Tasuta

Ma conversion; ou le libertin de qualité

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Märgi loetuks
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Je me campai à côté de ma charmante, qui versait de grosses larmes. – Madame, lui dis-je, le mariage où nous nous sommes engagés est un état pénible, une voie étroite, mais qui mène au bonheur; il n'est point de roses sans épines, et c'est moi, votre époux, qui doit les arracher. Le créateur nous a réunis pour que nos deux moitiés ne fissent qu'un tout. Afin de mieux consolider son ouvrage, il a fait présent à l'homme, chef de son épouse, d'une cheville… Tâtez plutôt (je lui porte la main là, et la masque retire la patte comme si elle avait bien peur). Or, cet instrument doit trouver son trou: ce trou est en vous; permettez que je le cherche et que je le bouche… Alors, d'un bras vigoureux je prends ma chrétienne; elle serre les cuisses; j'y mets un genou comme un coin, elle me fout des coups de poing par manière de résistance; enfin, elle fait semblant de se trouver mal; elle allonge les jambes, lève le cul; je frappe à la porte… Ah! foutre! Ah! sacredieu! Mort de ma vie! – Quoi donc? Comment, bourreau! Deux pieds de cornes… je suis étranglé… elle est ouverte, à deux battants encore! Ah! chienne! Ah! carogne! Et tu défendais la brèche… Foutue garce!… Je la cogne; elle m'égratigne, elle hurle, je jure en frappant toujours; la mère arrive, écumant de rage; je saute à bas du lit, et je me sauve. Mes amis, rangés en haie, me demandent, avec une maligne inquiétude, si je me trouve mal, si je veux un verre d'eau… Je veux le diable qui m'emporte loin d'ici!… Un instant après, ma belle-mère rentre, et d'un ton de sénateur: mon gendre, je sais ce que c'est. – Comment, ventredieu! je le sais bien aussi, moi, et que trop.

– Non, ce n'est rien; le premier jour de mes noces il m'en arriva autant. – Ah! la foutue famille! – Rassurez-vous, c'est une enfant qui ne sait pas ce que c'est, elle s'y fera; allez vous remettre auprès d'elle, et prenez-la par la douceur. – La rage qui m'étouffait m'avait empêché de l'interrompre, mais à cette douce invitation, je m'écrie: moi y retourner! Que le jeanfoutre qui l'a commencée la rachève… Ah! foutre! c'est une ânesse ou une jument, tant elle est large. – (Mme de L'Hermitage fronce le sourcil). Mon gendre, je comprends, c'est que vous ne pouvez pas. – Comment! foutre! madame, je ne peux pas! Eh! sacredieu! la besogne n'est pas dure, on y passerait en carrosse…

La vieille fée se fâcha; je manquai la foutre par la fenêtre, et je sortis pour jamais de ce maudit lieu.

O rage! ô désespoir! moi la terreur des maris, moi la perle des fouteurs, me voilà coiffé d'un panache à la mode… Coa, coa! en herbe!… Coa, coa! en herbe, ventre et dos, et par une guenon, une maritorne!… Où fuir? où me cacher?… Les épigrammes vont m'assassiner.

Ce n'est pas tout. Le lendemain, un homme en noir demande à me parler. Au milieu de beaucoup de révérences, il me signifie un petit papier… – Monsieur, vous vous trompez. – Non, monsieur, me dit le normand. – Mais de qui cela vient-il?

De haute et puissante Demoiselle Euterpe de L'Hermitage, votre légitime épouse. – Comment, ce coquin! foutre! si tu ne sors… Il était déjà parti, et court encore… Eh bien! la bougresse me faisait sommation de la traiter maritalement, sans quoi l'on m'annonçait bénignement que l'on demanderait séparation. Je cours chez mon procureur; je consulte, nous plaidons pendant trois mois: on me tympanise; enfin je suis contraint d'abandonner dix mille livres de rentes de mes vingt constituées, et l'on me déclare père d'un individu (quelque sapajou sans doute) dont ma bougresse était grosse; encore n'était-ce pas le premier.

Furieux, désespéré, je pars pour le pays étranger, et j'abandonne à jamais cette terre maudite où je pourrais rencontrer tant d'objets déplaisants.

Sort, foutu sort plein de rigueur! Quoi, moi, j'éprouverai tes caprices, tes bizarreries! Voilà donc le fruit de mes belles résolutions! Tous mes projets aboutiraient à la parure de Moïse! Fuyez, foutez le camp, rêves atrabilaires, songes creux de mon imagination bilieuse… Non, non, mesdames, vous ne tiendrez point mon chef dans vos cuisses maudites; jamais un con marital ne m'enverra de vapeurs cornifères. Au foutre la conversion! Mais, dans mon humeur de vengeance, je foutrai la nature entière, j'immolerai à mon priape jusqu'à des pucelages (si tant est qu'il en existe); par moi, légions de cocus peupleront les palais, les champs et les cités; j'usurperai jusqu'aux droits de notre bonne mère la sainte église. Point de fouteuse de prélat, point de monture de curé que je n'enfile sur tous les sens (pour leur conserver l'habitude) jusqu'à ce que, rendant dans les bras paternels de M. Satan mon âme célibataire, j'aille foutre les morts!