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Œuvres complètes de Gustave Flaubert, tome 3

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«Si je lui déplais, pensait-il, qu'elle me chasse! Si elle veut de moi, qu'elle m'encourage!»

Il dit en soupirant:

«Donc vous n'admettez pas qu'on puisse aimer… une femme?»

Mme Arnoux répliqua:

«Quand elle est à marier, on l'épouse; lorsqu'elle appartient à un autre, on s'éloigne.

– Ainsi le bonheur est impossible?

– Non! Mais on ne le trouve jamais dans le mensonge, les inquiétudes et le remords.

– Qu'importe! s'il est payé par des joies sublimes.

– L'expérience est trop coûteuse!»

Il voulut l'attaquer par l'ironie.

«La vertu ne serait donc que de la lâcheté?

– Dites de la clairvoyance, plutôt. Pour celles même qui oublieraient le devoir ou la religion, le simple bon sens peut suffire. L'égoïsme fait une base solide à la sagesse.

«Ah! quelles maximes bourgeoises vous avez!

– Mais je ne me vante pas d'être une grande dame!»

A ce moment-là, le petit garçon accourut.

«Maman, viens-tu dîner?

– Oui, tout à l'heure!»

Frédéric se leva; en même temps Marthe parut.

Il ne pouvait se résoudre à s'en aller; et, avec un regard tout plein de supplications:

«Ces femmes dont vous parlez sont donc bien insensibles?

– Non! mais sourdes quand il le faut.»

Et elle se tenait debout, sur le seuil de sa chambre, avec ses deux enfants à ses côtés. Il s'inclina sans dire un mot. Elle répondit silencieusement à son salut.

Ce qu'il éprouva d'abord, ce fut une stupéfaction infinie. Cette manière de lui faire comprendre l'inanité de son espoir l'écrasait. Il se sentait perdu comme un homme tombé au fond d'un abîme, qui sait qu'on ne le secourra pas et qu'il doit mourir.

Il marchait cependant, mais sans rien voir, au hasard; il se heurtait contre les pierres; il se trompa de chemin. Un bruit de sabots retentit près de son oreille; c'étaient les ouvriers qui sortaient de la fonderie. Alors il se reconnut.

A l'horizon, les lanternes du chemin de fer traçaient une ligne de feux. Il arriva comme un convoi partait, se laissa pousser dans un wagon et s'endormit.

Une heure après, sur les boulevards, la gaieté de Paris le soir recula tout à coup son voyage dans un passé déjà loin. Il voulut être fort, et allégea son cœur en dénigrant Mme Arnoux par des épithètes injurieuses:

«C'est une imbécile, une dinde, une brute, n'y pensons plus!»

Rentré chez lui, il trouva dans son cabinet une lettre de huit pages sur papier à glaçure bleue et initiales – R. A.

Cela commençait par des reproches amicaux:

«Que devenez-vous, mon cher? je m'ennuie.»

L'écriture était si abominable, que Frédéric allait rejeter tout le paquet quand il aperçut, en post-scriptum:

«Je compte sur vous demain pour me conduire aux courses.»

Que signifiait cette invitation? était-ce encore un tour de la Maréchale? Mais on ne se moque pas deux fois du même homme à propos de rien; et pris de curiosité, il relut la lettre attentivement.

Frédéric distingua: «Malentendu… avoir fait fausse route… désillusions… Pauvres enfants que nous sommes!.. Pareils à deux fleuves qui se rejoignent! etc.»

Ce style contrastait avec le langage ordinaire de la lorette. Quel changement était donc survenu?

Il garda longtemps les feuilles entre ses doigts. Elles sentaient l'iris; et il y avait, dans la forme des caractères et l'espacement irrégulier des lignes, comme un désordre de toilette qui le troubla.

«Pourquoi n'irais-je pas? se dit-il enfin. Mais si Mme Arnoux le savait? Ah! qu'elle le sache! Tant mieux! et qu'elle en soit jalouse! ça me vengera!»

FIN DU PREMIER VOLUME