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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12

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LETTRE CCCCLXXXII

A M. MOORE

Pise, 4 mars 1822.

«Depuis que je vous ai écrit la lettre ci-incluse, j'ai attendu un autre courrier, et maintenant j'ai votre lettre qui m'accuse l'arrivée du paquet.

»Les ouvrages inédits qui sont dans vos mains, dans celle de Douglas Kinnaird et de M. John Murray, sont: le Ciel et la Terre, sorte de drame lyrique sur le déluge; -Werner, à présent entre vos mains; – une traduction du premier chant du Morgante Maggiore; – une autre d'un épisode de Dante; – des stances au Pô, du Ier juin 1819; – les Imitations d'Horace, composées en 1811, mais dont il faudrait maintenant omettre une grande partie; – plusieurs pièces en prose, qu'on fera tout aussi bien de laisser inédites; -la Vision, etc., de Quevedo Redivivus, en vers...........

»Je suis fâché que vous trouviez Werner à peu près propre au Théâtre; ce qui, avec mes idées actuelles, est loin d'être mon but. Quant à la publication de toutes ces pièces, je vous ai déjà dit que je n'avais dans le cas actuel aucune espérance exorbitante de renommée ou de lucre, mais je désire qu'on les publie parce que je les ai écrites, ce qui est le sentiment ordinaire de tous les écrivailleurs.

»Par rapport à la «religion», ne pourrai-je jamais vous convaincre que je n'ai point les opinions des personnages de ce drame, qui semble avoir effrayé tout le monde? Ce n'est cependant rien en comparaison des paroles du Faust de Goëthe (paroles cent fois plus scandaleuses), et ce n'est guère plus hardi que le Satan de Milton. Les idées de tel ou tel personnage ne me restent pas dans l'esprit: comme tous les hommes d'imagination, je m'identifie, sans doute, avec le caractère que je dessine, mais cette identité cesse un instant après que j'ai quitté la plume.

»Je ne suis pas ennemi de la religion: au contraire. La preuve en est, que j'élève ma fille naturelle en bonne catholique dans un couvent de la Romagne; car je crois que l'on ne peut jamais avoir assez de religion, si l'on doit en avoir. Je penche beaucoup en faveur des doctrines catholiques; mais si j'écris un drame, je dois faire parler mes personnages suivant les dispositions que je leur suppose.

»Quant au pauvre Shelley, qui est un autre épouvantail pour vous et pour tout le monde, il est, à ma connaissance, le moins égoïste et le plus doux des hommes; – c'est un homme qui a plus sacrifié sa fortune et ses sentimens en faveur d'autrui que personne dont j'aie jamais entendu parler. Pour ses opinions spéculatives, je ne les partage point, ni ne désire les partager.

»La vérité est, mon cher Moore, que vous vivez près de l'étuve de la société, et que vous êtes inévitablement influencé par sa chaleur et par ses vapeurs. J'y vécus autrefois, – et trop, – assez pour donner une teinte ineffaçable à mon existence entière. Comme mon succès dans la société ne fut pas médiocre, je ne puis être accusé de la juger avec des préventions défavorables; mais je pense que, dans sa constitution actuelle, elle est fatale aux grandes et originales entreprises de tout genre. Je ne la courtisai pas, alors que j'étais jeune, et l'un de «ses gentils mignons;» pensez-vous donc que je veuille le faire, aujourd'hui que je vis dans une plus pure atmosphère? Une seule raison pourrait m'y ramener, et la voici: je voudrais essayer encore une fois si je puis faire quelque bien en politique, mais non dans la mesquine politique que je vois peser aujourd'hui sur notre misérable patrie.

»Ne vous méprenez pas, néanmoins. Si vous m'énoncez vos propres opinions, elles eurent et auront toujours le plus grand poids pour moi. Mais si vous n'êtes que l'écho «du monde» (et il est difficile de ne pas l'être au sein de sa faveur et de sa fermentation), je ne puis que regretter que vous répétiez des dires auxquels je ne prête aucune attention.

»Mais en voilà assez. Les dieux soient avec vous, et vous donnent autant d'immortalité de tous genres qu'il convient à votre existence actuelle et à vous.

«Tout à vous, etc.»

LETTRE CCCCLXXXIII

A M. MOORE

Pise, 6 mars 1822.

«La lettre de Murray que je vous envoie ci-incluse, m'a attendri, quoique je pense qu'il est contraire à son intérêt de désirer que je continue mes relations avec lui. Vous pouvez donc lui faire passer le paquet de Werner; ce qui vous épargnera toute peine ultérieure. Et puis, me pardonnez-vous l'ennui et la dépense dont je vous ai déjà accablé? Au moins, dites-le; – car je suis tout honteux de vous avoir tant troublé pour une telle absurdité.

»Le fait est que je ne puis garder mes ressentimens, quoique assez violens dès l'abord. D'ailleurs, maintenant que tout le monde s'attaque à Murray à cause de moi, je ne peux ni ne dois l'abandonner, à moins qu'il ne vaille mieux pour lui que je le fasse, comme je l'ai cru réellement.

»Je n'ai point eu d'autres nouvelles d'Angleterre, excepté une lettre du poète Barry Cornwall, mon ancien camarade d'école. Quoique je vous aie importuné de lettres dernièrement, croyez-moi.

»Votre, etc.

»P. S. Dans votre dernière lettre, vous dites, en parlant de Shelley, que vous préféreriez presque «le bigot qui damne son prochain, à l'incrédule qui réduit tout au néant176.» Shelley croit cependant à l'immortalité. – Mais, par parenthèse, vous rappelez-vous la réponse du grand Frédéric à la plainte des villageois dont le curé prêchait contre l'éternité des tourmens de l'enfer? La voici: – «Si mes fidèles sujets de Schrausenhaussen aiment mieux être éternellement damnés, libre à eux de l'être.»

Note 176: (retour) On verra tout-à-l'heure, d'après la citation même du passage auquel Byron fait allusion, qu'il s'était complètement mépris sur ma pensée. (Note de Moore.)

»S'il fallait choisir, je jugerais un long sommeil meilleur qu'une veille d'agonie. Mais les hommes, tout misérables qu'ils sont, s'attachent tellement à tout ce qui ressemble à la vie, qu'ils préféreraient probablement la damnation au repos. D'ailleurs, ils se croient si importans dans la création, que rien de moins ne peut satisfaire leur vanité; – les insectes!

»C'est, je crois, le docteur Clarke, qui raconte dans ses voyages les exercices équestres d'un Tartare qu'il vit caracoler sur un cheval jeune et fougueux, dans un endroit presque entièrement environné par un précipice escarpé, et qui décrit la témérité folâtre avec laquelle le cavalier, semblant se complaire au péril, courait quelquefois bride abattue vers le bord taillé à pic. Un sentiment analogue à l'appréhension qui suspendait la respiration du voyageur témoin de cette scène, affecta tous ceux qui suivaient de l'oeil la course indomptée et hardie du génie de Byron, – ils étaient au même instant frappés d'admiration et d'épouvante, et surtout ceux qui aimaient le poète étaient excités par une sorte d'impulsion instinctive à se précipiter au devant de lui et à le sauver de sa propre impétuosité. Mais quoiqu'il fût bien naturel à ses amis de céder à ce sentiment, une courte réflexion sur son caractère désormais changé, les aurait avertis qu'une telle intervention devait être aussi inutile pour lui que périlleuse pour eux, et ce n'est pas sans surprise que je réfléchis à présent sur la témérité présomptueuse avec laquelle je supposai que Byron lancé sans frein, dans l'orgueil et la pleine conscience de sa force, vers ces vastes régions de la pensée dont l'horizon s'ouvrait devant lui, les représentations de l'amitié auraient le pouvoir de l'arrêter. Toutefois, comme les motifs qui m'engageaient à lui adresser mes remontrances, peuvent se justifier d'eux-mêmes, je ne m'appesantirai pas plus long-tems sur ce point, et me contenterai de mettre sous les yeux du lecteur quelques extraits177 des lettres que j'écrivis à cette époque, vu qu'ils serviront à expliquer quelques allusions de Lord Byron.

Note 177: (retour)Footnote 177: C'est M. Hobhouse qui a eu la bonté de me rendre toutes les lettres. (Note de Moore.)

»En m'écrivant sous la date du 24 janvier, on se rappelle qu'il dit: – «Soyez assuré que la coalition que vous appréhendez n'existe pas». Les extraits suivans de mes lettres postérieures, expliqueront ce que cette phrase signifie: – «J'ai appris il y a quelques jours que Leigh Hunt était en route avec toute sa famille pour se rendre près de vous, et l'on conjecture que vous, Shelley et lui, allez conspirer ensemble dans l'Examiner. Je ne puis croire cela, – et m'élève de tout mon pouvoir contre un pareil projet. Seul vous pouvez faire tout ce qu'il vous plaira; mais les associations de réputation, comme celles de commerce, rendent le plus fort responsable des fautes ou des délits des autres, et je tremble même pour vous en vous voyant avec de tels banqueroutiers. – Ce sont deux hommes habiles, et Shelley même est à mon sens un homme de génie, mais je dois vous redire que vous ne pouvez procurer à vos ennemis (les ***s et hoc genus omne) un plus grand triomphe qu'en formant une alliance si inégale et si peu sainte. Vous êtes, avec vos seuls bras, capable de lutter contre le monde, – ce qui est beaucoup dire, le monde étant comme Briarée, un géant à cent bras, – mais pour demeurer tel, vous devez être seul. Rappelez-vous que les méchans édifices qui entourent la basilique de Saint-Pierre, paraissent s'élever au-dessus d'elle.»

»Voici, relativement à Caïn, les passages de mes lettres dans l'ordre des dates.

30 septembre 1821.

»Depuis que j'écrivis les lignes ci-dessus, j'ai lu les Foscari et Caïn. Le premier drame ne me plaît pas autant que Sardanapale. Il a le défaut de toutes ces terribles histoires vénitiennes; – il n'est ni naturel ni probable, et par conséquent, malgré la rare habileté avec laquelle vous l'avez conduit, il n'excite que fort peu d'intérêt. Mais Caïn est merveilleux, – terrible, – digne de l'immortalité. Si je ne me trompe, il fera une impression profonde dans le coeur des hommes, et tandis que les uns frémiront de ses blasphèmes, les autres seront obligés de se prosterner devant sa grandeur. Ne parlez plus d'Eschyle et de son Prométhée!!! – C'est dans votre drame que respire le véritable esprit du poète-et du diable.

 

9 février 1822.

»Ne vous mettez pas dans la tête, mon cher Byron, que le flot de la marée se tourne entièrement contre vous en Angleterre. Jusqu'à ce que j'aperçoive quelques symptômes d'oubli à votre égard, je ne croirai pas que vous perdiez du terrain. Pour le moment;

 
Te veniente die, te decedente 178,
 

on ne parle presque que de vous, et quoique de bonnes gens se signent en vous citant, il est clair que ces gens-là pensent beaucoup plus à vous qu'ils ne le devraient pour le bien de leurs ames. Caïn, sans contredit, a fait sensation; et quelque sublime qu'il soit, je regrette, pour plusieurs raisons, que vous l'ayez composé… Pour moi, je ne donnerais pas la poésie de la religion pour tous les plus sages résultats auxquels la philosophie puisse jamais arriver; les diverses sectes et croyances donnent assez beau jeu à ceux qui sont désireux d'intervenir dans les affaires de leurs voisins; mais notre foi dans le monde à venir est un trésor que nous ne devons pas abandonner si légèrement; et le rêve de l'immortalité (si les philosophes la tiennent pour un rêve) est un de ceux qu'il faut espérer de conserver jusqu'à l'instant de notre dernier sommeil179.

Note 178: (retour) Virg. Géorg. IV:

 
Au lever du jour, à son coucher, etc. (Note du Trad.)
 

Note 179: (retour) C'est à cette pensée que Lord Byron fait allusion, à la fin de sa lettre du 4 mars. (Note de Moore.)

19 février 1822.

»J'ai écrit aux Longman pour tâter le terrain, car je ne crois pas que Galignani soit l'homme qu'il vous faut. La seule chose qu'il puisse faire est ce que nous pouvons faire sans lui, – c'est à savoir, employer un libraire anglais. Paris, sans doute, pourrait être convenable pour tous les ouvrages réfugiés qui sont signalés dans l'index expurgatorius de Londres, et si vous avez quelques diatribes politiques à lancer, c'est votre ville. Mais, je vous en prie, que ces diatribes ne soient que politiques. La hardiesse, avec un peu de licence, en politique, fait du bien, – un bien réel, présent; mais en religion, elle n'est utile ni dans l'instant présent ni dans l'avenir, et pour moi, j'ai une telle horreur des extrêmes sur ce point, que je ne sais lequel je hais le plus, du bigot qui damne hardiment son prochain, ou de l'incrédule qui hardiment réduit tout au néant.» Furiosa res est in tenebris impetus180» – et comme grande est l'obscurité, même pour les plus sages d'entre nous, sur ce sujet un peu de modestie, dans l'incrédulité comme dans la foi, est ce qui nous convient le mieux. Vous devinerez aisément qu'en ceci, je ne songe pas tant à vous-même qu'à un ami aujourd'hui votre compagnon, vous connaissant comme je vous connais, et sachant ce que lady Byron aurait dû trouver, c'est-à-dire, que vous êtes la personne la plus traitable pour ceux avec qui vous vivez; j'avoue que je crains et conjure vivement l'influence de cet ami sur votre esprit181.

Note 180: (retour) C'est chose folle que de courir tête baisée dans les ténèbres.

Note 181: (retour) Ce passage ayant été montré par Lord Byron à M. Shelley, celui-ci écrivit, en conséquence, à un de mes amis intimes une lettre, dont je vais donner un extrait. Le zèle ardent et ouvertement déclaré avec lequel Shelley professa toujours son incrédulité, détruit tous les scrupules qui autrement pourraient s'opposer à une pareille publication. En outre, le témoignage d'un observateur si sagace et si près placé sur l'état de l'esprit de Lord Byron par rapport aux idées religieuses, est d'une trop grande importance pour être supprimé par un excès ridicule de dédain. «Lord Byron m'a lu une ou deux lettres de Moore, lettres où Moore parle de moi avec une grande bienveillance, et, sans contredit, je ne puis qu'être infiniment flatté de l'approbation d'un homme dont je suis fier de me reconnaître l'inférieur. Entre autres choses, pourtant, Moore, après avoir donné de fort bons avis à Lord Byron sur l'opinion publique, etc., paraît conjurer mon influence sur l'esprit du noble poète par rapport à la religion, et attribuer à mes suggestions le ton qui règne dans Caïn. Moore le garantit contre toute influence sur ce sujet avec le zèle le plus amical, et son motif naît évidemment du désir de rendre service à Lord Byron sans m'humilier. Je crois que vous connaissez Moore. Assurez-lui, je vous prie, que je n'ai pas la plus légère influence sur Lord Byron par rapport à ce sujet; – si je l'avais, je l'emploierais certainement à déraciner de sa grande ame les erreurs du christianisme, qui, en dépit de sa raison, semblent renaître perpétuellement, et restent en embuscade pour les heures de malaise et de tristesse. Caïn fut conçu par Lord Byron il y a plusieurs années, et commencé à Ravenne avant que je ne le visse. Quel bonheur n'aurais-je pas à m'attribuer la part la plus indirecte dans cette oeuvre immortelle.»

»Relativement à notre polémique religieuse, je dois tenter de me faire comprendre sur un ou deux points. En premier lieu, je ne vous identifie pas plus avec les blasphèmes de Caïn que je ne m'identifie moi-même avec les impiétés de mon Mokanna; – tout ce que je désire et implore, c'est que vous qui êtes un si puissant artisan de ces foudres, vous ne choisissiez pas les sujets qui vous mettent dans la nécessité de les lancer. En second lieu, fussiez-vous décidément athée, je ne pourrais vous blâmer, – si ce n'est peut-être pour le ton décidé qui n'est pas toujours sage; je ne pourrais qu'avoir pitié de vous, – sachant par expérience quels doutes affreux obscurcissent parfois l'avenir brillant et poétique que je suis disposé à donner au genre humain et à ses destinées. Je regarde l'ouvrage de Cuvier comme un des livres les plus désespérans par les conclusions auxquelles il peut conduire certains esprits. Mais les hommes jeunes, les hommes simples, – tous ceux dont on aimerait à conserver les coeurs dans toute leur pureté, ne se troublent guère la tête à propos de Cuvier. Et vous, vous avez incorporé Cuvier dans une poésie que tout le monde lit; et comme le vent, frappant où vous avez envie, vous portez cette froidure mortelle, mêlée avec vos suaves parfums, dans ces coeurs qui ne devraient être visités que par ces parfums seuls. C'est ce que je regrette, et ce dont je conjurerais la répétition par toute mon influence. Maintenant, me comprenez-vous!

»Quant à votre solennelle péroraison», la vérité est, mon cher Moore, etc., etc. qui ne signifie rien sinon que je donne dans la tartuferie du monde, elle prouve une triste vérité, c'est que vous et moi sommes séparés par des centaines de lieues. Si vous pouviez m'entendre exprimer mes opinions au lieu de les lire sur un froid papier, je me flatte qu'il y a encore assez d'honnêteté et de franchise dans ma physionomie pour vous rappeler que votre ami Tom Moore; – quoi qu'il puisse être d'ailleurs-n'est pas un tartufe.

FIN DU TOME DOUZIÈME