient dans la rade de Québec, sans qu'on leur fit connaître le crime dont on les accusait. On arrêta aussi un étranger qui fut renfermé mystérieusement dans la partie la plus élevée de la prison. Le bruit public le représentait comme un de ces gentils hommes français qui, depuis que Lafayette était en Amérique, faisaient des apparitions en Canada, chargés, disait-on, de missions politiques, qui sont restées cependant un mystère jusqu'à ce jour. La sentinelle avait ordre de faire feu sur cet inconnu, s'il s'exposait aux regards du peuple à travers les barreaux de sa prison. Les prisons étant comblées, les cellules du couvent des Récollets furent ouvertes pour recevoir les nouveaux suspects. Un nommé André fut détenu au pain et à l'eau et sans feu, dix-huit mois, sans que son épouse sût ce qu'il était devenu. Les prisonniers avaient beau demander qu'on fit leur procès, on restait sourd à leurs prières; et lorsque le gouvernement croyait les avoir assez punis, il les faisait renvoyer en gardant le même silence et sans leur accorder aucune satisfaction. Les idées libérales de Du Calvet, ancien magistrat, l'ayant fait soupçonner depuis longtemps d'intrigues avec les Américains, il fut arrêté tout-à-coup chez lui, à Montréal, le 27 septembre, 80, par un parti de soldats, qui prit ses papiers et son argent, et conduit à Québec, où il fut détenu d'abord dans un vaisseau de la rade, ensuite dans un cachot militaire, puis enfin dans le couvent des Récollets. Des amis influens s'offrirent comme cautions de sa fidélité; il proposa lui-même de mettre tous ses biens en séquestre; il demanda qu'on lui fit son procès: on lui refusa tout. Après deux ans et huit mois de détention, il fut remis en liberté sans qu'on lui eût même dit quel était son crime.

 

Note 66:(retour) Lettre de H. Finlay à Anthony Todd, secrétaire du bureau général des postes à Londres: «It has an appearance as if the governor of Nova-Scotia and our governor here were yet permitted to take up and open the mails from England» 1 Dec. 1783.

La signature des préliminaires de la paix à Paris, motiva probablement son élargissement ainsi que celui de beaucoup d'autres prisonniers.

Tandis que le général Haldimand gouvernait ainsi par l'intimidation et la terreur, et qu'il croyait peut-être sincèrement que c'était le seul moyen de conserver le Canada à l'Angleterre, le congrès tenait tête avec succès aux armées de cette métropole. La capitulation de Saratoga avait eu un immense retentissement, non seulement dans les Etats-Unis, mais en Europe, surtout en France. Les Anglais n'avaient que la prise de Philadelphie sans combat à offrir pour balancer cet important succès. Franklin envoyé à Paris, y fut accueilli par le ministère avec bienveillance, et par le peuple avec une sorte d'enthousiasme, comme s'il avait eu un secret pressentiment de l'avenir. Après beaucoup de conférences avec les envoyés américains, et d'adresse pour engager Louis XVI à rompre le traité de 63, le duc de Choiseul eut enfin la joie de voir signer, en 78, un traité d'alliance et de commerce avec la nouvelle république, qui fut ainsi reconnue par la première nation de l'Europe. La vieille haine de Choiseul allait avoir enfin son jour de vengeance, et, comme par surcroît, elle allait voir aussi bientôt le vieux mais alors éminemment noble Chatham, son ancien antagoniste, proclamer son abaissement, et sortir pour ainsi dire du tombeau pour protester publiquement dans la chambre des lords, contre l'humiliation de sa patrie.

L'Angleterre qui n'ignorait pas ce qui se passait de l'autre côté de la Manche, voulant prévenir les desseins de sa rivale, avait déjà donné des ordres pour attaquer les établissemens français des Indes; mais lorsque le traité lui fut signifié, elle éprouva comme un sentiment de crainte; elle n'a jamais eu à faire face à des coalitions acharnées et formidables comme la France sous Louis XIV et Napoléon. Lord North déposant la fierté de son pays, présenta et fit passer deux bills tendant à opérer une réconciliation sincère avec les colons. Par ces actes, l'Angleterre renonçait au droit de les taxer, et autorisait le ministère à envoyer des commissaires en Amérique pour traiter avec le congrès; elle passa aussi des lois en faveur du commerce et de la religion catholique en Irlande. La peur enfin la rendait juste. Le duc de Richmond, ayant présenté une motion dans la chambre des lords, pour reconnaître l'indépendance de l'Amérique et renvoyer les ministres, lord Chatham, quoique malade, s'y rendit pour s'opposer à cette proposition. S'étant levé, non sans peine: «Aujourd'hui, dit-il, j'ai vaincu la maladie, je suis venu encore une fois dans cette chambre, la dernière fois peut être; mais j'avais besoin d'épancher de mon coeur l'indignation qu'il éprouve lorsque j'entends faire l'humiliante proposition d'abandonner la souveraineté de l'Amérique.» Il commença à parler ainsi d'une voix faible et embarrassée; mais à mesure qu'il avançait, sa voix prenait de l'éclat et de la force. Il entra dans le détail des événemens, s'étendit sur les mesures auxquelles il s'était opposé et sur le résultat funeste qu'elles avaient eu. Je l'avais prédit ce résultat, ajoutait-il, après chacun des faits récapitulés, je l'avais prédit, et par malheur il est arrivé.»

«Je me trouve heureux, milords, que la tombe ne se soit pas encore ouverte pour moi, et qu'il me reste assez de vie pour m'élever contre le démembrement de cette antique et noble monarchie. Accablé comme je le suis sous le poids des infirmités, je ne puis guère servir mon pays dans ces momens de danger; mais tant que j'aurai l'usage de mes sens, je ne consentirai jamais à ce que la noble race de Brunswick soit dépouillée d'une portion de son héritage; je ne souffrirai pas que la nation se déshonore par l'ignominieux sacrifice de ses droits.»

Ce dernier effort acheva d'épuiser les forces de ce grand orateur, qui expira peu de temps après, et ne vit point la séparation qu'il redoutait comme le plus grand malheur qui pût arriver à son pays.

La motion du duc de Richmond fut perdue.

La passation des deux actes de conciliation, l'envoi de commissaires en Amérique furent inutiles. La guerre continua avec plus d'activité que jamais. L'armée royale fut obligée d'évacuer Philadelphie. A peu près dans le même temps, le comte d'Estaing arriva sur kes côtes de la Nouvelle-York avec une escadre française, d'où il adressa aux Canadiens la lettre dont nous avons parlé ailleurs, pour les engager à embrasser la cause de la révolution.

Les succès de la campagne de 78 furent partagés; mais les dévastations des troupes royales avaient confirmé davantage les Américains dans leur résolution de ne jamais se soumettre à la Grande-Bretagne. L'année suivante ne fut pas plus décisive pour cette dernière puissance; elle vit les dangers s'accroître autour d'elle; l'Irlande s'armait et menaçait aussi de se révolter; l'Espagne, entraînée par la France, se déclarait contre elle; ses flottes luttaient avec peine contre celles de la France, qui lui prenaient les îles de Saint-Vincent et de la Grenade; elle ne faisait aucun progrès dans les colonies révoltées, où elle ne pouvait entrer dans une province sans en perdre une autre, et où chacun de ses succès était balancé par une défaite; elle ne put y poursuivre que le cours de ses ravages, dont le Connecticut fut le principal théâtre; mais elle eut la mortification de voir périr ses plus anciens alliés en Amérique, les fameuses tribus iroquoises, qui malgré l'avis que leur avait donné à Albany le général républicain Gates de rester neutres, avaient eu l'imprudence de se laisser entraîner par le colonel Guy Johnson, leur surintendant, et de se déclarer pour elle. Battues et chassées de leur pays par le général Sullivan, qui marcha contre leurs cantons à la tête de 5,000 hommes, elles ne se relevèrent point dû ce désastre. Elles occupaient encore alors leur ancien territoire au sud du lac Ontario; mais elles étaient fort déchues de leur ancienne puissance. Le général américain réduisit leurs villages en cendre, détruisit leurs maisons, ravagea leurs jardins dont il coupa les arbres, et fit un vaste désert de toute la contrée. Les restes de ces guerriers jadis si redoutés et si orgueilleux, passèrent au nord des grands lacs suivis de leurs femmes et de leurs enfans, et s'établirent sur un territoire que leur donna le gouvernement britannique, où ils disputent aujourd'hui vainement des lambeaux de forêts à la civilisation qui les déborde partout. Réduits à un petit nombre, loin de la terre de leurs pères, ces Indiens qui faisaient trembler toute l'Amérique septentrionale il y a un siècle et demi, se débattent en vain aujourd'hui contre la rapacité des blancs, qui leur arrachent le dernier pouce de terre qui leur reste; et ils cherchent à prolonger une agonie qui doit finir par la mort à laquelle la civilisation seule pouvait les faire échapper.