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Arago et sa vie scientifique

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Arago reconnut d'abord que la lumière qui émane sous un angle suffisamment petit de la surface d'un corps solide ou d'un liquide incandescent offre des traces évidentes de polarisation et se décompose dans le polariscope en deux faisceaux colorés. La lumière émise par une substance gazeuse enflammée est toujours, au contraire, à l'état naturel.

Or, en observant le soleil à une époque quelconque de l'année, on n'aperçoit aucune coloration au polariscope, et par conséquent Arago regarde la preuve comme certaine, et elle a été généralement admise; la substance enflammée qui dessine le contour du soleil est gazeuse; la surface tout entière l'est donc aussi, puisque chacun de ses points, par le fait de la rotation, vient successivement se placer sur les bords.

Ces travaux attirèrent vivement l'attention des physiciens et placèrent le jeune Arago au nombre des membres éminents de l'Académie. Accessible et communicatif comme il le fut toujours, il devint bien vite le conseil et le guide de tous les jeunes physiciens. Un tel rôle convenait à sa généreuse nature. Toute idée grande et juste excitait ses applaudissements, et, sans réserve comme sans arrière-pensée, il s'y associait de tout cœur.

L'illustre Fresnel, alors ingénieur des ponts et chaussées à Rennes, et complétement inconnu dans la science, vint après bien d'autres lui confier les projets et le résultat de ses réflexions solitaires, en s'enquérant de l'origine et des progrès récents de la théorie des ondulations, dont son esprit sagace pressentait le prochain triomphe.

Arago comprit immédiatement l'étendue et la portée de ses conceptions et l'importance des premières vues qui devaient être le point de départ de tant de travaux immortels. Il devint bientôt le confident et l'ami de Fresnel, et lui signalant seulement les belles dissertations de Thomas Young sur le même sujet, l'encouragea de toutes ses forces à suivre ses propres idées.

Fresnel, dans sa brillante et courte carrière, dépassa bien vite tous ses émules. Admirateur passionné des travaux de son ami, Arago redoubla pour lui de dévouement et de bonté. Après avoir assisté en quelque sorte à la conception de ses mémoires, il fut chargé par l'Académie de les examiner; non content de rendre témoignage à leur exactitude, il en proclama avec bonheur toute l'importance. Il osa même combattre l'opposition de Laplace, et sans se laisser ébranler par l'autorité d'un si grand nom, opposer à sa préférence bien connue pour le système de l'émission, des raisonnements décisifs et sans réplique. Le rapport d'Arago, modèle de méthode et de clarté, ramena les plus récalcitrants. Fresnel obtint le grand prix de mathématiques, et sa théorie, tenue désormais pour exacte et définitive, lui valut les applaudissements de tous les physiciens-géomètres.

La voix d'Arago savait se faire entendre au delà du monde académique; la réputation de Fresnel fut bientôt, grâce à lui, égale à son mérite, et l'administration des ponts et chaussées se hâta d'appeler à Paris un homme qui devait être une des gloires de notre époque. Bientôt après les portes de l'Académie s'ouvrirent pour lui à l'âge de trente-cinq ans, et il fut nommé, le 12 mai 1823, à l'unanimité des suffrages.

L'explication des premières et belles expériences d'Arago était à la fois une conséquence des travaux de Fresnel et l'un des fondements de son édifice; les deux amis, sur un tel sujet, ne pouvaient manquer de mettre leurs idées en commun. On doit à leur collaboration une des expériences qui jettent le plus de jour sur le mécanisme des ondulations lumineuses.

Thomas Young a fait connaître et expliqué le premier le phénomène si étrange des interférences de deux rayons provenant d'une même source; lorsqu'ils se rencontrent après avoir suivi des chemins différents, ils peuvent, suivant la différence de longueur des chemins qu'ils ont parcourus, s'ajouter en accroissant mutuellement leur éclat ou s'éteindre au contraire l'un par l'autre en faisant naître l'obscurité au sein même de la lumière. Les conclusions de cette expérience, très-nette et très-facile à répéter, ne laissent subsister aucun doute. Arago et Fresnel ayant eu l'idée de polariser les deux rayons dans des plans différents, ils reconnurent non sans étonnement que, quelle que soit la différence de marche, la destruction annoncée et montrée par Thomas Young cesse alors complétement. Les mouvements de l'éther ne pouvant plus, dans ce cas, se détruire même partiellement, il faut en conclure, suivant Fresnel, qu'ils n'ont pas lieu dans la même direction; l'illustre physicien osa même affirmer que les vibrations qui produisent la lumière se font perpendiculairement au rayon et dans le plan même de polarisation.

Arago n'admit pas immédiatement l'évidence d'une telle preuve, mais la belle expérience lui appartient, et c'est assez pour que son nom, attaché à celui de Fresnel, partage à jamais sa gloire.

La pile de Volta, découverte au commencement de ce siècle, avait excité la vive et légitime admiration de tous les hommes de science. Mais, après les beaux travaux de Davy, de Gay-Lussac et de Thénard, elle semblait appelée à perfectionner la chimie plus encore que la physique. Une heureuse observation vint ramener l'esprit des physiciens vers ces grands et mystérieux phénomènes. Oersted montra, en 1820, qu'un courant électrique attire ou repousse une aiguille aimantée avec une énergie dont les lois fort complexes parurent d'abord enveloppées de difficultés impénétrables. Leur recherche était un beau problème qui s'imposait aux physiciens; beaucoup se mirent à l'œuvre, Ampère seul atteignit le but. Après s'être placé à coté d'Oersted par la découverte d'un fait nouveau et important, celui de l'action mutuelle des courants, son rare et admirable génie, soutenu et guidé par une science profonde, sut en faire une œuvre d'une tout autre excellence et remonter jusqu'au principe en assignant la loi élémentaire de ces actions complexes, pour redescendre ensuite aux conséquences les plus minutieuses et les plus précises.

La théorie des aimants se trouva rattachée elle-même à celle des courants par des vues si plausibles et si belles que, sans être susceptibles de preuves rigoureuses et précises, elles entraînent, malgré leur hardiesse, une irrésistible conviction. Le mémoire d'Ampère est l'une des plus admirables productions de la science moderne, et le fondement de l'édifice le plus vaste et le plus achevé peut-être que la philosophie naturelle ait produit depuis Newton.

Toute œuvre grande et belle avait pour Arago un charme irrésistible, et aucun sentiment d'envie n'effleura jamais sa grande âme; il éleva la voix sans hésiter pour signaler et vanter cette nouvelle source de découvertes et de travaux, et toujours prêt à servir la science, prêta la main à Ampère comme il l'avait fait à Fresnel, en se montrant cette fois encore ami dévoué, admirateur judicieux et sincère, ingénieux et utile collaborateur. Sa rare habileté d'expérimentateur, la sagacité ingénieuse de son esprit et la vivacité de son imagination furent mises sans réserve et sans arrière-pensée au service de la théorie nouvelle.

C'est à Arago que l'on doit l'aimantation par les courants, origine première de la télégraphie électrique, et la découverte si curieuse et si inattendue du magnétisme en mouvement. Ces deux belles découvertes sont dues à lui seul, sans qu'Ampère y ait réclamé aucune part.

Le fer, le nickel et le cobalt sont les seuls métaux qui agissent sensiblement sur l'aiguille aimantée. Tout autre métal, le cuivre, par exemple, ne la dévie pas d'une manière sensible. Les constructeurs de boussoles croyaient donc, avec grande apparence de raison, pouvoir former avec du cuivre la boîte d'un tel instrument. Cependant une boussole à boîte de cuivre, livrée à Arago par un habile constructeur, ne répondait pas à ses espérances. Malgré la perfection de sa monture, elle se montrait extrêmement peu mobile, sans que les yeux exercés et pénétrants d'Arago y pussent découvrir le moindre défaut. Il entreprit méthodiquement une série d'épreuves, et comme beaucoup d'autres observateurs attentifs, il trouva bientôt ce qu'il ne cherchait pas. Une importante découverte récompensa son active et patiente curiosité.

L'aiguille, qui dans la boîte de cuivre semblait ne se mouvoir qu'avec difficulté, redevenait délicate et sensible lorsque, sans changer la monture, on la plaçait sur une table de bois, et redevenait de nouveau paresseuse en rentrant dans son enveloppe de cuivre. Il faut donc bien croire que le cuivre agit sur l'aiguille aimantée en mouvement. Arago n'hésita pas à l'admettre et à en conclure qu'un disque de cuivre en mouvement doit, par une conséquence nécessaire, agir sur l'aiguille en repos. Cette assertion singulière et hardie, aussitôt confirmée par l'expérience, créait une nouvelle branche de la physique, et la révélation de ce nouveau et grand secret de la nature posait le fondement des beaux travaux de Faraday sur l'induction.

Pendant que ces belles découvertes, admirées de l'Europe savante, en faisaient justement attendre de plus grandes encore, le brillant académicien, l'expérimentateur fécond et ingénieux, laissait paraître un nouveau talent qui, chez lui, n'étonna personne. Arago était un incomparable professeur, et les succès éclatants de son enseignement en firent bientôt, aux yeux des gens du monde, le représentant véritable et comme le grand prêtre de la science. À l'École polytechnique, Arago avait professé tour à tour la géométrie, la théorie des machines, l'astronomie et la physique, en s'astreignant sans sécheresse et sans vaine subtilité, à la savante et solide rigueur que le jeune auditoire peut supporter et qu'il attend de ses maîtres. Le cours d'astronomie professé à l'Observatoire au nom du bureau des longitudes, demandait des qualités bien différentes. Au lieu d'approfondir, il fallait effleurer. L'entrée était libre; et si le public, quoi qu'en ait dit Voltaire, mérite toujours d'être instruit, il rend souvent la tâche difficile à ceux qui osent l'entreprendre: les auditeurs, pour la plupart incapables d'une étude lente et profonde, voulaient sans fatigue et sans ennui occuper leurs loisirs pendant une heure ou deux. Il fallait leur mesurer en quelque sorte la vérité, sans exiger d'eux un temps qu'ils ne pouvaient donner et une patience qui leur eût bien vite échappé. L'esprit flexible d'Arago, également capable de descendre et de s'élever, savait éclairer les auditeurs les moins préparés sans cesser de satisfaire les plus doctes. C'est en se faisant toujours comprendre qu'il se faisait toujours admirer, et son enseignement, net et lumineux sans être dogmatique, en habituant les gens du monde aux grandes idées scientifiques, a puissamment contribué à leur imprimer le goût des vérités abstraites et sérieuses. Sa parole pénétrante et animée, trouvait pour les présenter des traits si naturels et si vifs, les montrait sous un jour si lumineux, proposait si nettement et si distinctement les points essentiels et fondamentaux, qu'on les voyait en quelque sorte à sa voix devenir intelligibles et sensibles à tous; évitant avec soin les locutions trop techniques qui auraient pu causer quelque embarras, il se gardait surtout de faire naître les difficultés par un trop grand soin de les prévenir; montrant cependant, avec autant de franchise que de netteté, le point délicat et le nœud de la question, il savait exciter la curiosité de ses auditeurs par la verve de son langage et l'énergie croissante de ses expressions. Sa parole, dont il aurait craint d'affaiblir la vigueur par une trop scrupuleuse correction, s'élançait, irrégulière parfois, mais toujours riche, facile et impétueuse, et, comme irritée par un obstacle, affirmait les grandes vérités de la science avec tant de force, les enchaînait avec tant d'ordre; redoublant incessament ses efforts, joignait avec tant de précision et d'abondance les affirmations les plus pressantes aux images les plus vives et aux comparaisons les plus persuasives; montrait une émotion si visible et si vraie; rassemblait tant de lumière autour des régions profondes et inaccessibles, que l'auditoire ébloui, étonné, entraîné, captivé, et enlevé à lui-même par une sorte de violence, croyait, pour quelques instants au moins, en avoir acquis l'intelligence et la claire vue. L'impression était produite sur tous, aussi durable que forte. Cette exposition, superficielle en apparence, jetait de profondes racines, et ceux qui pouvaient aller plus avant y puisaient à la fois la confiance et l'ardeur.