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André

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Quelquefois elle prenait un lis et l'approchait du visage d'André agenouillé devant elle. «Tu es blanc comme lui, lui disait-elle, et ton âme est suave et chaste comme son calice; tu es faible comme sa tige, et le moindre vent te courbe et te renverse. Je t'ai aimé peut-être à cause de cela; car tu étais, comme mes fleurs chéries, inoffensif, inutile et précieux.»

Quelquefois il lui arriva de se surprendre à regretter presque la vie. Le matin, quand la nature s'éveillait riante et animée, quand les oiseaux chantaient dans les arbres couverts de fleurs, quand tout semblait goûter et savourer le bonheur, alors elle éprouvait contre André une sorte de colère sourde; elle se rappelait les jours calmes et délicieux qu'elle avait passés dans sa petite chambre avant de le connaître, et elle sentait que tous ses maux dataient du jour où il lui avait parlé d'amour et de science. Elle regrettait son ignorance, et le calme de son imagination, et les tendres rêveries où elle s'endormait heureuse, alors qu'elle ne savait la raison de rien dans l'univers. Dans ces moments de tristesse, elle priait André de la laisser seule, et elle attendait, pour le rappeler, que cette disposition eût fait place à sa résignation habituelle; alors elle le traitait avec une ineffable tendresse, et, pour le récompenser de ses derniers soins, elle emporta dans la tombe le secret de quelques larmes accordées à la mémoire du passé.

Quelques jours avant sa mort, Henriette vint la voir, et lui demanda pardon, à genoux et en sanglotant, de sa conduite folle et cruelle. Geneviève la pressa contre son coeur et lui promit de prier pour elle dans le ciel.

Le dernier jour, Geneviève pria André de lui apporter plus de fleurs qu'à l'ordinaire, d'en couvrir son lit et de lui faire un bouquet et une couronne. Quand il les eut apportées, il s'aperçut qu'il y avait des tubéreuses et voulut les retirer dans la crainte que leur parfum ne lui fit mal; Geneviève le força de les lui rendre. «Donne, donne, André, lui dit-elle, tu ne sais pas quel bien j'en espère; le moment de souffrir et de mourir est venu: puissent-elles me servir de poison et m'endormir vite!» Joseph entra en ce moment; elle lui tendit la main et le fit asseoir près d'elle; elle passa son autre bras autour du cou d'André et appuya sa joue froide contre la sienne: Ils voulurent lui parler. «Taisez-vous, leur dit-elle, je pense à quelque chose, je vous répondrai plus tard.» Elle resta ainsi une demi-heure. Joseph sentit alors un léger tressaillement; il baisa la main qu'il tenait, elle était raide et froide.

«André, dit-il d'une voix étouffée, embrasse ta femme.

André embrassa Geneviève; il la regarda: elle était morte.

André fut malade pendant un an. L'infortuné n'eut pas la force de mourir. Joseph ne le quitta pas un seul jour. On les voit souvent se promener ensemble le long des traînes. André marche lentement et les yeux baissés, quelquefois il sourit d'un air étonné; son père est devenu doux et complaisant pour lui. Depuis qu'il n'a plus ni désirs ni espérances sur la terre, il n'a plus de lutte à soutenir contre ce vieillard obstiné. Henriette ne parle jamais de Geneviève sans un déluge d'éloges et de larmes sincères et bruyantes. Celui qui la regrette le plus vivement, c'est Joseph; il n'en parle jamais; il semble aussi insouciant, aussi viveur qu'autrefois; mais il y a des moments où sa figure trahit une souffrance encore plus longue et plus profonde que celle d'André.

FIN D'ANDRÉ