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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 11

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LETTRE CCXXIII

A M. MOORE

7 juillet 1815.

«Grata superveniet, etc. Je vous avais encore écrit, mais commençant à vous croire sérieusement fâché de ma paresse, et ne sachant pas trop comment vous prendriez les bouffonneries que contenait ma lettre, je l'avais brûlée. Depuis, j'ai reçu la vôtre, et tout est au mieux.

»J'avais abandonné tout espoir d'en recevoir de vous. A propos, mon grata superveniet aurait dû être au présent, car je m'aperçois maintenant qu'il a l'air de faire allusion au présent griffonnage, tandis que c'est à la réception de votre lettre de Kilkenny, que j'ai fait l'application de ce respectable sentiment.

»Le pauvre Whitbread est mort hier matin. C'est une perte aussi grande que soudaine. Sa santé était chancelante, mais ne donnait pas lieu de craindre une attaque aussi fatale. Il est tombé, et n'a plus parlé depuis, je crois. Je vois que Perry attribue sa mort à Drury-Lane, opinion très-encourageante, et d'une grande consolation pour le nouveau comité. Je n'ai pas de doute que ***, qui est d'un tempérament apoplectique, ne se fasse saigner de suite, et comme j'ai moi-même, depuis mon mariage, perdu en grande partie ma pâleur, et, horresco referens (car je hais jusqu'à un modeste embonpoint) cette heureuse maigreur à laquelle j'étais parvenu lorsque je fis votre connaissance, cet arrêt du Morning-Chronicle ne me laisse pas sans inquiétude. Tout le monde doit regretter Whitbread. C'était assurément un homme supérieur, et un excellent homme.

»Paris est pris pour la seconde fois. Je présume qu'à l'avenir cela lui arrivera tous les ans. J'ai, ainsi que tout le monde, perdu un parent dans les derniers combats. C'est le pauvre Frédéric Howard, le meilleur de sa race. Je n'avais, depuis quelques années, que fort peu de relations avec sa famille; mais je n'ai jamais vu ou entendu dire que du bien de lui. Le frère d'Hobhouse a été tué; – bref la mort n'a pas épargné une seule famille.

»Tout espoir d'une république est évanoui, et nous continuerons de vivre sous le vieux système; mais je suis profondément las de la politique et du carnage, et le bonheur dont la Providence s'est plue à combler lord *** ne fait que prouver le peu de valeur que les dieux attachent à la prospérité, puisqu'ils ont permis à un… tel que lui, et à ce vieil ivrogne de Blucher, de battre des hommes qui valent mieux qu'eux. Wellington, cependant, mérite une exception: celui-là est un homme et le Scipion de notre Annibal; ce qui n'empêche pas qu'il doit rendre grâce aux glaces de la Russie, qui ont détruit la véritable élite de l'armée française pour le faire vaincre à Waterloo.

»Bon Dieu, Moore, comme vous blasphémez «le Parnasse et Moïse!» en vérité, vous me faites honte. Ne ferez-vous rien pour l'art dramatique? – Nous vous demandons en grâce un opéra. La méprise de Kinnaird a été en partie la mienne. Je voulais à toute force que vous fussiez du comité et lui aussi; mais nous sommes bien aises maintenant que vous ayez été plus sage que nous, car je commence à soupçonner que c'est une fâcheuse affaire.

»Quand vous verra-t-on en Angleterre? Sir Ralph Noël (ci-devant Milbank, et il ne paraît pas disposé à ensevelir de sitôt le nom de Noël avec lui) s'étant aperçu qu'un homme ne pouvait pas habiter deux maisons, m'a donné sa terre, située dans le nord, pour en faire ma résidence, et c'est là que lady B. menace d'accoucher en novembre. Sir R. et madame ma belle-mère établiront leurs quartiers à Kirby, qui appartenait jadis à lord Wentworth. Peut-être viendrez-vous avec Mrs. Moore nous rendre une visite cet automne. Dans ce cas, vous et moi (sans nos femmes), prendrons notre vol vers Édimbourg, pour aller embrasser Jeffrey. Ce n'est pas à beaucoup plus de cent milles de chez nous. Mais nous causerons de ceci, et d'autres affaires importantes, à notre première entrevue, qui aura lieu, je l'espère, sitôt votre retour. Nous ne quittons Londres qu'au mois d'août.

»Tout à vous.»

LETTRE CCXXIV

A M. SOTHEBY

15 septembre 1815, Piccadilly Terrace.

CHER MONSIEUR,

«Ivan est accepté, et sera mis à l'étude aussitôt l'arrivée de Kean.

»Les acteurs sont pleins de confiance dans le succès de la pièce. Je ne sache pas qu'il soit nécessaire d'y faire des changemens pour la représentation; mais, dans le cas où il en faudrait, cela se réduirait à peu de chose, et vous en seriez averti à tems. Je vous conseillerais de n'assister qu'aux dernières répétitions, les directeurs, du moins, m'ont chargé de vous donner cet avis. Vous pouvez les voir, c'est-à-dire Dibdin et Rae, quand bon vous semblera, et en attendant je ferai tout ce que vous jugerez convenable de suggérer.

»Mrs Mardyn n'a pas encore paru, et l'on ne peut rien décider avant son premier début, c'est-à-dire, quant à sa capacité pour le rôle dont vous parlez, et qui, sans aucun doute, n'est pas dans Ivan, Ivan me paraissant pouvoir être très-bien joué sans elle. Mais nous en reparlerons plus tard.

»Votre très-sincèrement dévoué.» BYRON.

»P.S. Vous serez sans doute bien aise d'apprendre que la saison a commencé d'une manière brillante. – La salle est constamment pleine; les recettes excellentes, – les acteurs en très-bonne harmonie avec le comité, ainsi qu'entre eux. – Enfin, il y règne autant d'intelligence qu'il est possible d'en entretenir dans une administration aussi compliquée et aussi étendue que celle de Drury-Lane.

A M. SOTHEBY

25 septembre 1815.

CHER MONSIEUR,

«Je crois qu'il vous sera utile de voir les acteurs et directeurs aussitôt que vous le pourrez, car il y a des points sur lesquels vous devez avoir besoin de conférer avec eux. L'observation que je vous ai rapportée vient du côté des acteurs; elle est générale et non particulière à cette circonstance. J'ai cru bien faire en vous la communiquant de suite; cela ne vous empêchera pas sans doute de voir quelques-unes des répétitions.

»Je serais tenté de croire que Rae a jeté son dévolu sur le rôle de Naritzin. C'est un acteur plus en faveur que Bartley, et certainement il donnera plus de force au caractère. D'ailleurs, c'est un des directeurs, et il portera plus d'intérêt à la pièce, s'il peut y jouer doublement un rôle. Mrs. Bartley représentera Petrowna; quant à l'impératrice, je ne sais qu'en penser et qu'en dire. La vérité est que nous ne sommes pas très-bien pourvus d'actrices tragiques, mais choisissez ce que nous avons de mieux, et tirez-en le meilleur parti possible. Nous avons tous beaucoup d'espoir que la pièce réussira, et mettant à part toute autre considération, nous le désirons ardemment, cette tragédie étant la première qu'on aura représentée à Drury-Lane, depuis l'ancien comité.

»A propos, j'ai un procès à vous faire, et comme le grand M. Dennis, qui s'écria dans une semblable occasion: «De par Dieu, vous m'avez pris mon tonnerre,» je m'écrierai, moi: «Voici mon éclair!» dans la scène entre Petrowna et l'impératrice, où se trouve une pensée semblable à celle de Conrad dans le troisième chant du Corsaire, et exprimée presque de la même manière. Ce que j'en dis, cependant, n'est pas pour vous accuser, mais pour me justifier moi-même de tout soupçon de plagiat, mon poème ayant été publié six mois avant que vos tragédies n'eussent paru 8.

Note 8: (retour) Malgré cette précaution du poète, l'analogie qui existe entre ces deux passages fut citée quelques années après d'une manière triomphante, à l'appui d'une accusation de plagiat portée contre lui par quelques écrivailleurs; voici les vers de M. Sotheby.

«Je me suis élancé avec transport de la pierre qui me sert de couche, pour saluer le tonnerre éclatant au-dessus de ma tête, et accueillir l'éclair dont la lueur jaillissante faisait étinceler mes fers.»(Note de Moore.)

»Georges Lambe avait l'intention de vous écrire. Si vous ne voulez pas avoir maintenant de conférence avec les directeurs, indiquez-moi ce que vous désirez qu'on fasse, et j'aurai soin que cela soit exécuté.

»Votre très-sincèrement dévoué.» BYRON.

LETTRE CCXXV

A M. TAYLOR

13 Piccadilly Terrace, 25 sept. 1815.

CHER MONSIEUR,

«Je suis très-fâché que vous vous affectiez d'une circonstance 9 dont je ne me tourmente nullement. Il m'est fort indifférent, si cela amuse votre journaliste, ses correspondans et ses lecteurs, d'être le sujet de toutes les chansons qu'il peut insérer dans sa feuille, pourvu, toutefois, que, dans les produits de ses veilles, il ne soit question que de moi.

Note 9: (retour) M. Taylor ayant inséré dans le Soleil (dont il était alors principal propriétaire) un sonnet adressé à lord Byron, en retour du présent que le noble lord lui avait fait d'un exemplaire de ses œuvres richement relié, il parut le lendemain dans le même journal (de la plume d'une personne qui avait acquis quelqu'autorité sur cette feuille), une parodie de ce sonnet, où il était fait allusion à lady Byron d'une manière fort peu respectueuse. C'est à cette circonstance, dont M. Taylor avait donné l'explication en écrivant à lord Byron, que se rapporte la lettre ci-dessus, qui fait tant d'honneur aux sentimens du noble époux.(Note de Moore.)

»Il y a long-tems que ces choses-là ne m'effrayent plus, et je ne sache pas qu'une attaque de ce genre pût m'exciter à me défendre, à moins qu'elle ne s'étendît à ceux qui me touchent de près, et dont les qualités sont de nature, j'espère, à les mettre à l'abri d'un pareil outrage, aux yeux même des gens qui ne me veulent aucun bien. En supposant qu'un tel cas se présentât, je dirai, renversant le sens des paroles du docteur Johnson, que si les lois ne peuvent me rendre justice, je me la rendrai moi-même, quelles qu'en soient les conséquences.

 

»Je vous renvoie, avec tous mes remerciemens, Colman et les lettres. – Quant aux poèmes, je me flatte que votre intention est que je les garde, c'est du moins ce que je ferai jusqu'à ce que vous me disiez le contraire.

»Très-sincèrement à vous.»

A M. MURRAY

25 septembre 1815.

«Voulez-vous publier la Pie voleuse de Drury-Lane, ou, ce qui serait mieux encore, voulez-vous donner cinquante ou même quarante guinées du manuscrit? Je me suis chargé de vous faire cette question dans l'intérêt du traducteur, et je désire que vous y consentiez. On nous en offre partout ailleurs dix livres sterling de moins, et connaissant votre libéralité, je me suis adressé à vous, et serai bien aise d'avoir votre réponse.

»Tout à vous.»

LETTRE CCXXVI

A M. MURRAY

27 septembre 1815.

«Voilà qui est beau et généreux, digne enfin d'un éditeur dans le grand genre. M. Concanen, le traducteur, va être enchanté, et il paiera sa blanchisseuse, tandis que moi, en récompense de votre libéralité dans cette circonstance, je ne vous demanderai plus de rien publier pour Drury-Lane, ni pour aucun autre 10 Lane. Vous n'aurez de moi ni tragédie ni autre chose, je vous en réponds, et vous devez vous trouver heureux d'être débarrassé de moi pour tout de bon, sans plus de dommage. En attendant, je vais vous dire ce que nous pouvons faire pour vous; – nous allons jouer l'Ivan de Sotheby, qui réussira, et alors vos publications présentes et futures des drames de cet auteur se débiteront tant que vous voudrez, et si nous avons quelque chose de très-bon, vous aurez la préférence, mais on ne vous présentera plus de pétition.

Note 10: (retour) Lane signifie petite rue, ruelle.(Note du Trad.)

»Sotheby a dans sa pièce une pensée, et presque les mêmes paroles qui se trouvent dans le troisième chant du Corsaire, qui, comme vous le savez, fut publié six mois avant sa tragédie. C'est à l'occasion de l'orage qui éclate dans la cellule de Conrad. J'ai écrit à M. Sotheby pour la réclamer, et comme Dennis qui criait dans le parterre: «De par Dieu, voilà mon tonnerre!» ainsi ferai-je et m'écrierai-je: «De par Dieu, voilà mon éclair!» – Car c'est de ce fluide électrique qu'il est question dans ledit passage.

»Vous aurez, pour mettre en tête de la pièce, un portrait de Fanny Kelly, dans la Pie voleuse, qui vaut bien; en conscience, deux fois l'argent que vous a coûté le manuscrit. Dites-moi, je vous prie, ce que vous avez fait de la note que je vous ai donnée sur Mungo-Park.

»Toujours tout à vous.»

LETTRE CCXXVII

A M. MOORE

13 Piccadilly Terrace, 28 octobre 1815.

«Il paraît que vous voilà revenu en Angleterre, à ce que j'apprends de tout le monde, excepté de vous. Je présume que vous vous tenez sur la réserve, parce que je n'ai pas répondu à votre dernière lettre d'Irlande. Quand avez-vous quitté le «cher pays?» C'est égal, allez, je vous pardonne, ce qui est une grande preuve de-de je ne sais pas quoi, mais c'est pour donner le démenti à ce vers:

»Celui qui a tort ne pardonne jamais.»

»Vous avez écrit à ***. Vous avez aussi écrit à Perry, qui laisse entrevoir l'espérance que vous nous donnerez un opéra. Coleridge nous a promis une tragédie. Or, si vous tenez la parole que nous a donnée Perry, et que Coleridge remplisse la sienne, en voilà assez pour mettre Drury-Lane sur pied, et il faut dire qu'il a terriblement besoin qu'on vienne à son aide: nous avons commencé au grand galop, et nous voilà déjà rendus. – Quand je dis nous, c'est-à-dire Kinnaird, qui est ici l'homme capable, et sait compter ce qui est plus que n'en peut faire le reste du comité.

»C'est réellement fort amusant, quant à ce qui est du mouvement que se donnent matin et soir ces gens-ci, les uns se carrant, les autres pestant. Et si l'on parvient jamais à payer cinq pour cent, cela fera honneur à l'administration. M. *** a fait recevoir une tragédie, dont la première scène commence par le sommeil, non pas de l'auteur, mais du héros. Elle nous a été présentée comme étant prodigieusement admirée par Kean; mais le susdit Kean étant interrogé, nie cet éloge, et proteste contre son rôle. – Je ne sais pas comment cela finira.

»Je ne vous parle autant du théâtre, que parce que Londres est mort dans cette saison. Tout le monde en est parti excepté nous, qui y restons pour accoucher en décembre, ou peut-être plus tôt. Lady B. est énorme et en état de prospérité, du moins en apparence, je voudrais que le moment fût passé et bien passé. -

»J'ai devant les yeux une pièce d'un personnage qui se signe Hibernicus. – Le héros est Malachi, le roi Irlandais, et le traître usurpateur c'est Turgesius le Danois. Le dénouement est beau. Turgesius est enchaîné par la jambe à un pilier sur le théâtre, et le roi Malachi lui adresse un discours qui ne ressemble pas mal à ceux de lord Castlereagh sur l'équilibre du pouvoir et le droit de légitimité, discours qui jette Turgesius dans un accès de rage, comme le feraient ceux de Castlereagh, si son auditoire était enchaîné par les jambes. – Il tire un poignard et s'élance sur l'orateur; mais, se voyant au bout de sa corde, il le plonge dans sa propre carcasse, et meurt en disant qu'il a accompli une prophétie.

»Or, voilà des faits exacts et sérieux, et la partie la plus grave d'une tragédie qui n'a pas été faite dans l'intention de la rendre burlesque. L'auteur a l'espoir qu'elle sera jouée. – Mais, qu'est-ce que l'espoir? rien que le fard dont nous parons la face de la vie, le moindre souffle de vérité le détruit, et nous voyons alors, sans déguisement, comme elle a les joues creuses. Je ne suis pas bien sûr de ne pas avoir déjà fait cette belle réflexion-là; mais n'importe, elle ira encore cette fois à la tragédie de Turgesius, à laquelle je puis l'appliquer.

»Eh bien! comment va la santé, ô toi, poète, non des mille, mais des trois mille! J'aurais bien voulu que votre ami, sir John Forté-Piano, eût gardé cela pour lui, et ne l'eût pas publié au jugement du marchand de chansons de Dublin, et je vais vous dire pourquoi: il y a de la libéralité à Longman de vous avoir donné ce prix, et il est honorable pour vous de l'avoir obtenu, mais ceci va déchaîner, contre l'heureux auteur, tous les juges faméliques et décharnés. Après tout, qu'ils aillent au diable! – Jeffrey et Moore, réunis, peuvent défier le monde avec leur plume. – À propos, le pauvre C…e, qui est un homme d'un talent admirable, et de plus dans le malheur, est sur le point de publier deux volumes de poésie et de biographie. – Il a été plus maltraité par les critiques que nous ne l'avons été nous-mêmes. Voulez-vous me promettre, si son ouvrage paraît, de faire un article en sa faveur, dans la Revue d'Édimbourg? Je pense bien que vous ne pourrez faire autrement que de lui donner des louanges; mais il faut aussi le bien louer, ce qui, de toutes les choses, est la plus difficile. – Cela fera sa réputation.

»Ceci doit rester secret entre nous, car il serait possible que ce projet ne plût pas à Jeffrey, ni probablement à C…e lui-même. Mais mon avis est qu'il n'a besoin que de quelqu'un qui lui prépare les voies, et d'une étincelle ou deux de courage pour fournir glorieusement sa carrière.

»Votre très-affectionné, B.

»P. S. Voici un ennuyeux griffonnage, mais ma première sera «plus de ce monde.»

Comme, après cette lettre, on ne trouve plus, dans sa correspondance, que des allusions très-rares à la part qu'il eut dans l'administration de Drury-Lane, je profiterai de cette occasion pour donner quelques extraits de ses Pensées détachées où l'on trouve ses souvenirs sur ses relations de courte durée avec l'intérieur du théâtre.

«Lorsque j'appartenais au comité de Drury-Lane, et faisais partie de la direction, il y avait environ cinq cents pièces dans les cartons. Imaginant que, dans le nombre, il devait y en avoir de bonnes, j'en fis l'examen en personne, et avec l'aide de mes collègues. Je ne sache pas que, de toutes celles qui me passèrent par les mains, il y en eût une seule qu'on pût décemment supporter. – On n'a jamais rien vu de semblable à quelques-unes d'elles! Mathurin m'avait été très-pressamment recommandé par sir Walter Scott à qui j'eus recours, d'abord dans l'espoir qu'il ferait lui-même quelque chose pour nous, et puis me flattant, dans mon désespoir, qu'il pourrait nous indiquer quelqu'auteur, jeune ou vieux, qui nous promettrait du succès. Mathurin m'envoya son Bertram avec une lettre, mais sans son adresse, ce qui m'empêcha d'abord de lui répondre. Lorsque je découvris enfin son adresse, je lui envoyai une réponse favorable, avec quelque chose de plus substantiel. Sa pièce réussit; mais j'étais à cette époque hors d'Angleterre.

»Je m'adressai aussi à Coleridge; – mais il n'avait rien de convenable sur le métier pour le moment. M. Sotheby nous offrit obligeamment toutes ses tragédies, et je m'engageai et réussis, en dépit de quelques discussions avec mes confrères du comité, à faire accepter Ivan. On en fit lecture, et les rôles furent distribués. Mais voilà que, lorsque tout était en train, un peu de tiédeur de la part de Kean, ou de chaleur du côté de l'auteur, porte ce dernier à retirer sa pièce Sir J. – B. Burgess nous avait aussi présenté quatre tragédies et une petite pièce, et j'avais mis tout en mouvement dans le comité et les coulisses, pour les faire recevoir, mais ce fut inutilement.

»Bon Dieu, par quelles scènes il m'a fallu passer! – Les auteurs, mâles et femelles, les modistes et les sauvages irlandais, les gens de Brighton, de Blackwall, de Chatham, de Cheltenham, de Dublin, de Dundee, qui venaient me tomber sur le dos, et qu'il était convenable de recevoir poliment, d'écouter, et dont même quelquefois il fallait supporter une lecture. Le père de Mrs. ***, maître de danse irlandais, à l'âge de soixante ans, vint me trouver pour me prier de lui faire jouer Archer en bas de soie blancs, par une journée de gelée, afin de montrer ses jambes qui, certainement, étaient belles et bien irlandaises pour son âge, et qui avaient encore été mieux; – miss Emma une telle, se présentant avec une pièce intitulée: le Brigand de Bohême, ou quelque titre de ce genre; – M. O'Higgins, alors résidant à Richmond, avec une tragédie irlandaise, où les unités ne pouvaient manquer d'être observées, puisque l'un des personnages principaux était enchaîné par la jambe à un pilier, pendant la plus grande partie de la pièce. C'était un homme à l'aspect farouche et sauvage et le seul moyen de s'empêcher de lui éclater de rire au nez, était de réfléchir aux résultats probables d'une telle gaîté.

»Comme je suis naturellement un individu honnête et poli et qui ne peut souffrir faire de peine à personne, quand il en peut être autrement, – je les ai renvoyés tous à Douglas Kinnaird, qui est un homme d'affaires, et n'est pas embarrassé de dire non: je les ai donc laissés s'arranger ensemble, et comme, au commencement de l'année suivante, je suis parti pour l'étranger, j'ai été fort peu au fait depuis de la marche des théâtres...........................

»On dit que les acteurs sont des gens intraitables, et c'est vrai; mais j'avais trouvé moyen d'éviter toute espèce de discussion avec eux, et à l'exception d'un démêlé 11, qui s'éleva entre Byrne l'aîné et miss Smith, au sujet de son pas de… j'oublie le terme technique, je ne me rappelle pas m'être jamais mêlé de leurs querelles. Je protégeais habituellement miss Smith, parce qu'elle ressemblait de figure à lady Jane Harley, et que les ressemblances ont beaucoup de pouvoir sur moi; mais en général j'abandonnais ces choses-là à mes collègues, qui prenaient à tout cela une part plus active que moi, et me reprochaient très-sérieusement de ne pouvoir me mêler de ces sortes d'affaires sans plaisanter avec les histrions, et m'accusaient de mettre tout en désordre par la légèreté avec laquelle je traitais ces importantes bagatelles.

Note 11: (retour) Un correspondant d'un des Monthly Miscellanies rapporte cette circonstance de la manière suivante:

«Pendant l'administration de Lord Byron, Byrne l'aîné composa un ballet dans lequel miss Smith (depuis Mrs. Oscar Byrne) avait un pas seul. Cette demoiselle désira que ce pas fût introduit vers la fin du ballet; le maître de ballets s'y refusa, et la demoiselle jura qu'elle ne danserait pas du tout. La musique qui annonçait le pas commença, et la demoiselle sortit majestueusement du théâtre; les deux parties se précipitèrent dans les coulisses pour exposer leur affaire à Lord Byron, la seule personne qui s'y trouvât alors. Le noble membre du comité prononça en faveur de miss Smith, et les deux plaignans, irrités, s'élançaient dehors au moment où j'entrais moi-même. – Si vous étiez arrivé une minute plus tôt, me dit Lord Byron, vous m'auriez entendu prononcer dans une affaire curieuse, sur une question de danse, moi, ajouta-t-il en jetant un regard sur son pied difforme, moi à qui la nature, dès ma naissance, a défendu de faire un seul pas. Son front se rembrunit après avoir prononcé ces paroles, comme s'il eût regretté d'en avoir trop dit, et il y eut des deux côtés un moment d'un silence embarrassant.» (Note de Moore.)

 

»Puis venaient le petit comité et le haut comité. – Nous n'étions pas beaucoup, mais nous n'étions jamais d'accord. – C'était Peter Moore qui contredisait Kinnaird, et Kinnaird qui contredisait tout le monde: – et puis nos deux directeurs, Rae et Dibdin, et notre secrétaire Ward; et cependant nous étions tous très-zélés pour le bien du théâtre, et le désirions de très-bonne foi. *** nous avait fourni des prologues pour la reprise de nos vieilles pièces anglaises, mais il n'a pas été content de moi, parce que je lui ait fait le compliment qu'il était l'Upton de notre théâtre (c'est M. Upton qui était le poète d'Astleys 12), et cela est cause qu'il a presque renoncé aux prologues.

Note 12: (retour) Un des théâtres inférieurs de Londres, qui est dans le genre du Cirque de Franconi.(Note du Trad.)

»Dans la pantomime qu'on joua en 1815 et 16, on avait introduit une représentation du bal masqué, donné par nous autres jeunes gens du club de Watier à Wellington et compagnie. Douglas Kinnaird, avec deux ou trois autres et moi-même, nous nous masquâmes et montâmes sur le théâtre avec οἱ πολλοί pour voir de la scène l'effet de la salle. – Cela me parut superbe. – Douglas se mit à danser parmi les figurans, et ils furent fort intrigués de savoir qui nous étions, s'étant aperçus qu'ils étaient plus que leur nombre. Il est assez étrange que Douglas Kinnaird et moi nous ayons été tous deux présens au véritable bal masqué, et ensuite à la pantomime qui en fut donnée sur le théâtre de Drury-Lane.»