Tasuta

Œuvres complètes de lord Byron, Tome 11

Tekst
iOSAndroidWindows Phone
Kuhu peaksime rakenduse lingi saatma?
Ärge sulgege akent, kuni olete sisestanud mobiilseadmesse saadetud koodi
Proovi uuestiLink saadetud

Autoriõiguse omaniku taotlusel ei saa seda raamatut failina alla laadida.

Sellegipoolest saate seda raamatut lugeda meie mobiilirakendusest (isegi ilma internetiühenduseta) ja LitResi veebielehel.

Märgi loetuks
Šrift:Väiksem АаSuurem Aa

«*** (appelé communément *** le long, homme très-spirituel, mais bizarre) se plaignait à notre ami Scrope B. Davies, étant à cheval, qu'il avait un point de côté. «Je ne m'en étonne pas, lui répondit Scrope, vous montez à cheval comme un tailleur.» Quiconque a vu *** avec sa grande taille, monté sur une petite jument, ne peut nier la justesse de cette répartie.»

«Quand B. fut obligé de se retirer en France à la suite de son affaire avec le pauvre M***, qui reçut de là le surnom de Dick le tueur de dandys (ils s'étaient battus, je crois, au sujet d'argent, de dettes, etc., etc.), il ne savait pas un mot de français, et se mit à étudier la grammaire. Quelqu'un ayant demandé à notre ami Scrope Davies si Brummel faisait des progrès dans la langue française, il répondit que Brummel, de même que Buonaparte en Russie, avait été arrêté par les élémens.

»J'ai mis ce calembourg dans Beppo, et ce n'est pas un vol, mais un honnête échange, car Scrope a fait fortune à plusieurs dîners (il me l'a avoué lui-même), en répétant comme venant de son propre fonds quelques-unes des bouffonneries dont je l'avais régalé le matin.»

«*** est un brave homme et il rime bien, quoique il ne soit pas savant. C'est un de ces individus qui vous prennent au collet. Un soir, à un rout de Mrs. Hope, il s'était attaché à moi malgré des symptômes de détresse très-manifestes de ma part, car j'étais amoureux et je venais de saisir une minute où il n'y avait ni mère, ni mari, ni rivaux, ni commères auprès de mon idole du moment, qui était aussi belle que les statues de la galerie où nous nous tenions alors. Je dis donc que *** me tenait par le bouton et par les cordes du cœur, et ne m'épargnait ni d'un côté ni de l'autre. W. Spenser, qui aime à plaisanter, et qui ne hait pas à tourmenter un peu les autres, vit ma situation, et s'avançant vers nous, il me fit ses adieux du ton le plus pathétique. Car, ajouta-t-il, je vois bien que c'en est fait de vous. – Là-dessus, *** s'en alla. Sic me servavit Apollo.

«Je me rappelle avoir rencontré Blücher dans les assemblées de Londres, et je ne sache pas avoir jamais vu d'homme de son âge moins respectable. Avec la voix et le ton d'un sergent recruteur, il prétendait aux honneurs d'un héros, comme si nous devions adorer une pierre parce qu'un homme, en faisant un faux pas, est tombé dessus.»

Nous approchons maintenant du terme de cette fatale époque de son histoire. Dans un billet 26 adressé à M. Rogers, peu de tems avant son départ pour Ostende, il dit: «Ma sœur est en ce moment près de moi, et elle repart demain. – Si jamais nous devons nous revoir, ce ne sera pas, du moins, de quelque tems; et, dans de telles circonstances, j'espère que vous et M. Shéridan m'excuserez de ne pouvoir me rendre chez lui ce soir.»

Note 26: (retour) Footnote 26: Daté du 16 avril.

Ce fut la dernière entrevue qu'il eut avec sa sœur, la seule personne, en quelque sorte, dont il se séparât avec regret. Il nous dit lui-même qu'il était incertain de savoir qui lui avait causé le plus de chagrin, des ennemis qui l'attaquaient, ou des amis qui s'en affligeaient avec lui. Ces vers si beaux et si tendres:

Quoique le jour de ma destinée soit évanoui, etc., furent le tribut d'adieux 27 qu'il adressa, en partant, à celle qui, au milieu de ses épreuves les plus amères, avait été sa seule consolatrice; et quoique connus à la plupart des lecteurs, ils peignent si bien les profondes blessures de sa sensibilité à cette époque, que je ne pense pas que le lecteur regrette d'en retrouver quelques stances ici.

Note 27: (retour) On verra dans une lettre subséquente que la première stance de ces adieux si sincèrement affectueux: «Ma barque est sur le rivage» fut aussi composée à cette époque.(Note de Moore.)

...........................

Quoique le roc sur lequel s'appuyait ma dernière espérance soit réduit en éclats, et que les fragmens en soient engloutis sous les ondes, quoique je sente que mon ame soit condamnée à la douleur, elle ne sera pas son esclave. Je suis réservé à plus d'une angoisse; on peut m'accabler, mais non pas m'avilir; on peut me torturer, mais non me soumettre: c'est de toi que je m'occupe, et non pas d'eux.

Quoiqu'appartenant à l'humanité, tu ne m'as pas trompé. Quoique femme, tu ne m'abandonnas pas; quoique chérie, tu t'es abstenue de m'affliger, et lorsqu'on me calomnia tu restas toujours inébranlable. Je me fiais à toi, et tu n'as pas trahi ma confiance; si tu m'as quitté, ce n'était pas pour me fuir, et quand, attentive, tu me surveillais, ce n'était pas pour me diffamer, ni pour rester muette lorsque le monde m'attaquait.

Je recueillerai du moins quelque chose des débris du naufrage de mon bonheur passé. Il m'a appris que l'objet que je chérissais le plus était aussi celui qui méritait le plus d'être aimé. La fontaine qui jaillit dans le désert, l'arbre qu'on rencontre encore au milieu d'une lande nue et stérile, l'oiseau gazouillant dans une solitude, te retraceront à mon ame, et lui parleront de toi.

Sur un bout de papier, je retrouve, écrite de sa main, en date du 14 avril, la liste suivante de ses gens, avec l'indication des pays qu'il se proposait de parcourir. «Domestiques, – Berger, Suisse, William Fletcher et Robert Rushton. – John William Polidori, médecin. – La Suisse, la Flandre, l'Italie, et peut-être la France.» On remarquera que les deux domestiques anglais étaient le même paysan et le même page qui étaient partis avec lui pour ses premiers voyages en 1809, et maintenant, pour la seconde fois, il fit ses adieux à sa patrie, le 25 d'avril 1816, et s'embarqua pour Ostende.

Les circonstances sous l'influence desquelles Lord Byron quittait l'Angleterre étaient de nature, s'il eût été question d'un homme ordinaire, à ne pouvoir être envisagées que comme aussi fatales qu'humiliantes. Dans le cours rapide d'une année, il avait éprouvé tous les genres de chagrins domestiques. Ses foyers avaient été profanés huit ou neuf fois par la présence des huissiers, et les priviléges de son rang l'avaient seuls préservé de la prison. Il s'était aliéné la tendresse de sa femme, si toutefois il l'avait jamais possédée; et maintenant, rejeté par elle et condamné par le monde, il se livrait à un exil qui n'avait pas même le mérite de paraître volontaire, puisque l'espèce d'excommunication que prononçait contre lui la société, ne semblait pas lui laisser d'autre ressource. S'il eût appartenu à cette classe d'êtres insoucians et naturellement satisfaits d'eux-mêmes, contre la rude surface desquels les reproches d'autrui viennent s'émousser, il aurait pu trouver dans son insensibilité un refuge certain contre le blâme public; mais, au contraire, cette même susceptibilité de sensations, qui le rendait si sensible aux louanges des hommes, acquérait un nouveau degré de force quand il s'agissait de leur censure. En dépit de l'étrange plaisir qu'il prenait à se peindre, aux yeux du monde, d'une manière défavorable, il ne put s'empêcher d'être à la fois surpris et affligé de voir que le monde l'avait pris au mot; et, semblable à un enfant couvert d'un masque, qui se voit tout à coup dans une glace, lui-même recula d'effroi, lorsque le sombre déguisement qu'il avait affecté, en quelque sorte, en plaisantant, fut réfléchi soudainement à ses yeux, dans le miroir de l'opinion publique.

Ainsi entouré de chagrins qu'il sentait aussi profondément, nous ne craignons pas de dire que toute autre ame que la sienne aurait succombé dans cette lutte, et perdu peut-être sans retour cette estime de soi-même, le seul appui qu'on puisse opposer aux coups de la fortune. Mais chez lui, dont l'ame avait en réserve une force qui n'attendait que le moment d'être employée, la violence même du mal amena une espèce de soulagement, par la résistance proportionnée qu'il produisit. Si ses fautes et ses erreurs n'avaient trouvé que le châtiment qu'elles méritaient, il n'y a presque aucun doute que le résultat eût été bien différent: non-seulement ceci n'eût pas suffi pour éveiller les nouvelles facultés qui sommeillaient encore en lui; mais le sentiment de ses erreurs, qui était toujours si vivement présent à son esprit, s'il n'eût pas été exaspéré par d'injustes provocations, aurait exercé sur lui son influence accoutumée, en le disposant à la douceur et presque à l'humilité: heureusement, comme la suite le prouva, pour les triomphes qui attendaient son génie, on n'usa pas de tant de modération à son égard. Les torrens d'invectives si peu proportionnés aux fautes qu'il avait commises, et les basses calomnies qui, de toutes parts, s'attachèrent à son nom, ne laissèrent à son orgueil blessé d'autre ressource que de rassembler toute sa force, par ce même instinct de résistance à l'injustice qui avait fait éclore, pour la première fois, les facultés de sa jeune imagination, et qui était destiné à donner à son génie un essor plus hardi et plus élevé.

Ce ne fut pas sans vérité que Gœthe dit de lui qu'il était inspiré par le génie de la douleur; car, depuis le commencement jusqu'à la fin de sa carrière agitée, ce fut toujours à cette source amère qu'il alla puiser de nouvelles facultés. La cause principale qui l'excitait à se distinguer quand il était enfant était, comme nous l'avons déjà vu, cette marque de difformité, dont le sentiment pénible et profond le tourmentant sans cesse, produisit en lui le premier désir de devenir célèbre. 28 Il fait évidemment allusion à son sort, lorsqu'il décrit lui-même cette sensation 29:

La difformité est ambitieuse; il est dans sa nature de chercher à atteindre les autres hommes, et de leur devenir égale et même supérieure. Il y a un aiguillon dans sa marche, pénible et tardive, qui l'excite à devenir ce que les autres ne peuvent jamais être dans les choses qui sont également à leur portée, comme pour compenser le premier manque de libéralité de la nature marâtre!

 

Note 28: (retour) Dans une de ses lettres à M. Hunt, il exprime son opinion que le penchant à la poésie est très-généralement le résultat d'un esprit souffrant dans un corps souffrant. «La maladie ou la difformité, ajoute-t-il, a été le partage d'un grand nombre de nos meilleurs auteurs: Collins était fou; Chatterton, je crois, fou; Cowper fou; Pope contrefait, Milton aveugle, etc., etc.»

Note 29: (retour) Dans le Défiguré Transfiguré (the Deformed Transformed).(Notes de Moore.)

Vint ensuite le chagrin d'une première passion trompée dans ses espérances, puis la fatigue et le remords d'excès prématurés; enfin, les attaques grossières dirigées contre ses premiers essais: toutes circonstances formant autant d'anneaux de ce long enchaînement d'épreuves, d'erreurs et de souffrances, qui força graduellement, et d'une manière bien douloureuse, le développement des puissantes facultés de son esprit; toutes ayant leur part respective dans l'accomplissement de cette destinée qui semblait avoir décrété que la marche triomphante de son génie aurait lieu à travers les ruines et la solitude de son cœur. Il semble lui-même avoir eu l'instinct secret que c'était de telles épreuves que devaient naître sa force et sa gloire, toute sa vie s'étant passée à rechercher l'agitation et les difficultés; et lorsque les circonstances qui l'entouraient étaient trop paisibles pour lui offrir rien de semblable, il avait recours à son imagination ou à sa mémoire pour y chercher «des épines contre lesquelles il pût reposer son sein.»

Mais le plus grand de ses chagrins, et en même tems de ses triomphes, était encore à venir. La dernière station de cette carrière glorieuse, mais pénible, où, à tous les pas, chaque nouvelle faculté de son ame en était arrachée par la douleur, fut celle à laquelle nous sommes maintenant arrivés, son mariage et ses résultats. Sans cet événement, qu'il paya de son repos et de sa réputation, sa carrière aurait été incomplète, et le monde ignorerait encore toute l'étendue de son génie. Il est en effet digne de remarque, que ce ne fut qu'au moment où son bonheur domestique commença à s'obscurcir, que son imagination, qui était restée long-tems oisive, reprit de nouveau son essor, le Siége de Corinthe et Parisina ayant été composés l'un et l'autre peu de tems avant sa séparation. On peut juger aussi, d'après quelques passages de lettres écrites par lui à cette époque, à quel point les agitations qui suivirent étaient le véritable élément de son esprit inquiet. Dans l'une de celles-ci, il dit même que sa santé s'est améliorée de tout ce tumulte de sensations. «Il est singulier, dit-il, que l'agitation et les débats, n'importe de quel genre, redonnent de l'élasticité à mes esprits, et me raniment pendant leur durée.»

Ce fut cette ardeur, cette élasticité d'esprit dont l'action ne pouvait être arrêtée, qui lui permit de supporter alors non-seulement les attaques des autres, mais, ce qui était plus difficile encore, ses pensées et ses sensations personnelles. Le recueillement de toutes ses ressources intellectuelles auxquelles il avait été forcé d'avoir recours pour sa propre défense, ne servit qu'à lui révéler des facultés dont il n'avait jamais soupçonné l'étendue et la puissance, et lui inspira l'orgueilleuse confiance de briller un jour d'un éclat qui dissiperait les nuages de la calomnie, convertirait la censure en étonnement, et forcerait à l'admiration ceux même qui ne pouvaient l'approuver.

Le voyage qu'il entreprit alors à travers la Flandre et le long du Rhin, est décrit de manière à ne rien laisser à désirer dans ces vers incomparables qui dotent d'une portion de leur gloire tout ce qu'ils ont dépeint, et prêtent à des lieux déjà voués à l'immortalité par la nature et l'histoire, l'association non moins durable de leurs chants impérissables. À son départ de Bruxelles, il se passa un incident qui ne vaudrait pas la peine d'être rapporté, s'il n'offrait la preuve de l'application maligne avec laquelle on recueillait et répandait en Angleterre tout ce qui était à son désavantage. M. Pryce Gordon, qui paraît l'avoir vu souvent pendant son séjour à Bruxelles, raconte ainsi cette anecdote:

«Lord Byron voyageait dans un vaste carrosse, fait sur le modèle de la célèbre voiture de Napoléon, prise à Genappe avec d'autres objets. Indépendamment d'un lit de repos, il contenait une bibliothèque, un buffet à argenterie et tous les accessoires nécessaires pour y dîner. Il ne le trouva pas cependant assez grand pour son bagage et sa suite, et il acheta une calèche à Bruxelles pour ses domestiques. Cette calèche cassa en allant à Waterloo, et je lui conseillai de la rendre, car elle me parut vieille et usée. Cependant, comme il avait laissé en dépôt quarante napoléons (ce qui était assurément le double de sa valeur), l'honnête Flamand ne voulut pas reprendre sa machine roulante, à moins d'un dédommagement de trente napoléons. Sa seigneurie devant repartir le lendemain, me pria d'arranger cette affaire de mon mieux. Il ne fut pas plus tôt parti, que le digne sellier inséra un article dans l'Oracle de Bruxelles, portant que le noble milord anglais avait disparu avec sa calèche valant 1,800 fr.»

Dans le Courrier du 13 mai, l'article de Bruxelles est ainsi copié:

«Voici un extrait de la malle-poste hollandaise, daté de Bruxelles: Dans le journal de la Belgique de ce jour, il y a une pétition d'un carrossier de Bruxelles, au président du tribunal de première instance, exposant qu'il a vendu une voiture à Lord Byron, pour la somme de 1,882 fr., sur laquelle il en a reçu 847; mais que sa seigneurie, qui part le même jour, refuse de payer les 1,035 fr. restant, et qu'il demande en conséquence la permission de saisir la voiture. Cette permission lui ayant été accordée, il la remit à un officier de justice, qui fut en faire la signification à Lord Byron, et apprit du maître de l'hôtel que sa seigneurie était partie sans lui rien laisser pour payer cette dette, sur quoi l'officier saisit une chaise appartenant à sa seigneurie, en garantie de la dette.»

Ce ne fut qu'au commencement du mois suivant, que cette fausseté fut démentie par une lettre de Bruxelles, signée L. Pryce Gordon, insérée dans le Morning Chronicle, et contenant les détails réels de cette affaire, tels que nous les avons déjà donnés.

Nous avons puisé dans cette même source, et nous rapportons, d'après une autorité aussi respectable, une anecdote d'un bien autre intérêt. Il paraît que les deux premières stances du morceau relatif à Waterloo: Arrête, car tu foules aux pieds la poussière d'un empire 30, furent écrites à Bruxelles, à la suite d'une excursion faite sur ce mémorable champ de bataille, et qu'elles furent copiées par Lord Byron, le lendemain matin, sur un album appartenant à l'épouse du monsieur qui nous communique cette anecdote.

Note 30: (retour) Childe Harold, Ch. III, st. 17.

«Quelques semaines après qu'il les eut écrites (dit le narrateur), le célèbre artiste R. R. Reinagle, qui est un de mes amis, arriva à Bruxelles. – Je l'invitai à dîner, lui montrai ces vers et le priai de leur donner un nouveau prix, en dessinant une vignette analogue au passage suivant:

C'est ici que l'aigle orgueilleuse prit son dernier essor, puis déchira de son bec sanglant la plaine fatale. Percée des traits des nations liguées, une vie entière d'ambition et de travaux, tout est devenu vain. – Il porte maintenant les fragmens brisés de la chaîne dont il avait chargé le monde.

M. Reinagle esquissa au crayon une aigle superbe, enchaînée et déchirant la terre de ses serres. -

»Ayant eu besoin d'écrire à sa seigneurie, je lui parlai de la vignette que j'avais obtenue de cet habile artiste pour ses beaux vers, et de la liberté qu'il avait prise de changer l'action de l'aigle. Voici ce qu'il m'écrivit en réponse: Reinagle est meilleur poète et meilleur ornithologiste que moi. Les aigles et tous les oiseaux de proie attaquent avec leurs serres, et non avec leur bec. – Aussi ai-je ainsi changé le vers:

Puis déchira de ses serres sanglantes la plaine ravagée. «Voilà, je crois, un meilleur vers outre qu'il a plus de justesse poétique. Je n'ai pas besoin d'ajouter que, lorsque je communiquai ce compliment flatteur au peintre, il y fut excessivement sensible.»

De Bruxelles, le noble voyageur continua sa route le long du Rhin, route sur laquelle il a semé toutes les richesses de sa poésie, et en arrivant à Genève, il alla se loger à l'hôtel Sécheron bien connu dans cette ville. Après y avoir séjourné quelques semaines, il alla habiter une maison de campagne des environs appelée Diodati, et délicieusement située sur les bords élevés du lac. Ce fut là qu'il établit sa résidence pour le reste de l'été.

Je donnerai maintenant le peu de lettres en ma possession, qu'il écrivit à cette époque, et j'y joindrai les anecdotes que j'ai pu recueillir, et qui se rapportent au même tems.

LETTRE CCXLII

A M. MURRAY

Ouchy, près de Lausanne, 27 juin 1816.

«Me voilà retenu en route (par le mauvais tems) et retardé dans mon retour à Diodati après un voyage en bateau autour du lac. Je vous envoie ci-inclus un brin de l'acacia de Gibbon, et quelques feuilles de roses de son jardin que je viens de voir avec une partie de sa maison. Vous trouverez dans sa vie une mention honorable de cet acacia, à propos de la promenade qu'il fit le soir même où il termina son histoire. – Le jardin et le pavillon d'été où il composait, sont négligés, et ce dernier surtout tombe en ruines; mais on le montre encore comme lui ayant servi de cabinet, et il me parut qu'on en avait parfaitement conservé le souvenir.

»Mon voyage à travers la Flandre et le long du Rhin a rempli et même surpassé mon attente.

»J'ai traversé tout le pays décrit par Rousseau, son Héloïse à la main, et j'ai été frappé d'une manière inexprimable de l'énergie et de l'exactitude de ses descriptions, ainsi que de la beauté de leur réalité. Meillerie, Clarens, Vevay et le château de Chillon, sont des lieux dont je dirai peu de chose, car tout ce que j'en pourrais dire serait bien loin de donner une idée de l'impression qu'ils produisent.

»Il y a trois jours que nous manquâmes d'être submergés par un coup de vent près de Meillerie, et d'être jetés sur le rivage. Je ne courais aucun risque si près des rochers, étant bon nageur; mais notre compagnie fut mouillée, et passablement incommodée. Le vent était assez violent pour abattre des arbres, à ce que nous vîmes en débarquant; cependant tout est réparé et oublié, et nous voilà sur notre retour.

»Le docteur Polidori n'est pas ici, mais à Diodati, où nous l'avons laissé à l'infirmerie avec une foulure au pied, qu'il a gagnée en tombant d'un mur. – Il ne sait pas sauter.

»Je serai bien aise d'apprendre que vous êtes tous en bonne santé, et que vous avez reçu certains casques et épées expédiés de Waterloo que j'ai traversé avec un mélange de plaisir et de peine.

»J'ai terminé un troisième chant de Childe Harold, contenant cent dix-sept stances, plus long qu'aucun des deux précédens, et en quelques endroits peut-être meilleur, mais naturellement ce n'est pas moi qui puis décider de cela. – Je vous l'enverrai par la première occasion qui me paraîtra sûre.

»Votre, etc.»